Contenu du sommaire : Histoire et images, pour un enseignement critique

Revue Cahiers d'histoire. Revue d'histoire critique Mir@bel
Numéro no 115, 2011
Titre du numéro Histoire et images, pour un enseignement critique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Le mot de la rédaction - Anne Jollet p. 3-8 accès libre
  • DOSSIER

    • Introduction : images, pouvoirs, information et désinformation - Hélène Latger, Jean-François Wagniart p. 11-16 accès libre
    • L'histoire1 peut-elle se faire avec des archives filmiques ? - Laurent Véray p. 17-32 accès libre avec résumé
      Les documentaires composés d'archives filmiques sont aujourd'hui nombreux. Ils constituent un genre ancien qui tente, dans le meilleur des cas, de faire dialoguer la puissance esthétique et le labeur historien. L'auteur trace un parallèle entre la méthode historique et la réalisation : exhumation d'archives, découpages, articulations et problématiques nouent un même souci discursif. Le piège d'un illusoire objectivisme des images peut être évité par une interrogation constante sur leur évidence trompeuse. En suivant les propositions de Jacques Rancière, l'auteur propose de considérer le documentaire comme une recomposition de la frontière entre fiction et réel grâce à l'instauration d'un discours analytique cohérent. L'auteur évoque ensuite, à travers son film, L'Héroïque cinématographe, une expérience personnelle de réalisation documentaire et nous livre ses réflexions – à la première personne du singulier – sur l'écriture filmique de l'histoire à base d'images d'archives. Œuvrant avec une scénariste de fiction, Agnès de Sacy, il a centré son récit sur deux opérateurs de prises de vue, un Français et un Allemand, pendant le premier conflit mondial. Cette expérience est l'occasion de rappeler l'importance des traces et des empreintes qui redonnent vie à des corps engloutis, soudain ressurgis dans l'épaisseur des images. L'auteur insiste également sur l'importance du hors champ, de l'inattendu, de l'impromptu qui strient les films comme autant d'éclairs à questionner.
    • Quand l'opinion s'affiche, une affiche fait-elle l'opinion ? - Claude Robinot p. 33-47 accès libre avec résumé
      L'affiche fait désormais partie des « allants-de-soi » pédagogiques ; elle doit cependant toujours être cadrée par un soigneux travail de contextualisation afin de ne pas la saturer de sens qu'elle n'aurait pas ou, au contraire, de sous-investir sa sémiologie jamais isolée. L'article envisage d'abord trois affiches françaises concernant la politique d'emprunt pendant le premier conflit mondial. Leur diffusion est attestée, via les autorités départementales, même s'il est toujours délicat de connaître la densité de leur implantation. Elles témoignent clairement des états de l'opinion publique. En jouant sur la dramatisation, les stéréotypes de l'ennemi ou l'imaginaire historique (l'armée de l'an II), les premières affiches invitent à une mobilisation totale des Français. L'affiche de 1917 ne peut guère exalter un héroïsme désormais noyé dans les tranchées. En revanche, le retour au foyer constitue un horizon possible. L'article évoque enfin deux affiches allemandes de la Seconde Guerre mondiale. Les premières affiches cristallisaient le sentiment diffus d'une population française craignant l'ennemi, mais culpabilisant dans le bénéfice de ses secours. La seconde affiche, la célèbre Affiche rouge, illustre le basculement d'une opinion et le contretemps de la propagande : les résistants n'ont pas été perçus comme des terroristes, mais comme des libérateurs.
    • Les hommes politiques de la voix à l'image - Romain Huret1 p. 49-62 accès libre avec résumé
      La confrontation entre Kennedy et Nixon lors de l'élection de 1960 a souvent été décrite à l'aune d'un débat télévisé ayant tourné à l'avantage du premier. L'auteur revient sur cette élection en relativisant l'impact de l'algarade médiatique. Il rappelle que Nixon est d'abord le favori et que les deux candidats ont des programmes politiques extrêmement proches (fédérés notamment par l'anticommunisme). Les styles de Nixon et Kennedy sont en revanche différents : le premier veut lisser son image et faire jouer sa maturité politique de vice-président, le second critique l'immobilisme d'une administration républicaine en place depuis huit ans. Les primaires n'ont pas été favorables à Nixon qui, faute d'adversaire, est apparu isolé. Le premier débat télévisé (sur les quatre au total) tourne à l'avantage de Kennedy : fatigué et nerveux, Nixon fait pâle figure. Mais les trois autres débats, rappelle l'auteur, sont incontestablement à son avantage. L'article détaille ensuite les campagnes des deux candidats et signale les hésitations de Nixon (sur les droits civiques), son incapacité à mettre en valeur ses propres positions, ses rapports tendus avec la presse. L'auteur rappelle enfin que l'élection fut particulièrement serrée. Finalement, si le débat de 1960 n'est pas le révélateur de la victoire finale de Kennedy, il marque toutefois l'entrée du politique dans l'ère médiatique et sa totale subordination aux normes qui s'y déploient.
    • Enseigner le terrorisme allemand des années 1970 - Christiane Kohser-Spohn p. 63-86 accès libre avec résumé
      «Je ne lance pas des bombes, je fais des films », clamait R.W. Fassbinder, membre éminent du Nouveau cinéma ouest-allemand des années 1960-1970, pour lequel les films devaient être des armes politiques. Confrontés à un état et à une mentalité collective qu'ils jugeaient encore empreints de fascisme, ces cinéastes engagés entendaient mettre à nu les continuités entre la société du miracle économique et un passé nazi refoulé. Mais cette critique radicale peina à se faire entendre dans une RFA en proie à la violence terroriste, dont le point culminant fut l'« Automne allemand » de 1977. Dès lors, l'auteur montre comment certains cinéastes, tels M. von Trotta et V. Schlöndorff, s'efforcèrent de restituer le parcours des terroristes, avec empathie mais sans complaisance, pour en comprendre les motivations et décrire l'impasse où la lutte armée les avait conduits, sans négliger de souligner la responsabilité du silence de la génération précédente et de la violence d'état face à toute contestation du consensus politique.
    • Enseigner l'histoire des « Années de plomb » italiennes par le cinéma de fiction - Gino Nocera, Jean-François Wagniart p. 87-110 accès libre avec résumé
      Faisant écho dans ce dossier aux propos de Fassbinder, les auteurs de l'article rappellent ceux du réalisateur italien Elio Petri : « On ne peut que lancer des bobines à la tête des gens, mais les lancer comme des pavés ». Même période, même révolte, plus marginale encore dans la société italienne, de quelques cinéastes. Là aussi la dénonciation de l'oppression subie par les classes populaires dans une Italie en proie au « miracle économique » s'associe à celle de l'oubli du passé fasciste. Ces cinéastes s'efforcèrent aussi de dévoiler les mécanismes de la violence terroriste qui frappa l'Italie lors des « Années de plomb », montrant un état gangrené par les milieux d'extrême droite, par la corruption et une société sans horizon politique alternatif. Travail salutaire, mais le bilan est au final assez amer face au spectacle d'une société toujours malade de ses vieux démons. Que pèsent les efforts de Francesco Rosi ou de Marco Bellochio, contempteurs scrupuleux de la réalité italienne, face à la volonté d'oubli et de refoulement ? Pourtant, leur questionnement peut fournir des sources pour mieux faire comprendre aux jeunes élèves la complexité des phénomènes de violences politiques, caractéristiques de ces années, et est indispensable à la compréhension des fonctionnements politiques et de leurs limites après les échecs des révoltes de la fin des années 1960. cinéma, film, politique, violence, terrorisme
  • CHANTIERS

    • Philippe d'Orléans, la cour et les lettres (1713-1723) - Laurent Lemarchand p. 113-146 accès libre avec résumé
      Contrairement à une idée bien établie, la Régence ne procéda à la suppression ni de l'absolutisme ni de sa politique culturelle. Philippe d'Orléans traita la crise du premier, héritage mortifère du pouvoir louisquatorzien, notamment par la réforme de la seconde. Celle-ci répondit aux exigences nouvelles de la société parisienne, surtout à la diffusion des pouvoirs et de la cour dans la ville. Des formes inédites de participation et d'expression des élites surgirent alors, ainsi avec la polysynodie ou le bal de l'Opéra, voire avec la naissance de l'opinion publique. L'ouverture du pouvoir fut aussi manifeste dans le domaine culturel, avec la promotion des « cours princières », la rénovation de la Librairie royale, l'investissement des premiers salons des Lumières et de véritables politiques des lettres et des sciences. Mais le tout se fit souvent au profit de la monarchie, participant ainsi du renforcement de l'absolutisme.
  • MÉTIERS

    • Aux sources de l'Histoire
      • Intellectuels et communisme, un terrain à revisiter par la biographie ? - Annie Burger-Roussenac p. 149-153 accès libre avec résumé
        Trois événements, une conférence-débat et deux expositions ont remis en lumière deux figures d'« intellectuels communistes » de premier plan des années 1960-1980, Antoine Vitez et René Andrieu. Ils suggèrent de chercher les acteurs individuels derrière l'acteur collectif constitué par le Parti communiste, en remettant au cœur des analyses de l'historien l'homme et les réseaux, deux dimensions pour lesquelles les témoignages et les documents sont souvent rares, mais qui, pour Vitez comme pour Andrieu, existent. Le premier travail historique à mener pourrait être celui de la biographie. Il reste à faire dans les deux cas. Ces initiatives invitent aussi, revenir sur la politique culturelle du comité central d'Argenteuil, ses prémices, ses modalités et surtout ses acteurs. Véritable moment de rupture avec les pratiques ouvriéristes très dogmatiques et avec le réalisme socialiste, ce comité central redonna aux artistes communistes leur liberté de création tout en mettant fin à la conception utilitariste de l'intellectuel qui prévalait depuis le début de la guerre froide. Il s'inscrit dans l'ensemble de l'aggiornamento, emmené par Waldeck Rochet, celui de la politique d'ouverture aux classes moyennes et d'alliance, aboutissant entre autre à la signature du programme commun de gouvernement.
  • DÉBATS

    • Situation de la connaissance du babouvisme - Stéphanie Roza p. 157-174 accès libre avec résumé
      Le présent article tente de faire le point sur l'état actuel d'avancement des connaissances concernant Babeuf. Il revient sur près de deux siècles de recherche et de débats, en essayant d'en expliciter les enjeux idéologiques successifs parfois difficiles à saisir d'un point de vue contemporain, et de faire la part du contenu scientifique par rapport aux partis-pris ou aux déformations doctrinales. Il vise à montrer en quoi ces questionnements intéressent le lecteur d'aujourd'hui et pourquoi ils doivent être poursuivis.
  • LIVRES LUS