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Revue Moussons : Recherche en Sciences Humaines sur l'Asie du Sud-Est Mir@bel
Numéro no 8, 2005
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Articles

    • Tending the Spirit's Shrine: Kanekes and Pajajaran in West Java - Robert Wessing, Bart Barendregt p. 3-26 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les gens de Kanekes, connus également sous le nom de Baduy, à Banten (Java Ouest), de par leur association historique avec l'ancien royaume soundanais de Pajajaran, se considèrent comme les gardiens du sanctuaire de cet Etat, qui confère au roi son pouvoir et son autorité. Cet article suggère que, de ce fait, ils se sont efforcés de préserver la pureté rituelle de leur territoire. Il examine diverses théories anciennes à ce sujet et les confronte à des études récentes sur les cultes de fondateurs et sur les cours javanaises et indiennes. Cette croyance des Kanekes qu'il est de leur devoir de défendre le monde – ici, le royaume de Pajajaran – les a conduits à conserver un niveau élevé de pureté culturelle, alors même que leur culture d'origine pouvait être assez similaire à celle de leurs voisins. Dans la conviction que l'ancien roi reviendra un jour et qu'alors l'Etat renaîtra de ses cendres, ils persistent à pratiquer l'ancienne coutume qui garantit l'équilibre entre l'Etat et les forces de la Nature dont l'Etat dépendait.
      This article proposes that the people of Kanekes, also known as Baduy, in Banten (West Java), viewing themselves as guardians of the shrine of state, the source of the ruler's power and authority, due to their historical relation with the ancient Sundanese court of Pajajaran, have attempted to maintain the ritual purity of their territory. Various older theories are discussed and compared with newer studies on founders' cults and Javanese and Indian courts. The Kanekes belief that their duties include the maintenance of the world — here, the kingdom of Pajajaran — has lead them to maintain a high degree of cultural purity, while their original culture may not have been all that different from that of the peoples around them. Believing that, someday, the old ruler will return and the state will arise anew, they continue to practice the old customs that assured a balance between the state and the forces of nature upon which this state depended.
    • Dossier thématique. L'enchaînement des appartenances. Être Phounoy et Laotien, Drung et Chinois, Sud-Bantenois et Indonésien, Arakanais et Birman
      - Sous la direction de Guillaume Rozenberg
      • Présentation - Guillaume Rozenberg p. 29-34 accès libre
      • Des gardiens des confins aux bâtisseurs des plaines : parcours d'une population tibéto-birmane du Nord Laos - Vanina Bouté p. 35-60 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Les déplacements de population, lorsqu'ils sont impulsés par les autorités politiques, ont souvent des effets négatifs sur les groupes concernés. Pourtant, c'est en partie grâce à de tels déplacements, forcés, puis volontaires, qu'un peuple d'essarteurs montagnards de langue tibéto-birmane de 35 000 personnes, les Phounoy, peut aujourd'hui asseoir sa position de dominance dans la province de Phongsaly, au nord du Laos. Les mouvements migratoires forcés, débutant dans les années 1960, eurent d'abord des conséquences désastreuses, tant pour ceux qui partirent que pour ceux qui demeurèrent sur place, et affectèrent la répartition démographique (montagnes désertifiées, plaines saturées, explosion des centres urbains). Leurs effets sont encore importants dans les villages de montagne, poussant les derniers résidents à partir à leur tour. Par l'étude des phénomènes migratoires, mettant au jour les contraintes pratiques et idéologiques qui se sont imposées aux Phounoy, l'article montre comment ce peuple a toutefois pu maîtriser sa migration et la transformer en élément positif. Il a ainsi retrouvé une situation privilégiée parmi les autres peuples montagnards de la région et une condition à la mesure de son désir d'intégration.
        Population displacement, when induced by political authority, often bears negatively on the people concerned. Thanks in part to such forced, and later spontaneous, displacements, however, the Phounoy, a 35,000-strong mountain minority of swiddeners speaking a Tibeto-Burman tongue, are now able to secure their dominant standing in Phongsaly province, northern Laos. Forced migrations, starting in the 1960s, at first brought about disastrous effects for those who left as well as for those who stayed put, and altered the extant demographic situation (deserted mountainous areas, saturated plains areas, booming urban centers). Sequels are still strongly felt in mountain villages, leading the remaining residents to leave, too. This article, by examining migratory phenomena, exposes the practical and ideological constraints to which the Phounoy were submitted, and shows how this people was able, nevertheless, to control its migration and turn it into a positive factor. The Phounoy could then restore their privileged situation amongst their region's other mountain peoples, as well as a status commensurate to their desire for integration.
      • Le nouveau partage du monde. Pauvreté et dépendance dans les marges du Yunnan (Chine) - Stéphane Gros p. 61-88 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Les Drung (Dulong), montagnards d'une vallée reculée du nord-ouest de la province du Yunnan, sont l'une des plus pauvres minorités de Chine. Depuis les années 1950, l'État leur octroie de multiples aides et des plans de développement sont mis en œuvre. Cette politique de redistribution et les représentations que les Drung en ont sont examinées pour appréhender des constantes dans les relations de pouvoir entre le peuple Drung et la société qui l'intègre, ainsi que la logique symbolique qui sous-tend ces relations. L'évocation de quelques principes de la culture politique drung qui apparaissent à travers leur histoire permet de saisir comment leur situation actuelle et leur perception de la politique d'aide dont ils bénéficient sont associées au principe d'une « économie du prestige » qui les engage à attendre du Parti ou de l'État la prospérité correspondant au prestige dont il est crédité. À la lumière de ce principe, leur relation apparemment enchantée à l'État peut être analysée et, de même, les implications et les effets de ce principe, et dans quelle mesure il perdure. L'aide de l'État constitue ainsi une forme nouvelle de mise en dépendance qui pourrait mener à l'éradication des valeurs drung.
        The Drung (or Dulong), a mountain people of a remote valley in northwest Yunnan, are one of China's poorest minorities. Since the 1950s, they have received much assistance from the state, and development plans have been implemented. This article focuses on this policy of redistribution and on Drung representations of it, in order to discern established patterns in the power relations between the Drung minority and the encompassing society, and the underlying symbolic logic. A brief description of some principles of Drung political culture, as they appear through history, helps to understand how the Drung's current situation and their perception of the assistance policy from which they benefit are connected to a notion of “prestige economics,” which leads them to expect from the Party or the state a prosperity commensurate to the prestige that these agencies are credited with. The light shed by this notion allows for an analysis of the Drung's seemingly enchanted relation with the state, and of the corollaries and consequences of this notion, and to what extent it endures. The state's assistance then amounts for the Drung to a new form of dependence that can eventually lead to the loss of Drung values.
      • Urang Banten Kidul (gens de Banten Sud) : entre autorité coutumière et souveraineté nationale en Indonésie - Éric Bourderie p. 89-116 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Les « gens de Banten Sud », riziculteurs montagnards sundanais de Banten Kidul, dans l'angle sud-ouest de Java, forment une société locale en réseau avec un centre reconnu et s'identifient dans une tradition incarnée par un personnage hors du commun, le Sesepuh, désigné comme le dépositaire d'une autorité coutumière héritée d'une lignée d'ancêtres, premiers défricheurs des terres aujourd'hui exploitées et régulateurs de l'ordre socio-cosmique. L'institution kasepuhan qu'il représente remplit une fonction déterminante en définissant et en préservant une frontière symbolique entre la réalité interne propre au monde de Banten Sud et les exigences allogènes d'une société globale à laquelle ce monde s'estime cependant intégré. Ainsi, l'appartenance à la nation indonésienne est reconnue au travers des diverses modalités pratiques de la présence de l'État au niveau local. Entre autorité coutumière et souveraineté nationale, c'est à l'expression de pouvoirs de différentes natures que sont confrontés les paysans de Banten Kidul. Cet article, en s'intéressant au pouvoir et à sa légitimité, examine le rôle et le devenir du Sesepuh, qui constitue une charnière à la croisée des références communautaires, locales et nationales.
        The “People of South Banten,” Sundanese hill rice farmers of Banten Kidul, in Java's southwestern corner, are a local society forming a grid with an acknowledged center, and focusing its identity on a tradition embodied by an extraordinary personality, the Sesepuh, the designated recipient of a customary authority inherited from a line of ancestors, the first settlers on the lands now exploited and the regulators of the socio-cosmic order. The kasepuhan institution that he represents plays a crucial role in defining and maintaining a symbolic boundary between the internal reality specific to the South Banten world and the exogenous demands of the global society of which this world, nevertheless, views itself as part and parcel. Thus, integration to the Indonesian nation is acknowledged through the various practical modes of state representation at the local level. Between customary authority and national sovereignty, the farmers of Banten Kidul are facing the manifestations of two powers of differing natures. Focusing on power and its legitimacy, this article examines the role and future of the Sesepuh, standing as a bridge at the junction of community, local, and national references.
      • L'expression du particularisme arakanais dans la Birmanie contemporaine - Alexandra de Mersan p. 117-141 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
        Dans l'Arakan, ancien royaume bouddhique indépendant et l'un des sept États de la Birmanie actuelle, la ville de Mrauk U, capitale de la dernière dynastie arakanaise (1430-1785), a connu sous l'impulsion du régime militaire au pouvoir depuis 1988 de notables transformations, liées à des politiques nationales de promotion du bouddhisme et du tourisme. La mise en valeur d'un patrimoine historique, se référant à l'ancienne royauté bouddhique arakanaise et symbolisé par Mrauk U, par une élite locale appuyée par des Arakanais urbains aisés, induit l'émergence d'un sentiment d'« arakanité », que cet article appréhende à travers la production artistique et littéraire contemporaine. Dans le contexte actuel, seul le thème d'une civilisation bouddhique arakanaise permet aux Arakanais d'exprimer leur spécificité au sein de la nation birmane, la crainte de la répression étouffant toute autre expression. La revitalisation de la culture arakanaise à travers son histoire ancienne s'effectue cependant au détriment d'autres groupes de l'Arakan, notamment les musulmans, dont la présence et les relations anciennes avec les bouddhistes sont niées ou minimisées, et pourrait conduire à une « ethnicisation » d'une société locale originale.
        In Arakan, an ancient independent Buddhist kingdom and one of the seven states of modern Burma, the town of Mrauk U, the capital city of the last Arakanese dynasty (1430-1785), has undergone important changes under the military regime in power since 1988, in connection with national policies promoting Buddhism and tourism. The development of Arakan's historical heritage, focused on the old Buddhist kingship and symbolized by Mrauk U, by a local elite supported by wealthy urban Arakanese, has recently triggered the emergence of a feeling of “Arakaneseness,” which this article attempts to grasp through contemporary artistic and literary productions. In today's political context, it is only through the theme of an Arakanese Buddhist civilization that the Arakanese can express their specificity in the midst of the Burman nation, with fear of repression stifling any other expression. This revival of Arakanese culture through its ancient history, however, appears detrimental to other groups in Arakan, especially the Moslems, whose long-standing local residence and relations with Buddhists are now negated or downplayed, which could lead to the “ethnicization” of an original local society.
  • Articles de comptes rendus

  • Note

    • Les missionnaires et la botanique : l'exemple du père Urbain Faurie en Extrême-Orient - Chantal Zheng, Zheng Shun-de p. 181-189 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au cours de leurs voyages d'évangélisation, les missionnaires occidentaux ont contribué au développement de la science botanique en faisant connaître au monde des plantes jusqu'alors inconnues. L'exemple du père Faurie, des Missions étrangères de Paris, montre que la vocation religieuse pouvait, en effet, aller de pair avec une activité scientifique.
      In the course of their evangelization travels, Western missionaries contributed to the advancement of botany by introducing to the wider world scores of hitherto unknown plant species. The case of Father Faurie of the Missions étrangères de Paris demonstrates that a religious calling was not at all incompatible with serious scientific pursuits.