Contenu du sommaire : Variations
Revue | Clio : Histoires, femmes et société |
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Numéro | no 24, 2006 |
Titre du numéro | Variations |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Avant-propos - Luc Capdevila p. 5-8
- En toutes lettres - Sophie MANO p. 9-25 Les Romains écrivaient sur les murs de leurs cités sous bien des prétextes : pour tenir leurs comptes, annoncer les prix pratiqués dans les boutiques, exprimer leurs amours et leurs haines ou laisser un souvenir de leur passage. L'alphabétisation de la population romaine, et par conséquent des femmes, fait débat depuis plusieurs années. De nombreux éléments relevés dans les villes de Campanie, graffiti, fresques, notices électorales témoignent d'une diffusion certaine des pratiques de l'écriture et de la lecture, même dans les classes modestes de la société féminine. De cette pratique familière est née une activité artistique et poétique assez intense chez les femmes des classes aisées et revendiquée par celles-ci.The Romans wrote on the walls of their cities for many reasons: for their book-keeping, to announce the prices charged in their shops, to express their loves and hatreds or to leave a souvenir of their presence. The problem of the Roman population's literacy, and consequently that of Roman women, has been debated for years. Discoveries in the towns of Campany, such as graffiti, election-inscriptions, and frescoes, show an important diffusion of writing and reading skills, even among low-class Roman women. These everyday practices encouraged the emergence among upper-class Roman women of an intense artistic and poetic activity that these women did not hesitate to claim.
- La réforme du mariage dans la communauté anabaptiste de Münster : quelle utopie ? - Catherine DEJEUMONT p. 27-57 La ville de Münster, en Westphalie, abrita en 1534-35 une communauté anabaptiste dont on ne connaît souvent que certains traits : son écrasement par les forces « de la réaction », sa réforme du mariage qui défraya la chronique ou la prépondérance des femmes dans sa population…, parfois associés dans l'image d'une société révolutionnaire, libertaire, dans lesquelles les femmes avaient un grand rôle – qu'en est-il de ces idées reçues ? Après un bref rappel de ce qu'est l'anabaptisme et de ce que fut cet épisode dans l'histoire de la Réforme, l'auteur analyse le texte justifiant l'instauration de la polygamie, ainsi que son traitement par l'historiographie et tente par ce biais de rétablir les faits dans leur contexte.In 1534-35, the city of Münster in Westphalia was ruled by Anabaptists. For later generations, this episode has often been reduced to a few aspects, e.g. their defeat by the “forces of reaction', their scandalous reform of marriage, or the large proportion of women in the community. These are often combined to create the image of a revolutionary and ‘women-friendly' community. After a brief survey of the history of Anabaptism and a brief presentation of the changes which occurred in Münster, the author analyses the text which justified the practice of polygamy, as well as the historiographical treatment of these events, and thus tries to situate the events in their context.
- Questions de mot. Le « viol » au XVIe siècle, un crime contre les femmes ? - Stéphanie GAUDILLAT CAUTELA Qu'est ce que le « viol » au XVIe siècle ? Le terme existe-il ? Est-ce alors un crime ? Lequel ? Et contre qui ? Ces questions a priori naïves soulèvent pourtant d'importants problèmes relatifs à l'histoire des violences sexuelles : celui de la dénomination de ces violences, aucun terme spécifique ne permettant alors de les désigner, et celui de leur qualification relativement ambiguë pour le XVIe siècle. L'étude croisée de sources normatives, narratives et judiciaires, permet en effet de constater que le « viol » ne constitue pas encore une catégorie juridico-médicale parfaitement définie mais une circonstance aggravante du rapt et de l'adultère, crimes relevant du contrôle des rapports de sexes. La mise en lumière des enjeux socioculturels à l'œuvre dans la qualification des violences sexuelles devrait permettre de comprendre comment une agression sexuelle contre une femme devient, pour la société d'Ancien Régime, un crime contre un homme.What was “rape” in the sixteenth century? Did the term exist? Was it a crime? What was the crime? Against whom was it committed? These apparently naive questions raise important problems regarding the history of sexual violence, notably the problem of identifying this violence, given the absence in the sixteenth century of a specific term and the problem of its ambiguous designation. Our study of normative, narrative and judicial sources shows that “rape” did not at the time constitute a clearly defined legal-medical category but rather an aggravating circumstance of abduction and adultery, both crimes pertaining to the control of gender relationships. By shedding light on the socio-cultural stakes involved in the designation of sexual violence, the article seeks to understand how a sexual aggression perpetrated against a woman could become in Old Regime society a crime against a man.
- La construction de l'identité catholique des jeunes filles dans un diocèse de frontière au XVIIIe siècle - Luc ORESKOVIC p. 75-100 Au XVIIIe siècle, en Croatie habsbourgeoise, dans une région de frontière avec l'islam et l'orthodoxie, la jeune fille catholique est l'objet d'une attention particulière. À cet égard, l'instruction confessionnelle qui lui est dispensée dans le diocèse de Senj-Modruš se double d'une protection exercée par le clergé envers les menaces de prosélytisme. La surveillance des mœurs, une méfiance envers les relations interconfessionnelles, la répression des transgressions et la diffusion d'un modèle vertueux par l'iconographie chrétienne permettent de circonscrire l'individu. Ces contraintes sociales confortent l'identité catholique : une norme s'impose à l'idéal féminin. Un trait original de l'histoire des mentalités apparaît ainsi dans une société où des influences diverses se recoupent ou se repoussent.During the XVIIIth century, in the frontier region between Islam and orthodoxy constituted by Habsburg's Croatia, the Catholic girl was the object of specific attention. As a result, the confessional instruction offered in the diocese of Senj-Modruš was coupled by the clergy's vigilance against the threats of proselytism. This vigilance, which sought to control the individual, took the form of the surveillance of morals, suspicion toward interconfessional relations, the repression of transgressive behavior and the diffusion of a virtuous model through Christian iconography. These social constraints consolidated Catholic identity and imposed a normative feminine ideal. This analysis illustrates an unusual feature of the history of mentalities in a society where diverse influences competed against each other.
- Peintres & modèles (France, XIXe siècle) - Danièle Poublan p. 101-124 le thème littéraire du peintre et de son modèle (une femme désirée sous le regard d'un artiste masculin) est revisité ici pour le XIXe siècle, à partir des écrits personnels de Delacroix, Renoir, Morisot et Bashkirtseff. Comment, dans sa vie et dans son atelier, chacun vit-il la confrontation avec l'autre sexe ? L'acte de peindre transcende les rapports ordinaires entre hommes et femmes, mais les règles sociales imposent des comportements différents selon les sexes. Qu'il s'agisse de la reconnaissance publique, de la pratique d'un métier ou des formes d'expression de la sensualité picturale, les voies ouvertes aux unes et aux autres ne sont pas semblables.This articles reexamines for the XIXth century the literary theme of the painter and his model (a desired woman watched by a male artist), drawing on the private writings of Delacroix, Renoir, Morisot and Bashkirseff. How was each of them, in his/her life and in his/her studio, involved with the other sex? The act of painting transcended the ordinary relations between men and women, but social rules imposed different behaviour according to the sex. The possibilities open to each were not the same, whether with regard to public recognition, the practice of one's craft or the forms of sensual expression in painting.
- Sur les Boulevards : Les représentations de Jeanne d'Arc dans le théâtre populaire - Venita Datta p. 125-147 Dans cet article, nous nous proposons d'examiner la représentation de Jeanne d'Arc au théâtre de boulevard, à partir des deux pièces de la fin de siècle les plus connues sur le sujet: « Jeanne d'Arc » : l'une de Jules Barbier (avec une musique de Gounod, montée en 1890 au Théâtre de la Porte-Saint-Martin, avec Sarah Bernhardt dans le rôle de Jeanne), l'autre étant « Le Procès de Jeanne d'Arc » d'Émile Moreau (représentée au Théâtre Sarah-Bernhardt en 1909, Sarah Bernhardt incarnant une nouvelle fois la Pucelle). Grâce à son talent, Sarah Bernhardt contribue à la fois à la commercialisation de la légende johannique et à favoriser un certain consensus autour de Jeanne. À travers ces deux pièces, les auteurs républicains et leur célèbre collaboratrice tentent de créer une image de Jeanne, « la sainte patriotique », image « au-delà de la politique », qui puisse être associée à la République aussi bien qu'à l'Église catholique. Mais le consensus autour de Jeanne est fragile. Sous l'unité de surface, apparaissent une série de querelles, non seulement sur la politique et l'identité nationale, mais aussi sur le genre, la culture de masse, le théâtre, et sur Sarah Bernhardt elle-même.This article examines representations of Joan of Arc in the boulevard theater, focusing on two of the best-known productions of the fin de siècle: Jules Barbier's “Jeanne d'Arc,” with music by Gounod, performed in 1890 at the Théâtre de la Porte-Saint-Martin, with Sarah Bernhardt in the title role; and “Le Procès de Jeanne d'Arc,” by Emile Moreau, staged at the Théâtre Sarah-Bernhardt in 1909, with Bernhardt again playing the lead. The fact that Bernhardt incarnated Joan of Arc contributed both to the commercialization of the Joan of Arc cult and to a certain consensus around Joan as she was played by the actress. The staging of these two plays represented an attempt by republican authors and their famous actress collaborator to create an image of Joan, the “patriotic saint,” “above politics,” one that could be reconciled with both the Third Republic and the Catholic Church. But the consensual image of Joan did not come easily. Moreover, just below the surface of unity lay contentious issues, not only about politics and national identity, but also about gender, mass culture, the theater, and indeed, Bernhardt herself.
- « J'avais tant besoin d'être aimée... par correspondance » : les discours de l'amour dans la correspondance de Léonie Léon et Léon Gambetta, 1872-1882 - Susan FOLEY De 1872 à sa mort à la fin de 1882, Léon Gambetta et son amante Léonie Léon ont échangé quelque 6 000 lettres, dont presque 1 100 ont été conservées. En raison de l'importance politique de Gambetta, l'un des pères fondateurs de la Troisième République, cette correspondance constitue une source exceptionnelle sur les luttes des républicains pour établir une véritable République. Il s'agit en outre d'une correspondance romantique parmi les plus belles du XIXe siècle. À travers leurs lettres, Léonie Léon et Léon Gambetta se montrent des amoureux profondément ancrés dans les pratiques culturelles de leur époque, pratiques marquées à la fois par des conventions littéraires et des conventions de rapport social de sexe. Ces lettres, étudiées à la lumière des théories d'épistolarité, nous démontrent les richesses d'un discours d'amour façonné par un désir autant politique que personnel.Between 1872 and his death at the end of 1882, Léon Gambetta exchanged some 6,000 letters with his lover, Léonie Léon. More than a thousand of these letters have survived. Given the political importance of Gambetta, this correspondence represents an exceptional source for studying the republican struggle to establish a true Republic. It is also one of the most beautiful romantic correspondences of the nineteenth century. In their letters, Léonie Léon and Léon Gambetta emerge as lovers deeply embedded in the cultural practices of their day, practices marked simultaneously by literary and gender conventions. Studied in the light of theories of epistolarity, these letters reveal the richness of a romantic discourse fashioned by desire that was simultaneously political and personal.
- La politique, « cet élément dans lequel j'aurais voulu vivre » : l'exclusion des femmes est-elle inhérente au républicanisme de la Troisième République ?1 - Charles SOWERWINE p. 171-194 Cet article explique la persistance de l'exclusion des femmes dans la Troisième République en étendant l'argument de Carole Pateman et de Geneviève Fraisse, suivant lequel cette exclusion est inhérente au projet républicain. L'article se fonde sur : 1) l'absence de revendication de suffrage féminin durant les années 1870, en considérant surtout l'échec de la campagne suffragiste de 1872 mise en œuvre par Léon Richer et Maria Deraismes ; 2) la persistance chez les républicains du modèle familial, dérivé de Rousseau ; 3) le caractère de l'illégitimité présumée de la participation féminine, en considérant l'idée des égéries à cette époque ; enfin, la nature de la liaison entre Léonie Léon et Gambetta telle que leurs lettres nous la révèlent, pour démontrer qu'il s'agissait d'une relation foncièrement politique néanmoins limitée par l'ordre sexuel de l'époque, car l'exclusion politique de la femme restait inhérente à la mentalité républicaine.This article explores the persistence of women's exclusion during the Third Republic by extending Carole Pateman's and Geneviève Fraisse's argument that this exclusion was inherent in the republican project. The article is based on : 1) the absence of demand for female suffrage during the 1870s, considering especially the failed suffragist campaign of 1872 undertaken by Léon Richer and Maria Deraismes ; 2) the persistence among republicans of the familial model derived from Rousseau ; and, 3) the nature of the presumed illegitimacy of female participation in the polity, by considering the contemporary perception of égéries. The articles explores the nature of the liaison between Léonie Léon and Léon Gambetta as revealed by their correspondence to demonstrate that this fundamentally political relation was nonetheless limited by the gender order of the day; the political exclusion of women remained fundamental in the republican mentality.
- Du caritatif au politique, l'itinéraire de Jeanne Koehler-Lumière - Bernadette ANGLERAUD L'itinéraire de Jeanne Kœhler-Lumière l'a conduite de la philanthropie à la collaboration avec les pouvoirs publics pour la réalisation d'une politique sociale à Lyon après la Première Guerre mondiale. Fille et sœur d'industriels, elle participe aux œuvres mises en place pour le personnel de l'usine familiale, puis élargit son action en faveur de l'enfance à l'échelle de la ville. Cependant, l'ancrage de la famille Lumière dans le camp de la République laïque isole Jeanne Kœhler-Lumière des milieux traditionnels de la philanthropie conservatrice et catholique. La guerre constitue un tournant durant lequel elle s'engage dans les services de santé, travaillant avec des sommités du monde médical lyonnais. Son expérience et sa notabilité lui valent dans les années 1920 d'être sollicitée par la municipalité radicale en quête de compétences pour impulser une politique sociale. Dame d'œuvres puis ambassadrice du social, Jeanne Kœhler-Lumière illustre une forme originale de participation des femmes à la vie politique.Jeanne Kœhler-Lumière's journey took her from philanthropy to collaboration with public authorities as she contributed to the elaboration of social policy after World War I. As the daughter and sister of industrialists, she participated in the charities set up for the personnel at the family factory and then extended her work on behalf of children to the municipal level. However, the Lumière family's strong identification with the secular republicans isolated Jeanne Kœhler-Lumière from the traditional conservative and Catholic philanthropic circles. The war constituted a turning point during which she became involved in health services, working with the leading experts of Lyon's medical community. Her experience and her respectability became valuable in the 1920s when she was called upon by the radical city council looking for skilled individuals to establish new social policies. Jeanne Kœhler-Lumière's itinerary from a Lady of charity to an ambassadress for social services illustrates a new kind of participation of women in political life.
- Marie Curie, une intellectuelle engagée ? - Michel PINAULT p. 211-229 Marie Curie, une intellectuelle engagée ? Comment Marie Curie qui est connue pour avoir été une personnalité publique marquante de son temps avant de passer au rang de mythe, considéra-t-elle les questions de la responsabilité sociale des intellectuels ? D'un côté, elle renonce - après examen - à toutes les formes d'engagement collectif et partisan y compris pour des causes qui lui sont chères - le progrès social, la paix, les droits des femmes, l'abolition de la peine de mort -, de l'autre elle se révèle une militante déterminée en faveur des recherches scientifiques et de la coopération intellectuelle internationale. Alors qu'elle refuse de descendre dans l'arène, de s'exprimer dans la presse, ses « positions » politiques ou éthiques sont suffisamment connues pour qu'on finisse par l'identifier, au moins en partie, avec ces combats pour lesquels elle ne se mobilise pas, au point que sa vie elle-même devient l'enjeu de batailles qui la dépassent. Il s'agit bien, en fait, d'une vie politique, largement construite et maîtrisée par son actrice, recomposant et modelant pour longtemps la figure du savant contemporain aussi bien que celle de la femme moderne. Faut-il alors encore parler de mythe ?Marie Curie, a committed woman intellectual? How did Marie Curie - known as one of the outstanding public persons of her time, before turning into a proper myth - consider the issue of intellectuals' social responsibility ? On the one hand, she deliberately gave up all kinds of collective and party commitments, including the causes she held dear : social progress, peace, women' s rights, the abolition of the death penalty ; on the other hand, she was a determined activist in favour of scientific research and international intellectual cooperation. While she refused to enter the fray, or to express herself in the press, her political or ethical "stances" were so well-known that she came to be identified - at least to some extent - with struggles she did not take part in. In the end, she became the symbol of battles beyond her person. Hers was indeed a political life, which she built and mastered, reshaping the figure of the contemporary scientist as well as the modern woman. Can one go on speaking of a myth ?
- Entre ombres et lumières, le parcours singulier d'une féministe pacifiste, Jeanne Mélin (1877-1964) - Isabelle VAHÉ L'intérêt de ma thèse est d'étudier les relations entre le féminisme et le pacifisme en France au XXe siècle, sous l'angle de la biographie de Jeanne Mélin (1877-1964), pacifiste, féministe, écrivaine. Le sens de cette recherche est de souligner l'ambiguïté de la mise en perspective par Jeanne Mélin du féminisme et du pacifisme, d'étudier son appropriation des concepts d'identité féminine, de masculinité et de différence des sexes. Selon elle, le droit de vote féminin est avant tout le sésame de la paix. Contrairement à d'autres féministes, son engagement pacifiste n'est pas une stratégie de reconnaissance politique. D'un pacifisme modéré, avant 1914, elle évolue vers le pacifisme intégral la sclérosant en 1940. C'est aussi une autodidacte auteure de romans, voyageant en Europe pour la paix et le suffrage féminin, soutenant le vote intégral en 1915, favorable au contrôle des naissances, candidate au nom de la parité à la Présidence de la République en 1947, militante de l'abolition du salariat et du partage des richesses.This research explores the relationship between feminism and pacifism in XXth-century France through the biography of Jeanne Mélin (1877-1964), pacifist, feminist and writer. The aim is to underline the ambiguity of the angle with which she viewed feminism and pacifism and to explore her understanding of such concepts as feminine identity, masculinity and the difference between the sexes. In her view, women's right to vote constituted an “open sesame” to peace. In opposition to other feminists, her pacifist engagement was not a strategy of political recognition. From a position of moderate pacifism before 1914, she evolved towards an absolute and rigid pacifism in 1940. She was also a self-taught author of novels, travelled widely in Europe on behalf of pacifist and feminist causes, supported universal suffrage in 1915 as well as birth control, and, in 1947, stood as candidate for the Presidency of the Republic in the name of parity of the sexes, campaigning for the abolition of wages and the sharing of all wealth.
- Le magazine Ah ! Nana : une épopée féministe dans un monde d'hommes ? - Virginie TALET p. 251-272 Ah ! Nana est un journal de bande dessinée publié entre 1976 et 1978. Adapté d'un magazine apparu aux USA en 1970, le Wimmen's comix, sa spécificité est d'être réalisé par des femmes et de viser un lectorat féminin. C'est pourquoi il représente une aventure pionnière dans le monde de la bande dessinée française. Son contenu reflète les préoccupations féministes de son temps, pour aborder des sujets les plus délicats comme les plus tabous de la société de la fin des années 1970, parmi lesquels la sexualité féminine, l'inceste ou les différentes violences subies par les femmes. Des dossiers consacrés à une thématique particulière sont appuyés par une mise en image sans détours, crue et parfois cruelle. Il en faut beaucoup pour bouleverser les mentalités. Les femmes d'Ah ! Nana en ont-elles trop fait ? En tout cas ce projet était trop original pour survivre à cette époque. Il est un échec commercial que le poids de la censure condamne définitivement. Mais il reste une tentative, jusqu'ici jamais reconduite en France, de permettre aux femmes de s'exprimer dans la bande dessinée et il rend compte de leurs difficultés à être publiées.Ah! Nana was a comic strip magazine published between 1976 and 1978. It was adapted from the magazine Wimmen's comix which appeared in the US in the 1970's. Ah! Nana was produced entirely by women and was meant to be read by women, as such it stands as a pioneer in the world of French comics. Its' content reflected feminist concerns of its time and dealt with an array of highly sensitive and taboo topics for the late 1970's, such as incest and violence against women. Reports on particular themes were enhanced by a straightforward layout with raw and sometimes cruel images. It takes a great deal to change mentalities dramatically, however. Did Ah! Nana's women go too far? At any rate, this project emerged too early and was too unusual to survive. It was a commercial failure which censorship ultimately condemned. Still, Ah! Nana – a project which so far has never been renewed in France – offered the possibility for women to express themselves in comics and its existence illustrates their difficulties in being published.
- De la tradition française au droit à la vérité de la biographie – ou du recours à l'histoire dans les débats parlementaires sur l'accouchement dit sous X - Nadine LEFAUCHEUR Trois lois ont, entre 1993 et 2002, codifié le dispositif français dit de « l'accouchement sous X », qui autorise une femme à accoucher gratuitement dans une maternité sans révéler son identité. La première a durci ce dispositif en l'insérant dans le code civil, la seconde a tenté de l'assouplir et la dernière a créé un organisme chargé de faciliter, pour les personnes nées « sous X », l'accès à la connaissance de leurs origines. Dans les débats parlementaires qui ont précédé l'adoption de ces lois, l'histoire a largement été utilisée comme argument, mais on est passé de l'histoire nationale à l'histoire personnelle, et de la « tradition française » justifiant le maintien du secret de l'accouchement, au droit à la vérité de la biographie légitimant la possibilité de la réversibilité du secret.From 1993 to 2002, three laws codified the right that allows women in France to give birth without paying or revealing their identity, a right usually called accouchement sous X. The first law inserted this system in the civil code, the second one tried to render the measure more flexible, while the last law created a council that is in charge of making it easier for persons “born under X” to learn their birthparents' identity. During the parliamentary debates, history was frequently marshalled as an argument. But, in the course of the debates, the reference moved from national to personal history, from a “French tradition” that justifies the preservation of accouchement sous X, to a right of biographical truth that legitimizes the possibility to reverse the secrecy of birth.
- Le gender est-il une invention américaine ?* - Karen Offen p. 291-304 Certaines ont affirmé que le concept de gender était une invention américaine, intraduisible par le mot français « genre ». Pourtant, au-delà des distinctions grammaticales, il existe depuis longtemps - bien avant Beauvoir, Oakley, et l'usage postmoderniste construit par Joan Scott et Judith Butler - un usage français du terme « genre », qui spécifie dans le vocabulaire sociopolitique - notamment féministe - la construction sociale et culturelle des sexes. L'objet de cet article est d'en rétablir les trajectoires historiques et de contribuer peut-être à balayer les dernières réticences manifestées en France à son égard.In France it has become customary to insist that the concept of gender is an American invention, untranslatable by the French word « genre ». However, above and beyond the question of grammatical gender, this concept connoting the sociopolitical and cultural construction of the sexes does exist in French – and has been used as such for several centuries before Beauvoir, Oakley, and the postmodern twist it has acquired from Joan Scott and Judith Butler. The objective of this article is to reestablish the historical trajectory of « genre » used in this sense and hopefully contribute to sweeping away the remaining resistance to reclaiming this term in France.
Témoignage
- Rencontre avec l'histoire des femmes et du féminisme : itinéraires de Japonaises francophiles - Groupe Histoire des femmes En 1983, un groupe de femmes japonaises francophiles, très intéressées par le féminisme français et les changements rapides de la vie des femmes en France depuis les années 1970, créent la Société Franco-japonaise des Études sur les Femmes. Le but est de promouvoir une meilleure compréhension entre les deux cultures et de développer des liens avec les Françaises sur un grand nombre de questions féminines. Le projet se révéla vite être un succès. Parmi les études entreprises par la Société, l'analyse comparée de l'histoire des Françaises et des Japonaises, domaine très peu exploré alors, a suscité un vif intérêt chez les participantes. Cet article revient sur vingt années de réflexion, de recherche, et d'échange par un groupe d'historiennes non-professionnelles sur les relations entre histoire et expériences de vie personnelles. Il nous montre comment l'étude de l'histoire des femmes dans un contexte international peut être fructueuse et bénéfique, et combien une libre discussion collective, sans tabous, sur ce sujet peut éveiller ou approfondir la conscience féministe.In 1983, a group of francophile Japanese women, very interested in French feminism and in the rapid changes of French society since the 1970s, established the Franco-Japanese Society for Women's Studies. The group sought to promote a better understanding between the two cultures and to develop ties with French women on a number of feminine issues. The project encountered rapid success. Among the studies undertaken by the group was a comparative analysis of French and Japanese women's history, a little explored field whose results generated considerable interest among the members. This article analyzes twenty years of reflection, research and exchange by a group of non-professional historians about the interconnections between history and personal life experiences. It reveals how studying women's history in an international context can be fruitful and rewarding, and how the open discussion of these matters together can create or deepen feminist consciousness.
- Rencontre avec l'histoire des femmes et du féminisme : itinéraires de Japonaises francophiles - Groupe Histoire des femmes
CLIO a lu
- Sylvain PIRON (traduites et présentées par), Lettres des deux amants attribuées à Héloïse et Abélard, Paris, Gallimard, NRF, 2005, 219 pages ; Guy LOBRICHON, Héloïse, l'amour et le savoir, Paris, Gallimard, Bibliothèque des - Sophie Cassagnes-Brouquet p. 319-348
- Madame de STAËL, Réflexions sur le procès de la reine, présenté et annoté par Monique Cottret, Paris, Les Éditions de Paris, 2006, 126 pages. - Dominique Godineau p. 319-348
- Michèle BITTON, Poétesses et lettrées juives. Une mémoire éclipsée, Paris, Publisud, 1999, 222 pages ; - Présences féminines juives en France. XIXe-XXe siècles. Cent iti - Joëlle ALLOUCHE-BENAYOUN
- Chantal BERTRAND-JENNINGS, Un Autre mal du siècle. Le romantisme des romancières 1800-1846, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, 2005, 166 pages. - Deborah GUTERMANN p. 319-348
- Caroline FORD, Divided Houses : Religion and Gender in Modern France, Ithaca, Cornell University Press, 2005, 170 pages. - Rebecca Rogers p. 319-348
- Anne-Françoise PRAZ, De l'enfant utile à l'enfant précieux, Lausanne, Antipodes, « Histoire », 2005, 652 pages. - Martine CHAPONNIÈRE p. 319-348
- Jacques GIRAULT, 1936. Au devant du bonheur. Les Français et le Front populaire, Paris, CIDE, 2006, 192 pages. - Michelle Zancarini-Fournel p. 319-348
- Insa MEINEN, Wehrmacht et prostitution sous l'Occupation (1940-1945), Paris, Payot, 2006, 383 pages (traduit de l'allemand par Beate Husser). - Marc Bergère p. 319-348
- Corinne BOUILLOT, Paul PASTEUR (textes réunis par), Femmes, féminismes et socialismes dans l'espace germanophone après 1945, Paris, Belin, 2005, 240 pages. - Jacqueline Sainclivier p. 319-348
- Anne HUGON (dir.), Histoire des femmes en situation coloniale. Afrique et Asie, XXe siècle, Paris, Khartala, 2004, 240 pages. - Christelle Taraud p. 319-348
- Arlette FARGE, Quel bruit ferons nous ? Entretiens avec Jean-Christophe Marti, Paris, Les prairies ordinaires, collection « contrepoints », 2005, 219 pages. - Capucine Boidin p. 319-348
- Christine MENNESSON, Être une femme dans le monde des hommes. Socialisation sportive et construction du genre, Paris, L'Harmattan, 2005, 365 pages. - Laurence Prudhomme-Poncet p. 319-348