Contenu du sommaire : Nouveaux enjeux, nouvelles approches
Revue | L'Espace Politique |
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Numéro | no 1, janvier 2007 |
Titre du numéro | Nouveaux enjeux, nouvelles approches |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Comprendre l'espace politique - Stéphane Rosière
- Pour une géographie de la démocratie - Michel Bussi La géographie politique a longtemps été présentée comme une science des rapports de force et de la maîtrise stratégique des territoires. De ce fait, elle a négligé les logiques de pouvoirs individuelles locales ou ascendantes. Aujourd'hui, une partie importante des rapports de pouvoirs territoriaux se joue à travers des enjeux de coopérations, dans une perspective démocratique qui s'universalise. Cette géographie de la démocratie s'intéresse non seulement aux résultats électoraux, mais également aux conditions d'émergence de la coopération territoriale (théorie des jeux, modélisation individucentrée...) et donc plus globalement du contrat social.The field of the geography of power is no more reduced to the study of conflicts because power relationships take more various forms, that is to say negotiations, cooperation and so on. The control upon space no more exclusively belongs to those who are able to conquer new territories or to defend themselves. It belongs more and more to those who are able to associate, in order to reach common goals, to build up efficient networks, to establish contractual relations and eventually to adapt political territories without shifting their limits. Democracy, broadly speaking, may appear as a new paradigm of major importance in the field of geographical studies. It brings into question the classical approaches and the traditional bases of political geography and spatial development and planning. Nevertheless, democracy is never presented and put ahead as a major concept by the geographers. This paper fully addresses this problem. First, it aims at explaining such a situation by setting out various assumptions: - the gap between geography and democracy is a consequence of the gap lying between geographers and politics ; - the gap between geography and democracy is due to the fact that the study of power relations in geography is too much oriented to purely geopolitical issues ; - Democracy is standing at the crossroads of politics and sociology ;- The gap between geography and democracy is due to the fact that democracy has only recently emerged as a widespread, if not universal, model of social relations ; - The gap between geography and democracy is a consequence of the primacy of a bottom-up method in political and social relations, which means that individual freedom is more important that anything else, while geography is more based on a top-down approach ;- Democracy and geography are the same thing. Secondly, it tries to set forth the various research fields where geography, as an academic discipline, and democracy may show common subjects of concern. To encourage the development of the geography of democracy is a way to open new fields of research to geographers: comparisons of various types of representative democracies, study of various types of local participations in local development policies, study of cooperative or non-cooperative interactions in the field of local development, etc. Nevertheless, even if geography can be finally considered as a mean towards peace, it must not be necessarily conceived as an exclusively angelic discipline. It also must be able to propose a global and comprehensive method to study various types of cooperation between various actors, because the territorial (spatial) mediation still remains a sine qua non condition to any kind of social contract.
- Géographie de l'environnement, écologie politique et cosmopolitiques - Denis Chartier, Estienne Rodary Le présent article propose de poser des jalons de réflexions pour construire une géographie politique de l'environnement. Depuis qu'elle est constituée en école nationale, la géographie française n'a jamais vraiment réussi à considérer la question environnementale, fondamentalement politique, comme faisant ontologiquement corps avec son champ d'intervention. Malgré les enjeux contemporains environnementaux, elle continue de le faire. D'abord parce qu'elle n'a pas définitivement abandonné l'idée selon laquelle le retrait de la discipline vis-à-vis de l'environnement viendrait de sa capacité spécifique de distanciation objectivante. Ensuite parce qu'elle n'arrive pas à capitaliser un savoir propre sur l'environnement alors que d'autres disciplines, comme la biologie, ont trouvé une visibilité nouvelle par ce biais. Quand bien même les géographes s'intéressent à cette question, ils laissent trop souvent de côté les réflexions sur les politiques de la nature et sur les tensions heuristiques nature/culture pour rester dans une vision en phase avec le corpus historique de la discipline. Pourtant, post-déterminisme et globalisation imposent une révision en profondeur des schémas épistémologiques de la discipline. La conservation de la biodiversité comme zone d'expérimentation de nouveaux paradigmes et l'apparition contraignante d'un nouvel espace d'action cosmopolitique illustrent très bien cette nécessité. Parce que la conservation a longtemps matérialisé des positions opposées de l'écologie et de la géographie dans leurs façons de gérer l'espace et leurs liens au politique, les géographes n'ont que très peu étudié ce domaine d'activité. Il est pourtant historiquement traversé par des phénomènes proprement géographiques. Désormais inscrite dans les politiques de développement, la conservation se « transnationalise » et se localise simultanément. Déplacée d'une enclave naturelle vers une arène politique, elle peut aussi être envisagée comme un lieu d'expérimentation d'une nouvelle façon d'habiter le monde, à la fois postnaturelle et post-nationale. De façon concomitante, les processus de mondialisation, les questions de changements globaux, imposent un nouvel univers conceptuel fait de disjonctions, d'hybridation, d'interdépendances et d'interrelations. Un nouveau champ d'expériences et de responsabilités globales et individuelles est ouvert. Ces nouveaux espaces d'action, dépassant l'État-nation et le clivage nature/culture requièrent un tournant épistémologique. Ce pourrait être celui d'une nouvelle géographie politique de l'environnement, une géographie cosmopolitique.This article proposes to establish some basic elements of reflection with which to build a political geography of the environment. Since its establishment as a national school, French geography never really succeeded in taking into consideration the fundamentally politicalenvironmental question, or to consider it as an ontologically integral part of its field of action. This remains true despite contemporary environmental stakes. Firstly, because French geographers have had a tendency to reluctantly abandon the idea that, in contradistinction to other disciplines, such as ecology, they maintain a certain objective distance from their object of study. Then, because the discipline did not succeed in capitalizing on its own knowledge about the environment, whilst other disciplines, such as biology, found renewed visibility by this means. Even when French geographers have been interested in the question, they all too often left out critical reflection on nature policies or on the heuristic tensions between nature/culture, remaining within a perspective in line with the historical corpus of the discipline. However, we argue that post-determinism and globalisation impose an in-depth revision of the epistemological groundings of the discipline. Biodiversity conservation, as an experimental zone between new paradigms and the emergence of a new space of cosmopolitic action clearly illustrates this necessity. Because, for a long time, conservation re-inscribed the oppositions between ecology and geography, in their respective manners of managing space and in their relations to the political, geographers have barely studied this domain of activity. Conservation is however historically trans-sected by entirely geographical phenomena. Inscribed within development policies, conservation became transnational and local at the same time. In its shifting from a natural enclave to the political arena, conservation can also be thought of as a place of experimentation of new ways of inhabiting the world, that are both post-natural and post-national. Concurrently, processes of globalization and questions of global change have imposed a new conceptual field made of disjunctions, hybridization, interdependences and interrelationships. We can argue that a new field of experiences and of global and individual responsibilities has opened. Engaging with these new spaces of action, requires us to adopt an epistemological shift that takes us beyond the nation state and the nature/culture dichotomy. This shift might be thought of as one that gives rise to a new political geography of the environment, a cosmopolitic geography.
- Ménage à trois : la pertinence géographique des relations de lobbying entre les ONG-Bankwatch, l'Etat national et la Banque mondiale à Washington D.C. - Ralf Bläser Cette communication traite, à partir de l'exemple de ce qu'il est convenu d'appeler les ONG-Bankwatch,qui œuvrent pour une réforme de la Banque mondiale à Washington D.C., d'un déficit empirique et théorique de la recherche sur les ONG, qui est d'un intérêt géographique spécifique. On y montre que les conditions contextuelles socio-spatiales dans lesquelles les acteurs agissent doivent être intégrées dans l'analyse des potentiels d'influence des ONG. En se fondant sur des théories de la structuration, le contexte dans lequel les actions quotidiennes des acteurs se situent est conçu comme structure d'opportunité socio-spatiale. Cette dernière permet aux ONG de Washington un recours privilégié aux ressources de pouvoir spécifiques (pouvoir de relation, de savoir et de définition), qui leur procurent des avantages pour leur prise d'influence sur la Banque mondiale. L'unicité de ce contexte se fonde ici sur la présence spatiale groupée des ONG, de l'Etat américain et de la Banque mondiale dans la société face-to-face de Washington. Cette présence représente quant à elle le fondement de la construction et du suivi des relations de confiance entre les acteurs, relations si importantes pour le succès du lobbying. Les réflexions conceptuelles sont illustrées par l'exemple de la campagne, portée de manière déterminante par les ONG de Washington, visant à la suppression des taxes d'exploitation pour les services élémentaires que sont l'école et la santé (User Fees) dans les pays receveurs de la Banque mondiale.Since the early nineties, non-governmental organizations (NGOs) have attracted a great deal of attention from the political and social sciences which have been studying these actors from different empirical and theoretical angles. From a geographic perspective, however, it is surprising that the socio-spatial context of NGO agency is hardly ever addressed in these studies. Taking so-called bankwatch-NGOs in Washington, D.C. as an example, the paper at hand elaborates on this deficit in NGO research. The US capital shows a striking concentration of bankwatch-NGOs that focus on the policies of the World Bank and other international financial institutions. Situated in an institutionally thick socio-spatial context in direct proximity to the World Bank and the US governmental authorities, they play a key role in the joint reform efforts of the international bankwatch-community. Beyond their sheer spatial proximity to power this is also due to their position at the intersection of various local and translocal relational and knowledge flows. With reference to D. Massey and J. Agnew Washington, D.C. shall, therefore, be conceptualized as a unique and extroverted place where societal macrostructure and human agency are reciprocally corresponding. Against this background, the place-specific context in which the everyday activities of the NGOs are embedded is conceived as a particular socio-spatial opportunity structure. The latter is primarily based on the eminent opportunities of the Washington-based NGOs to access and control specific power resources. Following structuration theory, these resources are identified as relational power, knowledge power, and framing power. In fact, the development of trust relations with individual key actors of the US national system is crucial for the NGOs' abilities to exert influence on the World Bank. Thus, even in this genuinely international matter, the NGOs remain dependent on the executive and legislative potentials of their nation state – the Bank's greatest shareholder. This interpretation allows for a conceptualization of Washington, D.C. as the spatial aggregation of power relations between NGOs, nation state and the World Bank, thereby integrating structure and agency. By focusing on the social interactions in the Washington ‘face-to-face-society' the everyday struggles for (counter-)hegemony can be analyzed from a decidedly geographic perspective. A Washington campaign for the abolition of user fees for primary health and education services in the World Bank's borrowing countries serves to illustrate these conceptual considerations as to the role of the socio-spatial context in which the NGOs operate.
- Les nouvelles perspectives frontalières de l'union européenne après l'élargissement de 2004 - André-Louis SANGUIN Le concept et la pratique de la coopération transfrontalière trouvent leurs racines historiques dans le noyau historique de l'actuelle Union Européenne, à savoir les six Etats fondateurs de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier (CECA, 1952). Les idées de Jean Monnet et de Robert Schuman, deux des plus célèbres pères fondateurs de l'intégration européenne, peuvent être résumées selon le constat politique suivant : par les activités multidimensionnelles qu'elle induit, la coopération transfrontalière empêche les conflits potentiels entre certains Etats anciennement ennemis (ainsi, l'Allemagne et la France). Elle est ainsi très clairement un objet de politique intégrative. Une telle coopération transfrontalière est une étape indirecte vers l'unification européenne parce qu'elle remplit le vide laissé par l'implosion d'anciennes unions comme le Comecon ou le Pacte de Varsovie. Il convient de souligner que la coopération transfrontalière prend place sur des horizons hiérarchiques au sein desquels les Eurorégions constituent l'étape la plus importante. Après l'élargissement de 2004 ayant fait passer l'union Européenne de 15 à 25 membres, certains faits réels ou nouvelles tendances concernant les frontières sont observables dans et autour de la scène politique de la nouvelle UE. L'objectif de cet article est de scruter ces nouvelles perspectives.The concept and the practice of cross-border cooperation have their roots in the historical core of the present European Union, namely within the six founding States of the European Coal and Steel Community (1952). The ideas of Jean Monnet and Robert Schuman, two of the most famous founding fathers of the European integration, can be summarized according to the following assumption : by its involved multidimensional activities, the cross-border cooperation prevents potential conflicts between some former enemy countries (for instance, France and Germany). Obviously it is acting as a matter of integrative policy. Such a cross-border cooperation is an indirect step towards European unification because it is filling the vacuum which was left by the collapse of former unions like Comecon or the Warsaw Pact. It is necessary to stress that the cross-border cooperation takes its place upon hierarchical horizons in which the Euroregions constitute the most important stage. After the 2004 enlargement, which extended the European Union from 15 to 25 States, some real facts or new tendencies regarding the border issues are observable within and around the political scene of the new EU. The aim of this paper is to scrutinize these new outlooks.
- Les petits espaces insulaires au cœur des revendications frontalières maritimes dans le monde - François Taglioni La Zone économique exclusive (ZEE) potentielle et réelle des petits espaces insulaires, plus que d'autres, suscite des convoitises de la part de leurs voisins ou de leurs métropoles qui y voient un atout économique sans doute surévalué mais néanmoins attractif. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer permet une appropriation toujours plus forte par les États côtiers des domaines maritimes. La conséquence paradoxale de son fonctionnement est un bénéfice au profit des nations les plus riches alors qu'elle était conçue au départ pour favoriser, à leur demande, les États les plus pauvres. Les revendications frontalières maritimes se multiplient sur tous les océans et les mers du monde. Néanmoins, pour les petits États insulaires, le potentiel des ZEE n'est pas assez attractif pour qu'ils engagent des négociations consommatrices d'énergies et génératrices de tensions politiques, alors que leur situation politique et économique interne est fragile. De plus, ils n'ont pas les capacités techniques et les marines militaires nécessaires pour véritablement surveiller leur ZEE. Pour l'instant la zone de mer territoriale est suffisante pour le développement des littoraux et du tourisme qui est globalement, en termes d'emplois et de revenus, le premier secteur d'activité de la plupart des petits États insulaires dans le monde.The potential and real Exclusive Economic Zone (EEZ) of small insular spaces, is more than others, highly coveted by neighbouring states or by their home countries which consider it an economic asset, probably overestimated, but attractive nevertheless. The United Nations Convention on the law of sea allows an ever growing appropriation of maritime domains by coastal states. Paradoxically, its operating results in benefiting the richest nations whereas it was created at first and on their request, to help the poorest states. The maritime border claims are increasing on all the world oceans and seas. However, for the small island developing states, the EEZ potential is not attractive enough as to engage negociations that can reveal tedious and arouse political tensions when their own internal political and economic situation is fragile. Moreover, they do not possess the necessary technical capabilities and the military navies to really control their EEZ. For the time being, the territorial sea zone is sufficient as to develop coasts and tourism which are on the whole, in terms of employment and income, the first activity sector of small insularspaces worldwide.