Contenu du sommaire : Rires

Revue Terrain Mir@bel
Numéro no 61, septembre 2013
Titre du numéro Rires
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Revue de presse du numéro 61 accès libre
  • Rires

    • Introduction : les équivoques du rire - Olivier Morin p. 4-15 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ce numéro de Terrain envisage l'expression du rire dans toute la variété de ses dimensions – cognitive, sociale, politique. Cette introduction tente de mettre en lumière un aspect du rire (et de ce qui le provoque) qui semble apparaître sous chacun de ces angles : l'ambiguïté. Les théories à l'heure actuelle les plus abouties du mécanisme cognitif du rire (qui reprennent un modèle philosophique bien plus ancien) en font une réaction sophistiquée à la résolution d'une ambiguïté. D'un coup, une stimulation incongrue, qui offrait plusieurs interprétations possibles, n'en admet plus qu'une. L'usage social du rire, tel que l'explore l'anthropologie, montre cependant que le rire ne se limite pas à cette seule fonction (signaler une ambiguïté résolue). Il permet au contraire de mettre en valeur, et parfois de créer, des situations équivoques et des intentions incertaines. Dans la sphère politique, cette ambivalence constitutive du comique en fait un outil particulièrement difficile à prendre en main, aussi bien pour le pouvoir politique que pour ceux qui le contestent. Une anthropologie politique du rire (qui s'esquisse dans plusieurs contributions à ce numéro) est en mesure de montrer que la subversion comique ne se restreint pas aux sociétés dominées par des États ; même dans ces dernières, elle est loin de ne servir que les adversaires des hiérarchies en place.
      This issue of Terrain looks at the expression of laughter from a variety of perspectives: cognitive, social, political. This introduction will attempt to throw some light on one aspect of laughter and comedy that recurs in many contexts: its ambiguity. As of now, the most promising theories that have proposed a cognitive mechanism for laughter have treated it as a reaction to the resolution of ambiguities (in the wake of older philosophical theories). All of a sudden, an incongruous stimulation, that admitted of several interpretations, admits only one. Comedy, however, relates to ambiguity in more than one way. Anthropologists investigating the social uses of laughter argue that it does much more than signalling resolved ambiguities. It may, on the contrary, highlight, and occasionally create, equivocal situations and uncertain intentions. In the political sphere, this constitutive ambivalence of comedy makes it exceedingly difficult to handle, both for the politically powerful and for those who struggle against them. A political anthropology of laughter (of the kind that is sketched in several contributions to this issue) may show that comic subversion is not restricted to state-like societies. Even in authoritarian regimes, it is argued that humor does not serve dissenters exclusively.
    • Phénoménologie de l'humour - Matthew M. Hurley, Daniel C. Dennett, Reginald B. Jr. Adams p. 16-39 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cet article, nous dressons un inventaire des phénomènes qu'une théorie de l'humour devrait expliquer. La première partie fait valoir que l'humour est une propriété qui s'attache à certains événements mentaux, plutôt qu'à certains objets du monde (les blagues, par exemple). Nous signalons l'une des conséquences de ce fait : les blagues, prises isolément, ne sont pas un phénomène universel. Nous suggérons également que, même s'il se peut que certaines formes de rire soient déclenchées par des situations qui n'ont rien d'humoristique, il existe un lien spécial entre le rire dit « de Duchenne » et un certain type de stimulation cognitive propre à le déclencher. Nous poursuivons en montrant que le sentiment d'allégresse associé au rire (sentiment qui constitue pour nous un aspect crucial du rire) est un phénomène psychologique qui se prête à une approche « hétérophénoménologique ». L'hétérophénoménologie est une phénoménologie qui envisage les états subjectifs en tant que données à expliquer, mais pas nécessairement en tant qu'interprétations valides des phénomènes psychologiques qui les sous-tendent. Selon nous, ce sentiment d'allégresse lié à l'humour est étroitement lié à un autre sentiment : le sentiment du cocasse qui nous saisit face à des phénomènes incongrus. Les liens qui unissent ces deux émotions sont riches d'enseignements pour toute théorie de l'humour. La dernière partie passe en revue, en plus des divers cahiers des charges dressés par des théories de l'humour antérieures, quelques découvertes issues de ces travaux et de certains autres.
      In this article, we develop an inventory of the explananda that any complete theory of humor should account for. In the first chapter, we argue that humor is a property of events in the mind, rather than objects in the world (such as jokes), and we point out that a result of this is that individual jokes are not universal. We also suggest that while some varieties of laughter may be triggered by situations that are not humorous in any sense, a special connection exists between Duchenne-type laughter and the certain type of cognitive stimulation that usually elicits it. Then we argue that the feeling of mirth — perhaps the most central aspect of humor — is a psychological phenomena that should be explored by means of a “heterophenomenological” approach — one that uses subjective states as data to be explained, but not necessarily as valid interpretations of the underlying psychological phenomena. And we comment that this feeling (“funny” — humorous) is closely related to another feeling: “funny” — odd — a relationship worth exploring in any theory of humor. In the second chapter, we catalogue the findings of these explorations and others, in addition to those further explananda highlighted by previous theories of humor.
    • Le savoir-rire en Chine - Hans Steinmüller p. 40-53 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En Chine, le bon usage du sourire et du rire fait l'objet de manuels détaillés, de conférences et de cours, qui recommandent expressément de toujours prendre en compte la situation sociale où se produit le rire, son apprentissage ne pouvant se faire hors contexte. Le rire et le sourire créent des « communautés de connivence », que caractérise une compréhension implicite partagée de l'« incongruité » de certaines formes ou discours sociaux. J'aborde en particulier l'« incongruité » qui existe entre les codes officiels et les codes locaux, arguant qu'ils renvoient à des usages distincts et à des rires ou à des sourires différents. Le bon usage, l'arrière-plan historique et la situation sociale apportent des indices contextuels sur la signification du rire. Des ambiguïtés subsistent toujours mais, en se livrant dans l'action à une interprétation pragmatique, un acteur social compétent assure la continuité de la communication. Si cela vaut pour le langage en général, le rire, lui, accentue les ambiguïtés, et c'est cette particularité qui lui confère toute son efficacité sociale.
      In China, there are explicit handbooks, lectures, and lessons in the etiquette of smiles and laughter. The instructions are quite clear that laughter cannot be learned out of context, but has to be understood against the social situation in which it occurs. In context, laughter and smile can produce “communities of complicity”, that is communities that share implicit understandings of the incongruity of social forms and discourses. I deal specifically with the “incongruity” between official and vernacular codes; and I argue that they imply different forms of etiquette and different kinds of laughter and smile. Understanding the etiquette, the historical background and the social situation can give us context clues as to the meaning of laughter. Ambiguities always remain, but capable social actors interpret them pragmatically so that communication can ensue. If this is true for language in general, laughter emphasizes the ambiguity of interpretation in action and it is this feature which is at the core of its social efficacy.
    • « Moi je viens de Mars, et toi ? » - Stefan Le Courant p. 54-67 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La Goutte d'Or, à Paris, s'est constituée comme centralité immigrée et commerçante, faisant de ce quartier un lieu de rencontre et de coprésence d'une grande hétérogénéité urbaine. Par la sociabilité inclusive qu'il produit, le rire, omniprésent, participe de l'entrée en relation permettant à chacun de prendre part aux échanges qui s'instaurent. Se discutent alors la place et la légitimité de chacun à occuper les espaces publics pluralistes. L'humour, en permettant un usage apaisé et labile de stéréotypes multiples, participe à la recherche de la bonne distance dans la relation à autrui, et permet de renégocier en situation les catégories identitaires assignées à chacun.
      The Goutte d'Or in Paris has become an immigrant and commercial centre and in this way it creates a place for the meeting and co-presence of a wide range of heterogeneous urban people. Omnipresent laughter creates an inclusive sociality and facilitates the initiating of new relationships in which different people can subsequently develop. This enables discussions about the place and legitimacy of the participants in such pluralist public spaces. Humour enables people to search for the right distance in their relationship with others in a fluid and unstressful way. This makes possible a continual renegotiation of each and everyone's assigned identities.
    • Stand-up ! - Nelly Quemener p. 68-83 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article analyse l'avènement d'un humour issu des minorités « ethnoraciales » en France, notamment par le biais de programmes courts diffusés à la télévision. Divisé en deux mouvements, celui des années 1990 marqué par un humour d'autodérision et celui des années 2000 marqué par le genre stand-up, cet humour use de ressorts humoristiques relativement homogènes : basé sur le récit de soi, il prend pour matière du rire les stéréotypes et en signale les mécanismes réducteurs. Mais il montre une évolution thématique. S'il s'attache d'abord à revisiter la figure du garçon de banlieue à partir d'une position en marge des cadres dominants, il se tourne à partir de 2006, avec l'émergence de la vague d'humour stand-up, vers la mise en scène d'identités multiples portées par un collectif d'humoristes, construisant l'image d'une diversité réflexive.
      This article analyses the emergence of a type of humour originating in “ethnoracial” minorities, as found in short television programmes. One can differentiate this humour into two distinct periods; one dates from the 1990's, when it is characterised by self-derision, and the other emerges after 2000. This latter type is of the stand-up type and uses as a relatively homogeneous resource stories about oneself while making fun of stereotypes by stressing their reductionist character. Since 2000 the themes have evolved. At first this humour revisited the image of the suburb kid existing on the margin of dominant structures but, from 2006 onwards, with the emergence of the stand-up style, it has allowed for the representation of a multiplicity of identities enacted by a collective group of humourists. It thereby constructs the image of reflexive diversity.
    • Chasse au dahu et vigilance épistémique - Radu Umbres accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La « chasse au dahu » ou « mission absurde » est un canular, qu'on retrouve dans différentes sociétés et cadres institutionnels, qui consiste à pousser les « victimes » à accomplir des actions manifestement stupides. J'examine plusieurs exemples observés sur mon terrain en Roumanie ou trouvés dans des relations écrites. Dans cet article, je soutiens que ces variations partagent toutes un mode de duperie élaboré pouvant s'expliquer par le croisement entre un mécanisme cognitif actif dans la communication humaine, décrit par Dan Sperber et ses collègues, et une structure spécifique de compétence et d'autorité liée aux rôles sociaux. Le succès des missions absurdes provient d'une propension particulière de la cognition humaine à former des représentations mentales en l'absence d'une compréhension totale des énoncés, du moment que le locuteur semble compétent et digne de confiance. Le canular exploite le relâchement de la vigilance épistémique envers le contenu absurde des demandes sous l'influence d'une confiance épistémique, déplacée mais non déraisonnable, dans la source de l'information. Bien que le contenu de la farce soit modulé par l'autorité qui l'organise, une importante asymétrie des compétences est le seul trait nécessaire commun à tous les cadres sociaux où se déroulent ces missions absurdes.
      The “fool's errand” is a practical joke, which occurs across different societies and institutional settings, wherein “victims” are tricked into performing patently absurd actions. I discuss several instances of this prank found in my ethnography of Romanian villagers and in the literature. This paper argues that these variants share an elaborate mode of deception which can be explained by the intersection of a cognitive mechanism active in human communication and proposed described by Dan Sperber and his colleagues with a specific structure of competence and authority attached to social roles. The success of fool's errands comes from a particular propension of human cognition to form mental representations in the absence of a full comprehension of utterances, when provided the speaker is seemingly competent and trustworthy. The prank exploits the relaxation of epistemic vigilance towards the nonsensical content of utterances by under the influence of a misplaced yet reasonable epistemic trust in the source of information. Although organisational authority modulates the prank's content, only a large asymmetry of competence is the key only necessary feature of the social settings hosting the fool's errand.
    • De quoi rient les Indiens ? - Pierre Clastres p. 102-113 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cet article, Pierre Clastres cherche à comprendre les ressorts de l'hilarité déclenchée, chez les Indiens Chulupi (Nivaclé) du Paraguay, par la narration de deux mythes, l'un concernant la quête loufoque et paillarde d'un groupe de chamanes, l'autre les mésaventures d'un jaguar crédule. L'euphorie causée par ces récits tiendrait à leur art de tourner en dérision des figures de pouvoir ordinairement craintes par les Indiens, en même temps qu'ils parodient des traditions mythiques à caractère sacré. Au-delà des protagonistes mis en scène dans ces histoires burlesques, c'est la figure même du pouvoir et la peur d'y adhérer qui sont visés et neutralisés par le rire cathartique suscité par les deux mythes.
      In this article Pierre Clastres tries to understand what are the causal underpinnings of the laughter created by the telling of two myths among the Chulupi Indians of Paraguay. One myth concerns a group of shaman's mad Rabelaisian quest. The other concerns the travails of a credulous jaguar. The euphoria created by the telling of these stories is partly due to the artful way in which these myths ridicule normally feared powerful figures and also by the way they parody sacred mythical traditions. Quite apart from the evocation of the protagonists in these burlesque stories, it is the very nature of power and the fear of having to comply with it that is targeted and which is neutralised by the cathartic laughter caused.
    • Pierre Clastres et la dérision du pouvoir chez les Indiens : un commentaire - Anne-Christine Taylor p. 114-121 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ce commentaire d'un article de Pierre Clastres initialement paru en 1967 vise d'abord à le situer dans le contexte de son époque, puis à expliciter l'interprétation proposée par l'ethnologue du rire que déclenche, chez les Indiens Chulupi du Chaco, la narration de deux mythes. Ces récits tournent en dérision des figures – celles du chamane et du jaguar – qui ordinairement suscitent des attitudes de peur et de respect en raison des pouvoirs dont elles sont créditées. L'hilarité provoquée par les mésaventures burlesques de ces personnages aurait une fonction cathartique – on rit pour exorciser la menace du Pouvoir –, mais tiendrait également au fait que les deux mythes constituent des variantes parodiques d'un ensemble de mythes à caractère sacré, destinées à mettre en exergue celui-ci et à le rendre mémorable. L'article esquisse en conclusion un bref panorama des études ultérieures consacrées aux ressorts et aux effets du rire dans les cultures amérindiennes des basses terres d'Amérique du Sud.
      This commentary on an article by Pierre Clastres, originally published in 1967, is, first of all, intended to situate it within the context of its time and then to make clear the interpretation it proposes concerning the laughter which the telling of two myth causes among the Chalupi Indians of the Chaco. The two myths make fun of two roles; shamans and jaguars, both of whom, because of the power attributed to them, are normally feared and respected. According to the article by Clastres the hilarity that the burlesque adventures of these two characters causes has a cathartic function, that is one laughs in order to exorcise power. It also has to do with the fact that these two myths are parodies of others found in a sacred corpus of myth. In this way laughter puts in perspective these other myths and makes them memorable. The article concludes with a brief overview of subsequent studies of the effects of laughter in the cultures of lowland Amerindians in South America.
    • Rire en situation de violence - Abderrahmane Moussaoui p. 122-133 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Rire dans les moments les plus graves peut être le signe manifeste du mépris ou de l'indifférence à l'égard d'une situation. Il peut signifier également une tentative de juguler ses probables débordements dont on craint les effets dévastateurs. De telles raisons peuvent suffire, en temps de paix, à justifier la présence ou le surgissement du rire dans ces moments de fatalité ou d'impuissance. En ces circonstances, le rire est sérieusement ritualisé et son espace-temps rigoureusement défini, de manière à garantir aux membres du groupe ébranlé un bénéfice ardemment espéré. Le rire paraît toutefois plus surprenant quand, avec insolence et désinvolture, de manière quasi impromptue, il vient s'introduire au cœur du tragique dans les moments extrêmes de folie humaine. En revenant sur la décennie de violence meurtrière qu'a vécue l'Algérie dans les années 1990, je tenterai de faire ressortir quelques-uns des différents sens que peut prendre le rire en situation de violence.
      To laugh in the most serious of moments can be an outward sign of contempt or indifference towards the event itself. It can also be an attempt to neutralise foreseeable consequences whose potentially devastating effects are feared. In peace time such reasons may suffice to account for the occurrence and eruption of laughter in moments of fatalism or powerlessness. In such circumstances laughter is seriously ritualised and confined to a carefully delineated space and time, then it can furnish a much sought after benefit to a group which has been badly shaken. Laughter however is more surprising when it occurs insolently and as if casually, in a semi impromptu fashion, at the very heart of the most extreme and tragic manifestations of human folly. By a re-examination of the ten years of murderous violence which occurred in Algeria in the 1990's I attempt to highlight some of the different meanings that laughter can have in times of violence.
  • Repères

    • Elles font des bébés toutes seules - Virginie Rozée Gomez p. 134-149 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Qui sont ces femmes françaises qui décident de concevoir un enfant sans être en couple en ayant recours à un don de sperme à l'étranger (ce recours médical n'étant pas possible pour elles en France) ? Comment ces femmes construisent-elles ce projet ? Comment le justifient-elles ? Leur démarche relève-t-elle du féminisme ? Leurs histoires et leurs discours montrent qu'il s'agit plutôt d'un choix par défaut, lié à l'échec de la rencontre du conjoint et du futur père. On observe alors le poids et l'intériorisation de la norme sociale dominante de la parentalité et de la famille en France, norme qu'elles décident de transgresser, le plus important étant pour elles de devenir mères et de se conformer ainsi aux normes de genre. Si la démarche de ces femmes n'est donc pas politique en elle-même, le refus français d'ouvrir l'assistance médicale à la procréation pour les femmes seules est une décision qui relève quant à elle pleinement du champ politique.
      Who are these French women who, by means of artificial insemination abroad, decide to conceive children without being within a couple (this type of artificial insemination is not possible in France). How do they set up their project? How do they justify it? Do their actions relate to feminism? Their stories show that their choice is one by default, that it has more to do with their failure to find a partner and a future father for their children. In this way one can see the power and the interiorisation of the dominant social norm of parenthood and of the family which they intend to go against. The most important thing for these women is to become mothers and to thus conform to gender norms. Thus even though the step taken by these women is not political in itself the French refusal not to allow medical assistance for procreation by single women is clearly a matter which lies within the political sphere.
    • Modernité, corps et transformation de soi - Niko Besnier p. 150-165 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Aux îles Tonga, la fin des années 2000 fut marquée par une véritable explosion des salons de coiffure dans la petite capitale, Nuku'alofa. Ce phénomène reflète de nouvelles manières de concevoir le corps, par lesquelles les Tongiennes cherchent à se distancier de la vie traditionnelle sans néanmoins s'en affranchir. Les hommes transgenres, appartenant à une catégorie marginalisée quoique importante, jouent un rôle pivot dans ces transformations corporelles grâce au sens esthétique et au sens de la propreté qu'on leur attribue. Ce cas ethnographique permet de proposer une approche de la modernité telle qu'elle opère et se manifeste via les transformations du corps, et d'observer le rôle potentiellement important qu'y jouent les membres de catégories sociales marginalisées.
      Towards the end of the years following 2000 a veritable epidemic of hair salons occurred in Nuku'alofa, the small capital of the Tongan islands. This phenomenon reflects new ways of understanding the body by means of which Tongan women attempt to distance themselves from traditional life without however leaving it behind totally. Transgender men, who belong to a marginalised yet important category, play a pivotal role in these bodily transformations because of the sense of hygiene and beauty which they are believed to possess. This ethnographic case allows us to propose an approach to modernity via bodily transformations and to observe the potentially important role played by members of marginalised social categories in this process.