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Revue | Annales de géographie |
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Numéro | no 641, 2005/1 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Politique agricole et agriculture aux États-Unis : évolution et enjeux actuels - Sophie Devienne, Gilles Bazin, Jean-Paul Charvet p. 3-26 Résumé Dans un contexte mondial de libéralisation des échanges de produits agricoles, les agricultures des États-Unis et de l'Union européenne figurent parmi les plus soutenues du monde. Elles font depuis peu jeu égal sur les marchés agricoles mondiaux avec 19 % à 18 % chacun de part de marché. Cette situation est la conséquence de politiques agricoles anciennes et fortes dont cet article analyse les objectifs, les moyens et les résultats pour les États-Unis, en présentant en contrepoint la situation de l'Union européenne. Les politiques agricoles américaines mises en œuvre depuis 1933 ont d'abord cherché à réguler l'offre et à soutenir les prix, avant de s'orienter à partir de 1996 vers un soutien direct des revenus. Ces soutiens ont permis des accroissements de la production et de la productivité du travail qui placent ces exploitations à la pointe du développement agricole mondial. Malgré cette situation la part des États-Unis sur les marchés agricoles mondiaux ne fait que s'éroder depuis les années 1980, contestée par la montée en puissance des exportations européennes ainsi que par le développement des exportations des pays du groupe de Cairns (Brésil, Argentine, Australie notamment). Cette analyse permet de présenter un certain nombre de problèmes et d'enjeux actuels pour l'agriculture et la politique agricole américaines. Parmi eux figurent la nécessité d'accroître la part des produits transformés par rapport à celle des produits bruts dans les exportations - l'Union européenne apparaissant plus en avance dans ce domaine - la tendance à la capitalisation des aides dans le foncier, donc au profit des propriétaires fonciers et non des producteurs, les impacts négatifs des subventions agricoles des pays riches sur les agricultures des pays pauvres, qui bloquent aujourd'hui les négociations à l'OMC.Within the global context of liberalization of agricultural trade, the United States and the European Union provides the highest support to their agricultural sectors. The two entities are the world's largest exporters, accounting respectively for 19 % and 18 % of the World agricultural trade. It is the result of long-lasting traditions of strong agricultural policies. This paper examines the goals, the approaches and the results of the United States farm policy, while providing some elements of comparison with the European Union. First introduced in 1933, agricultural policies in the United States have been based on a combination of supply controls and farm price support; in 1996, the legislation changed and the new system now gives direct income support payments without any supply control. These supports spurred on the increase of production and labor productivity in the agricultural sector, which allows the US farms to be amongst the most productive in the World. Despite this, US export market share have tended to decline since the 1980's, largely due to the steady increasing competition from the European Union and the CAIRN countries (mainly Brazil, Argentina and Australia). A change that has raised new issues and concerns. Among them are the need to increase the share of high value products in the US agricultural exports — the European Union appears to be ahead in this area —; the capitalization of subsidies into land value accruing mainly to landowners; the negative impact of wealthier countries' high agricultural support and subsidies on the agriculture of developing countries, which has lead to the failure of the last WTO's meeting.
- Activités tertiaires et dynamiques rurale - Pascal Chevalier p. 27-48 Résumé Les activités tertiaires croissent de manière importante dans l'ensemble des espaces ruraux et constituent souvent l'élément central dans les créations d'emploi. Généralement cette croissance repose sur un processus endogène d'induction locale. Autrement dit, ces activités se développent sous l'impulsion de la dynamique résidentielle et touristique et d'une croissance plus affirmée de la population dans les communes rurales. Toutefois, certaines de ces activités produisent également des services plutôt orientés vers la satisfaction de marchés non régionaux. Le phénomène d'induction, longtemps prôné par les théories économiques classiques ne suffit plus pour caractériser ces services, dont le rôle actif dans le développement des territoires est reconnu aujourd'hui par nombre d'auteurs. Ainsi, le développement soutenu des activités tertiaires dans les espaces ruraux, qui guide en grande partie la croissance de l'emploi rural, joue un rôle déterminant dans les dynamiques démographiques et socio-économiques des campagnes. Il est donc envisagé dans ce travail d'associer le renversement des trajectoires rurales à la dynamique des activités tertiaires et de s'interroger sur le nouveau rapport entre ces activités et le développement rural. De fait, les services participent à un certain enrichissement de l'espace et initient des processus de développement local.The tertiary sector has gone through important development in the rural areas; it now stands for the main sources of job creation. Generally speaking, this growth is the result an endogenous process of local induction. In other words, these activities are created by the residential and tourist population dynamics, itself the result a substantial population growth of in rural communities. However, some of these activities also produce services satisfying the needs of non-regional markets. The phenomenon of induction, long advocated by traditional economic theories, is no longer pertinent to characterize these services, whose active role in territorial development are today recognized by many authors. Indeed, the constant development of the tertiary sector in the rural areas plays a key role in rural demographic and socio-economic dynamics. The goal of this paper is to look through the inversion of the rural trajectories and the dynamics of the tertiary sector, in order to examine the new relationship between these activities and rural development. In fact, services contribute to a certain enrichment of rural areas and are at the origin of local development processes.
- La géographie des centres d'appels en France - Bruno Moriset, Nicolas Bonnet p. 49-72 Résumé Les centres d'appels constituent une des activités émergentes de la nouvelle économie. Ils proposent au géographe une problématique intéressante: quels sont les facteurs de localisation d'établissements qui délivrent au client un service à distance. La carte des implantations dans les aires urbaines françaises, comptabilisées par postes de travail, montre une répartition spatiale irrégulière, mais qui reste fortement métropolisée. Une analyse plus fine met en évidence un processus de diffusion hiérarchique, à partir de la Capitale, puis vers les métropoles régionales, et enfin vers l'espace à dominante rurale. Ce processus créé des opportunités de créations d'emploi. Les centres d'appels sont devenus la cible des politiques locales de développement économique, et un outil de reconversion des bassins d'emploi en difficulté. Mais la croissance des délocalisations outre-mer fait peser une menace sur ces activités nouvelles. La croissance des centres d'appels est un des phénomènes par lesquels les territoires entrent dans l'ère du «capitalisme cognitif», dans un contexte de globalisation et de métropolisation. Mais les effets dynamisants de cette activité fortement taylorienne sont incertains, et elle ne saurait en aucun cas devenir une mono-activité.Call centers and Customer Relationship Management (CRM) well symbolizes the rise of an “information economy”. Like other IT-enabled services, call centers are often regarded as footloose. In fact, call centers take advantage from a large array of location factors, the most important being the availability of labor. The map of French call centers shows a strong, but irregular metropolitan pattern. A much finer analysis demonstrates that the closeness to Paris has been a strong location factor in the recent de-concentration process. In a first time, CRM firms have targeted medium cities in the surroundings of Paris, with a strong presence of universities and offering a well educated workforce. During the last three years, these labor pools went to saturation. Thus, call center operators shifted to smaller or more remote cities, often with high unemployment rates. In such places, call center location has become a major tool for economic development, particularly in those which suffered from recent industrial downturns. In order to attract call center-related investments, several local communities have established dedicated training programs and offer purpose-build, ready-for-delivery premises, to say nothing of other incentives. Nevertheless, “the driving effects” of CRM business are reportedly low. Spillover processes cannot be expected, because call center operations are highly taylorian and require, on average, low skills. Moreover, CRM investments per employee are small and easily movable. With respect to the rise of overseas locations, call center perspectives for sustainable, local development seem to be narrow. For local communities, focusing only on call centers is a dangerous bet.
- Trente ans de géographie industrielle dans les Annales de géographie (1970-1999) - Sylvie Daviet p. 73-92 Résumé Le concept d'industrie et son évolution sont analysés, depuis la crise des années 1970, à travers les articles parus dans les Annales (1970-1999). L'exploration qualitative et quantitative de ces 30 ans de géographie dans les Annales apporte un éclairage partiel mais à bien des égards significatif de la situation du champ thématique en France. La réflexion s'oriente sur la place du territoire dans la relation Industrie/Espace au sein de la géographie française et de ses courants. Après avoir précisé les fondements méthodologiques et les questionnements de l'étude, le texte présente les principaux résultats de cette investigation. La spécialité regroupe peu de chercheurs et le nombre d'articles diminue au cours de la période. L'adaptation des contenus aux mutations de l'activité se traduit par le déclin des études sectorielles au profit d'approches plus transversales. Le concept de territoire s'inscrit de fait dans une longue tradition épistémologique qui appréhende l'espace en donnant une place privilégiée aux acteurs.The manufacturing industry and its evolution are here analyzed through the articles published in “Les Annales de Géographie” (1970-1999). The qualitative and quantitative exploration of those thirty years of geography in the Annales provides us with a partial, but significant light on how it has been discussed in France. The paper focuses on the place of territory in the Industry-Space relationship in French geography, and its major trends. The main results are discussed after the presentation of the adopted methodology. This very specialization is composed of few researchers, and the number of papers decreases during the period. The article's content evolve with the industrial change itself, putting into evidence the decline of industrial branch studies to the benefit of more transversal approaches. Actually, the concept of territory takes place in an old epistemological tradition that treats the geographical space in according a great importance to actors
- Sangatte: vie et mort d'un centre de «réfugiés» - Romain Liagre, Frédéric Dumont p. 93-112 Résumé Durant plus de trois années d'existence, quelque 65000 étrangers en situation irrégulière, originaires d'une centaine de pays, ont transité par le Centre d'Hébergement et d'Accueil d'Urgence Humanitaire de Sangatte (Pas-de-Calais), dans l'espoir de traverser la Manche pour rejoindre la Grande-Bretagne. Au fil des mois, les flux continuant à s'amplifier, le Centre devint un sujet médiatique et politique, un point de désaccord entre la France et la Grande-Bretagne, et surtout un symbole des dysfonctionnements des politiques européennes en matière d'asile. Au-delà de toute polémique, et plusieurs mois après la fermeture et la destruction du Centre, cet article tente de dresser un bilan de ces trois années d'existence. D'une part en analysant démographiquement les populations passées par le Centre (nationalités, sexe…) et en étudiant les principaux itinéraires empruntés. Et d'autre part, en essayant de mettre en lumière les changements induits par la disparition du Centre.For more than three years, about 65 000 irregular foreigners from about one hundred countries have stayed through the “Centre d'Hébergement et d'Accueil d'Urgence Humanitaire” of Sangatte, in transit to cross the channel to reach Great-Britain. Months after months, this flow kept growing. The Sangatte Center became a buoyant political and media issue, a source of disagreement between France and Great-Britain, and, above all, a symbol of the serious flaws concerning the European asylum policy. Beyond the polemics, and several months after the closing and the destruction of the camp, we try to take stock of these three years. First, using the French Red Cross data, we draw the “profile” of “refugees"; we see they were essentially young Iraqis and Afghans men. Then, interviews with “refugees” informed us about the main roads they took from their country, most of the time via Turkey and Italy, en route to the region of Calais. We also explain the logistic employed for these travels. Finally, we show that the destruction of the Centre has changed nothing since the migrants flow is still going on.