Contenu du sommaire : Géographie et cinéma
Revue | Annales de géographie |
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Numéro | no 695-696, 2014/5-6 |
Titre du numéro | Géographie et cinéma |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Géographie et cinéma : modes d'emploi - Jean-François Staszak p. 595-604 Depuis les années 2000, les publications sur le cinéma et la géographie se sont multipliées. Le cinéma intéresse les sciences sociales en général, en ce qu'il donne accès à des systèmes de représentations collectives et que certains films constituent des références majeures de la culture populaire. Il intéresse en particulier la géographie. En effet, dès sa naissance, le cinéma s'inscrit dans une culture visuelle qui est proche de celle de la géographie. En fait, l'expérience cinématographique est essentiellement celle d'un déplacement. On peut distinguer quatre types d'espace cinématographique : diégétique, scénographique, pictural, et spectatoriel. L'analyse de leur complexe articulation est un enjeu majeur pour comprendre non seulement le cinéma mais aussi les spatialités des sociétés où les écrans sont omniprésents. Les géographes qui se sont intéressés au cinéma ont souvent adopté une posture proche des études filmiques, analysant, notamment en termes d'imaginaires géographiques, le film comme un objet immanent. Une géographie du cinéma pourrait aussi et en même temps être attentive aux conditions matérielles de sa production et de sa consommation, mettant en avant les interprétations variées qu'en font différents groupes de spectateurs, ainsi que les sensations et les émotions qu'ils ressentent.Geography and the Movies: Ways of Use Since the 2000s, geography and the movies has been the topic of many publications. Cinema is an issue for social sciences in the sense that it gives an access to collective representations and that some movies became major references of popular culture. It is of particular concern for Geography. Since its very beginning, cinema belongs to a visual culture, which has much in common with Geography. Indeed, the cinematic experience has by essence to do with displacement. Geography could identify four types of cinematic space : diegetic, scenographic, pictorial and spectatorial. Analyzing the complex interlinking between these is of major importance not only for understanding cinema but also for understanding the spatialities of societies where screens are everywhere. Geographers working on cinema often follow an approach much similar to film studies, considering the movies as immanent objects, and analyzing them in terms of imaginative geographies. A more comprehensive geography of cinema could also bring attention to the material conditions of the production and the consumption of the movies, showing how diverse audiences may provide different interpretations, and feel different sensations and emotions.
- Espace acteur et « drame paysager » : le cinéma de Michelangelo Antonioni - Guy Di Méo p. 605-625 Inspiré à ses débuts par le néoréalisme italien, le cinéma de M. Antonioni s'est imposé comme celui des sentiments humains, de la névrose, de la communication difficile entre les êtres, particulièrement dans leurs relations de couple. Pour autant, loin d'emprunter une démarche psychologique bavarde, ou symbolique abstraite, les films d'Antonioni se caractérisent par l'effacement des dialogues, de la parole et de la musique, au profit d'une large utilisation des espaces : paysages géographiques (surtout urbains), dispositifs d'objets, effets de distance et de proximité, de perspective, etc. Sa technique consiste à fusionner, dans une même substance spatiale, paysages, objets et personnages (notamment au travers des spatialités de leur corps), conférant aux uns et aux autres une même valeur sensible de signe. Il procède aussi par de longs plans séquences au cours desquels les acteurs s'effacent devant un contexte spatial qui concentre alors toute la tension d'épilogues inaboutis. En somme, M. Antonioni est parvenu à traduire l'indicible des rapports humains par le recours à l'espace et aux spatialités, créant ainsi un langage cinématographique original.Space as an Actor and “Landscape Drama”: Michelangelo Antonioni's Cinema M. Antonioni, who was inspired by Italian neo-realism in the beginning of his career, became famous for his movies about feelings, neurosis, and communications difficulties between human beings, especially men and women as couples. Yet, far from being based on a talkative psychological approach, or on an abstract symbolic one, his movies are characterized by the effacement of dialogues, speech, and music, replaced by a broad use of spaces : geographical spaces (especially urban ones), organized systems of objects, effects of distance and nearness, of perspective, etc. Antonioni blends landscapes, objects, and characters (especially through their bodies' spatialities) in the same spatial substance, giving each of them the same tangible value of signs. He also uses long sequence shots during which characters give way to a spatial context concentrating all the tension of unfinished epilogues. Overall, Antonioni managed to express the unspeakable dimension of human relationships through the use of space and spatialities, thus creating an original film language.
- Géographie animée : l'expérience de l'ailleurs dans l'œuvre de Hayao Miyazaki - Emmanuel Trouillard p. 626-645 L'animation offre des possibilités vastes aux réalisateurs, et notamment la liberté de retranscrire avec précision leur imaginaire spatial. L'œuvre animée d'Hayao Miyazaki, à l'esthétique aisément identifiable, est aujourd'hui reconnue internationalement depuis le succès du Voyage de Chihiro en 2001. Elle a largement contribué à dédiaboliser auprès du grand public occidental une animation japonaise à la réputation longtemps sulfureuse. Cette œuvre propose également un discours proprement géographique : elle est traversée de part en part par les thèmes du déracinement du héros et de son ouverture au monde. Miyazaki utilise le dessin animé comme un instrument d'exploration systématique des différents modes de relation à l'ailleurs. Cette dimension spatiale des films de Miyazaki n'a pourtant fait que très rarement l'objet de recherches. Cet article entend aborder le rôle structurant de l'expérience de l'ailleurs dans son cinéma, en choisissant comme corpus d'étude les 10 longs-métrages qu'il a signé à ce jour. Nous montrons en particulier, que la fiction miyazakienne s'articule autour de deux grands types de récits (films d'aventure et films du quotidien) : face à un ailleurs, les héros miyazakiens peuvent mettre en place deux stratégies distinctes, soit de connexion, soit d'intégration, aux implications spatiales spécifiques.Animated Geography: The Experience of the Elsewhere in Hayao Miyazaki's Work Animation gives large possibilities to directors, notably the liberty to project their own spatial imagination with accuracy. Hayao Miyazaki's work and its easily recognizable aesthetic are now internationally famous since the success of Spirited Away in 2001. It has largely contributed to demystifying Japanese animated movies which had a nefarious reputation. It also offers a geographic discourse as his work is about uprooting of heroes and their opening out to the world. Miyazaki uses animation as an instrument to systematically explore different modes of relationship to the elsewhere. However, this spatial dimension of Miyazaki's films has rarely been studied. This paper aims to better understand the structuring role of the experience of the elsewhere in his work, relying on a corpus of his ten full-length movies. This article demonstrates that Miyazaki's fiction deals with two main types of narrative (adventure movies and everyday life movies). Confronted with the elsewhere, Miyazaki's heroes develop two distinct strategies : either of connection or of integration, both implying specific spatial patterns.
- L'écran de l'exotisme. La place de Joséphine Baker dans le cinéma français - Jean-François Staszak p. 646-670 Cet article examine les rôles qui ont été ceux de J. Baker dans les quatre films français qu'elle a tournés entre 1927 et 1940. Je cherche à analyser l'imaginaire géographique véhiculé par ses films et à comprendre quelle pouvait être la place de J. Baker dans l'industrie cinématographique. Ses trois premiers films racontent la même histoire d'une Cendrillon tropicale, qui connaît le succès sur scène mais ne peut s'intégrer à la société française. Si les réalisateurs jouent beaucoup sur la sauvagerie et l'érotisme des personnages incarnés par J. Baker, la question raciale, qui constitue pourtant un enjeu essentiel, n'est abordée qu'indirectement. L'exotisation de J. Baker prend place dans une culture coloniale, autant marquée par ses stéréotypes que par ses contradictions, mais ces films n'en sont pas pour autant de simples véhicules de l'idéologie coloniale. Son dernier film met d'ailleurs en scène la réussite de son intégration à la société française. J. Baker s'avère être un signifiant polysémique, qui peut renvoyer à des espaces multiples et servir des idéologies variées.Screening the Exotic. Josephine Baker and the French Film Industry This paper deals with the different roles played by J. Baker in her four French movies, shot between 1927 and 1940, and aims to analyze the imaginative geographies that she was performing, and her place in the film industry. Her first three movies tell the same story of a tropical Cinderella, who succeeds on stage but fails to integrate in French society. Baker's characters were staged as erotic uncivilized women. The issue of race was important but remained carefully implicit. Baker's exoticization took place within French colonial culture, reproducing its stereotypes and contradictions. Nevertheless, these movies were not uncritical of colonization. Her last movie eventually shows the successful integration of Baker in French society. J. Baker turns out to be a polysemic signifier, which may refer to different places and ideologies.
- Le monde de James Bond : logiques, pratiques et archétypes - Serge Bourgeat, Catherine Bras p. 671-686 Les 23 films de James Bond présentent deux particularités qui intéressent le géographe : une mondialisation de leur audience et une représentation schématique voire caricaturale d'un certain nombre de hauts lieux (monuments, grands sites touristiques...). Quels sont ces lieux et quelle est la logique de leur représentation ? Au-delà d'un relevé de données, ce texte montre que les James Bond sont révélateurs d'une certaine mondialisation culturelle véhiculée par Hollywood mais aussi de pratiques spatiales de plus en plus marquées par la mobilité.James Bond's World: Logics of Representation, Spatial Practices and Archetype The geographer can be particularly interested in two specificities of the 23 James Bond films : a globalization of their audience and a schematic or even caricatured representation of well-known sites (monuments, tourist attractions). What are these sites and what is the logic behind their representation ? More than a data listing, this text highlights the fact that James Bond films reveal not only a certain cultural globalization conveyed by Hollywood, but also spatial practices increasingly impacted by mobility.
- Géographie morte-vivante. Les espaces indéterminés des zombies - Manouk Borzakian p. 687-705 Le succès croissant, depuis la fin des années 1960, des films de zombies, atteste de leur capacité à entrer en résonance avec les préoccupations de la société nord-américaine, ce que confirme la réappropriation par Hollywood de ce genre issu du cinéma indépendant. Cet article analyse en détails six films réalisés par George Romero, précurseur du genre. Il montre que la figure du zombie s'inscrit dans un mouvement d'identification par la société nord-américaine d'une altérité nouvelle car interne, génératrice d'une menace inédite contre sa cohésion. Corollairement, les films de zombies reposent sur une logique de retranchement de leurs personnages, de mise à distance immunitaire de l'Autre, et véhiculent les représentations d'un espace dénué de sens et désocialisé, traduction de l'effondrement de l'état de droit et d'une angoisse existentielle face à une perte de sens de l'espace.Living-dead Geography. Undefined Spaces for Zombies Since the 1960s, the growing success of zombie movies shows their link with the concerns of US society, which is corroborated by Hollywood's appropriation of this initially independent genre. This article is based on a thorough analysis of six movies directed by George Romero, who created the genre. It shows that the zombie corresponds to a new form of otherness identified by American society within itself and threatening its cohesion. As a consequence, zombie movies rely on a logic of entrenchment of their characters, who get immunity to the Other by keeping them at bay. They also convey representations of a meaningless and desocialized space, exemplifying the collapse of the rule of law as well as an existential anxiety facing increasingly meaningless spaces.
- Espace et société dans le cinéma des Zombies - Alfonso Pinto p. 706-724 Originaire de la culture vaudou, le Zombie devient à partir de la fin des années soixante un mythe occidental. Le mérite en revient à G.A. Romero qui réinvente un monstre en lui attribuant de fortes connotations socio-politiques et pour lequel l'espace est un élément fondamental. Le Zombie est avant tout une créature urbaine, et s'inscrit au sein des formes ambivalentes de l'urbanisation américaine. Il occupe à la fois les downtowns ainsi que le périurbain. Le corpus choisi, démontre une grande sensibilité dans le traitement de l'espace qui est toujours profondément nuancé (Romero se concentre sur les villes nord-américaines, Boyle sur l'Europe). L'espace des Zombies se caractérise aussi par deux éléments : la ségrégation et la fragmentation. Si les morts-vivants sont une masse homogène qui occupe la surface du territoire, les hommes au contraire perdent leur contrôle de l'espace : ils sont ségrégués dans leurs abris, mais surtout ils sont divisés et en conflit permanent entre eux. Urbaphobie, gated communities, fragmentation, ghettoïsation, disparition de l'espace public, conflits de différentes natures sont tous des éléments récurrents dans le corpus. On peut donc affirmer que les problématiques socio-spatiales sont une clé de lecture fondamentale pour le cinéma des Zombies.Space and society in Zombie cinema The Zombie is a creature that originated within the colonial context of Haiti and, more specifically, the voodoo mysticism. Resulting from the syncretism between the culture of the African black slaves and the colonial Catholicism, he became a western myth throughout the second half of the XXth century. The basic change between the “original” Haitian Zombie and his western reinvention consists in the loss of his mystic-spiritual feature in favor of a more laic vision which makes the walking-corpse the victim of a virus rather than witchcraft or a spell. The creator of the western Zombie is the American film director G.A. Romero who lays the foundations of the Monster par excellence, with strong political and social connotation and a great importance given to space.The movies which have been analyzed (Romero's Tetralogy and 28 Days later by the English director Danny Boyle) clearly show how the powerful socio-political metaphor embodied by the Zombie may have evident spatial relevance. First of all, the anthropophagous monster is essentially an urban creature. The city, the metropolis, the great agglomerations are his favorite territory. Great attention to the characteristics of urban spaces, particularly the North-American ones, is constantly found in Romero's movies where the same relevance is given to both downtown and periurban spaces. The city often becomes the Zombie's favourite habitat whereas the survivors are compelled to move towards a safer place outside the city. The two other basic elements of space in the Zombie cinema are segregation and fragmentation. The Zombie becomes the new dominating creature of the planet and segregation is the price men have to pay for their survival. Be it a Mall, a country house, a bunker or a fortified citadel, the space rather recalls an Early Middle-Ages context, when the price of safety was often the loss of freedom. This opposition lies not only in a simple inside-outside, man/zombie dialectics ; if the Zombies are homogeneous and coherent like their life, Humans appear as continuously torn by conflicts, troubles for the leadership and social conflicts. Their spaces fully reflect this conflictual condition. The humans' space is fragmented and the opposition ends not only in man versus zombie but also and especially in man versus man. As a matter of fact, in all the movies which have been analyzed the Zombies are able to overcome the barrier because of the survivors' internal contrasts. If unity is strength, division means defeat. Urbaphobia, gated communities, fragmentation, segregation, limitation of public spaces, different kinds of conflicts, all of them are recurrent elements in the corpus. To sum up, we can claim that the socio-spatial problems of contemporary urban spaces are a basic interpretation of Zombie cinema.
- Plasticité de l'imaginaire géographique : la ville occidentale dans les séquences musicales des films hindis - Frédérique Bianchi p. 725-743 Cet article prend place dans la réflexion transdisciplinaire sur les flux culturels, la déterritorialisation et l'identitaire. Dans le prolongement des travaux d'Appadurai sur les flux culturels globaux, les identités, l'imagination comme pratique sociale et la déterritorialisation, nous suggérons que les délocalisations des tournages indiens en Occident concourent aux processus plastiques qui travaillent l'objet esthétique et entrent dans un renouvellement des flux à l'échelle géopolitique. Ce processus plastique propose une recréation géographique et s'inscrit dans une perspective postmoderniste du cinéma.Plasticity of Geographical Imagery: The Western City in Musical Sequences of Hindi Films This article aims to contribute to the discussion about globalization and cultural studies. In the continuation of Appadurai's works on global cultural processes, identity, social imagery and deterritorialization, we suggest that when Indian film makers travel to shoot in Western locations it is the aesthetic expression of plasticity at the crossroads of aesthetics and geopolitics. This process creates a new geography and falls into a postmodernist perspective of cinema.
- L'invention d'une rencontre entre le cinéma et la ville : la « symphonie urbaine » au tournant des années 1930 - Camille Bui p. 744-762 Né au cœur de la ville moderne, le cinéma s'est épanoui dans une relation privilégiée avec l'urbain, tant au niveau géographique qu'esthétique. Pour les cinéastes d'avant-garde des années 1920-1930, la métropole fut un milieu propice à la recherche d'un langage cinématographique autonome qui se démarquait de la production divertissante dominante. Dans l'espace de ce texte, nous réinterrogeons le lien du cinéma à la ville dans le moment historique de la modernité culturelle, en nous penchant sur le genre de la symphonie urbaine. À rebours du lieu commun d'une rencontre naturelle entre la ville et le cinéma, nous montrons en quoi ces portraits de ville investissent de manière active les possibilités du médium cinématographique. L'analyse de la mise en scène de l'espace urbain dans ce corpus de films – et particulièrement dans L'Homme à la caméra de Vertov – permet de saisir la manière dont le cinéma se fait agent de la modernité. Il invente et promeut un régime scopique spécifique : un regard omniscient, libéré des contraintes corporelles du citadin ordinaire. Ce régime dominant est cependant troublé par un régime alternatif de représentation où les habitants ont une part active : cette tension performe à l'échelle du film la complexité des dynamiques qui font la ville.The Invention of an Encounter between Cinema and the City: The “City Symphony” at the Turn of the 1930s Born in the heart of the modern city, cinema has blossomed within a special relationship with urban space, both geographically and aesthetically. For avant-garde filmmakers of the 1920-1930s, the city was thought to be a suitable environment for the search of an autonomous cinematic language, breaking with the dominant entertainment production by taking advantage of a unique and varied sensory range. In this paper, the author precisely questions the link between urban space and the filmic medium in the historical moment of cultural modernity, by focusing on the city symphony genre. Against the common idea of a natural encounter of cinema with the city, the paper shows how the city portraits of 1920-1930 recreate the sensory experience of the city by working actively on the possibilities of the filmic medium. It analyzes how the avant-garde mise-en-scène of city space not only reflects urban modernity but takes part in its invention. Cinema creates and promotes the specific scopic regime of modernity : an omniscient look, freed from the bodily constraints of the ordinary city dweller. However, the author shows how this dominant regime is troubled by an alternative representation where inhabitants take an active part in the city : throughout the film this tension both documents and performs the complexity of the dynamics that make the city.
- Urbanités du spectacle, urbanités en spectacle. Paris, Je t'aime et New York, I love you : voyages impossibles en métropoles cinématographiques ? - Bertrand Pleven p. 763-783 Paris, je t'aime (2006) et New York, I love you (2010) sont deux films collectifs. Leur forme – éclatée – interroge tandis que leur manière de faire de la ville un produit d'appel apparaît comme une vraie rupture. L'article se propose de questionner la géographie urbaine construite par ces films au regard de leurs conditions de production tout en prenant en compte leur réception par les publics. Ainsi sont mises en lumière certaines logiques amenant à considérer ces deux films, en dépit de leur caractère ambigu et pluriel, comme des systèmes de reproduction des représentations attachées à Paris et New York. La démarche appliquée peut apparaître comme une grille d'analyse en partie transposable à d'autres types d'urbanités cinématographiques.Urban geographies for show, urban geographies on show. Paris, Je t'aime and New York, I love you : impossible journeys to the cinematic metropolis? Paris, Je t'aime and New York I love you are both collections of short films. The format- split up into a succession of tiny stories- presented as innovatory and the fact that the proclaimed specificity of the cities becomes the actual value of the cinematic product, are intriguing. The article explores the partially fictional urban geographies built from the films. The spatial dimensions within the two films are, however, constricted by production criteria. The article goes on to question the films'status from a critical viewpoint, by studying their public reception and considering them as a system that in fact reproduces the representations associated with Paris and New York. The study approach used on these two specific films could at least partly be applied as an analytical framework for other cinematic cities.
- Les apports du cinéma à une (géo-)graphie des frontières mobiles et des migrations frontalières - Sarah Mekdjian p. 784-804 Les frontières sont irréductibles à des tracés géopolitiques linéaires. Leurs fonctions de barrière ou d'interface se diffusent dans l'espace et dans le temps, en fonction des politiques étatiques, de l'intensité et de la diversité des flux migratoires qui s'y déploient. Nous proposons d'appréhender les frontières depuis les déplacements et les migrations qu'elles génèrent, c'est-à-dire depuis leur dynamique. Art du temps et du mouvement, le cinéma peut-il contribuer aux réflexions géographiques sur les déplacements frontaliers et la frontière mobile, en tant qu'étendue instable, constituée « chemin faisant » ? En quoi le cinéma de fiction peut-il participer à l'élaboration d'un projet scientifique géographique ? Les caractéristiques des images cinématographiques ouvrent-elles des perspectives pour la figuration des frontières mobiles en géographie ?Cinematic Maps of Mobile Borders and Cross-border Migrations Borders cannot be reduced to more or less continuous lines, in a surface-based, timeless vision of space. Border regions attract dense networks of migrations. Documenting and mapping the mobility of the border and within the border region is an ongoing challenge in geography. As an art of “movement-image”, according to Deleuze's theory, could cinema help produce a mobile geography and cartography of borders? This paper explores the cartographic dimensions of cinema and its potential to suggest new maps of cross-border migrations. Frames, shots and montage, as creations of innovative time/space configurations, will be analyzed in two films showing the US/Mexico border: Sin Nombre, written and directed by Cary Fukunaga in 2009 and No Country For Old Men, written and directed by Joe and Ethan Coen in 2007, after Cormac McCarthy's eponymous novel.
- Le flâneur de la High Line de New York : un opérateur sans caméra et une vue urbaine sans film - Viva Paci, Martin Bonnard p. 805-821 Cet article propose une analyse du parc urbain de la High Line à New York par l'étude de la forme de regard sur la ville que cette structure offre à son visiteur. Pour ce faire, nous rapprochons, dans une démarche d'archéologie intermédiale, trois postures spectatorielles : celle du flâneur (allant de Baudelaire, à Benjamin, à Simmel et à Kracauer), celle de l'opérateur du cinéma des premiers temps et, bien sûr, celle induite par le cheminement sur la High Line. Le point de vue, du haut de la Ligne, comporte en effet des caractéristiques proches de celles inhérentes aux postures anciennes précitées. Le « spectateur » de la High Line est invité, entre curiosité et détachement, à contempler la ville : ses paysages imbibés de cinéma, son rythme frénétique, ses attractions visuelles séduisantes. Laissant errer son regard dans un long travelling horizontal en plongé, ponctué de pauses contemplatives, le promeneur du XXIe siècle découvre la ville par l'entremise d'un regard similaire à celui qui caractérise le flâneur du XIXe siècle.The flâneur on the New York High Line: An Operator with No Camera and a Street Scene with No Film >This article analyses the High Line's urban park in New York City focusing on the gaze this structure invites visitors to adopt. We place side by side, in an intermedial archaeology, three kinds of spectatorship : the one of the flâneur (through Baudelaire, Benjamin, Simmel and Kracauer), the early cinema camera operator, and the one induced while walking on the High Line. The point of view, from the top of the Line, shares some characteristics with old ways of seeing the city. High Line's “spectators”, between curiosity and detachment, are led to contemplate the city : its landscape inhabited by movie memories, frenetic rhythm and appealing visual attractions. His gaze wandering from building to building in a long horizontal and high-angle zoom shot, interrupted by contemplative breaks, the 21st Century stroller discovers the city through a 19th century flâneur's gaze.
- Le cinéma fait sa Havane. Étude des représentations spatiales diffusées par le cinéma des rues cubain et de leurs conséquences sociales - Laura Corsi p. 822-843 Le cinéma des rues cubain est un mouvement contemporain structuré par le festival annuel la Muestra de los nuevos realizadores. Il se distingue dans le paysage culturel cubain par le caractère novateur du discours qu'il diffuse dans la société. Libérés de la rhétorique et des interdits du gouvernement révolutionnaire, les réalisateurs utilisent le langage audiovisuel pour se réapproprier l'image de leur ville, faire entendre la pluralité des voix citadines et ainsi proposer un nouveau discours territorial. À partir de l'analyse d'un corpus de 266 courts-métrages diffusés par ce festival et trois longs-métrages de Fernando Pérez qui le préside, cet article se propose d'analyser les représentations spatiales de La Havane que produit le cinéma des rues. Il s'agira ici de mêler géographie et cinéma pour analyser le rôle de ces représentations de la ville dans l'émergence de nouvelles dynamiques sociales et spatiales. Cet article développe donc une réflexion sur les manières dont le géographe peut analyser les représentations audiovisuelles et leur traitement spécifique de l'espace pour produire une analyse des sociétés.The Movies Make their Havana: Analysis of the Spatial Representations Diffused by the Cuban Street Cinema and their Social Consequences. This article deals with the spatial representations spread by a contemporary cinema movement, the Cuban Street Cinema. This movement is analyzed with a Social Geography approach. The article aims to question the interactions between the representations of Havana and its evolutions concerning social issues and identity. The Street Cinema appears to be an answer to the social need for reconnecting some discourses to the everyday experience which characterizes Cuban society. Its objective is to show the faces of the city hidden by the official discourses, and to participate in the creation of a new public sphere for a free social debate. The article shows how the cinematographic representations, in their specific relations with space, are established as an innovating narrative in order to build an identity, and how they show the way to re-appropriation of everyday territories. The text presents the experimental methods used during this research to analyze a corpus of 269 films, most of them short movies, combining quantitative and qualitative methods and to develop an adapted visual language.
- The Postmodern Life of My Aunt– A Chronotope of Postsocialist China - Wing-Fai Leung p. 844-864 Cet article examine le film The Postmodern Life of My Aunt (Yima de houxiandai shenghuo 姨妈的后现代生活, 2006, par Ann Hui), dans lequel la tante éponyme Ye Rutang est une femme de 60 ans vivant seule à Shanghai. Après une série de rencontres avec son neveu et avec des étrangers, Ye perd tout son argent et doit retourner à son ex-mari et sa fille à Anshan, province du Liaoning dans le nord-est de la Chine, où elle fait face à son passé douloureux – comme jeune intellectuelle pendant la Révolution Culturelle (1966-1976). Le paysage monochromatique du nord-est moins développé est un symbole du « passé » qui co-existe avec la métropole futuriste dans la Chine contemporaine. En employant le concept de Bakhtin de chronotope, complété par une analyse de la production de l'espace (Lefebvre) et les marqueurs temporels, l'article examine comment le temps et l'espace interagissent avec l'histoire et les voyages des personnes dans le récit, visualisé par les voyages géographiques entre Shanghai et Liaoning. Cette étude démontre comment la vie privée d'un protagoniste féminin est aussi une enquête des intersections cinématographiques et géographiques qui donnent sens aux contextes sociaux et politiques dans la chronologie de la Chine ces dernières décennies.The Postmodern Life of My Aunt – un Chronotope de la Chine postsocialiste This article focuses on The Postmodern Life of My Aunt (Yima de houxiandai shenghuo 姨妈的后现代生活, 2006, by Ann Hui), in which the eponymous aunt Ye Rutang is a woman in her 60s living alone in Shanghai. After a series of encounters with her nephew and strangers, Ye loses all her savings and is forced to abandon her neighbourhood in Shanghai to return to her estranged husband and daughter in Anshan, Liaoning in North East China where she faces her painful past – as an intellectual youth during the Cultural Revolution (1966- 1976). The North East, despite recent industrial development, is no match for the vibrancy of Shanghai, or the latter's postsocialist rebirth, and the monochromatic landscape of the region serves as a symbol for “the past” that co-exists with the futuristic metropolis in contemporary China. The disjuncture between the two parts is a spatial metaphor for the breakdown of the grand narrative in postsocialist China. Through employing the Bakhtinian notion of chronotope, supplemented by a discussion of the production of space (Lefebvre) and temporal markers, the study examines how space and time interact with plot, history, and the individuals' journeys in the narrative, visualized by the geographical shifts between Shanghai and Liaoning. Postmodern Life is a narrative about the effects of the Cultural Revolution and the subsequent economic reforms, a delayed manifestation of how the past has caught up with the protagonists. As such, the private life of a female protagonist opens up an avenue to consider the cinematic-geographical intersections which give meanings to the social and political contexts in the chronology of China's recent past through the characters who embody the generations, and occupy different subject positions according to their age, class and gender.