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Revue | Annales de géographie |
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Numéro | no 698, 2014/4 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Créer un parc national des Calanques : préserver, partager ou confisquer un patrimoine socio-naturel ? - Cécilia Claeys p. 995-1015 Cet article présente une analyse du processus de création du Parc national des Calanques (PnCal). La lecture proposée est celle de la patrimonialisation de la nature et de la culture. Il s'agit de saisir les discours et argumentaires relatifs au processus de patrimonialisation, porteurs de cosmogonies multiples et sous-tendus par des enjeux sociaux peu ou prou antagonistes. La proximité spatiale et symbolique entre le territoire du PnCal et la ville de Marseille est au cœur de l'analyse, mettant à l'épreuve du terrain les dualismes classiques opposant urbain/rural, nature/culture, sauvage/domestique. L'analyse des débats observés et des discours recueillis met en exergue les processus d'exclusion et d'inclusion tentant de circonscrire le collectif d'humains et de non humains participant de ce patrimoine socio-naturel en construction, en premier lieu. Dans un second temps, l'analyse explore la pluralité potentiellement conflictuelle des savoirs mobilisés. En conclusion, des pistes de conciliation pragmatiques entre anthropocentrisme et biocentrisme sont explorées.The Creation of a Calanques National Park: The conservation, sharing or confiscation of a socio-natural heritage site?This article offers an analysis of the creation of a National Park in the Calanques. Our analysis looks into the heritage designation of nature and culture. We examine the discourse and arguments used in the process of heritage designation, a process which embodies multiple cosmogonies and is underpinned by more or less antagonistic social factors. To begin, analysis of the observed debate and collected discourse reveals processes of inclusion and exclusion which attempt to define the human and non-human groups involved in this socio-natural heritage in the making. Then we examine the potentially conflicting plurality of knowledge involved. Finally, we point up some pragmatic suggestions for conciliation between anthropocentrism and biocentrism.
- Le massif forestier des Landes de Gascogne, un patrimoine naturel ? Le regard des gestionnaires - Aude Pottier p. 1016-1038 Au sein des forêts françaises, il en est une qui se détache tant par son étendue et son histoire que par sa forte propension à être considérée comme « ordinaire » : les Landes de Gascogne. Conçue pour produire, emblème s'il en est un de la vocation productive de l'espace forestier, la forêt landaise est souvent et précisément dénoncée pour cette orientation exclusive. Le caractère intensif de son exploitation et son importante superficie sont généralement avancés pour en critiquer son uniformité paysagère et sa faible richesse floristique et faunistique. Ces remarques reflètent son apparente incapacité à être porteuse de valeurs autres qu'économiques. Derrière le stéréotype, nous allons chercher à appréhender le regard que portent les professionnels (privés et publics) sur leur objet de travail, et pour beaucoup, de vie. À travers l'analyse d'entretiens semi-directifs, nous allons tenter de décrypter le rapport tissé entre cette catégorie professionnelle et son objet par et au-delà de l'« uniforme ». Cet article vise ainsi à appréhender les valeurs que ces personnes affectent à cette forêt landaise et montrera comment une forêt artificielle de production peut devenir, pour ses gestionnaires, un objet patrimonial où valeurs naturelles et culturelles s'enchevêtrent.The forest of the Landes de Gascogne, a natural heritage? The foresters'viewpoint Among the French forests, the Landes forest stands out rather owing to its surface area, history and the strong tendency to consider it as "unremarkable". Dedicated to production, the Landes de Gascogne became a symbol of the productive vocation of forest spaces. Consequently the forest was often criticised for that very reason: its exclusive end-use. Its extensive surface area combined with its intensive exploitation are indeed often the subject of heavy criticism pointing at the consequent poverty in terms of flora and fauna. Those remarks can even be used to question its designation as a forest and to highlight its apparent inability to hold any value other than its economic content. However, behind prejudices often displayed by external stakeholders, professional operators (public and private) show a different point of view on what is the core of their daily work and sometimes of their Life. Through the analysis of semi-directive interviews, the Authors seek to understand the relationship forged between this professional category and its object through and beyond the "uniform". The objective of this article is to understand which values are given by those persons to their forest and to demonstrate how an artificial production-oriented forest can become a heritage shared between nature and culture, for those who work with it.
- Quelles alternatives à l'automobile dans les espaces d'« entre-villes » ? Une comparaison franco-allemande - Antoine Brès, Xavier Desjardins p. 1039-1061 L'article porte sur les déterminants spatiaux des alternatives potentielles à offrir à l'usage de l'automobile dans l'aménagement des espaces d'urbanisation dispersée. Notre hypothèse principale est que, même dans les territoires de faible densité, la distribution géographique des populations et des activités ainsi que l'agencement territorial de ces fonctions a une importance majeure dans l'efficacité des modes actifs et des transports collectifs. Pour tester cette hypothèse, une enquête a été menée dans deux territoires situés à l'écart de toute commune de plus de 20 000 habitants (ou agglomération de plus de 25 000 habitants) en France et en Allemagne, plus précisément en Picardie et en Franconie. Une méthodologie particulière a été développée pour étudier précisément la distribution géographique de l'urbanisation et des services. Ce travail met à jour un potentiel de proximité non négligeable, surtout en France, et des possibilités d'usage des transports collectifs plus importantes en Allemagne. Dans une dernière partie, une analyse des documents d'urbanisme et de planification permet de partager la part de l'héritage et du volontarisme politique dans ces configurations territoriales.What alternatives to the car in areas of scattered urbanization? A Franco-German comparison The article deals with the spatial determinants of the potential alternatives that can be offered to the use of the car in areas of scattered urbanization. Our main hypothesis is that, even in low density territories, the geographical distribution of populations and activities has a major importance in the efficiency of public transport and active modes (walking and cycling). To test this hypothesis, a survey was led in two regions located away from any municipality over 20.000 inhabitants (or urban area over 25.000 habitants) in France and in Germany, more precisely in Picardy and Baden-Württemberg. À specific methodology has been developed to analyse in detail the geographical distribution of urbanization and services. This work brings to light a substantial proximity potential, especially in France, and significant opportunities for public transport, especially in Germany. In the last part, an analysis of planning policies helps distinguish the relative effects of territorial legacy and political voluntarism in these territorial configurations.
- Géographie et imaginaires nationaux entre le XIXe et le XXe siècle : l'invention de l'Italie et la circulation des cultures géographiques - Federico Ferretti p. 1062-1087 Cet article aborde la construction de l'unité nationale telle que les géographes italiens l'ont envisagée à l'âge du Risorgimento, en analysant ce processus dans le contexte de la construction de représentations des identités et imaginaires des différentes nations, qui intéressa beaucoup les géographes européens entre le XIXe et le XXe siècle. En travaillant des sources primaires dans le cadre de la circulation internationale des connaissances et en abordant la question de la construction culturelle et épistémologique des objets de la géographie, cet article vise à contribuer à la recherche actuelle sur le nationalisme, les identités et les imaginaires nationaux du point de vue de la géographie culturelle et de l'histoire de la géographie. Développer des interrogations sur comment la géographie a construit l'Italie en tant qu'objet de connaissance, du point de vue à la fois du paysage, de la géographie physique et de l'image de la nation, révèle l'importance de cette discipline dans la construction de réalités sociales et culturelles. L'étude du rôle historique de la géographie dans la construction nationale nous parle non seulement des défis territoriaux du passé, mais aussi des défis présents et futurs.Geography and national imageries between the 19th and 20th centuries: the invention of Italy and the circulation of geographical cultures This paper addresses the construction of national unity by Italian geographers in the age of the Risorgimento, analysing this process within the context of the international emergence of national representations, identities and images which was similarly accompanied by geographers elsewhere during the 19th and early 20th centuries. Based on primary sources, focusing on European circulation of knowledge, and drawing on the study of the cultural and epistemological construction of the geographical objects, this paper contributes to current research on nationalism, identities and national imagination from the standpoint of social, cultural and historical geography. Examination of how geography constructed objects of cultural identity in Italy, initially through landscape and morphological analysis, and finally in the geographical invention of the Italian nation, reveals the importance of this discipline for constructing social reality. The study of the role of geography historically in nation-building can shed light both on territorial challenges of the past, and those potentially to come.
- Les quartiers artistiques : territoires en construction. Regards croisés sur Montreuil (Île-de-France) et Neukölln (Berlin) - Camille Boichot p. 1088-1111 Les quartiers artistiques sont des marqueurs de la spatialisation urbaine des activités artistiques et en particulier de leur concentration. Ils sont à l'heure actuelle porteurs d'enjeux de développement économique et d'attractivité urbaine, l'art constituant un élément phare d'économies accordant une place croissante à la production symbolique. Leur mise en évidence ne va pourtant pas de soi et mobiliser la notion de quartier artistique invite à questionner les processus qui conduisent à l'émergence d'une identité collective spatialisée construite autour de l'activité de création artistique. Cet article vise à comprendre les processus qui conduisent à la formation et à la pérennisation de quartiers de création à Paris et à Berlin, deux métropoles artistiques majeures. Il s'appuie sur la comparaison de Montreuil et de Neukölln, deux espaces péricentraux de ces métropoles où résident et travaillent de nombreux artistes. L'analyse des pratiques et des représentations spatiales liées à l'implantation locale des activités de création montre que la territorialisation dont résulte la reconnaissance d'un quartier artistique relève d'abord des pratiques spatiales des artistes, à travers la mise en visibilité de leur activité, à travers l'esthétisation de l'espace public ou à travers l'organisation collective autour de lieux de sociabilité ou de réseaux de promotion. La médiatisation habitante et les valorisations économiques et politiques dont la création artistique fait l'objet contribuent également de manière prépondérante à l'émergence et à la reconnaissance de l'identité collective du quartier artistique. Une pluralité d'acteurs participe ainsi à la territorialisation de la création, chacun étant porteur d'un élément explicatif de l'histoire, du sens et des recompositions du quartier artistique dans une métropole européenne telle que Paris ou Berlin.Artistic districts demonstrate the spatialization of artistic activities in urban space, particularly their tendency towards concentration. Today they symbolise both economic development and urban attractiveness in a time where art is a key element of symbolic production. Defining an artistic district is not straightforward and using this concept encourages us to consider the processes which lead to the emergence of a spatialised collective identity based on artistic creation. This paper aims to understand the processes of formation and perpetuation of artistic creation districts in two major European cities: Paris and Berlin. The research is based on the comparison of Montreuil and Neukölln, both situated in a pericentral area of metropolitan space and where numerous artists live and work. The analysis of spatial practices and representations related to setting up of creative activities in particular neighbourhoods shows that the territorialization embedded in the recognition of an artistic district is primarily defined by the artists' practices themselves. This takes place through the visibility of their presence, the aesthetisation of public spaces or through their collective organisation around cafés and meeting places or in locally anchored artistic networks. Recognition by inhabitants as well as economic and political support also play a prominent role in the definition and recognition of a collective identity of an artistic district. In this way, several actors are involved in the construction of an urban territory of artistic creation that mirrors the concept of artistic district as it is used in urban history; every individual being part of the specific history, meaning and recomposition of the artistic district in cities such as Paris or Berlin.
- Comptes rendus - p. 1112-1120