Contenu du sommaire : Habiter : mots et regards croisés
Revue | Annales de géographie |
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Numéro | no 704, 2015/4 |
Titre du numéro | Habiter : mots et regards croisés |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- L'« habiter », sur un plateau - Olivier Lazzarotti p. 335-337
- Élisée Reclus ou la condition géographique : habiter la terre - Isabelle Lefort, Philippe Pelletier p. 338-350 En dénonçant toute personne qui finit « par dévaster la contrée qui lui sert de demeure et par la rendre inhabitable », alors que l'être humain qui est « vraiment civilisé agit tout autrement », Élisée Reclus (1830-1905), partisan d'une « mésologie » articulée à une « géographie sociale », dessine son projet géographique de l'habiter entre éthique, esthétique et politique : coexistence et diversité des vivants (être humains, plantes et animaux…), dépassement du couple nomadisme/sédentarité, humains considérés comme des « agents géologiques » mais devant désormais « travailler avec méthode à l'aménagement de la terre ».By criticizing those who “lay waste his dwelling land, making it uninhabitable” whereas the human being who is “truly civilized acts completely differently”, Élisée Reclus (1830-1905), upholder of a “mesology” linked to a “social geography”, traces out his geographical vision of dwelling as lying between ethics, aesthetics and politics : coexistence and diversity of living beings (humans, plants and animals), overriding distinction between nomadism and sedentary, human beings viewed as “geological agents” but now having to “work with method to develop the earth”.
- Mythologie de l'urbain diffus - Augustin Berque p. 351-365 L'article établit la généalogie des mythes qui, en Orient comme en Occident, ont conduit à l'idéalisation de la maison individuelle au plus près de la nature, et ainsi engendré une forme d'habitat insoutenable – non durable écologiquement et injustifiable moralement – : l'urbain diffus.This article establishes the genealogy of the myths which, in the West as well as in the East, have induced the idealization of the detached house close to nature, and thus produced in the end a pervasive form of settlement – a rural-like form of urbanization covering the whole territory – which is both ecologically unsustainable and morally unjustifiable.
- Habiter : se placer plaçant et se penser pensant - André-Frédéric Hoyaux p. 366-384 À travers des extraits de film, ce texte propose de montrer comment l'habiter noue une double dimension pour l'être humain, celle de l'action sur l'espace et celle de la réflexion de cette action sur l'espace. Il ne relève donc pas seulement d'une activité dans l'espace mais aussi du sens que cette activité constitue pour l'habitant(e). Cette constitution est à la fois pratiquement et symboliquement anticipative. Elle génère autant qu'elle est générée par la volonté de placement que l'habitant(e) veut avoir dans la société et auprès des divers collectifs auxquels il/elle participe et se réfère pour construire son identité. Ce jeu de placement se construit essentiellement dans une interaction symbolique avec ses semblables, c'est-à-dire avec celles et ceux qui ont une portée sur elle/lui. Cela délimite alors un ensemble d'interprétations sémantiques croisées provenant à la fois de cette capacité de l'habitant(e) de penser ce qu'il/elle est à travers l'introjection du sens donné par les autres sur elle/lui et ce qui l'entoure, et de projection du sens donné par cet (te) habitant(e) sur les autres et ce qui les entoure. Il y aurait donc une double opérativité de l'habiter : celle de se placer tout en plaçant les autres et celle de se penser tout en pensant les autres.Dwelling establishes a twofold dimension for the human being : one is the action on the inhabited space, the other the thought behind this action on that space. As such, dwelling is not only a matter of having an activity within the space, but for the dweller it is also a question of constituting a meaning for this activity. The constitution of this meaning is anticipator, both practically and symbolically. It is being generated by and it generates the dweller's desire for `placement'(i.e. to find his/her place) within the society and in relation to the different collective groups he/she participates in and refers to when building his/her identity. In doing so the dweller participates in a game of `placement'by entering into a symbolic interaction with his/her fellow counterparts ; in other words with those who held some significance for him/her. This creates a set of crossed semantic interpretations that are generated by the dweller's ability to think what he/she is by interiorising the meaning given by the others about the self and to what surrounds him/her, but also by the projection of the meaning the dweller gives to the others and to what surrounds them. Therefore dwelling may operate with a dual effect : giving oneself a place while giving a place to the others, and of thinking of oneself while thinking of the others.
- Voisinages - Jean-Marc Besse p. 385-390 À partir de l'analyse d'une photographie insérée par l'architecte Herman Hertzberger dans ses Leçons d'architecture, ce texte propose quelques commentaires sur les formes de l'habiter humain. Il aborde successivement la dialectique de l'intérieur et de l'extérieur, la question du temps et celle de l'espacement. Il souligne l'importance, pour toute réflexion sur l'habiter, de la référence à quatre auteurs : Ivan Illich, John Brinckerhoff Jackson, Tim Ingold, et Richard Sennett.Analysis of a photograph inserted by architect Herman Hertzberger in his Leçons d'architecture, is used as a basis for observations on the different modes of human dwelling. The article tackles the dialectic of interior and exterior, the questions of time and spacing. It highlights the importance, for any examination of the notion of dwelling, of making reference to four authors : Ivan Illich, John Brinckerhoff Jackson, Tim Ingold, and Richard Sennett.
- Habiter Cheonggyecheon : l'exception ordinaire - Jacques Lévy p. 391-405 Que peut bien nous dire un lieu rencontré par hasard et parcouru comme le ferait n'importe quel habitant, permanent ou éphémère ? Cheongggyecheon, une petite rivière naguère transformée en égout et surmontée d'un viaduc autoroutier et devenue en 2005 en un des espaces publics les plus populaires de Séoul, mérite d'être observé comme une opération d'urbanisme caractéristique des nouvelles manières de produire de l'urbanité. Cet urbanisme d'acteurs – et non plus d'auteurs – est mondial mais, en chaque lieu de son action, sa singularité s'impose. Il vise à rendre compatible la liberté des acteurs et la valorisation des environnements, les spatialités et les espaces. Il constitue une expression forte des enjeux de l'habiter, qui apparaît à travers cet exemple et les pratiques de l'urbanisme comme un concept central de la géographicité contemporaine.What can a place, discovered by chance and strolled along as any ordinary, permanent or ephemeral, inhabitant tell us? Cheongggyecheon is a small river that had once been turned into a sewer then topped by an elevated expressway and in 2005 transformed into one of Seoul's most popular public spaces. This place deserves to be observed as an urban project that characterises emerging ways of creating urbanity. This is urbanism for actors, no longer one for authors. It is globalised yet everywhere it takes place, it has an obviously unique character. It aims at making actors' freedom and environments' ability to thrive, that is to say spatialities and spaces, compatible. It conveys ideas of some major issues of inhabiting. This example and overall urban agency show how central the concept of inhabiting is in contemporary geographicity.
- L'expérience de l'habitation - Michel Lussault p. 406-423 Cet article propose une lecture de l'habitation (considérée comme l'action d'habiter) à partir du concept d'expérience. Celui-ci, considéré de manière globale, recouvre l'ensemble des interactions entre l'individu agissant et le monde. La spatialité constitue alors la dimension spatiale de cette expérience en même temps que le vecteur de la construction, au quotidien, de l'habitat — c'est-à-dire l'ensemble des espaces-temps de vie propre à chaque humain. Le texte développe cette approche en partant d'une photographie ordinaire, profane, au sens où elle n'a pas de valeur scientifique intrinsèque. Elle forme pourtant un concept-en-image qui permet de modéliser l'expérience habitante et de lancer des réflexions, en particulier, sur la relation opérateur-objet-environnement qui se tient au cœur de la spatialité, ainsi que sur l'importance de la mise en tension de l'ancrage et de l'ouverture au sein de l'habitation.This article proposes an interpretation of dwelling (considered as the action of dwell) starting from the concept of experience. The concept, generally speaking, covers the whole set of interactions between the individual effecting the action and the world. The spatiality then constitutes the spatial dimension of this experience at the same time as the vector of the daily construction of the habitat — that is all the space-time of life situations that are particular to each human. The article develops this approach starting from a photograph, quite ordinary and profane in the sense that it has no intrinsic scientific value. However, it does form an image-concept which allows modelling of the dwelling experience and provides the ingredients for making observations. This is particularly the case for the operator-object-environment relationship which prevails at the core of the spatiality, as well as for the significance of the tension between the action of laying roots and opening-up within that of dwelling.
- Habiter comme « faire avec l'espace ». Réflexions à partir des théories de la pratique - Mathis Stock p. 424-441 Cet article présente une façon spécifique d'appréhender la question de l'habiter du point de vue d'une théorie de la pratique. Plus précisément, quelques éléments acquis de différentes approches théoriques mettant au centre le concept de pratiques sont explicités et interrogés quant à leur capacité heuristique pour appréhender l'habiter. Pour ce faire, on part d'une photographie qui présente la situation touristique. Dans un deuxième temps, cette situation touristique est utilisée pour mener une interrogation sur la problématique contemporaine de l'habiter qui est informée par la mobilité spatiale. Dans un troisième temps, des éléments de théories de la pratique sont présentés qui font sens pour une analyse de l'habiter. L'enjeu réside notamment dans la conceptualisation cohérente des dimensions spatiales pour des théories de la pratique conçues a priori sans références aux enjeux spatiaux.This article presents a specific approach to the question of dwelling from the point of view of practice theories. Dwelling is defined as “coping with space”, as opposed to approaches where the occupation of dwellings and/or immobility of individuals are prominent. Selected elements of different theoretical approaches that focus on the concept of practice are made explicit and critically analysed regarding their heuristic capacity to approach dwelling. A photograph representing people doing something in a touristic situation serves as starting point. In a second step, this touristic situation is utilised to think about one of the contemporary characteristics of dwelling, which is the pervasive nature of spatial mobility. Finally, selected elements of theories of practice that can be mobilized for analyses of contemporary dwelling. One of the issues is the coherent conceptualisation of the spatial dimensions of practice conceived a priori without references to spatial issues.
- Brésil 3 – Croatie 2 : habiter, écrire - Olivier Lazzarotti p. 442-451 L'image d'un but marqué lors du premier match de la coupe du Monde 2014 est apparemment anodine. Pourtant, elle porte une part des bouleversements géographiques qui traversent, et font, le Monde contemporain. Ancré dans ces processus, le concept d'« habiter » offre une possibilité d'en prendre acte et d'en rendre compte. Mais l'hypothèse du texte est que l'« habiter », au-delà des multiples modalités de ses manifestations, s'inscrit dans des temporalités bien plus longues. Ses portées anthropologiques, à la fois existentielle et politique, traverseraient ainsi les époques pour faire de l'écriture, géo-graphique en l'occurrence, et avec toutes ses spécificités, le concept large et fort de cette science géographique.The picture of a goal scored during the first match of the 2014 World Cup might appear trivial. However, it conveys some of the geographical upheavals traversing and making the contemporary World. The concept of “dwelling” is firmly rooted in these processes. It gives the possibility to acknowledge this and take it into account. The article's hypothesis, however, is that although “dwelling” is expressed in many different forms, it is part and parcel of much longer temporalities. Its anthropological scope, both existential and political, would therefore reach across the different eras to generate writing, geo-graphical as it happens, and with all its specificities, the strong wide-ranging concept of this geographical science.
- Habiter, concept novateur dans la géographie scolaire ? - Catherine Biaggi p. 452-465 L'article vise à caractériser la place de l'habiter dans la géographie scolaire, à identifier le moment et la manière dont la notion a été intégrée dans les programmes de collège, dans une sorte de « making of » du processus de leur élaboration, à travers un récit de l'auteur, membre du groupe d'experts ayant fabriqué les programmes. Mais le propos cherche également à travers cette expérience à rendre compte du travail de transposition du concept d'habiter, opéré entre champ académique et champ scolaire. Ce récit tente, dans sa partie finale une sorte d'état des lieux de la prise en compte de l'habiter dans la géographie enseignée, à travers l'examen des démarches et des pratiques actuelles.The article aims first to characterise the place of the notion of dwelling in geography at school. Then it aims to identify when and how this notion was assimilated into the secondary school syllabus, in a sort of making-of concerning the process of devising courses. This is done through the account of the author, member of the group of experts who produced the syllabus. The paper attempts also to give an account of the work of transposition of the notion of dwelling carried out between the academic and school fields. The final part takes stock of the situation of the notion of dwelling in taught geography, through the study of the current approaches and practices.
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 466-467