Contenu du sommaire : Les primaires
Revue | Pouvoirs |
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Numéro | no 154, 2015/3 |
Titre du numéro | Les primaires |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les primaires et notre monarchie républicaine - Julie Benetti p. 5-13 Étrangères jusqu'à un passé récent à la culture politique française façonnée depuis 1958 par la relation immédiate de la nation et de son chef, les élections primaires connaissent un succès grandissant, peut-être irréversible, dont les incidences seront profondes sur le système politique de la Ve République. En voie de s'installer comme première étape naturelle de l'élection présidentielle, qu'elles anticipent et reproduisent trait pour trait, elles sont aussi symptomatiques de l'affaissement du leadership présidentiel qu'elles reflètent et tentent en même temps d'endiguer.Until recently, primaries were alien to the French political culture characterized, since 1958, by a direct relationship between the nation and its chief. They are now experiencing a growing and perhaps irreversible success with profound effects on the political system of the Fifth Republic. As they are becoming accepted as the first natural stage of the presidential election, which they anticipate and replicate step by step, they are also a symptom of the weakening of the presidential leadership that they at once reflect and try to contain.
- Primaires américaines : le bon, la brute et le truand - Thomas Hochmann p. 15-26 Apparues au début du XXe siècle, les primaires se sont progressivement imposées aux États-Unis. Et ce n'est que depuis les années 1970 que la plupart des États ont confié aux citoyens la désignation des candidats aux élections, y compris présidentielles. Les partis s'efforcent néanmoins de conserver un contrôle important sur le choix effectué. Face aux tentatives des États d'ouvrir plus largement le cercle des électeurs, les juridictions ont souvent protégé la liberté d'association des partis. Un nouveau type de primaires qui se développe depuis peu pourrait cependant changer la donne.Primaries first appeared in the early 20th century and became gradually accepted. It was only in the 1970s that most of the states entrusted their citizens with the designation of electoral candidates, including for the presidential election. However, political parties still try to maintain an important control over their choice. Confronted with attempts by the states to increase the number of voters, the courts have usually protected the right of association of political parties. A new type of primaries that has emerged recently may, however, change the situation.
- Primaires : vertus (apparentes) et vices (cachés) d'une greffe américaine - Yves Mény p. 27-40 Les primaires sont nées aux États-Unis à la fin du XIXe siècle lorsque le parti populiste (People's Party) était au faîte de son influence. Pendant longtemps, elles furent considérées comme une dimension spécifique et « exotique » de la politique américaine et comme un instrument anti-parti puisque les deux partis dominants perdaient de leur mainmise sur le processus électoral. Étrangement – et sans procéder à une analyse approfondie –, les partis de gauche en Europe et singulièrement le Parti socialiste en France et le Parti démocrate en Italie ont sauté sur l'occasion. On peut expliquer ce comportement comme une tentative désespérée d'affronter le double problème du leadership et de la représentation que les appareils traditionnels des deux partis étaient incapables de résoudre. Cette greffe peut offrir des solutions à court terme mais le risque est d'accentuer la transformation – en les évidant – des partis parlementaires classiques en Europe.Primaries were born in America at the apex of the People's Party's influence at the turn of the 20th century. For a long time, they were considered as a rather curious and exotic peculiarism of American politics and as an anti-party instrument since the two dominant parties were losing their grip on the electoral process. Strangely enough, and without too much in-depth analysis, the left parties in Europe and in particular the French Socialist Party and the Italian Democratic Party have jumped on the primary band-wagon. This can be explained as a desperate attempt to address the twin issues of leadership and representativeness that the traditional party apparatuses were unable to solve in a satisfactory fashion. This transplant might bring short-term solutions but the risk is to further transform and hollow out the traditional parliamentary parties in Europe.
- Quand et comment choisir son leader : l'exemple britannique - Aurélie Duffy-Meunier p. 41-53 Au Royaume-Uni, le choix du leader est maîtrisé par les partis. Cette désignation a le plus souvent lieu après une défaite aux élections législatives, le parti décidant alors de choisir un leader chargé de garantir l'unité du parti, de devenir chef du cabinet fantôme et de remporter les prochaines élections en vue d'être chef du gouvernement. La procédure de sélection des deux principaux partis s'est quant à elle démocratisée, mais elle reste limitée au cadre partisan, démontrant ainsi que le Royaume-Uni n'est pas seulement un régime parlementaire, mais aussi un régime de partis.In the United Kingdom, political parties control the choice of their leader. Such an appointment usually occurs after a defeat in the general election when the party decides to choose a new leader better able to guarantee its unity, to become the head of the shadow cabinet and to win the next general election in order to be head of government. The selection process within the two major parties has been democratized, yet it remains limited to the party members, indicating that the United Kingdom is not only a parliamentary regime, but also a party system.
- Les primaires présidentielles ouvertes : mort ou renaissance des partis ? - Gérard Grunberg p. 55-65 L'adoption par les deux grands partis de gouvernement de la procédure de l'élection primaire ouverte pour désigner leur candidat à l'élection présidentielle se situe dans la logique de personnalisation du pouvoir qui est celle de l'élection présidentielle dans le régime de la Ve République. Cette procédure, populaire, donne aux partis qui l'adoptent un statut particulier qui accroît leurs chances de conquérir le pouvoir. En revanche, elle affaiblit le modèle du parti militant et celui du parti parlementaire comme privilégiant la délibération collective par rapport aux ambitions et parcours politiques individuels.The adoption by the two major French parties of the primary procedure in order to designate their candidate for the presidential election is in line with the personalization of power typical of the presidency within the framework of the Fifth Republic. This popular procedure gives the parties that adopt it a particular status which enhances their chance to win. On the other hand, it weakens the model of the activist party and the parliamentary party which favors collective discussion over individual political ambitions and careers.
- Le Parti socialiste, les primaires et la (dé)présidentialisation du régime - Bernard Dolez p. 67-79 Le principe même des primaires vaut reconnaissance de la centralité de l'élection présidentielle. Mais en séparant leadership partisan et candidature présidentielle, les primaires ouvrent la voie à la désignation d'un outsider, fragilisant ainsi l'autorité du nouveau président sur son propre parti, voire son leadership sur l'exécutif. Les primaires sont ainsi un facteur de « déprésidentialisation » du régime, voire de sa « partification ».The very principle of primaries confirms the centrality of the presidential election. However, by separating the party leadership from the presidential candidacy, the primaries open the way for the designation of an outsider thereby weakening the authority of the new president over his own party, and even his executive leadership. Primaries are therefore a factor of “depresidentialization” of the regime, and may even lead to a party system.
- Les primaires de 2014 : bilan et leçons pour la démocratie locale - Matthias Fekl p. 81-88 Entrée comme par effraction dans la vie politique française en 2011, la révolution des primaires « à la française » a permis au Parti socialiste de désigner un candidat victorieux à l'élection présidentielle de 2012. Initialement contesté, ce mode de désignation s'est aujourd'hui imposé au point de devenir une référence pour de nombreuses formations politiques. Pensé à l'échelon national, sa déclinaison locale lors des élections municipales de mars 2015 à Paris, Lyon, Marseille, ou encore Le Havre, a également été un incontestable succès démocratique. Malgré un bilan politique nuancé, les primaires locales sont selon nous promises à un bel avenir. À condition d'être envisagées non comme un simple processus national dupliqué localement, mais comme une véritable révolution démocratique s'appuyant sur la nécessaire revitalisation de notre démocratie de proximité.Introduced by stealth in French politics in 2011, the revolution of French-style primaries allowed the Socialist Party to designate a winning candidate for the 2012 presidential election. Though initially contested, this mode of designation has become generally accepted and is now a reference for many political parties. First introduced at the national level, its transfer at the local level for the March 2015 municipal elections in Paris, Lyon, Marseille or Le Havre has also been an undeniable democratic success. Despite a nuanced political balance sheet, local primaries seem destined for a bright future, at one condition : they should not be envisaged as a local duplication of a national procedure, but as a genuine democratic revolution based on the necessary revitalization of our local democracy.
- La primaire à l'UMP : genèse et enjeux - Florence Haegel p. 89-98 La mise à l'agenda de la droite d'une primaire ouverte s'inscrit dans une longue histoire mais a été réactivée, début 2013, dans une logique de mimétisme vis-à-vis du Parti socialiste née d'une situation de crise interne. Adoptée le 7 avril 2015, la charte d'organisation de la primaire va transformer le fonctionnement de la droite en renforçant sa soumission aux objectifs électoraux et en engageant, de manière très nouvelle, le parti dans un pluralisme compétitif et régulé.The adoption by the French right of an open primary has been a long process, but it was reactivated in early 2013 as the party, facing an internal crisis, decided to copy the Socialist Party. Adopted on April 7th 2015, the primary organization charter is going to transform the operating mode of the right-wing party by reinforcing its submission to electoral goals and by engaging it – in a very innovative fashion – in a regulated and competitive pluralist process.
- Le droit des primaires : règles, contrôle, finances, sanctions - Anne Levade p. 99-109 Rarement abordées sous l'angle du droit, les primaires que les partis politiques français organisent désormais en vue de la désignation des candidats qu'ils soutiendront lors d'une élection nationale ont pourtant contribué à l'émergence d'une forme de « droit commun ». Issue du droit interne des partis politiques, celle-ci présente des caractéristiques tenant à leurs modalités d'organisation et de contrôle, et suppose qu'il soit tenu compte des normes du droit électoral national, spécialement en matière de financement.Rarely analyzed from a legal perspective, the primaries now organized by French political parties to designate their candidates for a national election have nevertheless contributed to the emergence of a form of “common law”. Inspired by the internal rules of political parties, it deals with their organization and supervision, and assumes that the norms of national electoral law apply, in particular regarding finances.
- Les primaires : triomphe de la démocratie d'opinion ? - Rémi Lefebvre p. 111-123 À partir du cas du Parti socialiste qui inaugure l'usage de la primaire ouverte en France à l'occasion de l'élection présidentielle de 2012, l'objet de cet article est de comprendre comment les sondages contribuent à façonner le nouveau processus de désignation du candidat. La sélection des candidats dès les années 1980 s'exerce déjà sous forte contrainte sondagière. Mais l'ouverture du processus renforce les logiques externes et l'imbrication du jeu partisan et du jeu médiatique.Based on a case study of the Socialist Party which introduced the usage of open primaries in France for the 2012 presidential election, the goal of this article is to understand how opinion polls contribute to shaping the new process of designation of the candidate. Since the 1980s, opinion polls already strongly conditioned the selection of candidates. But the adoption of open primaries has reinforced external pressures and the intertwining of party and media competition.
- Les primaires : un sens et un projet démocratiques - Dominique Rousseau p. 125-131 Par leur origine, les primaires ont un sens démocratique : empêcher l'extrême droite d'accéder au pouvoir. Par leurs qualités, elles portent un projet démocratique : ouvrir un temps, un espace et une procédure qui favorisent la délibération politique sur le choix des programmes et des hommes ou des femmes pour les conduire.By their origin, primaries have a democratic meaning : to prevent the far-right from taking power. By their specificities, they are the bearer of a democratic project : i.e. to open, for a while, a space and a procedure which favor political discussion over the choice of the programs and of the men or women who will implement them.
- Les primaires : un affaiblissement de la démocratie ? - Pierre Avril p. 133-142 Les primaires sont théoriquement un progrès démocratique mais, dans le cas de la Ve République, l'expérience dont on dispose en révèle les effets pervers. Elles font prévaloir la communication sur la délibération et, s'appliquant à la désignation du candidat à l'élection présidentielle, elles contribuent à affaiblir la fonction programmatique des partis tout en amplifiant la personnalisation du pouvoir et sa concentration sous couvert de démocratisation.In theory, primaries are a democratic procedure but, in the framework of the Fifth Republic, the experience has so far revealed some of their pernicious effects. They promote communication over political debate and, in the case of the designation of presidential candidates, they contribute to weakening the policy-making role of parties while increasing the personalization and concentration of power under the guise of democratization.
- Petit dictionnaire des primaires - Éric Thiers p. 143-147
- Fondements de la « moralisation-juridicisation » de la vie politique - Béligh Nabli p. 149-161
- Repères étrangers : (1er janvier-31 mars 2015) - Pierre Astié, Dominique Breillat, Céline Lageot p. 163-177
- Chronique constitutionnelle française : (1er janvier-30 avril 2015) - Pierre Avril, Jean Gicquel p. 179-209