Contenu du sommaire : Loyautés familiales et éthique en psychothérapie

Les loyautés familiales jouent un rôle non seulement dans l'émergence de troubles individuels et dans l'apparition de dysfonctionnements familiaux, mais aussi dans le processus thérapeutique lui-même. L'hypothèse de l'auteur est que l'impact de la loyauté familiale sur le cours de la thérapie dépend de la nature du contrat thérapeutique et de ses conséquences éthiques. La loyauté familiale peut devenir une source de résistance au processus thérapeutique, surtout dans le cas où la thérapie générerait des conflits de loyauté ; mais elle peut tout autant devenir une source de résilience et d'autonomie si on en comprend bien la nature.L'article est divisé en deux parties principales : d'abord une réflexion sur l'origine de la notion de loyauté familiale, ses liens avec l'éthique relationnelle et ses effets systémique ; ensuite une discussion des effets directs de la loyauté familiale sur le déroulement de la thérapie en fonction de divers types de contrats thérapeutiques (contrat en psychothérapie individuelle, contrat en thérapie familiale et contrat en thérapie contextuelle). L'auteur conclut en proposant différents modes possibles d'intervention thérapeutique.

La préoccupation pour toutes les personnes concernées par une situation guide le travail contextuel, non comme une exigence morale, mais comme un point de repère fondamental. Chacun se constitue comme sujet dans la relation à l'autre et dans l'histoire des générations, les loyautés se confrontent à l'autonomie. La reconnaissance qui nous est faite est le premier moment de développement de notre identité. Tout ce qui l'affecte nuit à celle-ci. Tout ce qui participe au processus de reconnaissance aide à la construction d'un soi individué et singulier, édifié dans le rapport à l'autre. La Thérapie Contextuelle s'appuie sur cette réalité existentielle non comme un constat mais comme un moteur. Le travail thérapeutique fondé sur la restauration de la confiance dans les relations se développe à partir de l'importance pour tout un chacun de se voir reconnu par l'autre.

Le concept de loyauté appliquée à l'univers de la thérapie familiale est énormément tributaire de la pensée de Boszormenyi-Nagy. Il semble le placer dans un registre humaniste mais immanent.Si on se réfère à son origine étymologique, la loyauté implique l'obligation légale de tenir la parole donnée. Les enfants apprennent tôt à être loyaux. Leurs comportements réparateurs à l'égard des parents, même négligents ou violents, sont considérés comme l'expression d'une loyauté transmise. L'auteur s'interroge sur l'articulation entre une loyauté comme qualité morale du sujet qui choisit de se soumettre à la loi, à la parole donnée et un conditionnement obligé qui contraint le sujet à assumer des comportements « déraisonnables ». Les avancées de la neurobiologie permettent de répondre, tout au moins en partie, à une telle question.

La violence, a fortiori d'ordre sexuelle, même lorsqu'elle cesse, emprisonne ceux qui en ont été victimes. Tout à coup, l'espace des possibles semble se réduire pour celles-ci au point d'avoir le sentiment de perdre le contrôle de leur destin. Un tel processus s'installe de façon encore plus prégnante si la fragilité des liens familiaux les condamne à garder durablement le silence.Face à ces situations, un objectif des intervenants sera de permettre à ces patients de se réapproprier leur destin sans pour autant minimiser leur souffrance et ainsi redevenir les acteurs de leurs choix. Une possibilité, pour atteindre ce but, réside dans notre capacité à penser leur histoire afin de leur permettre de bien pouvoir se raconter.

Cette petite étude présente une synthèse de quelques mécanismes transgénérationnels à l'œuvre dans les familles confrontées à la maltraitance (violences physiques, psychologiques, carentielles, sexuelles). La perspective existentielle et éthique de l'approche contextuelle de Boszormenyi-Nagy met en exergue le mécanisme généralisé de la légitimité destructive, sorte de « bon droit » à faire le mal, qui peut se perpétuer dans une famille de génération en génération. D'autres mécanismes transgénérationnels associés sont passés en revue, essentiellement sur le plan systémique, partiellement sur le plan psychodynamique. Certains concepts de la philosophie sociale complètent ces réflexions théoriques, alors qu'une vignette clinique sert d'illustration pratique (suivi thérapeutique d'un cas d'inceste père-fille).

Cet article décrit un aspect d'une thérapie familiale où le clivage de loyauté (split loyalty) s'exprime « bruyamment ». Le clivage est examiné dans ses manifestations, ses origines transgénérationnelles et ses conséquences. Les antagonismes entre parents figent et tétanisent l'enfant qui est tiraillé entre des impasses enchevêtrées de priorité d'égards envers les siens et se trouve en difficulté voire dans l'impossibilité de manifester ses loyautés. Les thérapeutes ont suivi et amplifié les initiatives d'un adolescent pour s'extraire de cette impasse dans un dispositif particulier ; seuls les adultes sont présents aux séances. L'absence des enfants autorise une dynamique spécifique : les parents s'obligent à entendre l'adolescent pour élaborer ultérieurement en séance, ses points de vue. Le dispositif initialise une spirale de confiance retrouvée.

L'approche Systémique est de plus en plus intéressée à la dynamique des personnes âgées et de leur famille. Entre autres, l'approche Contextuelle nous offre des ressources pour travailler avec cette population. L'article décrit les loyautés chez les familles des personnes âgées et les étapes essentielles de leur thérapie. Ces loyautés sont complexes et riches, mais risquent aussi de devenir problématique quand se manifestent des conflits de loyauté et des clivages de loyauté, parfois sous forme de symptômes qui peuvent émerger dans d'autres générations. Les membres de la famille qui aident de manière non institutionnalisée ont à équilibrer leur loyauté. Le déroulement du processus de devenir grands-parents et la signification de ce rôle vis-à-vis des petits-enfants sont ensuite discutés. Nous terminons en abordant la dynamique des familles où il y a eu transmission intergénérationnelle d'un traumatisme. Le thérapeute devra alors identifier les loyautés et, grâce à sa partialité multidirectionnelle, faire émerger un dialogue entre les membres de la famille. Ce processus est décrit et illustré à l'aide de situations cliniques.

Dans le développement de la Thérapie Contextuelle, Boszormenyi-Nagy propose quatre dimensions pour comprendre la complexité de la réalité relationnelle (les faits, la psychodynamique, la systémique et l'éthique relationnelle). Il concentre ses recherches sur les relations familiales. Encouragés par de nombreux échanges informels avec lui, nous posons la question d'un élargissement de ces loyautés au-delà de la famille, vers le réseau des professionnels activés par les familles en détresses multiples. Depuis une dizaine d'années, la pratique des «Cliniques de Concertation» a en effet permis de mettre à l'épreuve cette hypothèse, en élargissant « de proche en proche » le dispositif thérapeutique jusqu'à une ouverture absolue. Le Travail Thérapeutique de Réseau laisse en effet apparaître que des relations ontiques, relevant de l'éthique relationnelle, naissent et perdurent entre les membres des familles et les professionnels, mais également entre les professionnels.

La crise actuelle du système-monde active des processus de précarisation pour de nombreuses familles, en particulier les familles monoparentales et les familles nombreuses. Celles-ci deviennent des familles-outsiders de plus en plus exclues socialement. Leurs expériences quotidiennes ne leur permettent plus de faire confiance aux valeurs et normes sociales d'un système-monde particulièrement déloyal. Pour les thérapeutes et les intervenants sociaux, le défi est de taille, avec un cortège de plus en plus important de difficultés de prise en charge. Les débats actuels sur l'éthique du « care » sont peut-être une ouverture pour construire une éthique prenant en considération la rupture entre ces familles et la société.

L'auteur s'est fixé pour objectif, à partir d'outils sémiotiques, d'articuler les concepts de loyauté et d'emprise autour de l'exemple de l'embrigadement sectaire. D'un point de vue épistémologique, son approche se situe à l'intersection du structuralisme, de la thérapie familiale systémique et de l'approche narrative.