Contenu du sommaire : Villes d'Afrique : circulations et expressions culturelles
Revue | Afrique & histoire : revue internationale |
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Numéro | vol. 5, no 1, 2006 |
Titre du numéro | Villes d'Afrique : circulations et expressions culturelles |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Varia
- L'histoire désurbanisée : À propos de Qûs et des travaux de Jean-Claude Garcin - Julien Loiseau p. 135-146 À l'occasion de la réédition de l'ouvrage de Jean-Claude Garcin sur Qûs, le présent article se veut, autant qu'une lecture du livre, un retour sur l'histoire de ce ventre urbain de la Haute-Égypte. Ancienne oasis redevenue oasis, Qûs est tour à tour, le temps du millénaire médiéval, carrefour marchand, point de passage sur la route du pèlerinage, place militaire, marche contestée de l'espace contrôlé par Le Caire. De la fortune aux ruines, Qûs s'inscrit dans des géographies mouvantes, dans une histoire discontinue : un défi à l'enquête sur son passé, qui contraint à faire feu d'archives aux fragiles nappes de mémoire pour pallier l'intrication des lieux.
- Marchés, échanges et relations sociales au Buganda à la fin du xixe siècle - p. 147-173 De nombreuses sources européennes comme africaines décrivent l'ouverture par le roi Muteesa du premier marché de sa capitale le 2 février 1882. Cela soulève la question de l'usage des marchés dans l'Afrique des Grands Lacs. Pourquoi un royaume qui contient délibérément cette institution aux marges de son territoire l'adopte-t-il soudainement en son cœur ? Pour d'autres raisons encore, les marchés se multiplient ensuite durant les premières décennies de la domination coloniale en Ouganda.Many African as well as European sources describe how King Muteesa of Buganda opened on February 2nd 1882 the first market place in his capital. This paper deals with the role of markets in the Great Lakes region of East Africa and why a kingdom which had deliberately contained this institution to borderlands suddently adopted it in its center and how for different reasons markets multiplied across Uganda during the first decades of coloniale rule.
- L'histoire désurbanisée : À propos de Qûs et des travaux de Jean-Claude Garcin - Julien Loiseau p. 135-146
Atelier - Archives
- Archives et centres documentaires au Niger - Camille Lefebvre p. 175-183 Le Niger possède différents centres d'archives et de documentation, qui rassemblent des données très importantes, tant par la quantité que par la qualité. Il sera ici question principalement du centre de la direction des Archives nationales, ainsi que des deux autres centres documentaires localisés à Niamey intéressant le chercheur en histoire : la bibliothèque de l'Institut de Recherche en Science Humaine (IRSH) et la bibliothèque de la faculté de lettres Abdou Moumouni.
- Les Archives nationales du Mali en transition - Jan Jansen p. 185-188
- Les « archives Foccart » aux Archives nationales - Jean-Pierre Bat p. 189-201
- Archives et centres documentaires au Niger - Camille Lefebvre p. 175-183
Questions - Des pots, des mots, et l'histoire du peuplement
- Linguistique historique et archéologie - Bernard Sergent p. 203-219
- What comparative Bantu pottery vocabulary may tell us about early human settlement in the Inner Congo Basin - Koen Bostoen p. 221-263 Le peuplement ancien de la Cuvette Centrale du Congo est un problème historique à la solution duquel différentes disciplines scientifiques peuvent contribuer. Le présent article approche la question d'un point de vue linguistique. Il présente les résultats d'une étude comparative du vocabulaire de la poterie dans les langues bantoues locales. Étant un artéfact qui unit une visibilité archéologique et une importance ethnographique à un vocabulaire technique assez bien documenté, la poterie représente un domaine privilégié de recherche interdisciplinaire. Pour ce qui est de la Cuvette Centrale du Congo, tant les données linguistiques que les données archéologiques suggèrent un long développement isolé de langues et de communautés. D'un point de vue plus général, cet article propose une manière alternative d'exploiter les données lexicales pour la reconstruction historique. Dans le domaine des études africaines, ce sont les historiens, et non les linguistes, qui furent les premiers à s'appuyer sur l'étude historique et comparative des vocabulaires culturels et à développer la méthode dite « Des mots et des choses ». Cependant, certaines lacunes dans leur méthode linguistique peuvent compromettre la solidité des hypothèses historiques qu'ils ont élaborées. L'introduction de cet article propose une critique méthodologique de l'approche que certains historiens font des données lexicales.The early human settlement of the Inner Congo Basin is a historical puzzle to which may contribute scholars of different sciences. The present paper approaches the problem from a linguistic point of view. It presents the results of a comparative study of the pottery vocabulary of the local Bantu languages. Being an artefact that unites an archaeological visibility and an ethnographical prominence with a fairly well documented technical vocabulary, pottery forms a privileged domain of interdisciplinary research. With respect to the Inner Congo Basin, both linguistic and archaeological data point towards a long isolated development of languages and communities. From a more general point of view, this paper proposes an alternative way of using lexical data for historical reconstruction. Within the realm of African studies, not linguists, but historians were the first to rely on the historical-comparative study of cultural vocabularies and to develop the so-called “Words-and-Things”-method. However, certain inconsistencies in their linguistic method may put in danger the soundness of the historical hypotheses they have worked out. The introduction of this article offers a methodological critique of the way some historians deal with lexical data.
Bulletin critique
- Bulletin critique - p. 265-316
Dossier : Villes d'Afrique : circulations et expressions culturelles
- Une nouvelle liberté ? Art et politique urbaine à Douala (Cameroun) - Dominique Malaquais p. 111-134 L'irruption, sur un rond-point de Douala, de l'art contemporain sous la forme monumentale d'une statue de 10m de haut confectionnée à partir de déchets divers, éclaire la plus grande ville du Cameroun dans sa modernité, sa fange et ses souffrances. Cet article restitue le sens que donnent à leur art les artistes contemporains camerounais et les activistes d'ONG qui tentent de les instrumentaliser et de les mettre en scène. Il illustre également la manière dont l'art est récupéré ou rejeté, interprété dans un sens politique ou ethnique par les habitants de la ville.In 1996, modern art suddenly irrupted in Douala, the largest city of Cameroun. This town which had never been exposed to public modern artistic expressions was confronted to a huge 10 m high statue made of rubbish and built on one of its main roundabouts. This paper deals with the meaning of art for contemporary Cameroonian artists and NGO activists who expose and finance these artists. But it also shows how the inhabitants of Douala understand, reject or accept this artistic project, and how its meaning is quickly politicized and understood in ethnic terms.
- Villes, circulations et expressions culturelles - Odile Goerg p. 7-14 Les villes concentrent désormais environ la moitié de la population africaine. Depuis des siècles, elles constituent des pôles d'attraction, des lieux de brassage culturel et d'inventivité. Vers elles convergent femmes et hommes, idées et pratiques ; d'elles se diffusent, par des canaux divers, des innovations, de nouvelles façons de faire ou de penser. Ce numéro souhaite mettre en relation dynamique la circulation des influences et les productions culturelles en ville.
- “Tonight at the Empire” Cinema and urbanity in Zanzibar, 1920s to 1960s - Brigitte Reinwald p. 81-109 L'article retrace l'évolution du cinéma grand public à Zanzibar, dont les débuts remontent à 1916 et qui devint, au cours du xxe siècle, un espace de loisir favori pour la population urbaine de l'île, toutes couches sociales et « ethniques » confondues. Malgré la prépondérance des sociétés de production et de distribution britanniques et nord-américaines, l'infrastructure cinématographique du littoral est africain ; loin d'être le miroir des seules imageries de l'hémisphère nord, il fut caractérisé dès la fin des années 1920 par la diffusion concomitante des productions des studios de Bombay et du Caire. Cette particularité cosmopolite remontait aux liens translocaux historiques à travers l'océan Indien que mettaient en valeur les pionniers du cinéma en Afrique de l'Est – des commerçants et des entrepreneurs de souche indienne – et les spectateurs qui, avides des « images monde », s'offrirent ainsi le plaisir des voyages aux destinations multiples.Cette étude montre d'abord comment, dans le contexte du projet colonial de la reconfiguration socio-spatiale de la société post-abolitionniste, le cinéma émergea comme l'espace par excellence permettant aux spectateurs de vivre et d'exprimer leurs conceptions propres de l'urbanité moderne et cosmopolite. On observe ensuite comment, face aux mesures de censure qu'exercèrent, l'un après l'autre, la puissance protectrice et le gouvernement « révolutionnaire », les spectateurs restèrent attachés à leurs plaisirs contestés. Ces éléments d'analyse permettent de mieux cerner les contours de l'espace social créé par ceux qui étaient impliqués dans la diffusion et l'appropriation des productions cinématographiques.The article deals with cinematographic exhibition in Zanzibar from its beginnings in the late 1910s and looks at evolving programme patterns and changing audience preference trends during the colonial period and the initial transition years to post-colonial rule. Cinema-going developed during the course of the 20th century to a popular urban resident pastime, all social classes and “ethnic” groups considered. Notwithstanding preponderant market shares of influential North American or British production-cum-distribution companies, the cinematographic landscape in Zanzibar was characterised from the late 1920s by a considerable influx of films from studios in Bombay and Cairo as a result of the translocal film marketing network between Western India and the East African coast, from which Indian expatriates emerged as a driving force.The question will first of all be explored as to how audiences in search of pleasure interfered with or simply bypassed the colonial project of socio-spatial engineering of post-abolitionist Zanzibari society, thus making cinema a social space where members of society could express their own perception of what it meant to be a modern cosmopolitan urbanite. It will then be discussed how audiences, despite censorship and the prevention of “African” access to commercial cinema, and to the dismay of both colonial and later post-colonial state representatives, persevered with their pleasure in moving pictures. The findings presented here contribute to a better assessment of the variant reading of Zanzibar's urban landscape by those involved in the distribution and appropriation of cinematographic productions circulating in the Indian Ocean region and beyond its confines.
- Domination coloniale, construction de « la ville » en Afrique et dénomination - Odile Goerg p. 15-45 Cet article analyse la terminologie employée durant la colonisation par les Français pour désigner de manière différentielle la ville et ses diverses composantes. Au-delà des mots, c'est bien sûr la conception de l'urbanité qui est en jeu. Tout en refusant de considérer les Africains comme des citadins en les renvoyant aux « villages », le vocabulaire exprimait la dualité des politiques urbaines, à la fois en termes de morphologie (mesures de ségrégation socio-spatiale ; contraste net entre le centre et les périphéries) et de gestion (l'opposition entre la municipalité et les chefferies).L'auteure invite cependant à dépasser le dualisme discursif, par trop schématique, pour mettre en évidence la complexité des situations urbaines. Ainsi, surtout à partir des années 1950, les termes tout comme les politiques intègrent l'évidence du morcellement nuancé et diversifié de l'espace, reconnaissant par là le divorce entre les discours et les pratiques, entre le projet colonial et son détournement ou son appropriation par les urbains.This paper aims at analysing the terminology used during colonial times by the French to differentiate the city and its various componants. Beyond words, this is the very idea of belonging to urban culture which is at stake. While refusing to consider the Africans as urban people, the colonizers expressed, through the vocabulary, the dualism of their urban policies both in terms of urbanism (morphology, segregative measures) and of administration (municipality versus headmanship).The article suggests that one should go beyond the discourse dualism and points to the complexity of urban situations which incorporate, especially from the 1950s, the evidence of a more diversified and nuanced division within the urban area. This also makes more visible the divorce between the discourse and the policies, between the colonial agenda and its subversion or reappropriation by the urban dwellers.
- À chacun selon ses moyens. Pratiques d'appropriation et construction de modes de vie citadins à Tananarive au xixe siècle - Didier Nativel p. 47-64 La société tananarivienne est parvenue au XIXe siècle à inventer les formes d'une citadinité originale, à l'échelle de Madagascar comme à celle de l'océan Indien occidental. Profondément attachée à ses assises rurales, l'élite de cette capitale (celle d'un royaume en expansion) a réussi à se désenclaver sans s'aliéner en s'appropriant avec inventivité les éléments de cultures matérielles étrangères (des Mascareignes, d'Occident) au service de stratégies propres. C'est à l'étude des modes de circulation des modèles architecturaux et de l'usages des lieux (reliés par des parcours quotidiens) que nous nous sommes attachés pour tenter de penser la nécessaire articulation des espaces sociaux et physiques de la ville.In the xixth century, Antananarivo people clearly managed to invent an urban lifestyle of their own. While still deeply anchored in its rural culture, the rural elite (that of an expanding kingdom) succeeded in opening up the capital by absorbing elements of material culture from Mauritius, La Réunion and Europe. This study focuses on the circulation of architectural models and the use of places to assess the interrelation between the social and physical spaces.
- The African Bioscope – Movie House Culture in British Colonial Africa - James Burns p. 65-80 Cet article aborde l'histoire des salles de cinéma en Afrique dans l'empire colonial britannique. Les cinémas étaient de nouveaux lieux qui n'existaient pas pendant la période pré-coloniale. Ils devinrent des lieux de contestation sociale, où la présence fut considérée comme un marqueur de statut social. De nouvelles formes d'identités urbaines y furent explorées et reformulées. La popularité du cinéma durant les années 1940 et 1950 alarma les élites européennes et africaines qui en vinrent à voir les salles de cinéma comme des antres de vice et de mauvais comportement social. La popularité des cinémas décrut après les années 1960 en raison des crises économiques et de la compétition de nouveaux média.This article examines the history of the cinema house in British colonial Africa. Cinema houses were novel venues that had not existed in pre-colonial Africa. They became sites of social contestation, where patronage became a marker of social status, and new forms of urban identities were explored and re-formulated. Their popularity during the 1940s and 1950s alarmed European and African elites, who came to see the cinema houses as dens of vice and social impropriety. The popularity of cinema houses declined after the 1960s, due to economic crises and competition from new media.
- Une nouvelle liberté ? Art et politique urbaine à Douala (Cameroun) - Dominique Malaquais p. 111-134