Contenu du sommaire : Le Pérou : de l'intégration nationale à l'inclusion sociale
Revue | Cahiers des Amériques Latines |
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Numéro | no 78, 2015 |
Titre du numéro | Le Pérou : de l'intégration nationale à l'inclusion sociale |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Chronique
- Les Cahiers des Amériques latines dans un paysage éditorial changeant - David Garibay, Odile Hoffmann p. 7-17
Dossier
- Le Pérou : de l'intégration nationale à l'inclusion sociale - Lissell Quiroz-Pérez, María Julia de Vinatea Ríos p. 21-27
- « Néo-extractivisme » minier et question sociale au Pérou - Vincent Bos, Cécile Lavrard-Meyer p. 29-55 Le secteur minier a été le moteur de la remarquable croissance péruvienne. Il a contribué, par les recettes fiscales qu'il a générées, à la forte réduction de la pauvreté depuis les années 1990 : les gouvernements successifs, toutes étiquettes confondues, ont soutenu les grands investissements privés dans le secteur minier pour garantir leur dépense sociale. Pour autant, la croissance est restée géographiquement et socialement inéquitable et le rapport de forces demeure à l'avantage des grands groupes miniers, nourrissant le terreau des conflits sociaux autour des projets d'exploitation. Écartelé entre pragmatisme économique et enjeux politiques, le gouvernement actuel ne remet pas en cause le modèle de développement néo-extractiviste du pays.The mining sector has been the engine of Peru's remarkable growth. Through tax revenues, it contributed to the sharp reduction in poverty since the 1990s. Thus governments from all political backgrounds have supported large private investments in the mining sector to ensure social spending. Nevertheless, the growth has been geographically and socially inequitable and the balance of power has remained in favor of the big mining groups, nourishing the soil of social conflicts around mining projects. Although the current government is caught between economic pragmatism and political issues, it does not question the « neo-extractive » development model of the country.
- El programa «Juntos» : en la intersección del multiculturalismo neoliberal y del indigenismo estatal peruano - Vildan Bahar Tuncay p. 57-78 La mise en place de programmes de transferts monétaires conditionnels en Amérique latine se situe dans le contexte des années 1980 et 1990, où les crises financières successives et les effets de mesures économiques néolibérales ont exacerbé la pauvreté et les inégalités. Ces programmes visent à aider les familles pauvres à briser le cercle vicieux de la pauvreté et à encourager l'investissement dans le capital humain des enfants par des transferts de fonds. En contrepartie, ces programmes exigent que les familles accordent une attention particulière à la santé et à l'éducation de leurs enfants. L'article aborde les objectifs et les conditionnalités du programme Juntos, mis en place au Pérou depuis 2005, selon deux perspectives. La première est le modèle traditionnel d'intégration des peuples autochtones à la nation, dans la culture politique péruvienne. La seconde est la conception de la condition autochtone par le multiculturalisme néolibéral. L'article souligne que la conceptualisation du programme Juntos et de ses exigences en matière de santé et d'éducation ne peut pas uniquement être attribuée à un type d'innovation sociale au sein de l'idéologie néolibérale et se situe dans la culture politique péruvienne. Bien qu'ayant vu le jour dans des contextes historiques différents, les perspectives d'analyse retenues s'imbriquent dans la conceptualisation et la mise en œuvre du programme Juntos. Contrairement aux discours politiques préconisant le changement, la combinaison particulière de tous ces éléments historiques dans le contexte péruvien implique plutôt une continuation dans l'intégration des groupes autochtones à la nation péruvienne.The implementation of the conditional cash transfers programs in Latin America took place in the 1980's and 1990's where successive financial crises and the effects of neoliberal economic policies exacerbated poverty and inequality. These programs aim to help poor families to break the cycle of poverty and to encourage investment in human capital of children by remittances. In return, they require that families pay particular attention to the health and education of their children. The article discusses about the objectives and conditionalities of the program Juntos established in Peru from two perspectives : the first is the traditional model of integration of indigenous peoples in the peruvian political culture. The latter is the conceptualization of the indigenous condition in the neoliberal multiculturalism. The article notes that the conceptualization of the program and its requirements in health and education can not solely be attributed to a certain type of social innovation within the neoliberal ideology and they take place in the Peruvian political culture. Despite having emerged in different historical contexts, the two selected perspectives of analysis overlap in the conceptualization and implementation of the program. Unlike political discurses advocating change, the particular convergence of all these historical elements in the Peruvian context implies continuity and not change in the integration of indigenous groups.
- Action collective et citoyenneté : un regard sur les quartiers populaires de Lima depuis les années 1970 - Diana Burgos-Vigna p. 79-96 Cet article analyse l'action collective dans les quartiers populaires de Lima (appelés pueblos jóvenes) depuis la fin des années 1960 jusqu'à nos jours, en mettant l'accent sur les liens entre les formes de mobilisation et le contexte social et politique dans lequel elles se déploient, ainsi que sur les interactions entre les différents acteurs impliqués. Alors que les années 1970 et 1980 sont souvent décrites comme la période d'apogée des mouvements sociaux urbains au Pérou, les années 1990 sont marquées par l'affaiblissement, voire la déstructuration de l'action collective dans les quartiers périphériques. Néanmoins, de nouveaux répertoires d'action collective émergent dès la fin du xxe siècle, comme les dispositifs de démocratie participative, ou encore certaines formes de mobilisation menées par des groupes de femmes, organisées principalement pour l'aide alimentaire, mais qui élargissent progressivement leur agenda politique.This article looks at the ways in which collective action in the poor quarters of Lima (referred to as « pueblos jóvenes ») has evolved from the end of the 1970's to the present day. Special attention has been paid to the links between the various forms of action and the social and political context in which they were undertaken, as well as to how the various actors involved in these projects have interacted. Whereas the 1970's and 1980's are often recognized as peak periods for urban social movements in Peru, the 1990's saw collective action in the peripheral urban quarters waning or even breaking down completely. Nevertheless, new repertoires of collective action start to emerge at the end of the 20th century with, for example, schemes based on participatory democracy or certain kinds of projects originally launched by groups of women to provide food aid, but which have gradually widened their political scope.
- Le paradoxe de Lima : une réflexion sur les conséquences de la mobilité sociale des secteurs populaires - Émilie Doré p. 97-114 Depuis une dizaine d'années, la conjoncture économique favorable du Pérou a commencé à bénéficier aux secteurs populaires urbains qui connaissent une mobilité sociale accrue. En s'appuyant sur deux études réalisées à Lima, l'une dans un quartier précaire, l'autre dans un quartier de classe moyenne émergente, Émilie Doré analyse l'évolution des processus de mise à distance de l'autre (en particulier la ségrégation spatiale et le racisme) : s'estompent-ils dans le nouveau contexte social et économique ? Cet article montre que les frontières sociales tendent à devenir plus fluides, mais que les divisions réelles ou symboliques renaissent pourtant à travers les stratégies individuelles des habitants qui cherchent à acquérir les attributs de la réussite sociale.For over ten years, the favourable economic conditions lead to the improvement of the social conditions of popular sectors in Lima, who have a higher degree of upward social mobility. Drawing on two field investigations conducted in a popular neighbourhood and in a middle-class area, Émilie Doré examines the evolution of the processes of spatial segregation and racism: does the new economic situation contribute to mitigate these phenomena? This paper shows how social boundaries are becoming increasingly fluid, but, on the other hand, the social divisions tend to persist, symbolically or actually, through the individual strategies of the inhabitants, which aim to acquire the attributes of social success.
- Se réapproprier le passé : patrimonialisation des vestiges archéologiques et inclusion sociale en Lambayeque (Pérou) - Emanuela Canghiari p. 115-131 Cet article propose d'analyser les demandes et les revendications sociopolitiques des habitants de Huaca Rajada-Sipán (Lambayeque, Pérou), après la découverte, en 1987, d'un complexe funéraire de la civilisation préincaïque moche. Le processus de protection, valorisation et mise en tourisme du site, mené par l'État et les archéologues, avait exclu dans un premier temps la population locale, dont une partie avait été impliquée dans le trafic de pièces archéologiques. Ainsi, un collectif d'habitants, organisé en comité de défense, puis en association culturelle, mobilise une série de stratégies discursives, de luttes et d'alliances afin de s'imposer, non pas comme bénéficiaires, mais comme acteurs de la patrimonialisation. Dans les négociations avec les institutions en particulier, les habitants mettent en place une reformulation de l'identité locale en clé ethnique, à partir de l'ancrage au territoire. Le cas conflictuel de Huaca Rajada-Sipán nous permet de restituer la complexité des enjeux d'inclusion et d'exclusion dans la construction du patrimoine sur la côte nord du Pérou.This article aims to analyze the sociopolitical claims raised by inhabitants of Huaca Rajada-Sipán (Lambayeque, Peru), after the discovery —in 1987— of a moche civilization funerary complex. The process of protection, valorization and touristic promotion of the site, conducted by archeologists and the State, initially excluded local residents, some of whom were involved in the trafficking of archeological objects. A group of inhabitants, first organized as a Comité de Defensa and then as a cultural association, hence mobilized a series of alliances, discursive and practical strategies in order to impose themselves as active agents, rather than passive beneficiaries, in the heritage-making process. Particularly in the negotiation with institutions, inhabitants enacted an ethnically defined reconfiguration of local identity, based on their connection to territory. The contentious case of Huaca Rajada-Sipán allows us to portray the complexity of inclusion and exclusion dynamics in the process of heritage-making on the northern Peruvian coast.
Études
- Stratégies politiques des indigènes dans l'Amazonie brésilienne : agence, échelle et territoire - João Pacheco de Oliveira L'objectif de cet article est d'identifier certains principes organisateurs de l´univers politique contemporain des mouvements indigènes en Amazonie brésilienne. Pour comprendre les stratégies et les catégories de langage qui dominent ces nouveaux scénarios, nous utilisons comme outils de recherche les notions d'« agency », de « jeux d'échelle » et de « territorialisation », c'est-à-dire le processus qui crée une relation légale et politique entre une population et un territoire. Les collectifs autochtones, encore soumis aux pratiques tutélaires de la société et de l´État brésiliens, luttent pour la reconnaissance juridique et administrative de leurs territoires. C'est le point de départ de leurs projets politiques et économiques pour s'assurer un accès régulier aux droits civils et à la citoyenneté.The purpose of this article is to identify some basic organizational principles of the contemporary political world of indigenous movements in the Brazilian Amazon. To understand strategies and categories of language required in these new scenarios we must use as tools of investigation the notions of agency, scale and territorialization (it means, the process of making a legal and political relationship between people and territory). Aboriginal communities, still subject to the tutelaries practices of Brazilian society and the guardianship of national state, are fighting for juridical and administrative recognition of ethnic territories, which represents the starting point for his political and economic projects as well as access to civil rights and citizenship.
- Entre race et révolution : l'horizon ibéro-américain du mouvement étudiant mexicain (1916-1945) - Romain Robinet p. 159-177 Cet article analyse l'action ibéro-américaine du mouvement étudiant mexicain à l'époque de la révolution, entendue dans son acception longue (années 1910-1940). Fondé en 1916, le mouvement étudiant mexicain adhéra progressivement au projet ibero-américain, lequel visait à unir le sous-continent et la péninsule ibérique, ainsi qu'au mythe de la raza qui en était le fondement. La défense de la « race » fut perçue comme une œuvre révolutionnaire, synonyme d'anti-impérialisme et de rapprochement spirituel, politique, culturel et économique avec les peuples de l'Ibéro-Amérique. Si durant la phase 1916-1931 les représentants étudiants mexicains s'affirmèrent comme les défenseurs lyriques de la race, ils réussirent à organiser, au début des années 1930, deux confédérations étudiantes ibéro-américaines, l'une à vocation représentative, l'autre à vocation confessionnelle. Ces deux confédérations, pourtant antagonistes, travaillèrent toutes deux à l'union de l'Ibéro-Amérique, en prenant comme référence le réformisme de la révolution mexicaine. Toutefois, la guerre civile espagnole brisa, à partir de 1936, ce consensus racial et favorisa un recentrement latino-américain.This article analyzes the international relations of the Mexican student movement during the Revolution (1910-1940). Founded in 1916, the Mexican student movement quickly supported the Ibero-Americanist project, whose aim was to defend the raza and to unite the subcontinent and the Iberian peninsula. Defending the “race”, an ethnocultural notion, was conceived as a revolutionary task, synonymous with anti-imperialism and with spiritual, political, cultural and economic reconciliation of Ibero-American people. This article first stresses that, between 1916 and 1931, Mexican student leaders acted as ardent defenders of the raza against panamericanism and US imperialism. Afterwards, in the beginning of the 1930's, Mexican young intellectuals succeeded in organizing two large Ibero-American Student Confederations. These international organizations (one was neutral and the other Catholic) were willing to regenerate the race and contributed to the circulation of the Mexican Revolution in Spain and Latin America. The Spanish Civil War eventually broke the racial consensus that existed between radical and Catholic students in Mexico and transformed their international horizon.
- Stratégies politiques des indigènes dans l'Amazonie brésilienne : agence, échelle et territoire - João Pacheco de Oliveira
Lectures
- Claude Bourguignon-Rougier, Philippe Colin et Ramón Grosfoguel (dir.), Penser l'envers obscur de la modernité : une anthologie de la pensée décoloniale latino-américaine - Fátima Hurtado López p. 181-184
- Juan Carlos Garavaglia, Jacques Poloni-Simard et Gilles Rivière (dir.), Au miroir de l'anthropologie historique : mélanges offerts à Nathan Wachtel - Danièle Dehouve p. 184-188
- Juan Carlos Garavaglia, Jacques Poloni-Simard et Gilles Rivière (dir.), Au miroir de l'anthropologie historique : mélanges offerts à Nathan Wacht - Pierre Ragon p. 189-193
- Marjorie Gerbier-Aublanc, Trajectoires féminines et mobilisation d'exilées à Bogotá : des destins déplacés aux futurs éclairés - Lucie Laplace p. 193-195