Contenu du sommaire : Désobéir en démocratie
Revue | Pouvoirs |
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Numéro | no 155, novembre 2015 |
Titre du numéro | Désobéir en démocratie |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Formes anciennes et nouvelles de la désobéissance civile - Cynthia Fleury p. 5-16 Qu'est-ce qu'obéir et désobéir en démocratie ? La désobéissance civile se définit-elle comme un geste d'appropriation démocratique, et même d'empowerment capacitaire du citoyen ? En quoi pratiquer la désobéissance civile peut-il relever de la manifestation d'un consentement à l'État de droit ? Par ailleurs, de la désobéissance civile à la dissidence numérique, quels liens, quelle progression ?Old and New Forms of Civil Disobedience
What is the meaning of obedience and disobedience in democracy ? Can civil disobedience be described as a gesture of democratic appropriation or even of empowerment of the citizen ? To what extent can the practice of disobedience express a consent to the rule of law ? On the other hand, what is the connection and evolution from civil disobedience to digital dissent ? - Le principe d'Antigone : Pour une histoire de la désobéissance en démocratie - Ludivine Bantigny p. 17-28 Désobéir en démocratie revient à repenser le contrat social qui associe ses membres et les lie. En cela, la désobéissance est un dévoilement : elle éclaire en creux la conformité, le fonctionnement du pouvoir quand il édicte et applique lois et décrets. Cet article examine au moyen d'exemples historiques – l'insurrection de juin 1848, les insoumissions et mobilisations pendant la guerre d'Algérie, la contestation de mai-juin 1968 – quelques formes de désobéissance en démocratie. Il en souligne l'historicité, soit la manière dont elles s'ancrent dans le temps et déploient une conscience historique qui est aussi une conscience politique.Antigone's Principle
Disobedience in democracy means rethinking the social contract which associates and unites citizens. In that sense, disobedience is a disclosure : it offers a negative image of the conformity and the functioning of power when it edicts and applies laws and executive orders. The article uses historical examples—the June 1848 insurrection, draft evasion and demonstration during the Algerian War, the May 68 protest movement—to examine various forms of disobedience in democracy. It stresses its historic dimension, i.e. the way it is anchored in its time and displays a consciousness which is both historical and political. - Droit de résistance et histoire des idées - Eric Desmons p. 29-40 D'Antigone à Luther King, les figures de la résistance légitime à l'oppression sont intemporelles. En revanche, les doctrines qui promeuvent un droit de résistance sont historiquement situées. Elles supposent un complexe mental particulier où s'articulent une conception juridique du politique et une philosophie du droit qui en autorisent la consécration. Les XVIIe et XVIIIe siècles en sont le creuset.The Right of Resistance and the History of Ideas
From Antigone to Martin Luther King Jr., the figures of legitimate resistance to oppression are timeless. On the other hand, the doctrines which promote a right of resistance are historically determined. They assume the existence of a particular mental complex articulating a juridical conception of politics and a philosophy of law which permit its consecration. The 17th and 18th centuries were the crucible of this approach. - L'histoire aussi extraordinaire que méconnue du juge Pierucci - Olivier Duhamel p. 41
- La désobéissance comme principe de la démocratie - Sandra Laugier p. 43-54 Cet article examine les justifications de la désobéissance civile à partir d'un principe moral, qui n'est pas la liberté abstraite mais la confiance en soi : elle encourage l'individu à refuser la loi commune et acceptée des autres, en se fondant sur sa propre conviction qu'elle est injuste et indigne. Loin de marquer un rejet ou une marge du politique, les actes de désobéissance en appellent à une extension des droits et des libertés qu'une démocratie devrait assurer à ses citoyens. On ne désobéit qu'en démocratie – quand on n'a plus dans la vie publique les conditions de la conversation où l'on pourrait raisonnablement exprimer son différend, quand on est dépossédé de sa voix. La désobéissance est alors un rappel du principe démocratie, qui est l'expression égale et inconditionnelle de chacun.Disobedience as a Principle of Democracy
The article examines the justifications of civil disobedience around a moral principle, which is not freedom but self-confidence and which encourages the individual to refuse the common law accepted by others, based on his own conviction that it is unjust and unacceptable. Far from representing a rejection of politics or an action at its margins, acts of disobedience call for an extension of the rights and liberties that a democracy should guarantee to its citizens. Disobedience can only occur in democracy, when one no longer finds in the public sphere the conditions of dialogue necessary to express one's dissent, or when one has been deprived of one's voice. Disobedience is a reminder of the principle of democracy which is the equal and unconditional expression of each citizen. - La désobéissance civile : entre Antigone et Narcisse, l'egodémocrate - Éric Thiers p. 55-72 Refuser d'obéir aux lois serait l'une des voies les plus assurées pour établir la démocratie réelle, celle dans laquelle nous vivons n'en présentant que les apparences trompeuses. La désobéissance civile serait inévitable dans un monde en proie à la mondialisation libérale dont nos gouvernants seraient les complices. Elle serait légitime car, non violente, elle assurerait la défense de principes supérieurs. Elle serait souhaitable pour atteindre un nouvel horizon démocratique qui se fonderait sur l'épanouissement de chaque individu considéré comme digne de faire entendre sa voix et fort de la confiance qu'il porte en lui. Pourtant, une présentation sous un jour si favorable mérite d'être livrée à la critique car la désobéissance civile est grosse d'ambiguïtés. À travers ce qui serait un mode d'action démocratique normal se dessine le portrait en creux d'un nouveau citoyen, l'egodémocrate, entre Antigone et Narcisse, refusant toute autorité, se pensant comme la mesure de toute chose, au risque de rendre impossible la vie en commun sous l'égide de la loi.Civil Disobedience: Between Antigone and Narcissus, the Egodemocrat
According to some, refusing to obey the law would be one of the best assured way of establishing real democracy, as opposed to the misleading appearances of the democracy in which we live. Civil disobedience is supposed to be inevitable in a world experiencing a wave of liberal globalization to which our own leaders are accomplices. It is presented as legitimate and, being non-violent, as guaranteeing the defense of superior principles. It would be desirable in order to reach a new democratic horizon based on the development of each individual worthy of expressing himself and confident in his own strength. Yet, such a favorable presentation must be submitted to a critical analysis because civil disobedience is often full of ambiguities. Through what is supposed to be a normal mode of democratic action appears the image of a new citizen, the egodemocrat, between Antigone and Narcissus, refusing any kind of authority, considering himself as the measure of all things, thereby endangering life in community under the auspices of the law. - Obéissance à la loi ? - François Sureau p. 73-80 La notion, centrale en démocratie, d'obéissance à la loi s'est transformée au fil du temps, pour deux raisons : le sens de la norme a changé, et l'obéissance n'est plus conçue, dans les sociétés développées, en termes aussi radicaux qu'autrefois. Il en résulte une incertitude profonde sur le licite et l'illicite dont il est difficile d'imaginer les conséquences à long terme. À cet égard, l'auteur s'interroge particulièrement sur un phénomène nouveau : la « désobéissance » à la loi des organes de l'État chargés de l'appliquer, et en particulier de ceux qui relèvent de sa fonction exécutive.Obedience to the Law?
The notion of obedience to the law, which is essential to democracy, has been transformed over time for two reasons. The meaning of the norm has changed and, in developed societies, obedience is no longer considered as radical as in the past. As a result, there is a growing uncertainty about what is licit and what is not, and the long-term consequences are difficult to fathom. In this regard, the author focuses more specifically on a new phenomenon : “disobedience” to the law by the state institutions that are supposed to implement it, in particular at the executive level. - Désobéir pour être : les Noirs américains - Wanda Mastor p. 81-95 Aux États-Unis, l'ampleur des émeutes raciales d'aujourd'hui, la permanence de la ségrégation de facto et l'impuissance des autorités à éradiquer des violences profondément ancrées ne peuvent s'appréhender abstraction faite du mal originaire. L'ère de l'esclavage, marquée par la supériorité de la race blanche sur la race noire, allait céder ensuite la place à l'ère de la séparation. Menés par Martin Luther King, les Noirs vont choisir la voie de la résistance pacifique. Indispensable, la désobéissance civile ne fut pas suffisante. À l'enchantement de la déségrégation de droit succède vite le désenchantement de la ségrégation de fait. Les Noirs ont alors compris et accepté qu'ils ne pourraient accéder au statut d'hommes libres qu'à la condition de forcer leur intégration.Disobeying in order to Exist: African Americans
In the United States, the magnitude of contemporary race riots, the permanence of de facto segregation, and the inability of the authorities to eradicate deeply rooted violence cannot be understood without taking into account their root causes. The age of slavery, characterized by the superiority of whites over blacks, gave way to the age of separation. Under the leadership of Martin Luther King Jr., blacks embraced peaceful resistance. Civil disobedience was essential but not sufficient. The enchanting period of desegregation was rapidly followed by the disillusionment of de facto segregation. Blacks then understood that they would gain their status as free human beings only by forcing their integration. - Les élus locaux confrontés à la désobéissance civile - Nicole Belloubet p. 97-111 La désobéissance des citoyens vis-à-vis des décisions prises par les élus locaux est source de craintes et de paralysies. Par-delà, c'est bien à une réflexion sur les modalités d'élaboration de la décision publique que nous conduisent ces divers types de résistance. Des chemins vers une concorde renouvelée semblent toutefois se dessiner.Local Authorities facing Civil Disobedience
Civil disobedience against decisions taken by local authorities is a source of fear and paralysis. In a broader perspective, these various forms of resistance question the modes of elaboration of public decisions. However, paths toward a renewed consensus are appearing. - La désobéissance en droit pénal - Jacques-Henri Robert p. 113-124 La désobéissance, entendue comme le refus de se conformer à l'ordre qu'une personne, revêtue d'une autorité publique ou privée, adresse à un subordonné, n'est pas en principe pénalement punissable. Mais ce principe, qui remonte à la Révolution, subit des exceptions de plus en plus nombreuses.Disobedience in Criminal Law
Disobedience, meaning the refusal to comply with an order given to a subordinate by a person vested with public or private authority, is normally not punishable by law. Yet, this principle, which goes back to the Revolution, is now subject to an increasing number of exceptions. - Obéir/désobéir et l'environnement - Thierry Tuot p. 125-135 L'environnement est un des domaines où la révolte demeure violente, mais aussi celui d'une désobéissance lassée à des injonctions de comportement. Celles-ci s'expliquent par le refus de penser la place de l'homme et la morale de la mutation environnementale, l'abandon de la méthode scientifique et l'épuisement de la démocratie représentative. Un État aux méthodes anachroniques ne peut impulser les changements nécessaires ; et ceux-ci doivent être conduits dans la plus grande justice sociale. Pour échapper à la crise et aux échecs que la désobéissance suscite, il faut fonder la légitimité d'autres parties prenantes que les élus, innover par de nouvelles méthodes d'action publique et instaurer une expertise non étatique que les citoyens pourront s'approprier.Obedience/Disobedience and the Environment
Environment is an area where violent resistance prevails, but also an area where disobedience is undermined by calls to behavioral change. The latter can be understood as a refusal to think the place of man and the moral of environmental mutation, the abandonment of scientific methods and the exhaustion of representative democracy. A state using anachronistic approaches cannot promote the necessary changes which must be introduced with a respect to social justice. In order to escape the crisis and the failures generated by disobedience, it is necessary to legitimate other stakeholders besides elected officials, to create new methods of public action, and to introduce a non-governmental expertise that citizens can eventually take over. - Obéissance, désobéissance militaires et démocratie - Benoît Durieux p. 137-148 Les circonstances de la guerre rendent singulière la question de l'obéissance et de la désobéissance militaires. Si la discipline reste la force principale des armées, la possibilité de désobéissance extraordinaire traduit l'importance de la responsabilité individuelle face aux situations imprévisibles du combat. Les conditions de cette dialectique sont renouvelées dans la société démocratique et ce phénomène est significatif des défis que la démocratie elle-même devra relever.Military Obedience/Disobedience and Democracy
War creates a singular context for military obedience and disobedience. If discipline remains the main strength of armies, the possibility of extraordinary disobedience highlights the importance of individual responsibility in front of unforeseeable combat circumstances. The conditions of this dialectic are enhanced in a democratic society and this phenomenon is representative of the challenges democracy itself is called to take up. - Fonctionnaire, obéir/désobéir - Clément Chauvet p. 149-160 Le droit de la fonction publique civile consacre un devoir d'obéissance solidement ancré, qui connaît des exceptions sous forme d'un devoir ou d'un droit de désobéissance. Le binôme « obéissance-désobéissance » montre cependant un certain nombre de paradoxes résultant d'une opposition entre deux impératifs contradictoires : protéger l'administration, le cas échéant contre la désobéissance ; protéger l'agent, éventuellement par l'obéissance à un ordre qui aurait dû être ignoré.Obedience/Disobedience and Civil Servants
Public Civil Service Law acknowledges a firmly grounded duty to obey, which is subject to a number of exceptions, including a duty or right to disobey. However, the duo obedience-disobedience includes a number of paradoxes resulting from the opposition between two contradictory requirements : to protect the administration if necessary against disobedience and to protect the civil servant, possibly by obeying an order that should have been ignored. - Les élections britanniques du 7 mai 2015 : la victoire de David Cameron n'est-elle qu'un mirage ? - Jacques Leruez p. 161-172
- Repères étrangers : (1er Avril – 30 Juin 2015) - Pierre Astié, Dominique Breillat, Céline Lageot p. 173-187
- Chronique constitutionnelle française : (1er mai – 30 juin 2015) - Pierre Avril, Jean Gicquel p. 189-208