Contenu du sommaire : La cruauté
Revue | Cahiers de psychologie clinique |
---|---|
Numéro | no 22, 2004/1 |
Titre du numéro | La cruauté |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Edito - Alex Lefebvre p. 7-9
Ouverture
- La cruauté : un point de vue microsociologique - Claude Javeau p. 13-26 C'est la question d'une spécificité de la cruauté au féminin qui fut débattue lors de la journée scientifique du 15 mars 2003 organisée par l'Université Paris 7 – Denis Diderot. Cinq conférencières, J. Kristeva, S. de Mijolla-Mellor, M. Bompard-Porte, B. Galtier et K. Brutin, ont inscrit leur réflexion dans la perspective interdisciplinaire des littératures francophone et anglophone et de la psychanalyse, pour penser l'articulation de la cruauté et du féminin par-delà la pulsion de cruauté qu'un Freud associait à la sexualité masculine. Inadéquation à soi de la sexualité féminine, cruor fantasmatique et pulsion de recherche, métapsychologie de la peur et de l'épouvante, violence de figures féminines ou cruauté dissécatoire post-mortem sont autant de thèmes ici développés.The issue of a specic female cruelty was discussed over during the colloquium organised by the University Paris 7 – Denis Diderot on the 15th of March 2003. Within the interdisciplinary perspective of French and English language literature together with psychoanalysis, five speakers, J. Kristeva, S. de Mijolla-Mellor, M. Bompard-Porte, B. Galtier and K. Brutin, tackled the link between cruelty and feminity beyond the Freudian male cruelty drive. Selfmissed female sexuality, fantasy cruor and investigation drive, metapsychology of fear and fright, violent female figures and post-mortem dissection cruelty are some of the themes which were dealt with.
- La cruauté : un point de vue microsociologique - Claude Javeau p. 13-26
Théorie
- La cruauté et les avatars de la subjectivation - Jean-Paul Matot p. 29-54 À partir des pistes dégagées par S. Freud et par D.W. Winnicott, la cruauté est envisagée dans une première partie de l'article comme la violence effractante exercée, au cours de son développement, par le bébé sur la mère dans les registres de l'auto-conservation et de l'emprise, en deçà de toute prise en compte de l'effet, sur la mère, de cette violence. La place du masochisme originaire du bébé, et du masochisme féminin de la mère, dans la liaison transformatrice de la cruauté, est discutée. Cette liaison permet la constitution d'une enveloppe psychique, dont les travaux de D. Anzieu ont montré les rapports qu'elle entretient avec la peau. Les défaillances de la construction de ce Moi-peau, à partir d'une peau commune à la mère et au bébé, déterminent les issues pathologiques spécifiques de la cruauté. Deux figures emblématiques sont présentées pour illustrer ce registre : celle de Cruella dans Les 101 Dalmatiens, et celle du meurtrier en série du Silence des agneaux. Ces formes meurtrières, issues de l'imagination des écrivains, font apparaître clairement que la cruauté se distingue nettement du sadisme tant par son but, qui vise l'appropriation d'une enveloppe contenante par effraction non sexualisée de la peau d'autrui, que par l'absence d'une recherche de plaisir dans la souffrance, de soi comme de l'autre, témoignant d'une économie purement narcissique, qui barre, de manière plus ou moins étendue, l'accès à la subjectivation. Certaines « expériences » nazies dans les camps d'extermination en confirment la réalité potentielle.Following Freud's and Winnicott's works, cruelty is considered as the violent breaking exerted by the baby on his mother in the field of developmental self-preservation and mastery, regardless mother's suffering. We discuss the importance of baby's primal masochism and mother's feminine masochism in the transformation of cruelty and forming an psychic envelope, linked, following D. Anzieu, to the skin functions. The failing of the Ego-skin determines the specific pathological shapes of cruelty.
- La cruauté et les avatars de la subjectivation - Jean-Paul Matot p. 29-54
Clinique
- Notes cliniques sur la cruauté pathologique de l'enfant - Maurice Berger, Alain Ferrant p. 125-139 La cruauté pathologique peut apparaître chez l'enfant dès la marche. Elle est en partie la conséquence d'un échec du « travail de l'emprise » : le sujet ne rencontre pas un environnement qui se laisse transformer en double de soi tout en restant lui-même. Surtout, cet environnement se montre lui-même cruel. Les extraits d'une situation clinique montrent la complexité des processus psychiques en jeu.Clinical notes about pathological cruelty of the child. Pathological cruelty can appear as soon as a child begins to walk. It is partly the consequence of a fail in the « work of mastering » : the subject doesn't meet an environment that let itself be transformated in a double of the subject, keeping its alterity at the same time. Mainly, this environment is crual. Extracts of a clinical situation show the complexity of the psychic processes at work.
- Torture et temporalité : Contribution à une sémiologie de « psychose traumatique » - Philippe Bessoles p. 141-157 Les traumatismes issues des tortures génèrent une sémiologie proche des psychopathologies psychotiques. Nous proposons, à la suite des travaux de S. Férenczi (1937), B. Bettelheim (1960), L. Bailly (1989) et F. Sironi (1999) une contribution à la notion de « psychose traumatique » à partir de la clinique des victimes de torture. La destruction des liens psychiques, sociaux, familiaux, culturels... caractérise l'anéantissement victimaire des personnes torturées. La symptomatologie d'apparence anxio-dépressive cache mal les angoisses agoniques, les sentiments de persécution, les retraits d'allure catatonique ou stuporeuse, les troubles de l'image du corps et, d'une façon générale les atteintes des bases narcissiques. La torture crée un lien agglutiné (J. Bléger, 1981) à la scène traumatique mais surtout au tortionnaire au travers de la pulsion d'emprise. La victime est sous influence y compris dans sa temporalité qui ne cesse de répéter, dans les reviviscence, les « figures de l'horreur ». La torture hypothéque les liens de filiation et d'affiliation par ses actes de violences sexuelles, de génocide, d'épuration ethnique ou déplacement de population. Détruire la sensorialité est la « technique » des tortionnaires dont l'ultime fin est la dépersonnalisation prise en otage entre « parle, sinon on continue » et « si tu parles, on recommence ».The torture's pathologies produce a semiology near psychotic's psychopathologies. We propose, following the works of Ferenczi (1937), B. Bettelheim (1960), L. Bailly (1989) and F. Sironi (1999) a contribution to the notion of « traumatic psychosis » about victims of torture. The destruction of the psychic, social, domestic, cultural links,... characterize the victim breakdown. The symptom is not anxious-depressive appearance hides badly the agony fears, the feelings pursuit, the catatonic and stupor retreats, the confusion of the image of the body and, in a general way the infringements of narcissitic bases. The torture creates an agglutinated bind (J. Bléger on 1981) in traumatic scene but, especially to the executioner through the drive of influence. The victim is under influence including in her temporality which does not stop repeating, and lives again « picture of horror ». The torture destroy filiation binds by its acts of sexual violence, genocide, ethnic purge or movement of population. To destroy the sensoriality is the « process » of the executioners. The ultimate end of which is the taken hostage depersonalize enters « speak, otherwise one continue » and « if you speaks, one begins again ».
- De la cruauté de la vie à la cruauté du lien : Illustration clinique - Annig Segers-Laurent p. 159-169 Certaines familles ne peuvent faire face ni élaborer des événements traumatiques faisant irruption dans leur vie. L'hypothèse de l'auteur est que ces familles, qu'on pourrait qualifier de non résilientes, auraient subi antérieurement d'autres traumatismes restés non élaborés et que le nouveau traumatisme agirait à la manière d'un souvenir écran pour l'ensemble de la famille. Dès lors, il serait chargé d'une fonction de mythe réparateur du passé non élaboré. Mais devenant mythe, il resterait lui-même intouchable et inélaborable et serait alors transposé dans des liens familiaux cruels où se rejouerait la cruauté de la vie. Une situation clinique illustre ce propos.Certain families cannot face nor work out traumatic events irrupting in their life. The hypothesis of the autor is that these families, which could be qualifyed as nonresilient, would have undergone other traumatisms remained before nonelaborated and that the new traumatism would act as a remembering screen for the ensemble of the family. Consequently, it would be charged as function with repairing myth with last nonelaborate. But becoming myth, it would remain itself untouchable and inelaborable and would be then transposed in cruel family bonds or replay the cruelty of life. A clinical situation illustrates this propos.
- Quelques réflexions autour du tabou et du suicide - Valérie Munier p. 171-184 Cet article traitera de la question du tabou et du suicide. Nous explorerons dans cette communication la nature des liens unissant ces deux notions. Dans un premier temps, nous examinerons les définitions du tabou, notamment dans les écrits freudiens. Dans un second temps, nous montrerons comment la dimension du sacré inhérente au tabou entre en jeu dans le passage à l'acte suicidaire. Et dans la troisième partie, nous étudierons la part de l'indicible dans le suicide. Ainsi, nous montrerons comment le passage à l'acte suicidaire viendrait signifier la violation de la prohibition tabou fondamentale du meurtre. Nous montrerons aussi comment le passage à l'acte suicidaire d'un adolescent viendrait faire émerger l'indicible de la haine et des vœux de mort parentaux à l'égard de leur enfant. Enfin, en conclusion, au regard de ces éléments du tabou, nous nous risquerons à proposer une ouverture quant à la prise en charge thérapeutique des adolescents suicidaires.This article is going to deal with the taboo and suicide. In this communication, the nature of the bonds linking these two notions will be explored. In the rst place, we will explore the denitions of the taboo, in particular in the writings freudien. In the second place, we will show how the dimension of crowned inherent with the taboo betwwen concerned in the passage to the suicidal act. And in the third part, we will study the share of the inexpressible in the suicide. Thus, we will show how the passage to the suicidal act would come to mean the violation of fundamental prohibition taboo of the murder. We will also show how the passage to the suicidal act of a teenager would come to make emerge inexpressible hatred and parental wishes of death with regard to their child. Finally, in conclusion, taking into consideration these elements of the taboo, we will go so far as for the therapeutic assumption of responsibility of the suicidal teenagers.
- Notes cliniques sur la cruauté pathologique de l'enfant - Maurice Berger, Alain Ferrant p. 125-139
Culture
- Cruauté et plaisir scopique sur internet : entre scène médusante et perversion ? - Marie Anaut, C. Strauss p. 187-204 Prenant appui sur une vignette clinique, cette réflexion s'articule autour d'un questionnement sur le regard et la cruauté dans l'accès aux images interdites offertes par certains sites Internet. Ce travail met en perspective la problématique de la transgression et du plaisir fondé sur les interdits et les relations avec le voyeurisme et les formes de sexualité déviantes. Dans l'exploration des sites Web interdits, la transgression est double : voir dans le secret de sa relation à l'écran, des images atroces, horribles, impensables, et transgresser l'interdit d'y accéder. C'est cette quête, qui prend parfois un caractère compulsionnel, qui est interrogée ici. La complexité du fonctionnement psychique face au plaisir scopique conduit à revisiter les frontières entre la jouissance névrotique et la perversion dans le rapport au visuel. Si le pervers est animé par la vue d'un objet précis auquel est née sa jouissance, le névrosé le sera par la quête d'une scène médusante, qui ne peut jamais être la dernière ou la bonne car elle ne fait que tenter de figurer le trauma devant lequel il est resté sans voix. À l'impossibilité de tout voir, le névrosé substitue le désir de voir ce qui serait resté caché parce qu'interdit.Based on a clinical vignette, this reection is articulated around a questioning of the gaze and cruelty in accessing the prohibited images offered by certain Internet sites. The work puts into perspective the problematic of transgression and of the pleasure founded on prohibition, and the relationship with voyeurism and deviant sexuality. The transgression involved in the exploration of prohibited websites is a double one : both to see, in the secrecy of one's relation to the screen, horrible, atrocious and unthinkable images; and to transgress the prohibition against accessing them. It is this quest, which takes on at times a compulsive character, that is interrogated in the present text. The complexity of psychical functioning in the face of scopic pleasure leads to arevisiting of the frontiers between neurotic satisfaction and perversion in the sphere of visual relations. If the perverse subject is animated by the sight of a precise object to which his jouissance is xated, the neurotic will be animated by the quest for a transxing scene which can never be the final or the intended one, because it will seduce him into trying to represent the trauma in front of which he is struck dumb. For the impossibility of seeing all, the neurotic substitutes the desire to see that which remains hidden because it is prohibited.
- Entre littérature et psychanalyse : vers une pluridisciplinaire « cruauté au féminin » - Thamy Ayouch p. 205-214
- Cruauté et plaisir scopique sur internet : entre scène médusante et perversion ? - Marie Anaut, C. Strauss p. 187-204
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 215-231
Thème en préparation
- Croyance - p. 235