Contenu du sommaire : Prétendre représenter la représentation politique comme revendication
Revue | Revue Française de Science Politique |
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Numéro | vol. 66, no 1, février 2016 |
Titre du numéro | Prétendre représenter la représentation politique comme revendication |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Prétendre représenter : la représentation politique comme revendication
- Prétendre représenter : La construction sociale de la représentation politique - Virginie Dutoya, Samuel Hayat p. 7-25 La notion de prétention à la représentation (representative claim), proposée notamment par Michael Saward, marque-t-elle un tournant constructiviste dans l'étude de la représentation politique ? L'idée selon laquelle le représentant impose une identité au représenté existait déjà chez Hobbes ou Pierre Bourdieu. Mais la théorie politique anglo-américaine, particulièrement depuis l'ouvrage de Hanna Pitkin, s'appuyait plutôt sur une conception de la représentation comme composition, le représenté préexistant à sa représentation. L'intérêt de l'approche de Saward est d'envisager les prétentions à la représentation comme des propositions qui peuvent être acceptées, refusées ou reformulées par les représentés. Les articles réunis dans ce dossier prennent cette approche au sérieux et la mettent à l'épreuve de terrains divers, faisant ressortir la performativité des prétentions à la représentation, leur caractère instituant et leur inscription dans des rapports de pouvoir.Does the notion of a representative claim, defended in particular by Michael Saward, introduce a constructivist turn in the study of political representation ? The idea that representatives impose an identity on the represented already existed in Hobbes or Pierre Bourdieu. But Anglo-American political theory, especially since Hanna Pitkin's book, was built on a conception of representation as composition, in which the represented existed before its representation. The interest of Saward's approach is to consider representative claims as proposals that might or might not be accepted, rejected or rearticulated by the represented. The articles in this special issue take this approach seriously and put them to the test in different field studies, emphasizing the performative and establishing capacity, and inscription in power relations, of representative claims.
- Un parlement mondial du travail ? : Enquête sur un siècle de représentation tripartite à l'Organisation internationale du travail - Marieke Louis p. 27-48 Depuis sa création en 1919, l'Organisation internationale du travail, chargée de réglementer les relations professionnelles entre États et d'instaurer entre eux des principes de justice sociale, prétend incarner un véritable « parlement mondial du travail ». Sur quels dispositifs concrets et stratégies d'acteurs s'appuie une telle prétention ? Comment l'OIT a-t-elle construit, défendu et réformé sa représentativité au cours du temps ? L'étude socio-historique des dispositifs représentatifs en place et de leur contestation par des acteurs s'estimant mal représentés (gouvernements, organisations syndicales et patronales, coopératives, organisations non gouvernementales) permet, sur le temps long, de déconstruire l'analogie parlementaire et de dévoiler certaines caractéristiques d'une représentation à la fois internationale et tripartite : non électorale, sélective, technocratique mais aussi parfois accommodante, voire improvisée.Since its creation in 1919, the International Labour Organisation, which is in charge of regulating industrial relations among states and setting up principles of social justice, has claimed to embody a “world parliament of labour”. On what institutional mechanisms and action strategies relies such a claim ? How has the ILO built up, justified and reformed its representativeness over time ? The socio-historical analysis of the representative mechanisms and their criticism by actors who feel badly represented (government, trade unions and employers' organizations, cooperatives, nongovernmental organizations) allows us to deconstruct the parliamentary claim and to unveil, over the long term, some of the key characteristics of a representational system that is both international and tripartite : non-electoral, selective, technocratic but which can also adapt and even improvise.
- Une demande faite au nom des femmes ? : Quotas et représentation politique des femmes en Inde et au Pakistan (1917-2010) - Virginie Dutoya p. 49-70 Les quotas pour les femmes sont apparus pendant les années 1930 dans les assemblées politiques de la colonie des Indes britanniques, et existent toujours en Inde et au Pakistan. Selon une approche socio-historique, cet article retrace l'évolution de l'enjeu de la représentation politique des femmes dans ces deux pays, depuis la période coloniale jusqu'à nos jours. La notion de representative claim permet d'analyser la façon dont les autorités coloniales puis nationales de ces pays ont constitué les femmes en catégorie politique légitime, ayant le droit à être représentée via des sièges réservés. À partir d'un ensemble de documents d'archives (rapports de comités, débats constitutionnels et parlementaires), ainsi que d'une série d'entretiens, cet article montre que la mise en œuvre de quotas pour les femmes s'inscrit dans un processus de légitimation du système représentatif et, au-delà, de l'autorité de l'État.In the 1930s, women's reserved seats were implemented in political assemblies in British India, and they still exist in India and Pakistan nowadays. In a socio-historical perspective, this article examines how the issue of women's political representation has been framed in India and Pakistan, from the colonial periods onwards. In particular, political authorities (colonial and national) have made “representative claims” in the name of women, by claiming that they constituted a legitimate political category, that ought to be represented as such, through reserved seats if need be. Using a large corpus of archives (committees' reports, constitutional and legislative debates) as well as interviews, the article shows how the implementation of quotas participates in the legitimation of the representative system, and by ways of consequences, of the authority of the State.
- L'ancrage social de la représentation : Devenir porte-parole dans les conférences municipales des femmes de Recife, au Brésil - Marie-Hélène Sa Vilas Boas p. 71-89 Comment certains acteurs construisent-ils une position de représentant dans les dispositifs participatifs brésiliens ? À partir de l'étude des conférences municipales des femmes de Recife, cet article vise à saisir le processus de construction de la représentation dans les institutions participatives. Il se distingue des approches institutionnelles souvent adoptées pour privilégier l'analyse de l'ancrage social des dispositifs. Il montre que la construction d'une position de représentant repose, d'une part, sur la transformation de relations personnalisées en un groupe de soutien et d'autre part, sur une activité de médiation entre les habitants d'un territoire et les institutions du service public.How do certain actors build representatives' position in Brazilian participative devices ? Based on study of the women's municipal conferences of Recife, this article analyses the social anchoring of representation in participatory institutions. It shows that the construction of a representative position rests, first, on the transformation of personalized relations into a support group and second, on a permanent mediation between the inhabitants of a territory and public institutions.
- La représentation comme performance : Le travail d'incarnation des classes populaires au sein de deux organisations communautaires à Los Angeles, USA - Julien Talpin p. 91-115 La représentation descriptive a souvent été conceptualisée comme relevant de l'alternative entre politique des idées et politique de la présence. Cet article avance que la légitimité des pratiques de représentation de groupes historiquement marginalisés requiert surtout une performance interactionnelle de la part des représentants, qui doivent incarner le groupe par leurs pratiques, ce qui se traduit par une série d'épreuves publiques. Cette approche dramaturgique est explorée à partir de l'étude d'organisations communautaires américaines qui prétendent faire parler les classes populaires, et ce faisant, les unifier par-delà les clivages de race et de classe qui les traversent. Appréhender la représentation comme une série d'épreuves permet de la saisir non comme une usurpation unilatérale mais comme un processus interactif et contingent, qui peut s'avérer politiquement inclusif ou excluant.Descriptive representation has often been conceptualized along the opposition between a politics of ideas and a politics of presence. This article argues that the legitimacy of the representation of historically marginalized groups requires above all an interactional performance from the representatives, who has to embody the group in her practices which give rise to several public proofs. This dramaturgic approach is explored through the study of American community organizations that claim to represent poor people, and in so doing unify them beyond the race and class boundaries that divide them. Conceptualizing representation as a set of proofs allows understanding it as an interactive and contingent process that can be politically inclusive or exclusive.
- Prétendre représenter : La construction sociale de la représentation politique - Virginie Dutoya, Samuel Hayat p. 7-25
Article
- Publicité et transparence : Le statut de la représentation et de la visibilité politique chez Kelsen et Schmitt - John Pitseys p. 117-135 Le débat juridique et philosophique opposant Carl Schmitt à Hans Kelsen ne met pas seulement en scène deux conceptions du droit et de la représentation. Le thème de la visibilité politique y joue aussi un rôle primordial. Quelle différence tracer entre publicité politique et transparence, et quelles conséquences en tirer en termes de justification d'un régime politique ? Afin d'approfondir cette question, l'article retrace la critique schmittienne de la conception kelsénienne du droit et du principe de publicité. Il expose ensuite les traits principaux de la conception de la transparence que Schmitt entend substituer au principe de publicité. Il montre enfin que la réponse de Kelsen à Schmitt permet de dépasser les limites du texte schmittien et les difficultés rencontrées par l'État législateur parlementaire.The legal and philosophical debate opposing Carl Schmitt to Hans Kelsen doesn't stage only two different conceptions of law and representation. The theme of political visibility plays a determining role as well. What is the difference between political publicity and transparency, and what consequences to draw in terms of justification of our political regimes ? For this question to be broached, this paper retraces the schmittian critique to Kelsen's conception of law and political publicity. Its exposes the main features of the conception of transparency that Schmitt intends to substitute to the principle of publicity. Finally, it will be shown that Kelsen's answer to Schmitt allows overstepping both the limits of schmittian text and the difficulties met by the parliamentary legislative state.
- Publicité et transparence : Le statut de la représentation et de la visibilité politique chez Kelsen et Schmitt - John Pitseys p. 117-135
Chronique bibliographique
- Lectures critiques - p. 137-153
- Comptes rendus - p. 154-197