Contenu du sommaire : Musique et pouvoir, pouvoirs des musiques dans les Afriques
Revue | Afrique Contemporaine |
---|---|
Numéro | no 254, 2015/2 |
Titre du numéro | Musique et pouvoir, pouvoirs des musiques dans les Afriques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Jean-Bernard Véron p. 7-9
Musique et pouvoir, pouvoirs des musiques dans les Afriques
- Musique et pouvoir, pouvoirs des musiques dans les Afriques : Introduction thématique - Armelle Gaulier, Daouda Gary-Tounkara p. 13-20
- Guerre froide, jeux politiques et circulations musicales entre Cuba et l'Afrique de l'Ouest : Las Maravillas de Mali à Cuba et la Orquesta Aragón en Afrique - Élina Djebbari p. 21-36 Fondé sur des recherches de terrain et la consultation d'archives au Mali et à Cuba, cet article analyse les enjeux politiques et musicaux que révèlent les jeux d'aller-retour et les déplacements transcontinentaux de musiciens maliens et cubains à l'aune des nouveaux échanges culturels amorcés entre Cuba et les pays africains après les indépendances. Prenant pour objet d'étude la présence de l'orchestre Las Maravillas de Mali à Cuba et les tournées de la Orquesta Aragón en Afrique de l'Ouest, plusieurs strates de circulations musicales à travers l'Atlantique sont mises au jour. Cet article aborde le rôle de dynamiques politiques particulières dans l'histoire d'une globalisation musicale transatlantique.This article, based on archival research in Mali and Cuba, analyses the political and musical issues involved in a game of back-and-forth that was prompted by Malian and Cuban musicians' international travel. The author measures these stakes in the Cold War context, using the yardstick of post-independence cultural exchanges between African countries and Cuba. She studies the presence of Las Maravillas de Mali in Cuba and Orquestra Aragón in West Africa to update our understanding of the many levels of music flowing through the “Black Atlantic”. In doing so, she exposes the role special, post-colonial political dynamics have played in the history of globalized transatlantic music.
- Les « brûleurs » de frontières dans la musique populaire tunisienne : La migration non documentée au prisme de chansons de rap et de mezoued - Monika Salzbrunn, Farida Souiah, Simon Mastrangelo p. 37-56 Cet article propose une analyse des représentations des « brûleurs » de frontières, les migrants d'Afrique du Nord, dans la musique populaire tunisienne à partir d'un corpus constitué de cinquante-quatre chansons. Il mobilise la musique populaire tel un révélateur de l'imaginaire migratoire et de dynamiques sociales profondes. Après avoir exploré le contexte d'énonciation des chansons, l'article se structure autour des quatre thèmes prévalents : désirs migratoires, dangers de la traversée, souffrance de l'exilé et des siens, acceptation de la volonté divine. Cette analyse permet de conclure que, sans pouvoir être classées dans la musique révolutionnaire au sens classique du terme, les paroles des chansons sur la harga contiennent un potentiel de subversion important : voter avec ses pieds.This article analyzes popular Tunisian music performances by “border jumpers” – illegal immigrants. The author, using a body of fifty-four songs, reveals migrants' imaginings and deep social dynamics. After exploring the context in which the songs are sung, he explores five prevalent topics: (1) migrants' desires; (2) border-crossing dangers; (3) exiles' pain; (4) family suffering; and (5) Divine Will acceptance. His analysis concludes that the lyrics from songs about the harga (the phenomenon of migrating illegally), while not revolutionary in the classic and direct sense of the word, are potentially very subversive as they promote voting with one's feet.
- Les musiciens, médiateurs d'échanges culturels entre Mozambique et Afrique du Sud : Sur quelques effets culturels de migrations anciennes - Didier Nativel p. 57-72 À partir de la fin du XIXe siècle, une relation musicale durable s'établit entre la colonie portugaise du Mozambique et la région de Johannesburg. Des migrants mozambicains employés comme mineurs dans le Rand deviennent les médiateurs d'échanges culturels entre les deux territoires. C'est dans ce contexte qu'émerge, dans les années 1950 et 1960, Fanny M'Pfumo, figure légendaire de la musique urbaine mozambicaine. Après l'indépendance de l'ancienne colonie portugaise en 1975, les relations entre les deux territoires se dégradent. Le nouveau régime révolutionnaire, installé à Maputo, entend forger une culture nationale autonome du pays de l'apartheid. En réalité, des migrations plus limitées, mais continues, démarrent à partir de 1975-1980. Cette fois, des musiciens semi-professionnels, voire professionnels, tentent leur chance non seulement à Johannesburg mais aussi au Cap.Beginning in the late nineteenth century, a lasting musical relationship grew between the Portuguese colony of Mozambique and the Johannesburg region of South Africa. Mozambican migrants, working in Rand District mines, became intermediaries in cultural exchanges between the countries. Within this context, Fanny M'Pfumo, a legendary figure of urban Mozambican music, emerged in the 1950s. After Mozambique gained independence in 1975, relations soured between the two countries. The new revolutionary regime in Maputo intended to forge a national culture separate from South Africa's Apartheid state. Nonetheless, a more limited but constant migration recommenced in 1975-1980, with professional and semi-professional musicians testing their luck in Johannesburg and Cape Town.
- Chansons de France, chansons de l'immigration maghrébine : Étude de l'album Origines contrôlées - Armelle Gaulier p. 73-87 En France, l'élection présidentielle de 2007 est remportée par Nicolas Sarkozy. Sa campagne avait pour thème principal l'identité nationale, utilisé pour aborder la « problématique » de l'immigration. Les chanteurs Mouss et Hakim (Zebda, Motivés) sortent, en octobre de la même année, un album intitulé Origines contrôlées, reprenant le répertoire de la chanson maghrébine de l'exil. Écrites entre la France et l'Algérie, dans l'immédiat après-guerre et jusqu'en 1980, ces chansons, composées par des immigrés maghrébins, sont de véritables chroniques de leur difficile vie quotidienne. Cet article interroge la revendication de cet héritage culturel de l'immigration dans le contexte politique particulier de l'élection de 2007. Autrement dit, en quoi la musique peut-elle faire mémoire ?Nicolas Sarkozy won the French presidential election in May 2007. His campaign used “national identity” as a central theme to address France's immigration “problematic”. That October, Mouss and Hakim, two singers from the French music groups Zebda and Motivés, launched an album of Maghrebin songs of exile entitled Origine Contrôlées (controlled designation of origin). These songs, written by Maghrebin immigrants living between Algeria and France after the war through the 1970s, tell of their hardships. This article interrogates these contemporary musicians' claim on immigration's cultural heritage within the specific political context of the 2007 elections. In other words, how can music constitute, appropriate and share a memory?
- Des artistes engagés au Burkina Faso : Rappeurs burkinabé, trajectoires artistiques et contournements identitaires - Anna Cuomo p. 89-103 L'article aborde différentes circulations de rappeurs burkinabé au sein de mondes culturels et militants, locaux comme globaux. Il cherche à comprendre de quelle manière la catégorie d'« artiste engagé » peut constituer à la fois une ouverture vers d'autres réseaux, mais aussi une forme d'enfermement conduisant ces artistes à la contourner pour s'en émanciper. Les artistes contemporains étudiés mettent en place différentes stratégies de contournement au sein de leur carrière musicale, laissant entrevoir des appartenances sociales multiples allant d'une certaine élite économique et culturelle à des milieux plus populaires. Ces ruptures correspondent à une volonté de s'extraire d'un milieu dans lequel ils ont été catégorisés, et une ambition d'avancer vers une reconnaissance plus large.This article follows Burkinabe rappers as they move through cultural and activist worlds locally and globally. The author seeks to understand how the “socially engaged” label can either open an artist's way into new social and political networks, or how identity can box artists in, leading them to work around labels in order to find more freedom. She studies how some contemporary musicians deploy various strategies to by-pass such identities during their careers, allowing the reader to catch glimpses of many social circles; these range from economic and cultural élites to more modest milieus. The effort rappers make to break out of these molds reveals these artists' desire to escape from the boxes they get put into. It also shows their ambition to become more widely known.
Repères
- Entretien avec Denis-Constant Martin - Armelle Gaulier p. 106-109
- Performances réelles et espaces virtuels. Les jeunes, créateurs des cultures populaires africaines - Lesley Nicole Braun p. 110-112
Interview
- Artistes africains, malentendu migratoire et création musicale - Sébastien Lagrave p. 115-126 Sébastien Lagrave prend la direction du festival Africolor en 2012. Créé en 1989 par Philippe Conrath, Africolor est un festival atypique de création musicale dédié aux musiques africaines. Dans cet entretien, il définit cette expression polymorphe de « musiques africaines ». Il revient aussi sur la dimension politique inhérente à ces musiques, notamment au travers des artistes, chanteurs et musiciens, femmes et hommes, contraints à des parcours migratoires, parfois difficiles, ou pris dans des logiques de circulations transnationales. Enfin, il explique en quoi le positionnement du festival Africolor entre proposition artistique et médiation culturelle permet de sortir d'une « verticalité de la culture » aujourd'hui dépassée.Sébastien Lagrave became director of the Africolor Music Festival in 2012, an atypical African music concert series created in 1989 by Philippe Conrath. In this interview, Lagrave defines the polymorphic term “African musics”. He also revisits the inherently political dimension of these “musics” by looking at male and female artists, singers, and musicians who are forced into sometimes difficult migratory journeys or caught up in transnational flows. He explains how the positioning of the Africolor festival, midway between an artistic proposition and a cultural mediation, allows the performers and the audience to go beyond an outdated cultural “verticality”, that is, an outmoded cultural hierarchy.
- Artistes africains, malentendu migratoire et création musicale - Sébastien Lagrave p. 115-126
Notes de lecture
- Claude-Hélène Perrot. Les Anyi-Ndényé et le pouvoir politique aux XVIIIe et XIXe siècles - Claude-Hélène Perrot p. 129-132
- Amzat Boukari-Yabara. Africa Unite ! Une histoire du panafricanisme - Giulia Bonacci p. 133-135
- Dominique Darbon, Comi Toulabor (dir.). L'Invention des classes moyennes africaines. Enjeux politiques d'une catégorie incertaine - Pierre Jacquemot p. 136-138
- Odile Goerg. Fantômas sous les Tropiques. Aller au cinéma en Afrique coloniale - Jean-Pierre Listre p. 139-142
- Pierre Jacquemot. Le Dictionnaire du développement durable - Jean-Bernard Véron p. 143-144
- Alice Delphine Tang (dir.). L'Œuvre romanesque de Léonora Miano. Fiction, mémoire et enjeux identitaires - Yves Gounin p. 145-147
- Sylviane Guillaumont-Jeanneney. Régimes et stratégies de change dans les pays émergents - Vincent Caupin p. 148-150
- Sophie Caratini. Les Sept Cercles, une odyssée noire - Alain Henry p. 151-153