Contenu du sommaire : Sciences et religions au 20e Siècle
Revue |
20 & 21. Revue d'histoire Titre à cette date : Vingtième siècle, revue d'histoire |
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Numéro | no 130, avril-juin 2016 |
Titre du numéro | Sciences et religions au 20e Siècle |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Sciences et religions au 20e siècle : Introduction - Dominique Avon, Denis Pelletier p. 4-15 L'article propose une synthèse sur l'évolution de la relation entre le christianisme, l'islam, le judaïsme et les sciences de la fin du 19e siècle à nos jours. La réception de l'œuvre de Darwin, le développement des sciences humaines, l'essor des sciences de la psyché sont au centre d'une confrontation dont l'un des principaux enjeux est la rencontre avec l'héritage des Lumières. D'une religion à l'autre, affrontements et compromis varient en fonction de l'organisation du magistère et de sa capacité à prendre en charge le contenu critique de la recherche. Ils dépendent aussi de l'évolution de l'épistémologie des sciences sociales et des sciences de la vie. Cette histoire comporte une dimension politique forte, dans un cadre marqué depuis les années 1970 par la mobilisation croissante des religions en tant que répertoires d'engagement politique.Science and Religion in the 20th Century: An Introduction
This article presents an overview of the changing relationship between science and the three major religions of Christianity, Islam and Judaism, from the end of the 19th century until today. The reception of Darwin's work, the development of the humanities and social sciences, and the rise of psychology were at the heart of a confrontation, one of the main stakes of which was reconciling with the legacy of the Enlightenment. The clashes and compromises experienced depend on the organisation of each religion's highest official bodies, including the latter's ability to take into account the critical dimension of scientific research. The degree of conflict also depends upon epistemological changes in the social and life sciences. This history includes a strong political dimension, in a context marked, especially since the 1970s, by the increasing mobilisation of religious vectors of political engagement. - Science et religion, culture universelle et spécificités juives : L'Université hébraïque de Jérusalem des origines aux années 1940 - Dominique Trimbur p. 17-29 Dans le sionisme comme mouvement national juif, l'Université hébraïque de Jérusalem occupe une place particulière, sinon centrale. Établissement d'enseignement supérieur, il doit incarner le renouveau culturel hébraïque détaché des traditions héritées de la diaspora et des seuls aspects religieux juifs. L'article revient sur les origines de l'institution et sur ses fonctions, pensées par les pères du mouvement national juif. Il distingue science, religion et culture juives dans l'idéologie sioniste théorique préalable à la création de l'établissement universitaire ; puis dans le sionisme appliqué, une fois l'Université de Jérusalem créée, avec la mise en place d'enseignements séparés de « sciences juives » et de « sciences générales » au cours de ses premières décennies.Science and Religion, Universal Culture and Jewish Particularities
Within Zionism as a national Jewish movement, the Hebrew University of Jerusalem plays a specific, if not central, role. As an institution of higher education, it is tasked with embodying cultural Hebrew renewal, as a distinct entity from the inherited traditions of the diaspora and the solely religious aspects of Judaism. The article examines the origins of this institution and its function, as established by the founding fathers of the Jewish national movement. It first outlines the different elements of Jewish science, religion and culture within the theoretical Zionist ideology that existed before the university was established. Then, the article looks at the role of these elements in applied Zionism, illustrated during the university's first decades by the creation of separate curricula for “Jewish science” and “general science”. - Science et islam aux 19e et 20e siècles : De la primauté des sciences religieuses au « miracle scientifique » dans le Coran - Amin Elias, Youssef Aschi p. 31-43 La campagne de Bonaparte en Égypte, en 1789, et son corollaire représenté par l'avènement de la civilisation européenne armée par sa science et sa philosophie en Orient sont perçus comme un moment crucial concernant la pensée musulmane de langue arabe. Pour la première fois dans l'histoire de la civilisation musulmane, plusieurs notions se voient confrontées à la conception moderne venue d'Europe. Durant les 19e et 20e siècles, des penseurs de langue arabe débattent sur la notion de science. Alors que certains empruntent la définition moderne indépendante de toute religion, d'autres restent attachés à une définition liée au religieux faisant du Coran l'arbitre ultime de toute science.Science and Islam in the 19th and 20th Centuries
Napoleon's 1789 Egyptian campaign, as well as its symbolism as the advent of European civilization in the Levant, armed with science and philosophy, was seen as a crucial moment for Islamic and Arabic thought. For the first time in the history of Muslim civilisation, many ideas were confronted their modern European counterparts. During the 19th and 20th centuries, Arabic philosophers debated the notion of “science”. Whereas some adopted the modern definition that was independent of all religion, others remained committed to a definition of science that was linked to religion, making the Quran the ultimate scientific arbiter. - L'Université al-Azhar et les sciences venues d'Europe : Le retournement de la fin des années 1950 - Dominique Avon p. 45-58 Al-Azhar est l'institution centrale du sunnisme depuis la chute du califat fatimide. Comme tous les établissements de formation confessionnels disposant d'un monopole du savoir, l'Université fut confrontée au défi de sciences profondément transformées entre les 17e et 19e siècles. Une ouverture partielle suivit un mouvement de rejet global : des étudiants furent envoyés en Allemagne, en France ou en Grande-Bretagne au cours de la première moitié du 20e siècle. Parmi eux, le shaykh al-Bahî acquit une position d'autorité au sein de l'Université réformée par Nasser. Son double cursus lui permit de trouver des arguments décisifs pour justifier le verrouillage du cœur de la formation, celle des « sciences religieuses ». Le contexte de décolonisation favorisa l'écho de ses positions.Al-Azhar University and Western Science
Since the fall of the Fatimid Caliphate, Al-Azhar University has remained the central institution of Sunni Islam. Like all denominational training establishments that hold a monopoly over knowledge, the university was forced to face the challenge posed by the profound transformation of the scientific world between the 17th and the 19th centuries. Following an initial period of total rejection, the university began to open up: students were sent to Germany, France, and Great Britain during the first part of the 20th century. Among these students, Sheikh al-Bahi became an authority within the university as reformed by Nasser. His dual qualifications gave him the opportunity to find decisive arguments to justify locking down the core of the training, i.e. the “religious sciences”. The surrounding context of decolonization would continue to encourage support for this position. - L'expérience mystique de saint Jean de la Croix à l'aune des sciences humaines - Agnès Desmazières p. 59-75 Dans un contexte d'affirmation de la psychologie religieuse à l'Université, l'expérience mystique de Jean de la Croix devient, dans la France de l'entre-deux-guerres, un lieu exemplaire de la reconfiguration des relations entre les sciences humaines et la philosophie et la théologie catholiques. Une psychologie religieuse catholique, de nature plus expérimentale que spéculative, afin d'honorer la dimension surnaturelle de la vie religieuse, s'édifie progressivement, en particulier grâce à l'apport de la critique historique. Sous l'influence des sciences humaines, la théologie est elle-même poussée à opérer une mue en adoptant une approche phénoménologique. Avec le développement de la psychanalyse, l'expérience mystique se voit radicalement contestée dans sa pertinence même.A Social Science Perspective on The Mystical Experience of Saint John of the Cross
As religious psychology became established as an academic discipline, during Interwar France, the mystical experience of Saint John of the Cross became paradigmatic of the shifting relationship between the social sciences and Catholic philosophy and theology. Catholic religious psychology, which, in order to acknowledge the supernatural dimension of religious life, was more experimental than speculative, began to gradually emerge, in particular thanks to the teachings of historical criticism. Under the influence of the social sciences, theology was also driven to adopt a more phenomenological approach. The very relevance of mystical experience was itself finally challenged by the development of psychoanalysis. - Penser et dire la race à l'extrême droite (France-Italie, 1960-1967) - Pauline Picco p. 77-88 Dans les années 1960, Italiens et Français d'extrême droite se refusent à accepter l'émancipation des peuples colonisés. Les revues Défense de l'Occident, Europe-Action et Ordine Nuovo contribuent ainsi, par leurs échanges suivis, à la résurgence d'une réflexion théorique sur le racisme, nourrie d'un anticommunisme viscéral, dans un contexte postcolonial. Elles contribuent à construire et diffuser une menace migratoire multiforme et témoignent des phénomènes de circulations et de transferts des énoncés racialisants. Le combat pour la présence blanche en Afrique prend en outre une dimension antisubversive et opérationnelle, grâce à la médiation de l'Afrique du Sud et du Portugal salazariste.Conceptualising and Speaking of Race in Far-Right Movements (France-Italy, 1960-1967)During the 1960s, far-right French and Italian activists refused to acknowledge the emancipation of colonised peoples. Thanks to their on-going debate, the journals Défense de l'Occident, Europe-Action and Ordine Nuovo thus played a part in the resurgence of theoretical reflections on racism, bolstered by visceral hatred of Communism in the postcolonial context. They helped to build and spread a multi-faceted migratory threat, illustrating the circulation and exchange of racialising ideas. The fight for the presence of white people in Africa also acquired an anti-subversive and operational dimension, thanks to the involvement of South Africa and Salazar's Portugal.
- Alain de Sérigny, homme de presse et acteur politique - Laura Schmitt p. 89-101 Qualifié par ses contemporains d'« homme baromètre d'Alger », Alain de Sérigny, directeur du quotidien de premier plan L'Écho d'Alger, maréchaliste rallié un temps à de Gaulle, fut le seul journaliste inculpé lors du procès des barricades. Cet article montre l'entrelacs complexe que constituait sa position dans le champ politico-médiatique de l'Algérie coloniale. Il éclaire aussi les stratégies employées pour faire du journal la caisse de résonance des Européens d'Algérie en proie à un sentiment d'abandon de la part des autorités métropolitaines et concourir ainsi à la formation d'une opinion publique si difficile à saisir. Mettant en exergue un épisode de la « guerre franco-française », ce travail interroge également les conceptions gaulliennes du patron de presse.Alain de Sérigny, Newspaperman and Political Actor
Called “the barometer of Algiers” by his contemporaries, Alain de Sérigny, the director of the leading daily newspaper L'Écho d'Alger was a Pétain supporter and an erstwhile backer of de Gaulle: he was also the only journalist to be indicted during the barricades trial. This article shows the complex web of political and media ties surrounding Sérigny in colonial Algeria. It also sheds light on the strategies the journalist used to make his daily newspaper into a sounding board for Europeans in Algeria who felt abandoned by metropolitan authorities, thereby helping to form an elusive public opinion. By highlighting an episode of the “Franco-French war”, this work also examines the press baron's more Gaullist beliefs. - Les viols commis par l'armée allemande en France (1940-1944) - Fabrice Virgili p. 103-120 Alors que les viols en temps de guerre sont devenus depuis peu un véritable objet d'histoire, ceux commis par l'armée allemande en France lors du second conflit mondial restaient peu connus. Cet article précise l'importance du phénomène tout en soulignant combien la qualification des faits entre droit pénal et droit de la guerre est difficile à établir. En croisant l'étude micro-historique et l'évolution générale du conflit, il s'agit d'établir une typologie de la violence sexuelle permettant d'échapper aux généralisations du mythe (le rapt des Sabines) ou de l'actualité. La chronologie de la violence sexuelle montre combien la sexualité est une des facettes du régime d'occupation. Cette violence est aussi envisagée dans une perspective comparée des autres viols commis, cette fois, par des soldats des armées alliés en Europe.Rapes Committed by the German Army in France (1940-1944)Recently, wartime rape has become a legitimate subject of historical study. However, the acts of sexual violence committed by German soldiers in France during World War II remain largely unknown. This paper highlights how widespread sexual violence was, while emphasising the difficulty of establishing the facts according to criminal law or martial law. By combining micro-historical studies with a general overview of the war, this article establishes a typology of sexual violence in order to deal with the simplifications of myth (the rape of the Sabine women) or current events. This chronology of sexual violence illustrates how sexuality was one facet among many of the Occupation's regime. Finally, these acts of sexual violence are also considered in a comparative perspective with the rapes committed by Allied soldiers in Europe during World War II.
- La Résistance en accusation : Les procès d'anciens FFI et FTP en France dans les années d'après-guerre - Fabrice Grenard p. 121-136 Plusieurs milliers d'anciens FFI ou FTP furent poursuivis après 1945 pour des faits développés dans un contexte de guerre mais qui furent requalifiés en actions criminelles. À partir de 1947, le contexte de guerre froide donna à ces procès une forte connotation politique. Le Parti communiste organisa de grandes campagnes en faveur des « patriotes emprisonnés », tandis que l'extrême droite cherchait à se servir des accusations portées contre d'anciens résistants pour faire le procès de la Résistance, plus particulièrement des maquis. Ces procès ne cessèrent qu'à la fin des années 1950. Ils illustrent combien la Résistance donna lieu dès la fin de la guerre à une « bataille des mémoires » entre ceux qui cherchaient à la ternir et ceux qui en défendaient l'image.Indictment of the French Resistance
Several thousand FFI and FTP veterans were prosecuted after 1945 for actions that had unfolded in the theatre of war, but which were later reclassified as criminal acts. Starting in 1947, the Cold War gave these trials a strong political connotation. The Communist Party organised major campaigns in support of these “imprisoned patriots”, while the political parties of the far right sought to use the charges against former resistant fighters try the Resistance, and especially the Maquis, in a court of law. These trials finally stopped in the late 1950s. They illustrate how, immediately after the end of the war, the Resistance gave rise to a “battle of memories” between those who wanted to tarnish its image and those who wished to defend it. - La coopération entre le Brésil et l'Organisation internationale des réfugiés (1946-1951) - Pedro Pereira Barroso p. 137-147 En 1945, le Brésil participe à l'édification de nouvelles règles de coopération internationale et espère tirer les dividendes de son engagement dans le conflit qui s'achève. La participation de Rio aux organisations internationales est dès lors subordonnée à l'objectif du développement national. C'est ce qu'illustre la coopération avec l'Organisation internationale pour les réfugiés (OIR). Les archives de l'OIR permettent non seulement de saisir, jusqu'en 1951, comment les logiques de coopération sont définies selon des considérations nationales, mais également de considérer les réactions de l'organisation internationale qui poursuit ses propres objectifs, promeut des politiques et sollicite des interlocuteurs divers afin de contourner les obstructions de l'État brésilien.Cooperation between Brazil and the International Refugee Organisation (1946-1951)In 1945, Brazil helped to formulate new rules of international cooperation, with the hope of gaining political leverage from its role in ending the war. In fact, Brazilian participation in international organisations was structured to benefit the country's national economic development. This phenomenon was apparent in Brazil's cooperation with the International Refugee Organisation (IRO). IRO archives help us to understand how international cooperation was defined in accordance with national considerations. They also reveal the reactions of the international organisation, which pursued its own aims, promoted policies and sought support of various partners in order to circumvent the obstructions posed by the Brazilian State.
- La CGT et la répression antisyndicale (août 1939-décembre 1940) : Entre légalisme et apprentissage de la clandestinité - Morgan Poggioli p. 149-162 L'entrée en guerre de la France, à l'été 1939, s'accompagne d'une restriction des libertés et de l'interdiction du Parti communiste, à la suite de la signature du pacte germano-soviétique. Au niveau syndical, cette politique aboutit à l'exclusion des syndiqués suspectés de communisme et à la dissolution de plus de six cents syndicats. Jusqu'à la chute de la République, l'action syndicale se partagera alors entre un syndicalisme légal mais inefficient et un syndicalisme contraint à la clandestinité. C'est l'avènement de l'État français qui achève de reconfigurer le paysage social. En effet, après la dissolution par Vichy des organisations syndicales, une dernière scission s'opère parmi les syndicalistes légaux, entre ceux qui acceptent de collaborer avec le nouveau régime et ceux qui s'y refusent et rejoignent les militants passés dans la clandestinité un an plus tôt.The CGT and Union Repression (August 1939-December 1940)France's entry into the Second World War in the summer of 1939 was accompanied by the restriction of civil liberties and the banning of the Communist Party, following the signing of the Molotov-Ribbentrop Pact. At the trade union level, this policy led to the exclusion of union members suspected to be Communists and to the dissolution of more than six hundred unions. Until the fall of the Republic, union activity was thus split between legal, but ineffective, unions and clandestine unions organisations. The rise of Pétain's “État français” completed the transformation of the social landscape. After the Vichy government dissolved all union organisations, a final schism developed among legal unionists, dividing those who agreed to cooperate with the new regime from those who refused, joining the activists who had gone underground a year earlier.
- Sciences et religions au 20e siècle : Introduction - Dominique Avon, Denis Pelletier p. 4-15
Rubriques
- Archives - p. 163-168
- Avis de recherches - p. 169-174
- Images, lettres et sons - p. 175-199
- Vingtième Siècle signale - p. 201-207
- Librairie - p. 209-242