Contenu du sommaire : L'inclusion financière : aider les exclus ou servir les financiers ?

Revue Revue Tiers-Monde Mir@bel
Numéro no 225, janvier-mars 2016
Titre du numéro L'inclusion financière : aider les exclus ou servir les financiers ?
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Avant-propos - p. 5 accès libre
  • L'inclusion financière, nouvel avatar de la libéralisation financière ? : Introduction - François Doligez, Johan Bastiaensen, Florent Bédécarrats, Marc Labie p. 9-20 accès libre
  • De gré ou de force : le microcrédit comme dispositif néolibéral - Cyril Fouillet, Isabelle Guérin, Solène Morvant-Roux, Jean-Michel Servet p. 21-48 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le secteur du microcrédit a fait face à plusieurs crises d'impayés depuis 2007. À partir d'enquêtes menées en Inde, au Maroc et en République dominicaine, cet article montre que ces crises n'ont en rien ébranlé l'un des mythes qui en sont à l'origine : la croyance en les capacités autorégulatrices par le marché. L'objectif de croissance reste prioritaire – même si c'est à des degrés divers selon les contextes – et se traduit à la fois par des pratiques actives de démarchage (il ne s'agit plus de répondre à une demande, mais de la créer) et par une focalisation sur un segment finalement très restreint de la clientèle, celle qui a déjà fait ses preuves. Une lecture de ces crises en termes d'économie politique permet également de resituer le microcrédit dans l'évolution des politiques dites de « développement » axées sur l'inclusion financière. En normant les comportements des populations, le microcrédit apparaît alors comme révélateur d'un dispositif néolibéral au sens de Michel Foucault.
    The microcredit sector has been hit by several default crises in the past few years. Based on field work in India, Morocco, and the Dominican Republic, this article shows that these crises have in no way weakened one of the myths at their root: the belief in a self-regulating market. Growth remains the priority (with varying degrees according to the context), which translates into actively seeking clients (it is not so much a matter of meeting demand but rather of creating it) and focusing on a very limited segment of the population, i.e. clients who have already proved successful. Analyzing these crises in terms of political economy also allows viewing microcredit in the context of the evolution of so-called “development” policies focused on financial inclusion. By norming the behavior of populations, microcredit proves to be a neoliberal device, in Michel Foucault's sense of the word.
  • Quelles perspectives pour l'émergence d'une microfinance « solidaire » ? : Le cas des associations de microcrédit en Tunisie - François Doligez, Mohamed Mehdi Mejdoub, Frédéric Bunge, Jean-Yves Gourvez, Abdelwaheb M'Kacher p. 49-76 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Avant 2011, le secteur du microcrédit s'est construit en Tunisie sur la base d'un « duopole » entre une banque publique, la Banque tunisienne de solidarité (BTS), disposant du monopole de financement des associations locales de microcrédit (AMC), et une institution de microfinance, Enda Inter-arabe. Les changements engagés par les autorités depuis la révolution tunisienne ont amené de nouveaux acteurs dans la microfinance, tout comme ils ont provoqué la crise des associations de microcrédit, relais du financement public dans le secteur. Fort de ces constats, l'article analyse comment l'évolution engagée semble voir s'éloigner la possibilité d'ancrer des approches hybrides novatrices, permettant de déployer un dispositif de financement de proximité dans les zones périphériques du modèle de développement tunisien, tout en augmentant les risques d'une dérive commerciale de la microfinance et de sa concentration.
    Before 2011, the Tunisian microfinance sector was built on a “duopoly” between a public bank, the Banque tunisienne de solidarité (BTS), which had a monopoly over the financing of local microcredit associations (AMC), and a microfinance institution (ENDA-Inter-arabe). The changes set in motion by the authorities since the Revolution have brought new actors to microfinance, while also triggering a crisis for microcredit associations, which are the intermediaries for public financing in the sector. The article analyzes how the recent evolution seems to make it unlikelier for innovative, hybrid approaches which allow for local financing in peripheral areas with respect to the Tunisian development model to take root, while increasing the risk of the commercialism of microfinance and of its concentration.
  • Efficacité des programmes publics en microfinance et inclusion financière : L'exemple du Bénin - Pascal Wélé, Marc Labie p. 77-99 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Après avoir connu un développement important, la microfinance fait aujourd'hui l'objet d'interrogations dans la mesure où les pratiques actuelles du secteur ne parviennent pas à rencontrer l'ensemble des besoins en services financiers des populations exclues des circuits bancaires traditionnels. Dans ce contexte, certains pays tentent de limiter ces insuffisances en instaurant d'autres types d'interventions où le rôle actif de l'État est reconsidéré. À l'aide du contexte béninois, cet article tente d'identifier les apports et limites de ce retour de l'État comme acteur direct en microfinance.
    After having undergone significant development, microfinance is now being questioned in so much as the current practices in the sector have failed to meet all the financial service needs of populations who are excluded from the traditional banking system. In this context, some countries have tried to limit these shortcomings by introducing a different type of intervention in which the state's role has been rethought. Through the Beninese context, this article aims at identifying the benefits and the drawbacks of the state's return as a direct actor in microfinance.
  • La stratégie nationale d'inclusion financière péruvienne : Capacitation des clientèles vulnérables et exclusion du développement productif - Marie Langevin p. 101-123 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article s'intéresse à une portion névralgique de la stratégie nationale d'inclusion financière péruvienne, les initiatives qui ciblent les populations dites vulnérables, soit les pauvres habitant dans les régions rurales. Il a pour objet l'enchevêtrement d'acteurs, de logiques et d'outils d'intervention qui prend forme au Pérou pour matérialiser la bancarisation, c'est-à-dire pour accroître l'accès et l'utilisation effective des services financiers chez ces populations. L'article expose que cet enchevêtrement se stabilise pour former des agencements spécifiques qui priorisent certains outils d'intervention et qui ouvrent des opportunités pour certains types d'institutions et de pratiques en microfinance. Les agencements qui émergent sont organisés de sorte à promouvoir une microfinance commerciale et minimaliste pour produire avant tout des consommateurs financiers, en excluant les approches plus holistes qui se soucient de générer des capacités productives chez les clientèles vulnérables.
    This article examines a key segment of Peru's national financial inclusion strategy: initiatives targeting so-called vulnerable populations, i.e. the poor inhabitants of rural areas. It focuses on the tangle of actors, logics and intervention tools which has emerged in Peru to implement bankarization, that is to say to increase the access and the use of financial services among these populations. It argues that this tangle has stabilized, forming specific structures, which prioritize certain intervention tools and open opportunities for certain types of institutions and practices in microfinance. These emerging structures are organized to promote commercial, minimalist microfinance which produces financial consumers first and foremost, thus excluding more holistic approaches intent on fostering productive abilities among vulnerable populations.
  • La microfinance pour les services environnementaux : Enseignements en matière de politiques du Proyecto CAMBio au Nicaragua - Frédéric Huybrechs, Johan Bastiaensen, Davide Forcella, Gert Van Hecken p. 125-154 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    On a assisté récemment à un intérêt croissant pour l'introduction d'objectifs environnementaux dans la microfinance. Comme pour l'impact social de la microfinance, il est nécessaire d'examiner la prise en compte de ces objectifs dans la pratique et leur réalisation sur le terrain. Le présent article analyse ces défis en partant d'une étude de cas d'un projet spécifique de « microfinance verte » et de son interaction avec les voies de développement local autour d'une réserve naturelle au Nicaragua. Nous montrons que la logique individualiste de la microfinance et la promotion des changements fondée sur des incitations économiques ne prennent pas suffisamment en compte les interactions complexes avec la dynamique générale du développement. S'atteler à la réduction de la pauvreté et aux problèmes environnementaux exige un engagement plus profond dans les aspects politiques du soutien à certaines voies de développement.
    There has recently been growing interest for the introduction of environmental objectives in microfinance. Similarly to the social impact of microfinance, it is necessary to examine how these objectives are taken into account in practice and how they are implemented on the ground. This article analyzes these challenges by using a case study of a specific “green microfinance” project and its interaction with local development channels around a natural preserve in Nicaragua. It shows that the individualist logic of microfinance and the promotion of change based on economic incentives do not allow sufficiently considering the complex interactions with the overall dynamics of development. Tackling poverty reduction and environmental issues requires a deeper commitment through policies supporting certain development channels.
  • Éducation bancaire : l'émergence d'un espace financiarisé et privatisé d'encadrement des pauvres - Benoit Mialet, Pascale Moulévrier p. 155-178 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis une dizaine d'années, émerge, dans le paysage français des politiques publiques locales et des projets associatifs, un nombre croissant de dispositifs de formation financière ayant pour vocation la lutte contre l'exclusion bancaire. Fondé sur l'étude d'un dispositif d'« éducation financière » mis en place dans une communauté urbaine française depuis 2004, cet article montre comment cet espace de l'éducation financière produit un marché spécifique en tant qu'il est potentiellement délégué par les agents et élus des collectivités territoriales aux professionnels de la consultance. Il permet également de comprendre que cette délégation, en mettant en avant la nécessité de la participation des banquiers à ce vaste chantier de formation des plus pauvres à une gestion rationnelle, est traversée par un processus de financiarisation de l'encadrement des populations démunies. L'article est, en ce sens, une contribution à l'analyse des configurations contemporaines du traitement de la pauvreté.
    In the last ten years, a growing number of financial training courses to fight against banking exclusion have emerged in France, through public policies and non-governmental projects. Based on the study of a “banking education” project set up in 2004 in a French urban community, this article shows how this space for financial education produces a specific market, in so much as it may be outsourced by the local authorities to consulting professionals. It also allows understanding that this outsourcing, which implies the financialization of the training of the neediest populations, highlights the need for the participation of bankers in the vast undertaking that is training the poorest in rational management. In this respect, the article contributes to analyzing the contemporary configuration of the treatment of poverty.
  • Analyses bibliographiques - p. 179-193 accès libre