Contenu du sommaire : Outil militaire et influence française en Afrique de 1960 à nos jours
Revue | Relations internationales |
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Numéro | no 165, avril-juin 2016 |
Titre du numéro | Outil militaire et influence française en Afrique de 1960 à nos jours |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Outil militaire et politique africaine de la France depuis 1960 : tableau historiographique et perspectives de recherche - Walter Bruyère-Ostells p. 3-22
- Retour sur la construction des relations militaires franco-africaines - Camille Evrard p. 23-42 Cet article présente le processus d'adaptation des institutions militaires coloniales au nouveau cadre qu'est la Communauté franco-africaine de 1958. Il montre l'échec successif des projets d'armée unique et de défense commune qui présidaient à ce projet, devenu caduque en moins de deux ans. En ancrant cette histoire dans des exemples locaux et en scrutant les multiples contraintes, politiques, inter-personnelles et institutionnelles, on relativise l'idée d'un transfert militaire « qui irait de soi » au moment de la décolonisation de l'Afrique subsaharienne. Ces difficultés, qui concernent la construction des nouvelles armées nationales par les gouvernements africains ainsi que la place de l'assistance technique militaire française entre 1959 et la fin des années 1960, n'empêchent pour autant pas l'établissement d'un outil d'influence française efficace. Motivé par une volonté politique forte, cet outil s'appuie sur l'expérience des cadres militaires de l'assistance technique, même s'il s'incarne avant tout dans les interventions militaires des premières décennies postcolonialesThis paper presents the attempts to adapt the military institutions of the former colonial State to the French Communauté set up in 1958. The ideas of a unique army – continuous with the colonial army – and a common defence – for all African territories and France – successively failed, and the transfer of military power had to be organized hastily and with much difficulties. It becomes all the more obvious when one looks at the situation in precise contexts in one territory and in the other. However, the multiple challenges faced by French military cooperation and African powers during the construction of national armies did not prevent France from inheriting an effective tool of influence. Based on the flexibility allowed by years of close relationships between French officers and African elites, it was most visible in military interventions during the first two decades after decolonization.
- Le secteur N (Afrique) et la fin de la Guerre froide - Jean-Pierre Bat p. 43-56 Entre 1970 et 1990, de la Guerre fraîche au discours de La Baule, le secteur Afrique de la DGSE connaît sa première grande phase de mutation après la décennie 1960 et l'ère post-indépendance, dominées par le fondateur du secteur Afrique, le célèbre colonel Maurice Robert. Entre protection de son héritage et réforme interne, la DGSE redéfinit ses contours africains sous les présidences Giscard d'Estaing et Mitterrand – tous deux surnommés, pour des raisons différentes, « L'Africain ». De nouvelles synergies internes et externes au secteur Afrique apparaissent alors, tandis que l'image de la DGSE est fixée par la presse au début des années 1990.Between 1970 and 1990, from the revival of the Cold War to the speech of “La Baule”, the African Branch of the French Intelligence Service was reformed. This change came after the sixties and the post-independency eras, when the famous colonel Robert ruled the African Branch. Oscillating between keeping the Robert legacy and implementing reform, the French Intelligence Service gave a new meaning to its African mission during the presidencies of Giscard d'Estaing and Mitterrand – both having been nicknamed ‘the African' for different reasons. Internal and external synergies appeared inside the African Branch, while a dark picture of the French Intelligence Service was painted by the mass media at the beginning of the 1990s.
- Lier la France à l'Afrique : La Marine nationale au service de la politique d'influence (1960-1990) - Mathieu Le Hunsec p. 57-80 RESUME. – Selon Hervé Coutau-Bégarie, un bâtiment militaire est le « meilleur des ambassadeurs ». La fonction diplomatique des marines est pourtant encore peu reconnue, éclipsée par l'image réductrice de la « politique de la canonnière ». La réalité est autrement plus subtile, les forces navales constituant pour le pouvoir politique un outil d'une extrême flexibilité. La France en use particulièrement après les indépendances ouest-africaines de 1960. Dès cette date, Paris s'appuie sur une permanence de la Marine nationale dans les eaux du golfe de Guinée pour maintenir et affermir les liens avec les jeunes États. Des puissantes escadres aux faibles escorteurs-côtiers, ces unités « montrent le pavillon », soutiennent les pouvoirs nouvellement établis et contribuent, dans le contexte de Guerre froide, à faire de la France le « gendarme de l'Afrique ».ABSTRACT. – According to Hervé Coutau-Bégarie, a warship is “the best kind of ambassador”. Yet, the diplomatic function of navies has been met with little recognition, eclipsed by a reductionist image of a “gunboat diplomacy”. The reality is much more subtle, naval forces constituting an extremely flexible tool for political power. France made particular use of them following the West African Independences in 1960. From that year on, Paris relied on the French Navy's continuous presence in the Gulf of Guinea to maintain and strengthen its relationship with burgeoning states. From its powerful squadrons to its frailer escort vessels, these units would “show the flag”, providing support to the newly established regimes and contributing, in a Cold War context, to France's emergence as the “Policeman of Africa”.
- Soutien militaire et aide humanitaire. Les ambiguïtés de la France au Biafra - Marie-Luce Desgrandchamps p. 81-96 RESUME. – Cet article analyse les raisons et les moyens de l'implication du gouvernement français dans la guerre du Biafra (1967-1970), un conflit qui se déroulait pourtant en dehors du traditionnel « pré carré » de la France sur le continent africain. Il étudie plus particulièrement les opérations de secours menées par le biais de la Croix-Rouge française et montre ainsi comment l'aide humanitaire fut pensée comme une dimension à part entière de la politique française à l'égard du conflit. En examinant les rapports qu'entretenaient le volet humanitaire et le volet militaire du soutien élyséen au Biafra, cet article met notamment en lumière les ambiguïtés entourant les opérations de secours, mais souligne également que l'humanitaire peut s'avérer un outil de politique étrangère plus difficile à manier qu'il ne pourrait le laisser présager.ABSTRACT. – This paper analyses the reasons and the means of the French involvement in the Nigeria-Biafra war (1967-1970), a conflict which took place outside the traditional “pré carré” of France on the African continent. It studies more particularly the relief operations lead by the French Red Cross and thus shows how De Gaulle conceived humanitarian aid as an integral dimension of his foreign policy. Discussing the relationship between the humanitarian aspect and the military aspect of the Elysian support for Biafra, this paper sheds light on the ambiguity of the relief operations, but also underlines that humanitarian aid is not such an easy tool of foreign policy to manipulate.
- L'Humanitaire militaire et la crise malienne (2012-2015). Vers une théorie de la crise complexe - Fabienne Le Houerou p. 97-116 Cet article explore le caractère chronique de la crise malienne (2012-2015) à la lumière du passé de ce pays. Sa gestion par la France passe par une stratégie de communication moderne qui associe la dimension humanitaire à l'expérience militaire. En effet, il s'agit de présenter aux médias le passage à l'intervention militaire comme l'un des éléments d'une ambition pacifique plus ambitieuse et plus « noble » : voler au secours d'un pays ami en difficulté. La crise malienne, à l'instar d'autres crises africaines, trouve ses racines dans la longue durée. Ce registre d'historicité et la récurrence d'affrontements « ethniques » sur des temps longs sont caractéristiques des crises complexes et durables. L'auteur s'inspire des travaux d'Edgar Morin pour analyser la question malienne comme le paradigme de ce type de crise. Il s'agit d'une flambée « endémique », modèle paradoxal de convulsion permanente. La fin des hostilités armées n'induit pas une véritable extinction de l'incendie par la conclusion de véritables accords de paix mais des solutions pacifiques précaires, susceptibles de donner lieu à de nouvelles flambées de violence.This paper explores the chronic dimension of the crisis in Mali (2012-2015), highlighting the past of this country. The French way to handle the situation fostered a modern communication strategy associating the humanitarian dimension to the military experience. The military adventure was presented to the media as a limited element of a wider and more noble and pacific ambition – i.e. assisting a friendly country in trouble. The war in Mali, like in other African crises, has its roots in the remote past history of the country. This historical mode added up with recurring ethnical confrontations over long periods of time, are typical of what may be called a complex and durable crisis. This article is inspired by Edgar Morin's theory in that it distinguishes the crisis in Mali as a paradigm of a complex and chronic crisis. This endemic outburst embodies a paradox model of permanent convulsions. The ending of military actions did not lead to real peace agreements but to fragile pacific solutions which can endlessly flare up.
- Les technocrates et les « relations spéciales » franco-américaines, 1969-1973 - Bruno Bourliaguet p. 117-134 La compréhension de l'assistance secrète offerte par les États-Unis à la France pour le développement de son armement nucléaire durant les années 1970 impose de dissocier les niveaux politique et exécutif. Au niveau exécutif, la nature technocratique de cette assistance se révèle extrêmement bénéfique pour les Français. Une mise en contexte historique de cette technocratie et une relecture des archives disponibles concernant l'assistance permettent de démontrer l'influence positive de certains technocrates américains, en particulier celle de John Foster Jr., à l'époque numéro trois du département de la Défense, que cela concerne les relations avec les Français ou la synergie avec le Conseil de sécurité nationale.Understanding the U.
S. secret assistance to the French nuclear program in the 1970s requires distinguishing the political and executive levels. At the executive level, the technocratic nature of that assistance was extremely beneficial for the French. The historical context of this technocracy and a rereading of available archives on the assistance demonstrate the influence – regarding the relation with the French or the synergy with the National Security Council – of some American technocrats, especially that of John Foster Jr., who headed with others the Department of Defense. - Notes de lecture - p. 139-156