Contenu du sommaire : Théorie critique et musiques enregistrées
Revue | Communication & Langages |
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Numéro | no 184, juin 2015 |
Titre du numéro | Théorie critique et musiques enregistrées |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Le biblion et les substituts du livre. Théorie et pratique du dépassement du livre chez Paul Otlet - Pascal Robert p. 3 Face au vertige actuel d'une sortie de la civilisation du livre, il faut rappeler que la fin du XIXe et le début du XXe siècle fut déjà une période de dépassement du livre, en théorie et en pratique, en Amérique ou en Europe. Cet article propose une lecture renouvelée des idées d'un des pionniers de ce mouvement : Paul Otlet, figure clé dont les travaux, inventions et projets visaient à promouvoir ce qu'il nommait « les substituts du livre » (la revue, la fiche, les télécommunications, etc.), conceptualisés grâce à la notion de biblion. Malgré son succès modeste, cette posture théorique forte mérite d'être réhabilitée par les SIC. Par ailleurs, Otlet a proposé des « solutions » pratiques et audacieuses qui, aux yeux de certains, anticiperaient Internet. Ce qui exige de nous une réflexion sur ce qui, dans l'exercice même de la prospective, peut caractériser le geste de l'anticipation.Today, we often believe that we are the first to come out of the civilization of the book. But the late nineteenth and early twentieth century has already been a time out period of the book, both in theory and practice, whether in the US or Europe. This article reviews one of the pioneers of this movement, Paul Otlet, whose works, inventions and projects specifically aimed at promoting what he called “the substitutes of book”, as diverse as the magazine, the index card, television, telecommunications etc. P. Otlet theorized his approach using the concept of “biblion”. He also proposed practices “solutions” or imagined bold projects that would anticipate to some internet. This paper proposes a new reading of his work.
Théorie critique et musiques enregistrées
- Introduction - Agnès Gayraud, Guillaume Heuguet, Gustavo Gomez-Mejia p. 25
- Le MP3 comme artefact culturel - Jonathan Sterne p. 41 Si le MP3 est au cœur de débats importants autour de la propriété intellectuelle et du partage de fichiers, il est aussi un artefact culturel à part entière. Cet article de référence examine le design du MP3 à partir d'une double perspective : industrielle et psycho-acoustique, afin de mieux expliquer pourquoi les MP3 sont si aisément échangeables et quelles sont les implications auditives de ce processus d'échange. En tant que technologie-récipient contenant un son enregistré, le MP3 illustre à quel point la qualité de « portabilité » est centrale dans l'histoire des représentations auditives. Technologie psycho-acoustique littéralement capable de jouer son auditeur, le MP3 montre que la culture numérique du son fonctionne selon des logiques quelque peu différentes de la culture numérique visuelle.The mp3 lies at the center of important debates around intellectual property and file-sharing, but it is also a cultural artefact in its own right. This article examines the design of the mp3 from both industrial and psychoacoustic perspectives to explain better why mp3s are so easy to exchange and the auditory dimensions of that process of exchange. As a container technology for recorded sound, the mp3 shows that the quality of “portability” is central to the history of auditory representation. As a psychoacoustic technology that literally plays its listeners, the mp3 shows that digital audio culture works according to logics somewhat distinct from digital visual culture.
- La flexibilité historique de l'aura : de Walter Benjamin à Radiohead - Fernand Hörner p. 61 Cet article analyse la place de la musique dans l'essai de Benjamin L'œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique et sa relation avec la notion d'aura. Si les exemples donnés par Benjamin sont pour la plupart photographiques et cinématographiques, la musique joue un rôle « subliminal » essentiel dans son approche de la reproductibilité technique. Une historicisation de l'objet musical s'impose car le rapport de contradiction entre reproduction et aura varie. À quoi tient « l'aura » de l'œuvre en dehors du contexte d'un concert, sous une forme reproduite, que le support soit un vinyle, un CD ou un MP3 ? La revendication de l'aura des œuvres dans les arts reproductibles interpelle. Dans le champ des musiques enregistrées, les stratégies du groupe Radiohead illustrent ce phénomène de ré-auratisation, par le vinyle, par le concert, par le CD, voire, par l'argent payé pour écouter un titre. L'article analyse en détail les paradoxes de cette flexibilité auratique.This article proposes to analyze the role music and in general the aural play in Walter Benjamin's concept of aura, developed in his famous essay The Work of Art in The Age of Mechanical Reproduction (1936). Even if Benjamin finds his examples mainly in the fields of photography and cinema, music plays and subliminal, but essential role in his approach to technical reproduction. Thus, this article aims at an historiography of the musical object because the contradictions between reproduction and aura is shifting. What is the role of aura, if music is taken out of the context of a concert and “produced” (and not reproduced) on vinyl, CD or mp3? Reproduced Art claims an auratic status as well. In the field of recorded music, the strategies of the group Radiohead are underlining this phenomenon of re-auratisation, by selling vinyl, by doing concerts, by selling CDs and even by giving a free price for downloading a whole album. This article proposes itself to analyze in detail the paradoxes of a flexible aura.
- L'industrie des auteurs : éléments d'une théorie critique de la propriété musicale - Pierre-Carl Langlais p. 79 La propriété intellectuelle joue un rôle dans le processus de légitimation et dans les intérêts économiques des industries culturelles musicales. Depuis plus de deux siècles, la protection juridique a contribué à renforcer l'autonomie de la création musicale en hypostasiant l'individualité des compositeurs dans la formule légale du « droit d'auteur ». En revenant, avec Adorno, sur les conditions socio-économiques et historiques de la construction symbolique du « droit d'auteur », le but de cet article est de mettre au jour la part construite du droit, en vue d'intérêts proprement industriels, et de se demander si sa transformation progressive face aux mutations contemporaines, par l'industrie elle-même, peut encore préserver ce pour quoi les artistes eux-mêmes y trouvaient leur intérêt : la reconnaissance sociale du musicien comme auteur et de sa création comme œuvre.Intellectual property makes a significant contribution to the legitimation process and the commercial interests of musical cultural industries. For more than two hundred years, legal protection has served to establish the autonomy of musical creation and reinforce the individuality of composers within the legal formula of “author rights”. By revisiting, through Adorno, the socio-economical and historical conditions of the symbolic constructs of author rights, this articles aims to uncover the complex, industrial, fabric of musical intellectual property and to question its current transformations: can this legal frame still preserve the very thing that have drawn the interests of creators, the social recognition of the musician as an author and of its creation as an artistic work?
- De l'industrie musicale à la rhétorique du "service". YouTube : une description critique - Agnès Gayraud, Guillaume Heuguet p. 101 Créé en 2005, YouTube a contribué à redéfinir les usages et les valeurs de la musique dans le contexte général de sa numérisation. Réputé mettre en péril une industrie musicale basée sur des supports physiques et la maîtrise des canaux de diffusion, le site aurait rendu possible une « démocratisation » sans précédent des contenus : après l'industrie culturelle totalisante, place au « service » personnalisé. Pourtant, dans sa rhétorique comme dans ses usages, YouTube continue de mettre en scène des logiques de masse et semble reconstituer dans ses propres termes un marché concurrentiel préexistant. Dès lors, YouTube sonne-t-il le glas de l'industrie culturelle, ou en poursuit-il les logiques sous couvert de « rupture numérique » ? C'est en mettant en perspective analyse techno-sémiotique et outils théoriques-critiques que la question est ici posée.Founded in 2005, You
Tube contributed to redefine the uses and the values of music in the general context of its digitalization. Considered as a threat to a music industry depending on the physical medium and the mastering of the broadcasting channels, the site has built up an unprecedented democratization of the « contents »: where was a blind culture industry once, we have now a personalized “service”. Nevertheless, in conformity with its own rethorics and with the way the platform is used, YouTube is still staging the old mass' media mechanics and appears to reconstitute, in its own terms, the preexisting competitive market. Thus, shall we ask: is Youtube tolling the bell of the culture industry, or is it still taking advantages of similar mechanics, under cover of “digital turn”? This article tries to find that out, putting YouTube into perspective with its semiotic analysis and tools inherited from the Critical theory.
- La société de l'évaluation : nouveaux enjeux de l'âge numérique - Erik Bertin, Jean-Maxence Granier p. 121 Face à la prégnance de l'évaluation parmi les formes et pratiques dominantes du Web, on propose une analyse sémiotique des dispositifs et des marques qui la soutiennent. Si l'actant prototypique qu'est le moteur de recherche et son algorithme déploient une classification évaluatrice sous-jacente, c'est l'ensemble du Web qui propose de « liker », noter et commenter chaque contenu. L'espace digital est le champ d'un faire évaluatif constant, qui – entre notes et avis – conditionne la réception des discours produits en leur accolant sans cesse une somme d'évaluations issues de tiers lecteurs. On s'appuie sur la sémiotique greimassienne pour mettre au jour, en termes de procès et de valeurs, les différentes praxis évaluatives que chaque internaute est incité à accomplir, ainsi que sur la sémiotique tensive pour analyser les grandeurs quantitatives à l'œuvre dans cette docimologie généralisée où l'évaluateur comme l'évaluation finissent eux aussi par être évalués.Faced with the pervasiveness of the evaluation as a form and as a dominant practice on the web, we propose a semiotic analysis of those devices and brands that support it. The prototypical actant, the search engine and its algorithm, deploy an underlying evaluative classification. But the web as a whole encourages users to “like”, grade, or comment on all content. The digital space is a field of constant evaluative activity, blending grades and opinions, which greatly conditions how messages are received by according them a specific “exponent”, which is to say the sum of the evaluations they received from third-party users. We rely on Greimasian semiotics to update, in terms of both process (manipulation, action, sanction) and values, the different evaluative praxis that each internet user is incited to partake in and on tensive semiotics to analyze the quantities at work in this vast docimology where both evaluator and evaluation eventually become subject of evaluation.
- Comptes rendus de lecture - p. 147