Contenu du sommaire : La décision pour autrui comme enjeu micro-politique
Revue | Sciences Sociales et Santé |
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Numéro | vol. 33, no 3, septembre 2015 |
Titre du numéro | La décision pour autrui comme enjeu micro-politique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- « C'est pour son bien ». La décision pour autrui comme enjeu micro-politique - Aude Béliard, Aurélie Damamme, Jean-Sébastien Eideliman, Delphine Moreau p. 5-14
- Assurer la relève. Une approche micro-politique des processus de transmission de la tutelle de personnes handicapées - Aude Béliard, Solène Billaud p. 15-41 La transmission de la responsabilité est l'une des préoccupations majeures des parents d'enfants handicapés ne pouvant gérer seuls leurs affaires et assurer eux-mêmes les décisions du quotidien. À leur majorité, ces enfants sont placés sous une mesure de protection juridique dont le premier mandataire est souvent un parent proche. Comment celui-ci est-il désigné au sein des familles et selon quelles modalités s'engage-t-il dans ce rôle ? Qui lui succède s'il se retire, s'il ne peut plus assumer ce rôle ? À partir d'une enquête auprès de personnes sous tutelle ou curatelle et de membres de leur entourage, nous proposons une analyse des processus d'attribution ou de transmission du mandat de protection juridique au sein de la parenté. En resituant les trajectoires de ceux qui (re)prennent le mandat dans l'histoire du groupe de parenté dans son ensemble, nous explorons les diverses manières dont se fabriquent et se vivent les sentiments de responsabilité à l'égard d'un proche handicapé. La désignation d'un mandataire s'ancre dans des processus de spécialisation au long cours, mais passe aussi par diverses formes d'intéressement et de rétribution des aides, ainsi que par des manières variables de qualifier ou de disqualifier les personnes comme capables ou non d'assumer la responsabilité.The challenges of succession. A micro-political analysis of the transfer of responsibility for disabled persons. The transfer of responsibility is one of the major concerns of parents of people considered as incapable of managing their own affairs and taking their own decisions. When they reach the legal age of majority, these persons are placed under protective supervision. The tutor or curator is often a close relative. How is he designated within families and how is he committed to the role ? Who takes his place if he can no longer assume that responsibility ? On the basis of a survey of persons under tutorship or curatorship and their entourage, we propose an analysis of the designation process or transmission of legal protection mandate from within the kinship group. By analyzing the trajectories of those in the kinship group who take-up legal protection mandates, we explore the diverse ways in which feelings of responsibility for a disabled relative are constructed and experienced. The designation of a tutor is anchored in a long-term specialization processes and is also built on various forms of rewards and retributions, as well as varying ways of qualifying or disqualifying disabled relatives as capable, or not, of taking responsibility.
- Le traitement de la subjectivité du destinataire de soin comme opérateur micro-politique. Le cas des enfants diagnostiqués autistes - Céline Borelle p. 43-64 En s'appuyant sur une démarche ethnographique, cet article propose d'analyser le traitement de la subjectivité de l'enfant diagnostiqué autiste comme un opérateur micro-politique au sein des configurations d'acteurs impliqués dans le soin. La qualification des troubles autistiques fait l'objet de nombreux désaccords qui se cristallisent autour de la question centrale de l'intention attribuée ou non à l'enfant d'entrer en relation avec autrui. Ces désaccords impliquent des logiques d'intervention différentes qui s'appuient elles-mêmes sur des caractérisations différentes de l'enfant en tant que sujet présent ou possible. Cette modélisation ouvre la possibilité de penser le traitement de la subjectivité comme un opérateur micro-politique dans la mesure où c'est autour de cette problématique que se structurent les divergences et les conflits entre les différents acteurs impliqués dans le soin. Cet opérateur permet également de problématiser le pouvoir de ces acteurs autour d'une question saillante : le rapport aux normes sociales qui conditionne le degré de contrainte légitime qu'on peut exercer sur l'enfant.Autistic children's subjectivity as a micro-political operator of care configurations
Based on an ethnographic study, this article proposes to analyze the way the autistic child's subjectivity is taken into account as a micro-political operator in care configurations. The characterization of autistic disorders is highly debated. Debates centre on the question of whether autistic children intend to relate to others or not. Disagreements on the matter imply different logics of intervention that rely on different characterizations of the child as an actual or a possible subject. The foregoing analysis examines the way subjectivity is taken into account as a micro-political operator insofar as disagreements and conflicts between caretakers revolve around this issue. This operator makes it possible to problematize actors' agency and relative power in relation to the core problem of the place given to social norms, which condition the legitimate degree of constraint that one can exercise on the child. - « Enfermer Maman ! » Épreuves et arrangements : le care comme éthique de situation - Antoine Hennion, Pierre A. Vidal-Naquet p. 65-90 Cet article interroge l'« éthique de situation » mobilisée dans le travail de care. Sur le terrain, les principes ne suffisent pas à guider les choix. Les aidants (proches, professionnels) n'assurent pas seulement le bien des personnes, ils le déterminent en partie, notamment dans les situations fréquentes où des personnes vulnérables se mettent en danger, tandis que leurs capacités à décider par elles-mêmes sont incertaines. À partir du cas d'une personne âgée, souffrant de troubles cognitifs, que ses filles ont cru bon d'enfermer chez elle, l'article suit pas à pas le processus de qualification qui a conduit à un tel choix, puis à sa révision. Une éthique des décisions ordinaires ne se détermine pas de l'extérieur mais en situation, au fil des épreuves. Elle n'en est que plus pressante, logée dans des engagements pris dans l'action, au milieu de contraintes contradictoires, sans assurance ni garantie autre que le souci collectif de leurs conséquences.Locking-up mum : The situational ethics of care
This paper investigates the situational ethics that are mobilized in care practices. On the ground, principles are not sufficient to guide choices. Family and professional caregivers do not only ensure the well-being of persons, they also have to define it partially, in particular in the many cases when vulnerable people put themselves in danger, while their capacities to make their own decisions are dubious. Drawing on the case of an elderly person with cognitive disorders whose daughters chose to lock in her own flat, the paper examines the step-by-step assessment process that leads to such a decision, and its revision. An ethics of ordinary decisionmaking cannot be determined from outside but on the ground, from one situation to another. Such an ethics is made all the more pressing, lodged as it is in spur-of-the-moment concrete actions, in the midst of contradictory constraints, with no guarantee other than a collective concern with its consequences. - Est-il légitime de ne pas décider pour autrui ? Le travail politique autour d'une Équipe mobile de psychiatrie-précarité - Ana Marques p. 91-114 L'hospitalisation psychiatrique sous contrainte de personnes sans abri représente un exemple fort de situation dans laquelle les professionnels ont à décider pour autrui en l'absence de proches. Deux séries de critiques encadrent ces situations : la critique de l'intervention sous contrainte, assimilée à une forme de sur-interventionnisme, et la critique de la non-intervention, assimilée à un sous-interventionnisme. Dans ce contexte, le problème de la qualification des situations se pose de façon particulièrement aiguë ainsi que celui des acteurs légitimes à décider et à intervenir ou non contre l'avis de la personne. Cet article analyse le travail micro-politique qui construit au quotidien la légitimité d'une Équipe mobile de psychiatrie-précarité (EMPP) à décider et surtout à ne pas décider pour autrui.Can we legitimately not decide for another ? Political work around a mobile psychiatry team (EMPP) Psychiatric hospitalizations without consent of homeless persons are exemplary of situations in which professionals must take decisions on behalf of others in the absence of the family. Two main criticisms govern such situations : critiques of interventions under constraint, regarded as a form of excessive interventionism and, critiques of non-intervention, regarded as negligent, or over interventionist. In this context, the problem of the qualification of a situation emerges as particularly acute, as does the question of defining who may legitimately decide and act (or not) against a person's will. This article analyzes the micro daily work that builds the legitimacy of EMPP to decide or, perhaps above all, to not decide for others.