Contenu du sommaire : Crime en ligne
Revue | Réseaux (communication - technologie - société) |
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Numéro | vol. 34, no 197-198, 2016 |
Titre du numéro | Crime en ligne |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Pour une sociologie du crime en ligne : Hackers malveillants, cybervictimations, traces du web et reconfigurations du policing - Bilel Benbouzid, Daniel Ventre p. 9-30
Dossier : Crime en ligne
- Une histoire du spam : Le revers de la communauté en ligne - Finn Brunton, Nonta Libbrecht-Carey p. 33-67 Cet article étudie l'étrange et vaste domaine du spam et son rôle dans l'évolution des communautés virtuelles et de la gouvernance d'Internet. Il développe l'idée selon laquelle le spam opère en exploitant la tension entre les communautés virtuelles et les infrastructures technologiques qui les sous-tendent. Les exploits du spam éclairent à la fois la relation complexe entre les communautés virtuelles et les gouvernements dans lesquels elles interfèrent, ainsi que l'évolution des politiques de l'attention en ligne.A history of spam
This article studies the strange and vast world of spam and its role in the evolution of virtual communities and Internet governance. It argues that spam feeds on the tension between virtual communities and the technological infrastructure underpinning them. The exploits of spam highlight both the complex relationship between virtual communities and the governments in which they interfere, and the evolution of online attention policies. - Travailleurs du like, faussaires de l'e-réputation - Thomas Beauvisage, Kevin Mellet p. 69-108 Cet article étudie la place du marché des « faux fans » et des « faux followers » dans le marketing de la réputation sur les réseaux sociaux et analyse la nature particulière de ses produits ainsi que son architecture interne. Nous nous appuyons sur un matériau empirique varié nous permettant de documenter l'émergence, la stabilisation et le fonctionnement du marché du faux social. Nous montrons que le marché des fans au kilo articule deux univers marchands distincts : celui, légitime, de la publicité sur les médias sociaux, et celui, condamné, de la manipulation des signaux de la notoriété. Nous décrivons comment ce marché s'est progressivement autonomisé du marketing des médias sociaux, proposant des produits aux finalités originales à une clientèle spécifique. Le faux fan s'inscrit ainsi dans une gamme plus large de manipulations en ligne jouant sur les automatismes et les nouveaux signaux qui peuplent les espaces numériques.“Like” workers: e-reputation counterfeiters
This article studies the role of the market for “fake likes” and “fake followers” in reputation marketing on social media, and analyses the particular nature of its products. The authors draw on diverse empirical sources to document the emergence, stabilization and functioning of the social counterfeit market. They show that the market for likes by the kilo articulates two distinct commercial worlds: the legitimate world of advertising on social media, and the condemned world of the manipulation of signals of renown. They describe how this market gradually became independent from social media marketing, offering products designed to meet purposes specific to a particular customer base. Fake likes thus fit within a broader range of online manipulations that take advantage of the automation and new signals populating digital spaces. - Les liens faibles du crime en ligne : Écologie de la méfiance au sein de deux communautés de hackers malveillants - Benoit Dupont p. 109-136 Le dilemme de la confiance auquel sont confrontés les délinquants en ligne est souvent sous-estimé par ceux qui étudient les transformations que la révolution numérique a provoquées sur la criminalité. Pourtant, dans un contexte où une diversité d'expertises techniques et organisationnelles doit converger afin de mener des projets lucratifs, les liens de confiance jouent un rôle déterminant permettant d'écarter les partenaires à la fiabilité douteuse et de stabiliser les collaborations afin d'améliorer la performance criminelle. À travers deux études de cas portant sur un réseau de hackers démantelé au Québec en 2008 et le principal forum de discussion de pirates informatiques observés pendant 27 mois de 2009 à 2011, cet article illustre les défis concrets auxquels les cybercriminels sont confrontés dans l'attribution et le maintien de la confiance à des pairs qui ont de nombreuses raisons de faire défection sans risques de sanctions. La nature fragile et éphémère des liens de confiance est notamment analysée, ainsi que le rôle joué par des normes culturelles transgressives qui empêchent les communautés de hackers de profiter pleinement des avantages des outils de gestion automatisée des réputations.The weak links of online crime
The trust dilemma that online offenders face is often underestimated in studies on the transformations of criminality that the digital revolution triggered. However, in a context where various forms of technical and organizational expertise are required to carry out lucrative projects, relations of trust play a decisive role in excluding partners who do not seem reliable and in stabilizing collaborations to improve criminal performance. Through two case studies on a network of hackers dismantled in Quebec in 2008, and the largest computer hacking discussion forum observed for 27 months from 2009 to 2011, this article illustrates the concrete challenges faced by cybercriminals in attributing trust to peers and in maintaining it when the latter have many reasons to defect without the risk of reprisal. The author analyses the fragile and fleeting nature of relations of trust and the role of transgressive cultural norms in preventing hacker communities from fully taking advantage of automated reputational management tools. - L'escroquerie sur Internet : La plainte et la prise de parole publique des victimes - Bilel Benbouzid, Sophie Peaucellier p. 137-171 L'escroquerie en ligne est un phénomène de prédation de masse relativement nouveau pour la justice et les particuliers. Comment les victimes réagissent-elles et quelles ressources mobilisent-elles suite à leur victimation ? En traitant les données des enquêtes nationales de victimation, nous avons découvert un taux de renvoi relativement élevé qui a soulevé une question : pourquoi un tel niveau quand on sait que, pour les infractions bancaires liées à Internet, les victimes n'ont plus besoin d'aller jusqu'à la plainte ? Une analyse des prises de parole sur des forums de discussion en ligne montre que la plainte n'est qu'une des étapes d'un long processus de production statutaire des victimes d'escroquerie en ligne durant lequel celles-ci sont contraintes de développer des compétences spécifiques, de s'engager dans une action et de se mobiliser pour trouver réparation.Online fraud victims
Online fraud is a relatively new mass predation phenomenon for the justice system and private individuals. How do victims react and what resources do they mobilize when they are victims? By processing the data from the national victimization surveys, the authors of this article discovered a relatively high reporting rate which raised a question: why is this level so high, since we know that for banking offences linked to Internet, victims no longer need to go so far as to file a complaint? The analysis of online discussion forums shows that filing a complaint is just one of the stages in a long process of the production of the status of online fraud victim, during which they are forced to develop specific skills, to take action and to seek reparation. - Résoudre des crimes en ligne : La contribution de citoyens au Reddit Bureau of Investigation - David Myles, Florence Millerand, Chantal Benoit-Barné p. 173-202 Le développement des technologies numériques participe à l'émergence de nouveaux types d'initiatives citoyennes de sécurité. Cet article explore quatre formes de contribution en ligne de citoyens en matière de gouvernement du crime issues des sciences sociales et humaines : le travail de surveillance non institutionnalisée, le crowdsourced policing, les online vigilantes et la civilian police. Les enjeux soulevés par chacune de ces formes de contribution sont mobilisés pour mettre en lumière les résultats d'une démarche d'observation exploratoire au sein du Reddit Bureau of Investigation, un forum Internet anglophone qui regroupe des citoyens dont l'objectif est la résolution de crimes. Les résultats témoignent du rôle clé des technologies numériques et de surveillance dans l'émergence de ces pratiques, de nouvelles conceptions du rôle du citoyen en matière de gouvernement du crime, de la construction d'une identité commune en réaction à la figure du vigilante et du déploiement d'une expertise profane d'investigation.Solving crimes online
The development of digital technology participates in the emergence of new types of citizen security initiatives. This article explores four forms of online citizen contributions to the governance of crime derived from the social sciences and humanities: non-institutionalized surveillance work, crowdsourced policing, online vigilantes and the civilian police. The issues raised by each of these forms of contribution shed light on the results of an exploratory observation process within the Reddit Bureau of Investigation, an Anglophone Internet forum for citizens who wish to solve crimes. The results point to the key role played by digital and surveillance technology in the emergence of these practices and of new conceptions of the role of citizens in the governance of crime, to the construction of a common identity in reaction to the vigilante figure, and to the deployment of laypersons' investigation expertise. - Statistiques et menaces numériques : Comment les organisations de sécurité quantifient la cybercriminalité - Anne-Marie Côté, Maxime Bérubé, Benoit Dupont p. 203-224 Considérée comme la forme de criminalité du XXIe siècle, la cybercriminalité est un phénomène complexe. L'écosystème de la cybersécurité doit répondre à un large éventail de menaces numériques dont les causes et les impacts sont rarement très bien compris. Les données et les statistiques sur la problématique sont innombrables, accentuant ainsi la confusion sur la compréhension. Cet article a pour objectif de comparer la conceptualisation de la cybercriminalité d'un échantillon diversifié d'organisations œuvrant dans le domaine de la cybersécurité. Ainsi, cette recherche analyse le contenu de treize rapports portant sur la cybercriminalité, produits par le même nombre d'organisations, pour l'année 2014. Plusieurs éléments sont comparés, dont les définitions opérationnelles employées, les typologies de cybermenaces mesurées, les concepts analogues à la cybercriminalité abordés, les méthodologies utilisées et les prédictions envisagées. Les résultats suggèrent que, malgré les préoccupations partagées à l'égard de cette problématique, il demeure une grande hétérogénéité dans les définitions des concepts centraux dans les rapports, dans les typologies de cybermenaces ainsi que dans les tendances prédictives.Statistics and digital threats
Cyber-criminality, seen as the major form of criminality of the 21st century, is a complex phenomenon. The ecosystem of cyber-security has to counter a wide range of digital threats, the causes and impacts of which are rarely very clear. There are countless data and statistics on the issue, which further exacerbates the confusion. This article compares the conceptualization of cyber-criminality in a heterogeneous sample of organizations working in cyber-security, based on a content analysis of 13 reports on cyber-criminality, produced by the same number of organizations for the year 2014. Several elements are compared, including the operational definitions used, the typologies of cyber-threats measured, the concepts addressed that are similar to cyber-criminality, the methodologies used, and the predictions made. The results suggest that despite shared concerns surrounding this issue, the definitions of key concepts in the reports, the typologies of cyber-threats and the predictive trends vary widely.
- Une histoire du spam : Le revers de la communauté en ligne - Finn Brunton, Nonta Libbrecht-Carey p. 33-67
Varia
- Enjeux pragmatiques et sémiotiques de l'étude des émoticônes - Pierre Halté p. 227-252 Cet article a deux objectifs : d'abord, clarifier, d'un point de vue sémiotique, le statut de ces marques modales, apparues relativement récemment dans la communication médiée par ordinateur, que sont les émoticônes. Il s'agira de retracer rapidement l'histoire de ces signes puis de tenter d'en donner une classification plus précise reposant d'une part sur la sémiotique peircienne et d'autre part sur les travaux issus de la sémiotique européenne et portant sur les rapports entre le texte et l'image. Ensuite, observer dans un corpus de chat les fonctions pragmatiques et énonciatives des émoticônes afin, d'une part, d'interroger les théories existantes, concernant par exemple la modalisation, mise à l'épreuve par ces nouveaux objets d'étude et, d'autre part, de proposer une analyse permettant de mieux comprendre le rapport entre des signes iconiques et le texte qu'ils accompagnent. Ce faisant, nous espérons ouvrir sur un profond questionnement de nos façons d'envisager, en sciences du langage et plus généralement dans les sciences de la communication, les rapports entre le verbal et le non verbal.Emoticons: a semiotic and pragmatic perspective
The aim of this article is twofold. First, from a semiotic perspective, it clarifies the status of emoticons, modal marks which appeared relatively recently in computer-mediated communication. The author briefly looks at the history of these signs and then categorizes them more precisely, based both on Peircean semiotics and on European semiotic studies on the relations between text and image. He then examines the pragmatic and enunciative functions of emoticons in a chat corpus. The aim is both to question existing theories, on modalization for example, challenged by these new research subjects, and to propose an analysis that furthers our understanding of the relation between iconic signs and the accompanying text. In so doing, the author seeks to open up in-depth reflection on the way in which relations between the verbal and the non-verbal are understood, both in the language sciences and in communication science in general. - Plaisanteries d'initiés : Définition et usages - Marion Ink p. 253-278 Cet article vise à définir, par induction analytique à partir de matériaux recueillis depuis plus de 4 ans dans des résidences universitaires en France, aux États-Unis et au Canada, ce qu'est une plaisanterie d'initiés. Les plaisanteries d'initiés, objet principal de la présente étude, sont le résultat d'une filature d'interactions antérieures. Nous montrons ici que celles-ci sont toujours déclenchées par une situation absurde désamorcée par le rire des initiés in situ ou a posteriori. Elles sont alors activées et réactivées par les initiés en présence d'un public. Nous définissons ainsi les initiés comme les personnes présentes lors de la situation absurde et participant explicitement à la ou aux situations de désamorçage par le rire. Leur statut d'initiés leur autorise trois actions : répéter la plaisanterie devant un public, exprimer explicitement la compréhension de la plaisanterie (si elle est dite par un autre initié) et négocier avec les autres initiés l'inclusion d'un membre encore fluctuant. Cet article vise alors à distinguer les moqueries (rire excluant) des « taquineries » (rire intégrateur) dans le cadre des plaisanteries d'initiés. Les membres initiés des groupes ne sont pas seulement des personnes qui connaissent l'origine de la référence passée, mais celles et ceux qui ont partagé l'expérience émotionnelle du désamorçage par le rire.Inside jokes
By way of an analytical induction based on material collected for over four years in university residences in France, the United States and Canada, this article puts forward a definition of an inside joke. These jokes are the result of the observation of previous interactions. The author shows here that they are always triggered by an absurd situation defused by initiates' laughter in situ or a posteriori, and are then activated and reactivated by initiates in the presence of an audience. Initiates are defined here as individuals present during an absurd situation and who explicitly take part in defusing it through laughter. Their status as initiates allows them to repeat the joke before an audience, to explicitly express their understanding of the joke (if it is related by another initiate), and to negotiate the inclusion of another member. This article also distinguishes between mockery (excluding laughter) and “teasing” (integrating laughter) in inside jokes. Initiates are not only members of the group who know the origin of the past reference, but also those who shared the emotional experience of defusing a situation through laughter.
- Enjeux pragmatiques et sémiotiques de l'étude des émoticônes - Pierre Halté p. 227-252
Notes de lecture
- Notes de lecture - p. 279-290