Contenu du sommaire

Revue La Revue de l'IRES Mir@bel
Numéro no 88, 2016/1
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Sécuriser les intérimaires sans toucher au CDI ? La création négociée du CDI intérimaire - François Sarfati, Claire Vivés p. 3-31 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    L'accord national interprofessionnel de janvier 2013 est présenté comme organisant l'échange entre flexibilité pour les entreprises et sécurité pour les salariés. Il prévoit de renchérir les cotisations sur certains CDD, si ce n'est pour désinciter à la flexibilité, au moins pour la taxer. Le secteur de l'intérim a obtenu d'y déroger en contrepartie de la création d'un CDI pour les intérimaires (CDI-I), destiné à sécuriser certains d'entre eux. À rebours du postulat des politiques de sécurisation des parcours professionnels selon lequel, le CDI étant dépassé, il faudrait attacher les droits non plus au contrat mais à la personne, avec le CDI-I l'intérim pose le contrat de travail comme outil privilégié de la sécurisation.L'article porte la focale sur l'élaboration de ce contrat de travail en analysant d'abord la négociation collective dont il est issu et ensuite sur son introduction dans la loi. Après avoir présenté les positions des acteurs, le propos se centre sur les différents paramètres permettant de régir la discontinuité des missions au sein d'un contrat.
    Enhancing Job Security for Temporary Workers Without Destabilizing Permanent Contracts? The Negociated Creation of a Permanent Contract for Temporary WorkersThe French nationwide collective agreement of January 2013 was supposed to give companies greater flexibility in exchange for enhancing job security. Originally, the agreement was to increase contribution rates for certain fixed-term contracts, hence taxing employment flexibility and potentially making it less attractive for employers. The national federation of temporary agencies managed to annul this measure in return for setting up a permanent contract for temporary workers, designed to reinforce job security for some of them. Current public policy aimed at improving security for mobile workers is based on the idea that permanent contracts are outmoded and that workers' rights should belong to the individual rather than being part of a contract. Nonetheless, the new permanent contract for temporary workers is based on rights that are attached to a contract.This article focuses on how this contract was elaborated, examining first the collective bargaining from which it emerged and then its introduction into labour law. After presenting the positions of the stakeholders involved in the process, the article examines the parameters that can be adjusted in order to deal with switching employers in the context of a permanent work contract for temporary workers.
  • Émergence et évolutions de la prévention dans les politiques de la vieillesse - Stéphane Alvarez p. 33-61 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Depuis le début des années 2000, la prévention dans le vieillissement fait l'objet d'une attention particulière de la part des gouvernements successifs. Afin d'anticiper les conséquences du vieillissement de la population et de réduire le risque de voir les retraités et personnes âgées intégrer la catégorie de la dépendance, la politique de prévention promeut le « bien vieillir », notion qui est notamment inscrite dans les objectifs stratégiques des caisses de retraite. Il s'agit, par des actions d'information et de formation, de faire adopter aux personnes vieillissantes des comportements et un style de vie à même de préserver leur santé. Le déploiement d'une politique de prévention en vue de « bien vieillir » est cependant à questionner. Comment cette orientation s'inscrit-elle par rapport à la longue histoire des politiques vieillesse et de leurs acteurs centraux ? Cet article revient sur le processus de mise à l'agenda de la prévention et du « bien vieillir » et s'intéresse à la production et la diffusion de nouvelles normes dans la vieillesse.
    The Emergence and Development of Prevention in Policies for the Elderly
    Since the beginning of the 2000s, successive French governments have been attentive to prevention for the elderly. In order to anticipate the consequences of population ageing and reduce the incidence of dependency among old people, prevention policy promotes “ageing well,” one of the strategic objectives of retirement funds. The idea is to carry out information campaigns and training programmes that can persuade older people to adopt behaviours and lifestyles that preserve health. However, the effectiveness of promoting “ageing well” through public policy can be questioned. How does this orientation fit in with the long history of policies for old people and the main stakeholders involved? This article looks at how prevention and “ageing well” have emerged as part of the political agenda, and it discusses the creation and dissemination of new norms concerning ageing.
  • Chômage partiel, outil partial ? Comparer le chômage partiel en Allemagne et en France - Hadrien Clouet p. 63-89 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article a pour objet la mise en œuvre effective des dispositifs de chômage partiel déployés en Allemagne et, dans une moindre mesure, en France depuis 2008. Il s'appuie sur une enquête de terrain menée sur les sites de deux constructeurs automobiles, français et allemand, qui ont recouru au chômage partiel entre septembre 2012 et avril 2013. Il rend compte de la polyvalence du dispositif, qui peut servir différents objectifs et produire différents effets selon les acteurs qui parviennent à s'imposer dans l'exécution. En outre, il révèle la plasticité du chômage partiel, qui n'est pas limité à son objectif institutionnel de préservation d'emplois. Le dispositif modifie le rapport entre les syndicats et l'employeur, et génère des controverses entre élus salariés. En outre, il peut même concourir à supprimer indirectement des emplois, notamment en accompagnant des restructurations d'autres sites.
    Are Partial Unemployment Benefits a Partial Measure? A Comparison of Germany and France
    This article examines the workings of partial unemployment (short-time work) benefit schemes that have put in place since 2008 in Germany and, to a lesser extent, in France. The discussion is based on fieldwork in production sites of two automobile manufacturers, one French and one German, that applied partial unemployment schemes between September 2012 and April 2013. The comparison shows that these schemes are polyvalent in that they can be used to pursue different goals and produce different effects depending on the agents involved in applying them. Furthermore, partial unemployment benefits are not limited to the institutional goal of preserving jobs. Partial unemployment schemes modify the relationship between unions and employers and generate disagreements among elected worker representatives. Finally, they can indirectly lead to destruction of jobs by facilitating restructuring in other work sites.
  • Le « tripartisme de légitimation politique » ou la face (post-) démocratique des « capitalismes dépendants » : les cas de la Bulgarie et de la Roumanie - Violaine Delteil p. 91-127 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Le tripartisme a fait l'objet d'un engouement de la première heure dans les pays d'Europe centrale et orientale. Si en Europe centrale cette institutionnalisation est restée souvent formelle, dans les Balkans, orientaux comme occidentaux, le dialogue social au sommet a fait l'objet d'une mobilisation et d'une instrumentalisation marquée et continue de la part des gouvernements. Prenant appui sur une comparaison entre la Bulgarie et la Roumanie, le présent article propose d'expliciter les traits inhérents aux deux expériences de tripartisme, depuis le début de la transition jusqu'à la dernière crise. L'identification d'un « tripartisme de légitimation politique », qui rejoint et complète la thèse du « corporatisme illusoire » de David Ost (2000), est reliée à deux questionnements qui traversent aujourd'hui la recherche : le premier renvoie au rôle décisif joué par les facteurs externes sur le jeu sociopolitique domestique, pour ces deux pays qui exemplifient le modèle de « capitalisme dépendant » ; le second renvoie aux modalités et aux canaux de l'européanisation sociale dans l'Union européenne élargie, ici appliquée au dialogue social.
    “Tripartism of Political Legitimation” and (Post-)Democratic Dependent Capitalism: the Cases of Bulgaria and RumaniaTripartism was much in vogue at the beginning of the transition in central and eastern Europe. In central Europe, this institution has often been purely formal, but governments in both the eastern and the western Balkans have espoused and continually promoted social dialogue at the top level of political decision-making. Based on comparison between Bulgaria and Rumania, this article characterizes the two national experiences with tripartism from the beginning of the transition up until the last crisis. It identifies a “tripartism of political legitimation,” a concept that builds on and adds to the concept of “illusory corporatism” put forward by David Ost in 2000. It is linked to two questions researchers are exploring today: the first concerns the decisive role played by external factors in domestic socio-political developments in these two countries that exemplify “dependent capitalism”; the second question concerns the channels through which social Europeanization takes place, as it applies to social dialogue within the enlarged European Union.
  • Mobiliser les employés de Walmart malgré les discours et pratiques du géant de la distribution : UFCW et Our Walmart face à 50 ans d'antisyndicalisme - Mathieu Hocquelet p. 129-156 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Face aux obstacles que constituent le droit du travail et le droit syndical étasunien, mais surtout les dispositifs antisyndicaux mis en place par le géant de la grande distribution et plus grand employeur privé mondial, Walmart (1,3 million de salarié(e)s aux États-Unis, 2,2 millions dans le monde), nous verrons dans cet article comment le syndicat United Food and Commercial Workers (UFCW) tente d'organiser les salarié(e)s et de déconstruire l'argumentaire développé par l'entreprise. Cette dernière met notamment en avant un investissement coûteux, c'est-à-dire engendrant un risque de représailles managériales en cas de contestation et de participation aux mobilisations, un coût économique élevé (cotisations syndicales), et une faible influence du syndicat sur les conditions de travail et d'emploi. Cette déconstruction passe principalement par le développement d'une stratégie de contournement de la forme syndicale par le biais de la forme associative. À travers le cas de l'association Organization United for Respect at Walmart (Our Walmart) observé lors de ses premières années d'existence, il s'agit en effet de souligner les dispositifs managériaux, institutionnels et organisationnels ayant mis à l'écart les syndicats et plus largement la critique sociale pendant un demi-siècle d'existence, des verrous qui se sont avérés par le passé parmi les plus efficaces au sein de l'enseigne de distribution et qui connaissent aujourd'hui des mutations importantes.
    Organizing Employees at the Giant of Retail Sales: UFCW and Our Walmart Confront a Fifty-Year Tradition of Anti-Union Discourse and PracticesUnions trying to organize Walmart employees are faced not only with the difficulties posed by labour law and union rights in the US, but above all with the anti-union measures put into place by the giant of retail sales and the largest private employer in the world (1.3 million employees in the US, 2.2 million in the world). This article tells how the United Food and Commercial Workers (UFCW) is trying to organize employees and to counter arguments put forward by the Walmart. The company claims that there is great risk of backlash from managers if employees participate in protests or union actions, that unionization would result in high union dues for employees, and that a union would have little influence on work conditions. In order to deconstruct these arguments, unions are obliged to develop a strategy that involves forming a workers' association rather than a union. The author observed the association Organization United for Respect at Walmart (Our Walmart) during its first years of existence. The article highlights the managerial, institutional, and organizational measures used by Walmart to prevent unionization. Over its half century of existence, the company has come up with highly effective ways of combating unions, even though changes are currently taking place.