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Nicolas Dodier : La construction pratique des conditions de travail. Préservation de la santé et vie quotidienne des ouvriers dans les ateliers. La gestion par les ouvriers de leur santé, soit à titre préventif, soit à l'occasion de la maladie, est fondamentalement liée à des catégorisations, des hiérarchisations, des interprétations relatives aux liens santé-travail. En gérant leur santé, ils construisent la réalité de leurs conditions de travail. Cet article étudie avant tout les activités ordinaires des ouvriers et se limite à l'étude des formes les moins objectivées par lesquelles les conditions de travail sont construites dans les activités pratiques, c'est-à-dire l'étude des interactions « peu formelles » entre des individus sur le lieu de travail, à travers deux thèmes : la rotation entre postes, les risques toxiques.

Lucien Abenhaïm, William Dab : Conditions de production et d'utilisation des connaissances scientifiques et relations de travail. Une étude de cas de cancer de la vessie dans l'industrie de l'aluminium au Québec. Une étude épidémiologique, mettant en cause le rôle d'un procédé utilisé dans l'industrie de l'aluminium au Québec dans la survenue de cancer de la vessie chez les employés, nous a fourni l'occasion d'examiner concrètement la façon dont les rapports sociaux dans l'entreprise conditionnent la production et l'utilisation des connaissances scientifiques dans le domaine de la santé. À la suite de cette étude, la partie patronale a activement publicisé les résultats tandis que la partie syndicale s'est attachée à saper la crédibilité de la recherche. Le matériel de notre étude de cas est formé des informations écrites radiophoniques et télévisées, produites au moment de la révélation des résultats de l'enquête. Nous discutons les enjeux de la situation à quatre niveaux : médical, scientifique, patronal et syndical. Cela permet de mettre à jour le rôle joué par la négociation sur la restructuration de l'entreprise qui était alors en cours - avec un enjeu important en termes d'emploi - dans ces prises de positions en apparence paradoxales. En Santé Publique, quand se pose la question de l'utilisation concrète de connaissances scientifiques, il n'est pas possible de faire l'économie d'un diagnostic sur les rapports de force entre les acteurs en présence. Les notions de « bonne » recherche ou de connaissance « neutres » deviennent dès lors purement circonstancielles.

Jean-Pierre Goubert : L'eau et l'expertise sanitaire dans la France du XIXe siècle. Le rôle de l'Académie de Médecine et des congrès internationaux d'hygiène. Contrairement à une opinion fort répandue, le corps médical n'a pas joué dans la France du XIXe siècle un rôle décisif dans l'amélioration du niveau sanitaire général. Même après 1890, il ne fit qu'emboîter le pas lorsque les dirigeants, prenant appui sur les travaux pastoriens et sur les techniques mises au point durant la première moitié du XIXe siècle, décidèrent de pratiquer une politique cohérente d'hygiène collective et donc d'intéresser le corps social tout entier à l'amenée et l'évacuation des eaux publiques. Ingénieurs, techniciens et savants - le plus souvent non médecins - jouèrent auprès du gouvernement un rôle d'experts es santé publique et contribuèrent à édifier l'« œuvre hygiénique » de la IIIe République. Dans un pays en pleine mutation, où était pratiquement absente une organisation interprofessionnelle de la santé publique, le corps médical français- à quelques exceptions près - perdit ainsi l'occasion, à la différence de pays voisins, de traiter collectivement « l'amont de la maladie ».