Contenu du sommaire : Stratégies territoriales d'adaptation aux contraintes démographiques et environnementales : le Niger
Revue | Les Cahiers d'Outre-Mer |
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Numéro | no 270, avril-juin 2015 |
Titre du numéro | Stratégies territoriales d'adaptation aux contraintes démographiques et environnementales : le Niger |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Introduction : stratégies et dynamiques au Niger face aux contraintes environnementales - Alain Bonnassieux p. 101-113
- Les politiques publiques agricoles au Niger face aux défis alimentaires et environnementaux : entre échecs répétitifs et nouvelles espérances - Youssoufou Hamadou Daouda p. 115-136 Cet article tente de comprendre pourquoi les politiques publiques alimentaires inspirées de la pensée économique dominante et des bailleurs de fonds internationaux n'ont pas réussi à enrayer le spectre de la faim au Niger, et ce, depuis plusieurs décennies. De façon chronologique, nous nous interrogeons, dans un premier temps, sur la crédibilité des stratégies nationales alimentaires menées par le pays pour juguler l'insécurité alimentaire et montrons plus précisément comment celles-ci sont finalement devenues inefficaces, soit par l'absence de visions et d'orientations suffisamment claires et cohérentes, soit par le rôle souvent ambigu et controversé joué par les réseaux des marchands vivriers et les organisations internationales financières et humanitaires. Devant la persistance des crises alimentaires et des désastres sociaux et économiques qu'elles entraînent, l'article questionne, dans un second temps, l'opportunité de la toute nouvelle « Initiative 3N » (les Nigériens Nourrissent les Nigériens) des autorités publiques à répondre aux défis alimentaires. S'agit-il d'un simple paradigme au relent nationaliste et souverainiste, visant à contrecarrer les soulèvements populaires et la pression exercée par les médias internationaux, ou l'amorce d'un espoir de voir enfin les Nigériens s'extirper des affres de la faim et de l'insécurité alimentaire ?This article seeks to understand why food policies inspired by the dominant economic thinking and by international donors have failed to give a stop to hunger in Niger, for several decades. Chronologically, the paper first questions the credibility of national food strategies to curb food insecurity. It shows more precisely how they eventually became ineffective because of a lack of vision and a lack of clear and consistent guidance. It insists on the often ambiguous and controversial role played by networks of food vendors and international and humanitarian organizations. In view of the persistence of food crises and of their disastrous social and economic consequences, the article secondly questions the opportunity of the new “Initiative 3N” (Nigeriens Nourish Nigeriens) to meet the food challenges. Is it a simple paradigm with a nationalist sovereignty relent, to counter the popular uprisings and the pressure exerted by the international media, or the beginning of a hope in extricating Nigeriens from the throes of hunger and food insecurity ?
- Innovation rurale : contribution de la pomme de terre à la sécurité alimentaire dans la Commune rurale de l'Imanan - Ramatou Hassane p. 137-162 C'est en 1954 que les paysans de la Commune rurale de l'Imanan, située dans l'Ouest du Niger, ont commencé la culture de pomme de terre. Partie d'une simple culture d'appoint associée à d'autres spéculations, la production de pomme de terre fait maintenant partie intégrante des systèmes de productions locaux. C'est la principale stratégie adaptative des paysans pour faire face aux crises alimentaires. Depuis, cette culture s'est diffusée à toutes les unités de production de la vallée (Dallol Bosso) de l'Imanan, attirant de plus en plus de nouveaux acteurs (jeunes, femmes, commerçants et populations urbaines). Plusieurs facteurs d'ordre économique, social et politique, en lien étroit avec l'évolution et les événements locaux ont contribué à sa diffusion et à son expansion. Culture de rente tournée vers le marché, la pomme de terre permet aux exploitants d'accéder à des revenus contribuant fortement à la subsistance et à la vie des ménages. La rentabilité de la pomme de terre entraîne une réduction des migrations des jeunes hommes pendant la saison sèche.In 1954, the peasants of the Rural Municipality of Imanan, Western Niger, began to crop potatoes. From a simple extra culture, potato production has become an integral part of the local production system, as the main adaptive strategy of Imanan farmers to cope with food crises. This practice has spread to all the production units of the valley (Dallol Bosso) of Imanan, attracting more and more new players (youth, women, citizens, businesses and urban populations). Several factors related to economic fluctuations and social events, and policies contributed to its expansion. As a market oriented cash crop, it provides farmers an income which improves the livelihood of the families. The profitability of the potato results in a reduction of young men migrations during the dry season.
- Au cœur de la marginalisation des femmes en milieu rural nigérien : l'accès à l'eau agricole - Mahaman Tidjani Alou, Illiassou Mossi Maïga, Aminatou Daouda Hainikoye p. 163-188 Cet article aborde les inégalités de genre dans la mise en valeur des périmètres irrigués au Niger. Les études menées dans différents sites montrent que la culture du riz est une activité masculine. Les quelques femmes présentes sont en général sans soutien, divorcées ou veuves avec très souvent plusieurs enfants à charge. Des critères, très discriminatoires, dont celui d'être chef de ménage, ont été, dès les premières attributions des parcelles, mis en avant pour les écarter de l'accès aux parcelles sur les périmètres aménagés. Par ailleurs, du fait de la pénibilité liée à la culture du riz et des contraintes qui y sont associées, elles connaissent en plus la marginalisation dans la production et donc en définitive sont privées des bénéfices.This paper addresses gender issue in the development of irrigation in Niger. Studies conducted in various sites in Niger show that access to agricultural water use in rice cultivation is a predominantly male activity. The few women present are generally without support, divorced or widowed, often with several children. Very discriminatory criteria, including being head of household, were used to prevent women of any access to irrigated rice. Moreover, because of the supposed hardship related to the cultivation of rice and it constraints, women are marginalized out from the rice production and its profits.
- Agadez, un nœud de la migration internationale au Niger - Abdoussalami Hamani, Abdou Bontianti p. 189-206 La ville d'Agadez est devenue depuis les années 1990 un carrefour migratoire pour les Subsahariens en partance vers le Maghreb et/ou l'Europe. Située dans le septentrion nigérien, Agadez est une zone de contact entre le Niger et l'Algérie d'une part et entre le Niger et la Libye d'autre part. Cette position géographique favorise le passage de milliers de candidats à la migration. Ce passage a eu pour conséquences, outre la création et la consolidation de réseaux et filières migratoires, une contribution à la croissance démographique et économique de la ville d'Agadez au cours des années 1990 et 2000. Le séjour, le contrôle et l'exploitation des migrants entraînent l'implantation de nombreuses activités. Elles procurent des revenus substantiels aux acteurs qui logent les migrants et s'occupent de l'organisation de leur départ et de leur transport.Since the 1990's, Agadez, has become a migratory crossroads for sub-Saharan Africans leaving for North Africa and/or Europe. Located in Northern Niger, Agadez is a contact zone between Niger and Algeria and between Niger and Libya. This geographical position favours the transit of thousands of would-be migrants. This transit has resulted, in addition to the creation and consolidation of migration networks and channels, in a contribution to population and economic growth of the city of Agadez in the years 1990 and 2000. The stay, control and exploitation of migrants has led to the setting-up of numerous activities. They provide a substantial income to the actors who accommodate the migrants and organize their departure and transport.
- La téléphonie mobile à Niamey : empreintes territoriales et régulation économique et sociale - Abdou Bontianti p. 207-224 Depuis la fin des années 1990, les Nigériens de toutes les catégories socioprofessionnelles se sont approprié la téléphonie mobile. Plusieurs enquêtes réalisées auprès des opérateurs de la téléphonie mobile, des couches socioprofessionnelles (clientèle) et de l'Agence de régulation multisectorielle (ARM) devenue aujourd'hui Agence de régulation des télécommunications et de la poste (ARTP), ont permis de montrer que le réseau cellulaire a réussi à intégrer différentes échelles territoriales au Niger. À l'échelle de la ville, les quartiers périphériques longtemps marginalisés par les politiques publiques, ont été intégrés au centre-ville. Partout, les points de vente et les antennes ont marqué le paysage urbain. Au-delà du local, le modèle économique néolibéral importé de l'Occident s'est bien adapté aux réalités d'une économie régionale dominée par l'informel mais plus ou moins contrôlée et régulée par les innovations technologiques sans cesse renouvelées dans le domaine de la téléphonie mobile.Since the late 1990s, Nigerians of all socio-professional categories appropriated mobile telephony. Several surveys of mobile telephony operators, social and professional groups (customers) and the Multisectoral Regulatory Agency (ARM), now become Telecommunications Regulatory Agency and Post (ARTP), have shown that the cell network has successfully integrated different territorial levels in Niger. At the city level, long marginalized outlying areas by public policies were integrated into the city center. Everywhere, points of sale and antennas have marked the urban landscape. Beyond the room, the neoliberal economic model imported from the West, has adapted to the realities of a regional economy dominated by the informal but more or less controlled and regulated by constantly renewed technological innovations in the field of mobile telephony.
- Exode rural, urbanisation et sécurité privée à Niamey - Hamadou Issaka p. 225-242 La migration vers les grandes villes constitue un refuge pour la plupart des jeunes ruraux qui, pour s'émanciper ou pour subvenir à leurs besoins quittent leurs terroirs après les travaux des champs pour venir passer les trois quarts de l'année en ville. Niamey accueille ainsi une forte population migrante parfois en transit vers le Maghreb. Ceux qui y restent sont parfois désenchantés et désemparés car la ville n'est plus cet eldorado où chacun trouve son compte. Ces exclus, usent de tous les stratagèmes pour survivre allant parfois jusqu'à constituer des gangs spécialisés. L'objectif de cette étude est de montrer l'impact des migrations mal canalisées sur la sécurité de la population. Une enquête a été menée auprès des ménages, de l'administration et des structures organisées afin de comprendre le phénomène et les stratégies développées par les uns et les autres. Il ressort des investigations menées en mai 2015 que l'État a failli dans sa mission régalienne d'assurer la sécurité des personnes et de leurs biens. Face à cette situation, les personnes physiques et morales se sont adaptées en développant le système de sécurité privée communautaire ou individuelle. Le développement des agences privées de sécurité, loin d'être une panacée, a permis avec quelques succès indéniables de la police nationale, de contenir le phénomène dans une proportion moindre par rapport à certaines capitales. Cependant, l'inquiétude persiste car les criminels ont démontré qu'ils savent s'adapter aux situations et la paupérisation croissante de la jeunesse désœuvrée constitue un danger pour les prochaines années.Large cities are like a refuge for most of the rural young people who intend to emancipate themselves or to make both ends meet. In this line, they leave their villages after the rainy season, and they devote three-fourth of the year to their stay in the city. Thus, Niamey accommodates a large number of migrants who are sometimes in transit for the Maghreb. However, those who stay usually get disillusioned and helpless because the city is no longer the paradise they dream about. As a matter of fact, these excluded migrants use all possible types of strategies to survive, and sometimes they even set up specialized gangs. Therefore, this study aims at describing and showing the impacts of this poorly channeled migration on the security of the population. In this vein, surveys targeting the households, the authorities and the organized structures were conducted in order to understand the phenomenon, and the different groups' strategies. It comes out that the state has failed in its sovereign mission to ensure the safety of the people and their assets. In such a situation, the people and the legal established entities have adapted themselves by developing a community or individual private security system. However, far from being a panacea, the development of private security agencies enabled the national police force to achieve some undeniable successes, to contain the phenomenon to a lesser extent compared to some other capitals. However, the issue remains unsolved because the criminals have shown that they can adapt and the growing impoverishment of the unemployed youth makes feel that the next coming years will be worse.
- Le fleuve Niger et son bassin : aménagements, gouvernance et stratégies d'adaptation au changement climatique - Sandrine Vaucelle p. 243-270 Dans un bassin particulièrement vulnérable aux changements climatiques, le fleuve Niger fait l'objet d'une gestion commune construite depuis plusieurs décennies entre neuf pays dans le cadre de l'Autorité du Bassin du Niger (ABN). La relance récente de plusieurs projets d'aménagements et de barrages est une stratégie d'adaptation et de développement du bassin. La réalisation de nouveaux équipements, souvent pensés dans un cadre national, repose sur le soutien financier de grandes institutions internationales, dans le cadre du Plan d'investissement pour le renforcement de la résilience au changement climatique du bassin du fleuve Niger (PIC). L'enjeu pour l'ABN est d'éviter une concurrence entre projets ou entre bailleurs, ce qui pourrait fragiliser la gouvernance de bassin. Elle œuvre pour promouvoir collecte et partage des informations géographiques dans le cadre de son Observatoire et pour intégrer ces projets dans une planification quinquennale (jusqu'en 2027). Faire participer les usagers de l'eau à la gouvernance de bassin et assurer les conditions d'un financement autonome et durable de cette gestion intégrée demeurent des enjeux majeurs.Particularly vulnerable to climate change, the Niger River drainage basin has been for several decades under common management between nine countries, within the framework of the Niger Basin Authority (NBA). The recent revival of several water planning schemes and dam projects are part of a strategy for the basin adaptation and development. These new developments, often conceived in a national context, are based on the financial support of large international institutions, within the framework of the Niger Basin Climate Resilience Investment Plan (CRIP). The challenge for the NBA is to avoid a competition between projects or donors, which could weaken the overall basin governance. It works to promote gathering and sharing geographical informations within its Observatory and to integrate these projects in a five years planning period (until 2027). The involvement of water users into the basin governance and to insure the conditions for autonomous, sustainable fundings of this integrated management remain major issues.
- Cahier d'illustrations - Sandrine Vaucelle, Abdou Bontianti, Hassane Younsa p. 271-278
- Jean-Pierre Augustin et Jean Dumas, La ville kaléidoscopique, Paris, Economica Anthropos, 2015, coll. Géographie, 249 p. : 50 ans de géographie urbaine francophone - François Bart p. 279-281
- Sahel entre crises et espoirs, sous la direction d'Amadou Boureima et Dambo Lawali, L'Harmattan, 2014, 362 p. - Bernard Calas p. 283-284