Contenu du sommaire : Les Sciences sociales et les animaux
Revue | L'Année sociologique |
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Numéro | Vol. 66, no 2, 2016 |
Titre du numéro | Les Sciences sociales et les animaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Études réunies et présentées par Catherine Rémy et Dominique Guillo
- Présentation - Dominique Guillo, Catherine Rémy p. 263-278
- Exil ou agentivité ? ce que l'anthropologie fabrique avec les animaux - Vanessa Manceron p. 279-298 Cet article s'intéresse aux diverses manières dont la discipline anthropologique a objectivé la place des animaux dans ses objets de recherche durant les trente dernières années. Attentive aux renouvellements conceptuels et méthodologiques qui agitent actuellement l'ethnologie sous l'impulsion du tournant post-symbolique, l'auteur examine les changements en cours ainsi que les critiques adressées au passé de la discipline, en posant la question de ce que les ethnologues gagnent et perdent scientifiquement à considérer l'agentivité des animaux de manière symétrique.This paper considers how the anthropology has objectivated the place of animals in its research objects during the last thirty years. While the discipline is currently the scene of conceptual and methodological renewals under the influence of the « post-symbolic turn », the author examines the changes as well as the criticisms adressed to the past of the discipline, asking what the anthropologists gain and lose scientifically to consider the agentivity of animals in a symmetric way.
- Agir avec l'animal. Pour une approche ethnographique des relations hybrides - Catherine Rémy p. 299-318 Cet article présente les apports de recherches récentes en sociologie, consacrées au thème des relations homme / animal. La sociologie de l'action située qui a redonné une place aux artefacts dans l'accomplissement des activités, mais aussi la sociologie interactionniste et l'ethnométhodologie, ont ouvert de nouvelles pistes et proposé de nouvelles méthodes pour décrire et comprendre les relations hybrides. Pour certains auteurs, le sociologue doit être capable de comprendre la perspective de l'ensemble des interactants, humains ou non. La position défendue dans cet article est plus prudente : l'objectif n'est pas d'adopter le point de vue de l'animal, mais bien plutôt de suivre les acteurs humains dans leurs rencontres avec les animaux et de décrire les modes d'engagement – empathiques ou bien objectivants – qu'ils mettent en œuvre. Le rôle du sociologue n'est donc pas de développer une approche éthologique du comportement des animaux, mais plutôt de regarder comment la question de la présence des animaux est travaillée, traitée en situation par les acteurs.This paper presents recent contributions in sociology, on the topic of human / animal relationships. The sociology of « situated action », but also interactionist sociology and ethnomethodology, have proposed new methods to describe and understand the hybrid relations. For some authors, the sociologist must be able to describe the perspective of all the « actants », human or not. The point of view defended in this paper is more cautious: the aim is not to adopt the animal's perspective, but rather to follow the human actors in their encounters with animals. The sociologist's role is not to develop an ethological approach of animal behaviour but rather to describe how animal presence is worked, handled in situations by human actors.
- Extension de la question de « l'ordre social » aux interactions hommes / animaux. une approche ethnométhodologique - Chloé Mondémé p. 319-350 L'approche ethnométhodologique et conversationnaliste réalise un décentrement du regard sociologique qui, en spécifiant la notion « d'ordre social », autorise de manière inédite la prise en compte des interactions entre hommes et animaux dans la description sociologique. Dans le même temps, cette approche propose des outils analytiques et méthodologiques originaux qui donnent une prise pour la description empirique des interactions interspécifiques. C'est à la fois à la présentation des principaux enjeux de la pensée ethnométhodologique qui éclairent la question des interactions hommes / animaux, et à la discussion de certains de ces travaux empiriques, que le présent article se consacre.The ethnomethodological and conversationalist program realizes a shift in the sociological field by respecifying the notion of « social order ». We argue that this acception is particularily relevant to account for human / animal interactions. At the same time, this program proposes new methodological and analytical tools that enable detailed empirical descriptions of interspecies interactions. The aim of this article is twofold and couples a theoretical presentation of the main lines of the ethnomethodological thought with a discussion of some empirical works on human / animal interaction.
- Les recherches éthologiques récentes sur les phénomènes socio-culturels dans le monde animal : Un regard renouvelé en profondeur - Dominique Guillo p. 351-384 Les recherches sur la sociabilité animale au sens large ont été révolutionnées durant le demi-siècle écoulé, au plan théorique comme au plan empirique. Ces recherches nouvelles s'articulent principalement autour de deux thématiques : la description et l'explication du comportement social des animaux, d'une part, et celles des cultures animales, d'autre part. Bien loin de souscrire à un béhaviorisme sommaire, ces perspectives font ressortir empiriquement la complexité et la multiplicité des modes de sociabilité observables dans les différentes espèces animales. Outre ces découvertes empiriques, elles proposent des explications évolutionnistes extrêmement solides de l'apparition des comportements sociaux dans le monde vivant et des aptitudes culturelles animales. Toutefois, elles déploient une conception bien particulière de l'agentivité animale et des phénomènes socio-culturels, qui repose sur une épistémologie et des concepts quelque peu différents de ceux qui sont traditionnellement mobilisés dans les sciences sociales humaines. Ces différences – qui ne sont pas des incommensurabilités ou des contradictions – rendent illégitimes à la fois les tentatives d'explication réductionnistes de la sociabilité humaine, proposées par certains éthologues, et le rejet en bloc ou l'indifférence des sciences sociales à l'égard de ces recherches éthologiques sur les animaux. Par leur richesse, ces dernières invitent à trouver des voies qui articulent, sans les réduire les unes aux autres, les vues développées, chacune de leur côté et avec leurs propres méthodes, par les sciences sociales et par les sciences de la vie.Research on animal sociability have been revolutionized during the past half century, theoretically as empirically. These new researches focus mainly on two areas: the description and explanation of the social behavior of animals, on the one hand, and those of animal cultures, on the other. Far from subscribing to a perfunctory behaviorism, these new views empirically highlights the complexity and multiplicity of observable modes of sociability in different animal species. In addition to these empirical findings, they offer extremely strong evolutionary explanations for the emergence of social behavior and cultural skills in animal species. However, they are drawing a very special conception of animal agentivity and socio-cultural phenomena, based on an epistemology and concepts somewhat different from those traditionally mobilized in human social sciences. These differences – which are not incommensurabilities or contradictions – make illegitimate both reductionist attempts to explain human sociability, proposed by some ethologists, and the rejection or indifference towards ethological research on animals, widespread in social sciences. These ethological researches invite to find ways that articulate, without reducing them to one another, the views developed on their own and with their own methods in the social sciences, on one hand, and the life sciences, on the other.
- Comment articuler les sciences de la vie et les sciences sociales à propos des relations humains / animaux ? Un modèle interactionniste et évolutionniste - Nicolas Claidière, Dominique Guillo p. 385-420 Le modèle développé dans cet article vise à éclairer les relations interspécifiques en articulant les vues proposées dans la sociologie interactionniste, d'une part, et l'éthologie – et plus largement les sciences du comportement –, d'autre part. Ce modèle est centré sur l'interaction sociale et ses effets. Il repose sur l'idée selon laquelle la condition minimale de l'existence de faits sociaux et culturels n'est pas une identité partagée – de représentations, de comportements, d'une capacité à lire les intentions d'autrui, à imiter, à manipuler des symboles, ou encore une compréhension ou un sens communs. C'est une condition beaucoup moins restrictive : la possibilité d'ajustement pratique entre deux êtres au cours de leurs interactions – condition qui peut être réalisée entre deux êtres très différents. Un tel modèle fait ressortir avec acuité de nombreux phénomènes produits par les interactions – et tout particulièrement les interactions interspécifiques – qui échappent nécessairement aux perspectives appuyées sur les différentes déclinaisons du principe d'identité, en particulier celles qui restreignent le social learning à un mécanisme de copie – d'imitation. Pour illustrer ce modèle, nous nous appuierons sur l'étude des relations que les humains entretiennent avec deux espèces : les chiens et les macaques de Barbarie.The model developed in this article aims to shed light on interspecies relationships, articulating the views of the interactionist sociology, on the one hand, and ethology – and more broadly the behavioral sciences – on the other. This model focuses on social interaction and its effects. It is based on the idea that the ultimate condition for the existence of social and cultural facts is not a shared identity – of representations, behaviors, ability to read the intentions of others, to imitate, to manipulate symbols, or of mutual understanding or common sense. It is a condition much less restrictive: the possibility of practical adjustments between two beings in the course of their interactions – condition that can be effective between two very different beings. This model highlights many phenomena produced by interactions – especially interspecific interactions – which necessarily can't be taken into account in models based on different versions of the principle of identity, particularly those that restrict social learning to a mechanism of copy – imitation. To illustrate this model, we will rely on the study of the interactions that humans have with two species: dogs and barbary macaques.
- La possession d'animaux de compagnie en France : une évolution sur plus de vingt ans expliquée par la sociologie de la consommation - Nicolas Herpin, Daniel Verger p. 421-466 Les animaux de compagnie n'occupent plus la même place auprès des humains. L'article exploite des données d'enquêtes, menées en France par l'Insee à plus de vingt ans d'écart en s'appuyant sur les perspectives propres à la sociologie de la consommation et à la microéconomie. Les évolutions sont expliquées par les arbitrages qu'effectuent les différents acteurs sociaux, en fonction de leur situation, entre la possession et la non-possession d'animaux, et par les choix qu'ils font parmi les animaux, en particulier les chiens et les chats. Elles montrent que les attentes sont de moins en moins fondées sur les services rendus par l'animal, et de plus en plus sur leur apport de compagnie.The relationship between pets and humans are changing. This article uses French data from large population surveys, more than twenty years apart leaning on the the sociology of consumption and microeconomics perspectives. Households choose to have a pet of not, to prefer a cat or a dog according to their ways of living. Interactions between humans and pets are less of services and more of companionship.
Varia
- Le gouvernement à crédit. Tâtonnements des gouvernants, aveuglement des gouvernés ? - Cécile Crespy, Vincent Simoulin p. 465-492 Cet article s'interroge sur la réalité et la portée du développement de formes de contrôle à distance, étant entendu que les gouvernements des territoires sont effectivement en profonde transformation. En s'appuyant sur l'étude de dispositifs promus depuis le milieu des années 2000 dans différents domaines d'action publique, il avance que ce mode de gouvernement repose sur le crédit que les acteurs lui apportent et leur cécité sur la difficulté qu'éprouve désormais l'État à réunir des financements assez conséquents et précis pour avoir une action réelle sur les territoires. Peut-on à ce titre parler de « pilotage » alors que, à force de chercher à s'affirmer par rapport à leurs services déconcentrés, les acteurs administratifs centraux se sont condamnés à des stratégies dont les modalités pratiques sont bricolées et les objectifs reconstruits rétrospectivement ?Local and Regional governments are clearly now coping with deep transformations and this article questions the reality and scope of remote territorial control forms. Based on the study of different programs promoted since the mid-2000s in various areas of public policy, it argues that a new form of government appears, which is grounded on the trust that actors still have towards the State and their blindness on the difficulty that this one now encounters to gather enough consistent and accurate funding or to have a real action on Territories. Can we then talk about this as “steering” while central administrative actors are condemned to strategies based on cobbled processes and on objectives which are actually retrospectively reconstructed?
- Le gouvernement à crédit. Tâtonnements des gouvernants, aveuglement des gouvernés ? - Cécile Crespy, Vincent Simoulin p. 465-492
Analyses bibliographiques générales
- Une biographie intellectuelle de Max Weber ? À propos de : - Hinnerk Bruhns
- Analyses bibliographiques générales - Hinnerk Bruhns