Contenu du sommaire : Hybridations anthropotechniques

Il est question ici de s'intéresser à la dissémination de la technique dans notre monde existentiel, dont on peut rendre compte au travers d'une réflexion autour de la destinée cybernétique du monde. Cybernétique qu'il faut comprendre comme une révolution épistémologique et un changement de paradigme influençant à la fois la science et le vécu. Cette destinée s'incarne aujourd'hui dans le système d'information et de l'espace numérique qui modifient fortement notre être-au-monde.

La façon dont les Hommes conçoivent leur relation avec leur environnement n'a pas été constante dans le temps. Cette relation dépend en grande partie de notre conception de l'espace et du temps. En effet, la manière dont l'on se représente l'espace et le temps conditionne nos modes de penser le réel. Cela détermine nos façons d'appréhender la nature, nos usages de la nature et nos façons de vivre en société. Nos capacités à concevoir l'usage « légitime » de la technique et notre volonté de produire de la technique ne sont pas une propriété anthropologique constante. L'analyse de nos représentations du temps et de l'espace, dont ce texte n'est qu'une ébauche, est fondamentale pour établir une anthropologie de la technique et de l'environnement, basée sur la connaissance des relations entre nos sociétés, les techniques et la nature. Nous ne prétendons pas ici établir les mécanismes précis qui relient les conceptions de la nature aux conceptions des techniques, mais plutôt montrer la non-indépendance entre les deux et proposer une classification des perceptions du réel ainsi que des affinités vis-à-vis du développement technique.

Cet article prend pour objet les relations entre technologie et humanité dans l'œuvre du philosophe Peter Sloterdijk. Pour ce faire, une place de choix est accordée au renversement qu'opère Sloterdijk à propos de la question de l'humanisme dans l'œuvre de Martin Heidegger. L'article se concentre sur des points de divergences qui sont à même de souligner l'originalité de la pensée de Sloterdijk ainsi que sa contribution à de plus larges discussions relatives aux transmutations opérées par la technologie. Une attention particulière sera accordée au concept d'« anthropotechnique(s) », compris comme une série de processus, de techniques par lesquels les humains tissent l'espace de leur existence.

À partir de quelques philosophes du post-humanisme, cet article focalise sur les difficultés proprement anthropo-éthiques d'instauration d'une société post-humaniste à partir de la critique de la « mécanisation de l'humain » qui a marqué la démesure de l'homme dès le début des temps modernes. Le contexte de justification et de signification de cette nouvelle perspective biotechnologique, bio-catastrophique et scientifico-technique, si controversée, conduit à évaluer anthropo-philosophiquement l'émergence de « l'homme augmenté ». Celui qu'il convient d'appeler maintenant « le post-humain ». Ce post-humain est celui du contemporain décrit et analysé au cœur de la philosophie et de l'anthropologie de la technoscience. L'enjeu anthropo-philosophique de la démarche évaluative critique sur les « carences éthiques » consiste donc à se demander si la futurologie envisagée sans humanité et sans « humanitude » ne détruit pas les sociabilités anciennes et nouvelles. De cette question directrice procède la mise au jour des imperfections et des carences des systèmes techno-logiques qui déshumanisent la société.

Depuis 2002 et un rapport de la National Science Foundation étatsunienne, les technologies convergentes (nanotechnologies, biotechnologies, technologies de l'information, sciences cognitives) ont connu un développement colossal. De nombreux États se sont ainsi dotés de programmes ambitieux visant à approfondir les recherches et à stimuler l'innovation dans les domaines technoscientifiques (en Europe, en Asie, etc.). Face à l'avancée des technosciences a émergé une philosophie promouvant le développement des technologies convergentes pour l'amélioration du corps humain et la manipulation de son environnement : le transhumanisme. C'est aujourd'hui un courant de plus en plus connu, bénéficiant en outre de représentants prestigieux et influents (William Bainbridge, Ray Kurzweil, Aubrey de Grey par exemple). Le présent article vise à sonder l'imaginaire transhumaniste à partir du roman Adrian humain 2.0 de Laurent Alexandre et David Angevin. Nous consacrons notre propos aux implications politiques, sociales et éthiques d'un imaginaire devenu projet de civilisation par l'une des plus grandes firmes du monde : Google.

Porter sur soi des quantificateurs de l'activité (quantified self) de son corps vivant n'est pas seulement une nouvelle forme de biopolitique par la gestion de ses données par la marche des corps, mais la découverte des limites du biofeedback par la démesure de l'activité de son vivant. Connaître ses rythmes, motricités, dépenses énergétiques, taux sanguins entretient l'illusion du bio-contrôle sur soi alors qu'elle instaure une nouvelle connaissance de son vivant par la conscience de son corps vécu. Plus que la médecine prédictive d'un agrandissement du corps, cette médecine réflexive oblige le sujet à penser son auto-santé en délimitant son hybridation in vivo, ce qui dépend de lui de ce qui lui échappe. Cette médecine réflexive, que nous avons appelée l'auto-santé, entretient l'illusion d'une correspondance et d'une exactitude de mesure entre ce que produit le vivant en nous et ce dont notre vécu en aurait conscience. Pour contourner cet écart, la quantification de soi par la wearable technologie instaure un bio-contrôle fictif. De ce fait la transmutation biologique s'effectue en nous sans que nous puissions intégralement en disposer à volonté, nous confrontant à l'involontaire, à l'accident ou au déroulement de la logique interne du vivant.

Intelligence-Artificielle. Voilà deux notions qu'on pourrait penser antagonistes, aussi complexes à saisir l'une que l'autre au sens morinien du terme. Une fois réunies elles représentent une discipline à part entière soulevant des problématiques fondamentales. Comment se peut-il qu'une forme d'intelligence ne soit qu'un simulacre ? L'intelligence artificielle peut-elle et doit-elle imiter l'intelligence humaine ? Peut-on parler d'intelligence au singulier quand on pense aux multiples formes d'intelligence ? Toutes ces problématiques se posent dans la construction d'IA (intelligence artificielle) et méritent de la part de la communauté scientifique une plus grande reconnaissance de l'apport possible des sciences humaines. La fusion de champs intellectuels entre sciences sociales et sciences formelles doit permettre d'appréhender l'humain à travers ses structures mentales, de prendre en compte sa capacité de représentation et permettre de dépasser la « Data ». Dans cet article, nous présenterons une réflexion sur l'intégration de la sociologie de l'imaginaire dans des systèmes d'agents autonomes et en discuterons les impacts possibles. Nous présenterons au cours de ce développement différentes techniques d'IA qu'il pourrait être possible d'intégrer en partant de paradigmes sociologiques.

Face à la co-fusion entre physique et numérique, engendrée par l'ubiquitous computing, la métaphysique matérialiste semble s'écrouler laissant place à une nouvelle ontologisation du monde. Bien que l'être humain ne soit jamais paru aussi proche du cyborg, c'est la notion d'« inforg » qui rend le mieux compte d'un processus d'hybridation plus subtile, à savoir celle du Logos avec la Technè.

Face au développement de la technologie dans notre société, une série de mouvements que l'on nomme « anti-tech » proposent une critique radicale de l'usage de la technologie. Théorisé par John Zerzan, le courant anarcho-primitiviste en fait partie. Regroupant plusieurs milliers de militants aux États-Unis, il a pour perspective l'abolition de l'État et la destruction de la technologie, prônant un retour au niveau technologique précédant la révolution néolithique. L'article est une analyse des discours et de l'imaginaire de ce courant, et de sa déclinaison française, le groupe « Pièces et main-d'œuvre ».

Cet article vise à présenter et discuter la notion de technosophie ainsi qu'à identifier les conceptions des membres des « Mobilisations de juin 2013 » au Brésil sur les potentialités de Facebook et les réseaux numériques comme espaces de débat politique. Ainsi, nous cherchons à trouver des interfaces possibles permettant de comprendre les significations des réseaux sociaux dans la société actuelle et d'envisager les moyens de renforcer la participation et la performance des mouvements sociaux. Il s'agit d'un extrait de l'enquête qualitative de recherche doctorale dont les données sont issues d'entretiens réalisés auprès des membres des « Mobilisations de juin 2013 » au Brésil.

Dans cet article, nous explorons deux aspects interconnectés de la pensée de Walter Benjamin qui ont reçu une attention limitée : la figure du peintre chinois comme un exemple d'art traditionnel et la réflexion de Benjamin sur les tableaux chinois que l'on retrouve dans une chronique artistique à propos d'une exposition tenue à Paris en 1937. Lire de façon combinée ces réflexions sur les artistes chinois et l'art offre un point de vue particulier et intéressant sur des concepts familiers de la théorie benjaminienne comme l'image de pensée (Denkbild) et l'image dialectique. En effet, nous soutenons que la notion de ink-play peut contribuer à notre compréhension du concept de modernité.

Cet article propose une réflexion autour de l'expérience artistique comme chemin de recherche, une manière d'amplifier les processus de découverte et de s'approcher d'une connaissance sensible. La pensée artistique par l'expérience erratique se comprend alors comme une déprojectualisation des processus de création et de recherche, pour trouver de nouveau la correspondance avec l'environnement et les personnes. Ce sont des actions quotidiennes hors de toutes prévisions qui nous permettent d'être-ensemble durant des expériences créatives. La recherche sensible et artistique est ainsi liée à l'erratique, au nomade, au jeu relationnel et à la dépendance créatrice. Ces processus créateurs révèlent le passage du projet au trajet qui fait surgir la pensée artistique et nous introduisent dans un autre mode d'être, de sentir, de partager et de vivre le monde.