Contenu du sommaire : Les voies de la sainteté dans l'islam et le christianisme.
Revue | Revue de l'histoire des religions |
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Numéro | tome 215, n°1, 1998 |
Titre du numéro | Les voies de la sainteté dans l'islam et le christianisme. |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Les voies de la sainteté dans l'islam et le christianisme : Présentation - Gilles Veinstein p. 5-16
- La mort du saint en islam - Éric Geoffroy p. 17-34 Pour le saint musulman, la mort physiologique ne représente qu'un « transfert » d'une demeure à une autre. La mort initiatique, c'est-à-dire l'extinction de l'ego humain en Dieu, revêt à ses yeux une autre importance. Toutefois, la mort physiologique présente l'avantage de mettre un terme à l'illusion de ce monde ; elle permet surtout l'union tant attendue avec Dieu, et est donc vécue comme une fête nuptiale. Pour beaucoup cependant, elle constitue une épreuve à laquelle il faut se préparer sa vie durant. Suivant en cela les préceptes de l'islam, ces saints s'efforcent de rester lucides et d'appliquer la Loi jusqu'au dernier souffle. Très souvent, le saint agonisant est déjà immergé dans le monde spirituel, et il perçoit alors ceux qui l'entourent comme des intrus.The death of the saint in Islam For the Muslim saint physical death is nothing more than a « change » of abode. Initiatory death, that is the extinction of the human self in God is of far greater significance. However, the advantage of physical death is that it brings the illusion of this world to an end and enables the longed for union with God which is experienced as a nuptial feast. For many saints, however, it an ordeal which requires a lifelong preparation. Following the precepts of Islam, the saint strives to remain lucid and apply the Law until his last breath. Very often, the dying saint is already immersed in the spiritual world and therefore perceives the people around him as intruders.
- Les quatre morts du soufi - Michel Chodkiewicz p. 35-57 Le logion johannique (Jn 3, 3) sur les « deux naissances » est abondamment cité par les mystiques musulmans. Mais, pour renaître, il faut d'abord, comme l'énonce un "hadîth", « mourir avant de mourir ». Les quatre formes traditionnelles (blanche, noire, rouge et verte) de cette mort initiatique représentent les pratiques qui visent à éteindre les convoitises spirituelles comme les concupiscences charnelles. La retraite cellulaire ("khalwa"), dont les règles et les périls sont examinés ici, y joue un rôle fondamental. Mais elle ne trouve son accomplissement que dans la "jalwa", le retour vers les créatures.The four deaths of the Sufi The Johannine logion (Jn 3, 3) on the « two births » is quoted abundantly by Muslim mystics. However, to be reborn, one must first of all « die before death », as the hadith states. The four traditional forms (white, black, red and green) of this initiatory death are practices aiming to extinguish both spiritual desires and carnal appetites. Retreat in a cell ("khalwa"), whose rules and dangers are examined here, plays a major role. But it is only through "jalwa", the return to the world of men, that its purpose can be fulfilled.
- De l'usage sanctifiant des biens en islam - Denis Gril p. 59-89 On devient saint par le perfectionnement intérieur comme par la reconnaissance des hommes et entre les deux les biens jouent leur rôle. Le Coran comme le Prophète enseignent la pauvreté ontologique de l'homme tout en l'invitant à dépenser dans la voie de Dieu. Les premiers spirituels de l'islam pratiquent ascèse rigoureuse et renoncement au monde. L'évolution du soufisme, sans contredire sur le plan intérieur cette tendance, nous montre des maîtres privilégiant la contemplation de la générosité divine, faisant de l'aumône ou au contraire de la mendicité une voie de réalisation spirituelle. Une certaine organisation de la pauvreté se met donc en place, tandis que certains cheikhs manifestent vis-à-vis des gouvernants pouvoir et richesse. A l'époque contemporaine la réussite économique ne s'oppose pas apparemment à un certain idéal de sainteté. Cette évolution peut être mise en rapport avec le développement de la doctrine de la sainteté : chez le saint, khalîfa ou représentant de Dieu sur la terre, la maîtrise des biens ne contredit nullement la pauvreté du serviteur de Dieu.Goods and Sainthood in Islam To become a saint one needs inner perfection as well as the recognition of society. The Koran and the Prophet teach the ontological poverty of man and at the same time call on him to spend his weath in the way of God. The first Sufis were wellknown for their strict ascetism and renunciation of the world. The evolution of Sufism does not reject this tendency from an inner point of view, but shows masters contemplating the divine generosity and considering almsgiving or, on the contrary, beggins as a way of attaining spiritual fulfilment. So we can finds a kind of organisation of poverty, whereas some shaykhs show power and wealth towards rulers. In modern times economic success is apparently not incompatible with the idea of sainthood. This evolution can be correlated with the development of the doctrine of sainthood : for the saint, the "khalifa" of God's representative on earth, mastering goods does in no way contradict the povery of the servant of God.
- De l'extase à l'autel [Sainteté, mystique et mort dans l'Italie baroque] - Christian Renoux p. 91-115 Dans le catholicisme moderne, la sainteté est l'objet de multiples procès de canonisation cherchant à vérifier la "fama sanctitatis in vita" et "post mortem". Dans ces procès, en particulier dans ceux ouverts pour les femmes italiennes, l'examen des expériences mystiques prend place après celui des vertus, en accord avec la théologie des charismes. Néanmoins, au XVIIe siècle, la sainteté féminine est dominée par la figure de la mystique.From ecstasy to the altar. Sainthood, mysticism and death in baroque Italy In modern Catholism, sainthood is the object of numerous canonization trials seeking to verify the "fama sanctitatis in vita" and "post mortem". In these trials, in particular those concerning Italian women, the examination of mystic experiences follows that of virtues in accordance with the theology of charismata. Nevertheless, in the XVIIe century, the predominant figure of female sainthood was the mystic.
- Sainteté et chemins de la perfection chez les chrétiens du Proche-Orient (XVIIe-XVIIIe siècles) - Bernard Heyberger p. 117-137 Cet article se veut une introduction à l'histoire et à l'anthropologie de la sainteté chez les chrétiens d'Orient, qui restent encore à écrire. L'hagiographie connut une certaine vogue aux XVIIe et XVIIIe siècles, s 'inspirant des traditions locales, ainsi que des modèles grecs et latins. Elle appartient à la production symbolique dont le contrôle était essentiel pour les institutions des différentes communautés chrétiennes en concurrence. Les lieux de vénération des saints, liés au monachisme, étaient plutôt ruraux, à l'écart des grands centres musulmans. Ils présentaient les caractéristiques sacrales traditionnelles, reconnaissables aussi bien par les chrétiens que par les musulmans. Le martyre et l'ascétisme étaient restés, depuis l'Antiquité, les deux principales formes de sainteté révérées en Orient. Cependant, l'influence occidentale, notamment la diffusion massive d'images et l'introduction de nouvelles formes de dévotion, permit l'émergence d'une « sainteté vivante » féminine, sur le modèle des grandes mystiques que l'Occident a connues, du XIVe au XVIIe siècle.Sainthood and paths of perfection among Middle-Eastern Christians (17th-18th centuries) This might be considered as an introduction to the history and anthropology of sainthood among Eastern Christians, which still remain to be written. Hagiography was a rather popular genre during the 17 th and 18th centuries, which drew its inspiration from local traditions as well as Greek and Latin models. It was a part of the symbolic production, which the authorities of the different competing Churches sought to control. Shrines where saints were worshipped tended to be in the countryside, far away from the great Islamic centres. Their features of their sainthood were traditional and easily recognized by Christians and Muslims alike. Since Antiquity, martyrdom and ascetism had always been the two main forms of sainthood revered in the East. However, under Western influence, especially through widespread use of images and the introduction of new patterns of devotion, « living female sainthood » emerged, on the model of the great female mystics revered in the West, between the 14th and the 17th centuries.
- Saints coptes et saints musulmans de l'Egypte du XXe siècle - Catherine Mayeur-Jaouen p. 139-186 Dans l'Egypte du XXe siècle apparaissent de nouveaux saints coptes et musulmans. Les deux communautés utilisent des termes spécifiques, mais des pratiques semblables dans le culte des saints. Aux saints musulmans, l'imprégnation soufie ; aux saints coptes, les reliques et les images. "Majâdhîb" musulmans répondent aux "idiots" coptes ; renonçants et reclus musulmans évoquent le modèle monachique omniprésent des coptes. Malgré les similitudes (miracles), les raisons du succès diffèrent : chez les coptes, il s'agit de la reconquête d'un territoire à l'heure de la Réforme ; chez les musulmans, c'est l'adaptation au monde moderne qui est en jeu.Coptic and Muslim saints in Egypt in the twentieth century New Coptic and Muslim saints have appeared in Egypt in the 20th century. Tough both communities use specific terms for the veneration of its saints, their practices are similar. For Muslim saints, it is the Sufi impregnation ; for Coptic saints, relics and religious images. The Muslim "Majâdhîb" matches the Coptic « idiots ». Despite some similarities (miracles), the reasons for their success differ : among the Copts, it is a question of reconquering a territory at the time of Reform ; for the Muslims, what is at stake is adapting to the modern world.