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Revue Travaux de linguistique Mir@bel
Numéro no 53, 2006
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • I. Travaux

    • Sur l'imparfait contrefactuel - Anne-Marie Berthonneau, Georges Kleiber p. 7-65 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Prenant appui sur une revue critique des travaux antérieurs, l'article montre que l'imparfait contrefactuel – classiquement illustré depuis Guillaume par Un instant après, le train déraillait –, n'est pas une simple variante de l'imparfait de rupture – Six mois plus tard, il se mariait – déjà réanalysé dans Berthonneau & Kleiber (1999, 2000, 2003).Pour l'imparfait de rupture, le complément frontal est uniquement temporel, et indique une postériorité. Avec l'imparfait contrefactuel, il peut marquer l'antériorité (Tu arrives au bon moment. Un peu plus tôt, ce n'était pas prêt), et il n'est pas uniquement temporel. Au cas classique de Sans vous, je m'ennuyais, il faut ajouter celui, moins balisé, des modifications quantitatives (Deux kilos de moins, je rentrais dans ma robe, Moins cher, c'était du fil de fer, etc.).La lecture contrefactuelle de l'imparfait repose crucialement sur sa combinatoire avec le complément frontal – ce qui le différencie du conditionnel passé, par lequel on le glose ordinairement. Trois sous-types sont analysés. Le premier, Une minute plus tard,… met en jeu une variation de durée entre la situation factuelle et la situation contrefactuelle. Le second, Une minute après,… ne prend plus comme point de repère la situation factuelle, mais l'événement auquel renvoie après. Entre les deux, le type Sans vous, je m'ennuyais, ou Deux kilos de moins, je rentrais dans ma robe, pour lequel il n'y a plus d'effet « d'imminence contrecarrée », fait fonds, comme le premier, sur une variation homogène de la quantité, à ceci près que cette quantité n'est plus temporelle.Dans tous les cas, le complément frontal met en saillance une situation antérieure. L'imparfait contrefactuel s'inscrit donc sans difficulté dans le cadre de l'hypothèse anaphorique méronomique, mise en place dans Berthonneau & Kleiber (1993), même si l'analyse détaillée des différents types d'emplois est, dans un premier temps, conduite indépendamment de cette hypothèse.
      Abstract
      On the basis of a critical review of previous research, this article shows that the counterfactual use of the “imparfait” — the classical example since Guillaume is Un instant après, le train déraillait “An instant later, the train would have derailed” — is not simply a variant of the so called “imparfait de rupture” (i.e. cases where the “imparfait” is in competition with the “passé simple”, e.g. Six mois plus tard, il se mariait, “Six months later, he married”) previously analyzed in Berthonneau & Kleiber (1999, 2000, 2003).In the case of the “imparfait de rupture”, the fronted adjunct can only be temporal, and must indicate posteriority. In the case of the counterfactual “imparfait”, it can point to an earlier moment (Tu arrives au bon moment. Un peu plus tôt, ce n'était pas prêt “You're just on time. A little earlier, it wouldn't have been ready”), and is not necessarily temporel. Beyond the classical case of Sans vous, je m'ennuyais “Without you, I would have been bored”, there are also less well known cases of changes in quantity (Deux kilos de moins, je rentrais dans ma robe “[Had I weighed] two kilos less, I would have been able to fit in my dress”, Moins cher, c'était du fil de fer “[Had it been] less expensive, it would have had to be wire”, etc.).The counterfactual reading of the “imparfait” is crucially dependent on the interaction between the “imparfait” and the fronted adjunct (this differenciates it from the “conditionnel passé” which is usually used to gloss it). Three sub-cases are analyzed. The first, Une minute plus tard, … “One minute later, …”, involves a change in duration between the factual situation and the counterfactual situation. The second, Une minute après, … “One minute later, …”, no longer takes as its reference point the factual situation, but the event referred to by après. Between these two cases, there is the type Sans vous, je m'ennuyais, or Deux kilos de moins, je rentrais dans ma robe, where there is no longer the idea of a failure of occurrence of something imminent. As in the first sub-case, this reading is based on a homogeneous variation in quantity, except that the quantity involved is no longer temporal.In all cases, the fronted adjunct makes an anterior situation salient. The counterfactual imperfect thus perfectly fits the anaphoric meronymic analysis of the “imparfait” proposed in Berthonneau & Kleiber (1993), though the detailed analysis of the different uses is initially carried out independently of the latter hypothesis.
    • Pour une analyse unitaire de l'attribut du sujet et de l'attribut de l'objet - Anne Buchard p. 67-89 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le but de cet article est de proposer une analyse unitaire de la fonction « attribut » dans le cadre de l'hypothèse inaccusative. En effet, si l'on considère que l'attribut est toujours attribut de l'argument interne direct d'un prédicat, on peut expliquer qu'il se rapporte soit à l'objet direct d'un verbe transitif, soit au sujet des prédicats inaccusatifs, qu'il s'agisse des verbes intrinsèquement inaccusatifs, des structures copulatives ou des constructions passives et pronominales. L'analyse proposée permet, en outre, d'expliquer pourquoi un adjectif attribut ne peut se rapporter au sujet d'un verbe inergatif ou d'un verbe transitif dans la mesure où celui-ci doit être analysé comme un argument externe. L'étude établit, enfin, les différences entre les structures attributives françaises et les constructions résultatives anglaises en tant que diagnostic d'inaccusativité.
      Abstract
      The aim of this paper is to put forward a unitary analysis of French predicate adjectives in the framework of the unaccusative hypothesis. If it is assumed that a predicate adjective is always syntactically connected to the direct internal argument of a verb, it is possible to explain why French predicate adjectives modify either the direct object of a transitive verb or the subject of unaccusative predicates such as intrinsically unaccusative verbs, copulative structures, passives or pronominals. This hypothesis predicts moreover that adjectives cannot be predicated of subjects of unergative intransitive verbs or subjects of transitive verbs because these subjects have to be analysed as external arguments of verbs. Finally, a comparison is made between French predicate adjectives and English resultative constructions that have been claimed to be sensitive to the unaccusative / unergative distinction.
    • Pareil anaphorique : une reprise à forte charge appréciative - Céline Corteel p. 91-116 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Ce travail porte sur le fonctionnement anaphorique de pareil adnominal dans des phrases du type : Je ne m'attendais pas à un scandale pareil. Le but est de préciser la nature de l'identité assertée par l'adjectif. Les faits étudiés montrent que l'anaphore réalisée par pareil n'est jamais coréférentielle et qu'elle renvoie à un type construit discursivement à partir du référent de l'antécédent. Il en ressort aussi que pareil comporte une forte charge appréciative, ce renvoi intensionnel impliquant toujours le point de vue du sujet pensant face à un référent doté à ses yeux de caractéristiques remarquables. En ce qui concerne l'impact sémantique du placement de l'adjectif dans le SN, l'analyse proposée montre que un pareil N focalise la catégorisation de l'antécédent – d'où une mise en relief du contenu prédicatif du N et la possibilité d'omettre l'article devant pareil antéposé, tandis que un N pareil focalise avant tout les caractéristiques particulières attachées au référent de l'antécédent.
      Abstract
      This paper deals with the type of anaphoric process associated with the adnominal adjective pareil in sentences such as Je ne m'attendais pas à un scandale pareil. It aims at specifying the kind of identity relationship expressed by this adjective. The data suggest that pareil does not entail a strict identity with the antecedent but rather involves a reference to the type associated with the antecedent. The adjective pareil also turns out to involve appraisal, as it indicates that the subject considers the referent as outstanding. It is also concluded that the prenominal vs. postnominal position of the adjective has a clear semantic impact. When the adjective is used prenominally (un pareil N), there is a focus on the categorization of the antecedent, hence the predicative content of the N is highlighted, and the article can be omitted. When the adjective is used postnominally (un N pareil) however, the focus is on the particular characteristics of the antecedent.
    • Rien moins que, rien de moins que : un problème de grammaire revisité - Marie-Ève Damar p. 117-133 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La grammaire normative définit les usages des tournures rien moins que et rien de moins que. La première a le sens négatif : Pierre n'est rien moins qu'intelligent signifie qu'il n'est pas intelligent et la seconde est positive : Pierre n'est rien de moins qu'intelligent signifie qu'il est intelligent. Or, dans la pratique, cette distinction est loin d'être aussi claire : rien moins que prend souvent un sens positif. Les locuteurs se trompent-ils ? Adopter une vision normative empêche de questionner les règles. Une analyse linguistique permettrait de comprendre et d'expliquer ces écarts. Sur base d'un corpus, nous avons décrit les usages de ces tournures et fourni une explication cohérente conforme à la réalité linguistique.
      Abstract
      Normative grammar defines the uses of the French expressions rien moins que and rien de moins que. The first has a negative meaning: Pierre n'est rien moins qu'intelligent means that he is not intelligent at all ; while the second has a positive meaning: Pierre n'est rien de moins qu'intelligent means that he is extremely intelligent. However, in practice, this distinction is far from being clear: rien moins que often has a positive orientation. Are the speakers mistaken? The problem with a normative standpoint is that it prevents one from questioning the rules. A linguistic analysis would permit understanding and explaining these variations. That is why we carried out a corpus study of these expressions, on the basis of which we provide a coherent description in conformity with linguistic reality and an explanation of their uses.
    • Les adjectifs de groupe - Danièle Van de Velde p. 135-154 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les adjectifs dits de groupe accompagnant un nom dérivé de verbe se voient souvent attribuer un rôle thématique qui les promeut au statut d'arguments de ce nom, et en fait de véritables équivalents de groupes nominaux. Le premier objectif de l'article est de montrer que cela n'est pas le cas. On peut en effet établir que ces adjectifs ne se rencontrent que dans un type de nominaux dont le nom tête, tout en étant dérivé d'un verbe, n'a plus de structure argumentale, donc plus d'arguments. Ils sont au contraire exclus d'un autre type de nominaux dont le nom tête a conservé des propriétés verbales, et en particulier une structure argumentale : dans ces nominaux, le nom n'accepte comme compléments que des groupes nominaux et refuse les adjectifs de groupe. Le second objectif est d'essayer de comprendre pourquoi, parmi tous les autres adjectifs dénominaux, les adjectifs de groupe passent si facilement pour des substituts de groupes nominaux. L'explication semble résider dans le fait qu'ils sont, pour des raisons qu'on essaie d'éclairer, dotés d'une force référentielle « maximale » pour des adjectifs.
      Abstract
      Group adjectives are often considered, at least when accompanying deverbal nouns, as true substitutes for noun phrases, which means that they can bear a thêta role, as noun phrases do. The first aim of the article is to argue that that is not the case. The main argument is that these adjectives occur exclusively in one type of nominals, namely those of which the head noun, notwithstanding the fact that it is a deverbal noun, has no argumental structure anymore. In the other type, where the head noun retains the argumental structure of the verb, group adjectives are excluded. The second aim is to understand why it is that group adjectives, preferably to other denominal adjectives, are so often regarded as equal to noun phrases in semantic value as well as in syntactic function. The answer could be that they are particular in having almost (but not exactly) the same referential strength as that of noun phrases.
  • II. En marge de…