Contenu du sommaire : I. Travaux
Revue | Travaux de linguistique |
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Numéro | no 66, 2013 |
Titre du numéro | I. Travaux |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Acquisition de la complexité en français langue maternelle et étrangère - Claire Martinot p. 7-14
- L'acquisition de la causalité est-elle comparable chez tous les enfants ? - Claire Martinot p. 15-52 Les relations causales (cause et conséquence) sont considérées comme un phénomène linguistique complexe du fait de la très grande diversité des moyens d'expression qui leur sont dévolus. Elles sont, normalement, acquises au cours de la longue période des acquisitions tardives (4-12 ans). Cet article a pour objectif de montrer qu'au même âge, les enfants (28 enfants de 6 ans et 22 enfants de 10 ans) maîtrisent de façon extrêmement contrastée les relations causales selon qu'ils sont ou non stimulés linguistiquement dans leur milieu familial, et par conséquent « favorisés » (F) ou « défavorisés » (D) linguistiquement.Chaque enfant doit effectuer la même tâche, individuellement : raconter à l'expérimentateur l'histoire qui vient de lui être lue. Cette histoire renferme dix relations causales non marquées par un connecteur, ce qui rend leur repérage plus difficile. L'analyse des reformulations de ces relations causales montre que : 1. les enfants de 10 ans (F) reformulent plus souvent les relations causales, et avec des moyens linguistiques plus complexes, que les enfants de 6 ans (F) et (D) ; 2. Les enfants (D) de 6 et 10 ans reformulent en moyenne beaucoup moins ces relations causales que leurs pairs (F) de même âge ; 3. Chez les enfants (D), il n'y a pas de corrélation entre le nombre d'enfants qui reformulent une relation causale et le nombre d'enfants qui reformulent la ou les séquences narratives dans lesquelles se trouvent ces relations : certaines séquences narratives sont en effet reformulées par tous les enfants (D) sans qu'aucune relation causale, contenue pourtant dans les séquences en question, ne soit reformulée. 4. Le processus acquisitionnel est très net entre les enfants de 6 ans (F) et de 10 ans (F) ; il n'est pas visible entre les enfants de 6 ans (D) et de 10 ans (D).Causal relations (cause and consequence) are considered a complex linguistic phenomenon because of the very large variety of means to express them. Normally, they are acquired during the period of the «late acquisitions» (age from 4 to 12). The purpose of this article is to show that for the same age children (28 six year old and 22 ten year old children) master the causal relations in a very different way according to whether they are linguistically stimulated or not in their family environment and therefore either linguistically favoured (F) or non-favoured, i. e D(éfavorisés).Each child must execute the same task individually, namely to tell the experimenter the story that s/he has just been told. This story contains ten causal relations which are not marked by any connector, which makes their identification more difficult. The analysis of the reformulation of these causal relations shows that : 1. favoured ten-year-old children reformulate causal relations more often and using more complex linguistic means than favoured and non-favoured six-year-old children (F and NF/D) ; 2. non-favoured six and ten year old children, on the average, reformulate causal relations much less often than their favoured peers of the same age ; 3. for non-favoured children, there is no correlation between the number of children reformulating a causal relation and the number of children reformulating the narrative sequences containing these types of relations, since some narrative sequences are reformulated by all non-favoured children without paying any attention to the causal relations that they contain ; 4. the acquisitional process differentiating favoured six-year-old children from ten year olds is very clear ; conversely it is not visible at all for non-favoured six years old with respect to non-favoured ten year olds.
- Tâches et énoncés complexes chez l'enfant : Jugements sémantiques et flexibilité dans le développement typique et le syndrome d'Asperger - Karine Duvignau, Camille Bregeon, Céline Garrigou, Thierry Maffre, Jean Philippe Raynaud p. 53-72 Dans le domaine de l'acquisition du langage, les données concernant la production ou le traitement des énoncés non conventionnels se rapportant à des actions sont peu nombreuses. Dans le domaine ciblé du syndrome d'Asperger, d'une part, les études rapportent les difficultés des enfants à saisir ce type d'énoncés et, d'autre part, peu d'observations sont disponibles sur leurs capacités à traiter des tâches métalinguistiques réputées complexes du fait de la distance réflexive qu'elles impliquent sur les phénomènes langagiers (Authier-Revuz, 1995). Dans ce contexte, notre étude propose une description qualitative des performances d'un petit groupe d'enfants avec syndrome d'Asperger et d'un petit groupe d'enfants au développement typique, qui sont placés en situation de jugements sémantiques à partir de trois types d'énoncés : conventionnel, approximatif ou incongru.In the field of language acquisition, there is very little data available that focuses on the production and processing of unconventional, action-related utterances. In the case of Asperger syndrome, studies have shown that individuals may demonstrate difficulties in comprehending these types of statements. Additionally, there is a lack of data describing children with Asperger's capacities for processing metalinguistic tasks that may be classified as complex, due to the reflexive distance that these tasks require with respect to linguistic phenomena. The purpose of the present study is to give a qualitative description of a small group of children with Asperger syndrome in a semantic judgment task, compared to a groupof children in normal development. The task concentrates on three types of utterances : conventional, approximate, and incongruent.
- Comparaison de phénomènes complexes en italien et en français chez des adolescents bilingues et monolingues : focus sur le texte narratif - Patrizia Giuliano p. 73-96 L'étude traite de la gestion de phénomènes syntaxiques et textuels complexes par des sujets bilingues (italien/français) lors de la production d'une tâche narrative orale. Le bilinguisme de nos informateurs est précoce car l'intervention de la deuxième langue, le français, remonte à l'âge de trois ans à peu près. Nos informateurs sont divisés en trois groupes : un groupe de 10 sujets bilingues interviewés auprès de l'École Française de Naples, et deux groupes monolingues de contrôle, c'est-à-dire de référence pour l'évaluation des productions linguistiques des bilingues, l'un formé par 10 sujets francophones, l'autre par 10 sujets italophones, interviewés, respectivement, en France (Avignon) et en Italie (Naples). La tâche proposée correspond à la narration à partir d'un court-métrage tiré du film Les Temps Modernes de Charlie Chaplin, que tous nos sujets ont rapporté, individuellement, à un interlocuteur qui n'avait pas vu l'extrait. Notre analyse vise à éclaircir la manière dont les trois groupes d'informateurs gèrent : (a) la complexité syntaxique, en tant qu'expression de la manière d'organiser et de hiérarchiser le contenu narratif ; (b) les relations causales, finales et chronologiques entre les événements, à savoir les facteurs qui structurent la complexité sémantique et textuelle d'une narration ; (c) la référence aux entités animées et inanimées, sans lesquelles une narration ne peut pas se produire. Les questions théoriques que nous avons soulevées sont les suivantes :Est-ce que les sujets bilingues ont recours, dans l'une aussi bien que dans l'autre langue, aux mêmes types de phénomènes complexes mobilisés par les sujets monolingues des deux langues en question ?La présence de difficultés ou de simplifications éventuelles est-elle liée au degré de complexité des phénomènes linguistiques en question ou à d'autres facteurs (cognitifs, interactionnels...) ?Les narrations en italien aussi bien qu'en français des sujets bilingues ont permis une comparaison avec les narrations des deux groupes de locuteurs natifs. Les productions de nos adolescents bilingues montrent quelques phénomènes de simplification mais pas de défaillances importantes dans aucune des langues qu'ils connaissent et emploient de façon quotidienne. Les différences identifiées dans leurs narrations, par rapport aux monolingues, se situent, en outre, au niveau de la langue et pas au niveau cognitif ou interactionnel.The paper investigates the way bilingual (Italian/French) teenagers manage complex syntactic and textual phenomena when executing an oral narrative task. Our informants' bilingualism is precocious since their second language, namely French, intervened at the age of about three. We studied three groups of subjects : a group of ten bilingual subjects, interviewed at the French School in Naples (Italy), and two reference groups of monolingual adolescents, necessary for the evaluation of the bilinguals' narrations, one formed by ten French speakers, the other one by ten Italian speakers, interviewed in France (Avignon) and Italy (Naples), respectively. The narrative task proposed is a short film derived from the film Modern Times by Charlie Chaplin. This short film was told individually by our subjects to a listener who was not acquainted with the film before. Our analysis aims at clearing up the way by which our three groups manage : (a) the syntactic complexity, as the expression of the way of organizing the contents of a narration and to establish a hierarchy between them ; (b) the causal, final and chronological relationships between the events, namely the factors which build the semantic and textual complexity of a narrative text ; (c) the reference to animate and inanimate entities, without which a narration cannot exist. The theoretical questions raised are the following :Do our bilingual subjects use, in one language as well as in the other one, the same complex phenomena as monolinguals do ?Are the possible difficulties or simplifications due to the complex linguistic phenomena or to other factors (cognition, interaction...) ?The telling of the same story in Italian and in French by our bilingual subjects allowed to establish their distance or closeness to the narrations performed by the native speakers of the two languages in question. The narrations of our bilingual adolescents show some simplification phenomena but no serious failure in any of the languages that they daily use. Furthermore, the differences that we identified with respect to monolinguals are certainly to be placed on the level of language and not on that of cognition or interaction.
- Complexité et transfert dans l'acquisition du français langue étrangère : le cas des apprenants chypriotes du FLE - Monique Monville-Burston p. 97-134 Le but de cet article est de montrer l'intérêt que peut avoir le recours au concept de complexité dans l'étude de l'acquisition des langues étrangères. On examine d'abord certaines des perspectives dominantes récentes concernant la complexité en linguistique, sa définition et sa mesure. La complexité linguistique absolue (objective) et la complexité d'usage (relative) sont distinguées, la première étant une composante de la seconde dans l'appropriation des langues étrangères. Une fois ce cadre établi, suit une discussion de l'acquisition de deux domaines complexes du français, du point de vue d'apprenants chypriotes grecs : l'un est grammatical (la formation des relatives) et l'autre phonologique (l'opposition [+/- voisé] dans les occlusives). Une strate supplémentaire de complexité s'ajoute, du fait de la diglossie chypriote et donc de la dualité de la langue source (variété basse-dialecte chypriote et variété haute-grec standard soutenu). Les deux types de complexité, objective et relative, conspirent pour rendre l'acquisition difficile et pour provoquer des transferts et des restructurations – qui sont décrits et analysés.The purpose of this paper is to show why it can be of interest to have recourse to the concept of complexity in the study of foreign language acquisition. First some recent dominant perspectives on linguistic complexity, its definition and its measure, are examined. Absolute (objective) linguistic complexity and (relative) user complexity are distinguished, the first being a component of the other in second language acquisition. Once this framework is established, a discussion follows concerning the acquisition of two complex areas of French, from the point of view Cypriot Greek learners : one is grammatical (the formation of relative clauses) and the other phonological (the opposition [+ / -voiced] in plosives). Another layer of complexity is added due to the Cypriot diglossia and thus to the duality of the source language (low variety-Cypriot dialect and high variety-standard learned Greek). The two types of complexity, objective and relative, conspire to make acquisition difficult and cause transfers and restructurings – which are described and analysed.
- Apprenants italophones aux prises avec le système de la détermination, de la passivation, et de l'ordre des mots du français. Est-ce un problème de complexité ? - Sonia Gerolimich p. 135-162 Dans le domaine de l'acquisition des langues étrangères on tend parfois à mettre sur le même plan complexité et difficulté. Nous nous proposons d'examiner comment se recoupent ces deux notions à travers des productions d'apprenants italophones de français de niveau avancé. Pour ce faire, nous nous penchons plus spécifiquement sur les domaines de la détermination, du passif et de l'ordre des mots, qui peuvent être considérés comme complexes à des degrés différents dans les deux langues et qui s'avèrent être des sources de difficultés pour les apprenants italophones.Nous montrons au terme de cette étude que ce n'est pas la complexité inhérente d'une langue qui est en cause mais l'écart conceptuel d'une langue par rapport à une autre. Il ressort que la difficulté des apprenants est corrélée à une difficulté de traitement, ces derniers devant « déconstruire pour reconstruire », afin d'arriver à comprendre et à intégrer les schèmes conceptuels préférentiels de la langue cible.In the field of foreign language acquisition, scholars sometimes tend to put complexity and difficulty on the same level. I propose to investigate how these two concepts intersect by examining the written production of advanced Italian-speaking learners of French. To do this, I have focused more specifically on determiners, the passive voice and word order, all of which can be considered complex to various degrees in both languages and prove to be a source of difficulty for Italian-speaking learners.I show that the inherent complexity of a language is not the real problem but rather the conceptual gap between both languages. It appears that the learner's difficulty is correlated with a conceptual complexity since they must “deconstruct to rebuild”, in order to come to understand and integrate the preferential conceptual schemas of the target language.