Contenu du sommaire : Les nouvelles formes de mobilisations raciales aux États-Unis
Revue | Politique Américaine |
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Numéro | no 28, 2016/2 |
Titre du numéro | Les nouvelles formes de mobilisations raciales aux États-Unis |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Éditorial - Alexandra de Hoop Scheffer, François Vergniolle de Chantal p. 5-8
- Introduction : Minorités ethno-raciales et politisation aux États-Unis : questions anciennes, enjeux récents - Audrey Celestine, Nicolas Martin-Breteau p. 9-13
- « Un mouvement, pas un moment » : Black Lives Matter et la reconfiguration des luttes minoritaires à l'ère Obama - Audrey Celestine, Nicolas Martin-Breteau p. 15-39 Depuis quelques années, Black Lives Matter a émergé comme un mouvement social de grande ampleur cherchant à exposer et à renverser les différentes formes de violence sociale à l'égard des minorités raciales aux États-Unis. Black Lives Matter semble original à plusieurs titres. D'abord, ce mouvement encore en formation est dirigé par une nouvelle génération d'activistes dont beaucoup – comme les personnes LGBTQ – furent traditionnellement exclu.e.s des mobilisations politiques africaines-américaines. Ensuite, le mouvement n'est pas verticalement structuré mais incorpore diverses organisations dans un réseau horizontal permettant une dissémination de voix nouvelles. Enfin, le mouvement rejette un certain nombre de tactiques traditionnelles pour en explorer de nouvelles afin de rendre visible la crise raciale multiforme travaillant la société américaine aujourd'hui.In the last few years, Black Lives Matter has appeared as a widescale social movement aiming at both exposing and challenging the various forms of social violence that have plagued the fate of racial minorities in the United States. Still at its early stages, the movement is original on several counts. First, its leadership comprises a new generation of millennial activists with profiles that have traditionally been excluded from African-American movements – such as LGBTQ individuals. Also, the movement has purposely been structured through an horizontal network rather than a hierarchical governance, allowing new voices to have their say on the matter of racial inequalities. Finally, the movement has distanced itself from traditional tactics and has explored new forms of organizing in order to expose the ongoing and multifaceted racial crisis in the United States.
- Frontières du politique : la pratique pétitionnaire sur une réserve indienne (1880-1980) - Thomas Grillot p. 41-56 En examinant 120 pétitions signées au cours d'un siècle par les habitants indiens de la réserve sioux (dakota/lakota) de Standing Rock, on propose ici une interprétation sur la longue durée des modes de politisation d'une population colonisée. Le corpus, concentré dans la période antérieure à la Seconde Guerre mondiale, permet d'évaluer la mise en place, la remise en cause, et la reproduction d'un espace politique local structuré par la relation coloniale entre habitants de la réserve, colons et État américain. Entre 1880 et 1980, cet espace, marqué par la stigmatisation des mobilisations indiennes, puis par leur normalisation partielle et sélective, est le lieu d'apprentissages de compétences rédactionnelles, argumentatives et organisationnelles, qui modèlent la vie politique des groupes de la réserve. La pétition, ou plutôt l'acte pétitionnaire, est un révélateur de l'existence de cet espace politique, mais également un des agents de sa transformation. Envisagé, dans la lignée d'une histoire sociale de la mobilisation, comme un indicateur de politisation, l'acte pétitionnaire permet en outre d'approcher de la signification de l'activité politique pour ceux qui le pratiquent. La pétition, forme d'engagement peu exigeante, oscillant entre apolitisme et politisation, révèle ainsi le rapport ambivalent des habitants de la réserve à la politique.The examination of 120 petitions signed over a century on the Sioux reservation of Standing Rock invites an analysis of the specific politicization of colonized people. The corpus, the majority of which was signed prior to World War II, shows how a local political space was shaped by the interactions of Indians, non-Indians and the federal US government in this period. Between 1880 and 1980, as Indian political mobilization was alternately stigmatized and encouraged, writing and organizational skills developed that are both revealed and mobilized in petitions. As an index of politicization, petitions are particularly useful in bringing to light a “silent majority”'s ambivalent relationship to political activity, and the specific involvement of leaders, both men and women, in tribal affairs.
- Masque indien, identité noire : l'usage politique des rituels afro-indiens par la classe ouvrière afro-américaine de La Nouvelle-Orléans - Aurélie Godet p. 57-87 Cet article se propose d'étudier l'héritage du binarisme racial à La Nouvelle-Orléans au travers des parades festives des Mardi Gras Indians, rituel folklorique spécifique à la ville, même si on en trouve des échos dans l'aire caraïbe et sud-américaine. Prenant acte de la longue histoire du « playing Indian » (Philip Deloria) aux États-Unis, il envisage dans un premier temps les processions organisées par ces tribus fictives d'« Indiens noirs » comme une porte dérobée vers un ailleurs racial, comme l'« invention d'une tradition » (Eric Hobsbawm) et comme l'exercice du « droit à être un autre » (Mikhaïl Bakhtine). Ces mêmes défilés, ainsi que les six à neuf mois de préparatifs qui les précèdent, sont ensuite réinterprétés comme l'expression « infra-politique » (James C. Scott) d'une identité noire conquérante et autonome, qui se rit des règles instaurées par l'élite politique et économique blanche de La Nouvelle-Orléans dans le but de canaliser l'esprit festif et marginaliser les pratiques culturelles populaires afro-américaines. Enfin, cet article revient sur la trêve conclue en 2011 entre la municipalité blanche de La Nouvelle-Orléans et les Mardi Gras Indians afin d'en démêler les implications en termes de relations de pouvoir depuis le passage de l'ouragan Katrina.This article examines the legacy of New Orleans's history of racial binarism by studying the localized festive performances of the Mardi Gras Indians. Using Philip Deloria's classic account of the ways Indian traditions, images, and clothing have been appropriated by white American men in the United States since the colonial period, it initially considers the processions organized by these fictitious “black Indian” tribes as a secret door to a racial “counter-site” (Foucault), as the invention of a new identity and as the exercise of the “right to be other” (Bakhtin). Mardi Gras and St. Joseph's night parades, as well as the six to nine months of hard work that precede them, are later reinterpreted as the “infra-political” expression (James C. Scott) of a belligerent, self-reliant black identity that defies the rules imposed by the city elites so as to curb the festive spirit and marginalise black working-class cultural practices. Finally, this article enquires into the five-year-old cessation of hostilities between the NOPD and the Mardi Gras Indians and tries to understand its implications in terms of racial relations since Katrina.
- Race, ethnicité et concurrence interminorités : le cas des rivalités politiques entre Africains-Américains et Latinos dans la ville de Compton (Californie) - Yohann Le Moigne p. 89-111 La ville de Compton, une banlieue pauvre de Los Angeles, a connu d'importantes transformations démographiques au cours des dernières décennies. Entre 1980 et 2010, le pourcentage d'Africains-Américains dans la population de la ville a chuté de 75 % à 34 % tandis que celui des Latinos augmentait de 21 % à 65 %. Pourtant, alors que les Latinos constituent une proportion importante de la population locale depuis les années 1980, la classe politique africaine-américaine contrôle sans partage la politique locale depuis maintenant plus de quarante ans, ce qui constitue une source importante de tensions entre les deux groupes.Cet article vise à analyser les causes du développement de cette concurrence et les mécanismes ayant contribué au maintien d'une telle domination politique africaine-américaine en dépit de changements démographiques profonds.The city of Compton, a poor Los Angeles suburb, has experienced significant demographic transformations over the last decades. Between 1980 and 2010, the percentage of African-Americans in the city decreased from 75% to 34% of the population, while the share of Latinos rose from 21% to 65%. However, whereas Latinos have made up an important part of the local population since the 1980s, African-American leaders have controlled local politics for more than fourty years, which constitutes an important source of tensions between the two groups.This article aims at analyzing the causes of the development of such a competition as well as the mecanisms that contributed to the perpetuation of black political domination despite deep demographic changes.
- Entretien avec Robin D. G. Kelley : penser la continuité des luttes pour l'égalité raciale - Nicolas Martin-Breteau p. 113-124
Varia
- Un système sous pression : Les partis politiques et l'investiture présidentielle aux États-Unis en 2016 - David Karol, Sarah-Louise Raillard. p. 125-152 J'explore ici la dynamique des nominations présidentielles aux États-Unis, plus particulièrement les campagnes insolites de 2016. Malgré certaines réformes effectuées par le passé et servant à habiliter les électeurs, les élites partisanes semblaient avoir repris le contrôle du processus d'investiture. Certaines campagnes récentes ont cependant remis ce contrôle en question, la nomination de Donald Trump offrant l'exemple le plus spectaculaire de changements s'opérant au sein du processus d'investiture. Nous analysons les tendances qui ont affaibli les élites partisanes chez les démocrates comme chez les républicains, mais nous suggérons néanmoins que le succès de Trump demeure anormal, étant le résultat de la convergence de facteurs différents qui ne sont pas de nature à se reproduire. La campagne de Bernie Sanders est plus représentative des tendances en train de dynamiser les candidats minoritaires, quoique le choix de l'élite démocratique, Hillary Clinton, ait finalement prévalu.I explore the dynamics of presidential nominations in the United States, with special focus on the unusual 2016 campaign. Despite the reforms that empowered voters, party elites had seemed to have adapted to and regained control over the nomination process. Recent campaigns, have called this view into question, with Donald Trump's nomination being the most spectacular example. I discuss trends that have weakened party elites in both parties in recent years, but conclude that Trump's success is anomalous, resulting from a confluence of factors not likely to recur. Bernie Sanders' campaign is more reflective of trends empowering insurgent candidates, but Democratic elites' choice, Hillary Clinton, ultimately prevailed.
- Un système sous pression : Les partis politiques et l'investiture présidentielle aux États-Unis en 2016 - David Karol, Sarah-Louise Raillard. p. 125-152
- Compte-rendu d'ouvrages - Alix Meyer p. 153-166