Contenu du sommaire
Revue | Le Moyen Age |
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Numéro | tome 111, no 1, 2005 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Culture cléricale et motif du « don contraignant ». : Contre-enquête sur la théorie de l'origine celtique de ce motif dans la littérature française du XIIe siècle et dans les romans arthuriens - Corinne Cooper-Deniau p. 9-39 C. COOPER-DENIAU, Culture cléricale et motif du « don contraignant ». Contre-enquête sur la théorie de l'origine celtique de ce motif dans la littérature française du XIIe siècle et dans les romans arthuriens.Depuis l'article fondateur consacré par Jean Frappier en 1969 au motif du « don contraignant », ou comme l'a nommé Ph. Ménard, « don en blanc qui lie le donateur », il est largement admis par la critique que la présence récurrente de ce motif dans les textes arthuriens s'expliquerait par l'influence des textes celtiques, irlandais et gallois, et en particulier des récits d'enlèvement. S'il est fort probable que dans ce type de scènes les textes arthuriens s'inspirent bien de schémas véhiculés par les récits celtiques, un examen attentif des occurrences de dons contraignant cs antérieures aux romans de Chrétien de Troyes fait apparaître l'influence de la culture cléricale dans le développement de ce motif. Un épisode en particulier, tiré du De Nugis Curialium de Gautier Map, montre que les auteurs du XIIe siècle pouvaient voir dans ce motif un héritage de la tradition biblique et des textes antiques. La thèse de Jean Frappier, qui avait peut-être surtout pour but de fournir un nouvel argument en faveur de l'origine celtique de la matière arthurienne, doit donc être nuancée et la présence du don contraignant, même dans les romans arthuriens, ne peut pas s'expliquer par la seule influence des récits celtiques.Corinne COOPER-DENIAU, Church Culture and the « Binding Gift» Motif. A counterinquiry into the theory that claims a Celtic origin for this common motif in Arthurian romances and 12th century French literature. In the wake of Jean Frappier's ground-breaking article in 1969 most critics consider that the « binding gift » motif that recurs in Arthurian romances is directly inherited from Welsh and Irish tales, and in particular from such texts as the Mabinogi of Kulhwch and Olwen, the Tormach Etain, the Echtra Cormaic, or the story of Dubh Lacha. But some counter-examples that Frappier disregarded, such as the Mathematicus by Bernardus Silvestris or an episode inspired by Gautier Map's De Nugis Curialium, point to a different origin. In these texts the use of the binding gift motif can be accounted for by the clerical background of authors influenced by biblical and classical texts. We thus question the theory of an exclusively Celtic origin of this pervasive motif.
- Fratres et canonici. : Le problème de la dissolution de la vie commune des chanoines : le cas de la cathédrale Saint-Lambert de Liège au Moyen Âge - Alexis Wilkin p. 41-58 A. WILKIN, Fratres et canonici. Le problème de la dissolution de la vie commune des chanoines : le cas de la cathédrale Saint-Lambert de Liège au Moyen Âge.L'abandon de la vie commune par les chanoines séculiers est un processus qui a connu des modalités différentes selon les régions et établissements religieux. Il est souvent mal connu, faute de sources. D'où la tentation d'utiliser des critères lexicaux pour combler les manques documentaires : le terme frater aurait ainsi témoigné du maintien de la vie commune, tandis que canonicus aurait été l'indice de son abandon. Selon nous, l'utilisation de tels critères est dangereuse : l'exemple de la cathédrale liégeoise en est la meilleure preuve : alors que la vie commune, sous sa forme la plus pure, n'est plus une réalité au XIIe siècle – certains chanoines possèdent une maison en propre – le terme frater se maintient au XIIIe siècle. Le vocabulaire, ne peut donc, au mieux, que témoigner de la persistance d'un idéal, mais n'a pas la valeur d'un critère qui permet d'attester le maintien d'une vie commune stricte.A. WILKIN, Fratres et canonici. The Problem raised by the Canons' leaving Communal Living : the case of the chapter at St Lambert cathedral (Liège) in the Middle Ages. The process through which secular canons left communal life occurred differently according to areas and religious institutions. It is often insufficiently known for want of reliable sources. Lexical evidence has been used to palliate the absence of documents : the word frater would thus testify to the persistence of communal life while canonicus would point to its termination. We consider that this kind of evidence may be misleading as shown by the example of what happened at the Liege cathedral : while communal life in its more exacting form was no longer practised in the 12th century – some of the canons owned their own houses – the word frater was still used in the 13th century. Words can thus at best testify to the survival of an ideal, but they cannot be used as reliable criteria to determine whether communal life was still practised.
- Arras, le vin, la taverne et le « capitalisme ». : Le théâtre profane du XIIIe siècle et la question de l'argent - Bernard Ribémon p. 59-70 B. RIBEMONT, Arras, le vin, la taverne et le « capitalisme ». Le théâtre profane du XIIIe siècle et la question de l'argent.La taverne occupe une place centrale dans la littérature « bourgeoise » picarde des XIIIe et XIVe siècles : le fabliau, et surtout le théâtre profane utilisent de manière privilégiée cet espace qui offre aux auteurs et aux dramaturges de multiples possibilités, en particulier satiriques et morales, car la taverne est généralement un symbole du vice et de l'illusion néfaste. Si ce lieu peut apparaître comme un paradis ou un pays de Cocagne pour le voyageur naïf (Courtois), c'est parce qu'elle se pare des voiles séducteurs d'un espace de la consommation sans entrave (Jeu de saint Nicolas) : vin et argent y circulent à foison. Le but de ce travail est de considérer, dans le théâtre arrageois du XIIIe siècle, le regard que des auteurs, souvent moralistes, portent sur une société en plein essor économique, en route vers une économie « capitaliste ».B. RIBÉMONT, Arras, wine, taverns, and « capitalism. » Secular drama in the 13th century and the issue of money. Taverns have pride of place in the 13th and 14th centuries « merchant class » literature in Picardy: fabliaux, and even more strikingly secular drama are often located in this space which provides authors and playwrights with a whole range of possible developments, especially of a satirical and moral nature, since taverns usually stand for places of vice and delusion. They can figure some sort of paradise or Land of Cocagne to the naive traveller (Courtois) because they claim the false seduction of a place of unrestrained consumption (Jeu de saint Nicolas): wine and money circulate freely. This paper intends to consider how 13th century Arras playwrights presented – often in a moralizing way – a society in which the economy was soaring towards a « capitalist » mode of production.
- Les « abeilles hérétiques » et le puritanisme millénariste médiéval - Hilário Franco Júnior p. 71-93 H. FRANCO JUNIOR, Les « abeilles hérétiques » et le« puritanisme » millénariste médiéval.Deux chroniqueurs presque contemporains, quoique bien différents, Raoul Glaber et Landolf Senior, racontent deux épisodes pleins de signification mais qui ont peu retenu l'attention des historiens. Dans ces récits - qui témoignent de la spiritualité moralisante de l'an mil dans ses expressions hérétiques - un rôle central est joué par les abeilles comme métaphore d'égalitarisme, de végétarisme, de pureté et d'androgynie. Bref, comme une forte critique au présent historique, en proposant à sa place une société terrestre utopique, édénique.H. FRANCO JUNIOR, The « Heretical Bees » and Medieval Millenarian Puritanism. Two almost contemporary yet deeply different chroniclers, namely, Raoul Glaber et Landolf Senior, tell two meaningful episodes that have however found little echoes among historians. In their stories – which both testify to the moralising spirituality proper to the year 1000 in its heretical forms – bees as a metaphor for egalitarianism, vegetarism, purity, and androginy play a significant part in that they represent a harsh critique of the time while outlining instead an Edenic and utopian terrestrial society.
- Le personnage d'Yseut dans le Tristan de Béroul et les Folies de Berneet d'Oxford: une perspective inspirée par les textes irlandais et gallois - Claude Evans p. 95-114 Cl. EVANS, Le personnage d'Yseut dans le Tristan de Béroul et les Folie de Berne et d'Oxford : une perspective inspirée par les textes irlandais et gallois.Le personnage d'Yseut dans les textes choisis peut être éclairé avec profit par un rapprochement avec les héroïnes de trois sagas irlandaises – L'histoire de Cano, fils de Gartnán, L'exil des fils de Uisliu et La poursuite de Diarmaid et Gráinne – et avec la reine galloise d'une branche du Mabinogion – Pwyll seigneur de Dyved. La violence et le sang dont est entourée Yseut, ses contradictions et sa perversité s'expliquent mieux si on interprète le personnage comme l'ont traditionnellement été Créd, Deirdre, Gráinne et Rhiannon, c'est à dire comme une déesse évhémérisée. Cette interprétation est justifiée par les ressemblances frappantes entre les cinq héroïnes et elle permet d'apprécier les textes français à leur juste valeur, non pas comme imparfaits, comme l'ont parfois suggéré les critiques, mais comme témoins d'une tradition très ancienne.Cl. EVANS, Yseut in Béroul‘s Tristan and the Folies: her connections to the Irish and Welsh queens and goddesses. A new light can be thrown on Yseut's character in the selected text through a comparison with the heroins of three Irish sagas, The Story of Cano, son of Gartnán, The Exile of the Sons of Uisliu and the Pursuit of Diarmaid and Gráinne, and with the Welsh queen in a branch of the Mabinogion, Pwyll lord of Dyved. Considering Yseut as a euhemerized goddess as Créd, Deirdre, Gráinne and Rhiannon have traditionally been, provides an explanation to the violence and blood which surround her and to her contradictions and perversity. Parallels between the five heroines fully justifies this approach, which vindicates Old French texts that some critics have considered flawed while they actually bear witness to a very ancient tradition.
Bibliographie
- Le Moyen Âge au cinéma - Jean Dufournet p. 115-120
- Retour aux sources (Xe-XVe siècles) - André Joris p. 121-131
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 133-200