Contenu du sommaire
Revue | Le Moyen Age |
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Numéro | tome 112, no 1, 2006 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Du donjon au tribunal. : Les deux âges de la pairie châtelaine en France du Nord, Flandre et Lotharingie (fin XIe-XIIIe s.) (1re partie) - Jean-François Nieus p. 9-41 À partir de la fin du XIe siècle, dans une cinquantaine de châteaux majeurs (sièges de châtellenie, de comté secondaire ou de principauté) du nord de la France, du sud de la Flandre et – dans une moindre mesure – de l'espace lotharingien, de petits groupes de chevaliers, en général une douzaine, ont commencé à porter le titre de « pairs du château » (pares castri). L'appartenance à ces collèges chevaleresques était réservée aux détenteurs d'un fief spécifique, dit « fief de pairie », qui impliquait la prestation de services déterminés au château. L'origine et les fonctions de cette institution jusqu'à présent mal comprise font ici l'objet d'une interprétation nouvelle sur base de l'ensemble des cas repérés dans les sources. Les différents groupes de pairs sont d'abord passés en revue dans une partie introductive qui rend compte de leur distribution géographique, et dans laquelle sont examinés les indices permettant de fixer leur genèse au tournant des XIe et XIIe siècle (première partie de l'article). Il s'agit ensuite de caractériser la situation originelle de la pairie, par le biais incommode d'une documentation tardive qui dévoile surtout les mutations subies par l'institution au terme du XIIe siècle (suite et fin de l'article, à paraître). Il apparaît que les membres de la pairie formaient l'élite chevaleresque et aristocratique du territoire coiffé par leur château d'attache. Tout indique que leur service était à l'origine de nature militaire : les pairs étaient responsables de la défense du château, où ils effectuaient une longue période de garde (ou estage) annuelle. On suggère que l'institution est née au moment où s'esquissait la « déconcentration » de la société châtelaine du XIe siècle, pour permettre à l'élément huppé du groupe des milites castri de maintenir un lien privilégié avec le château et ses structures nourricières, ainsi que, dans le même temps, de s'isoler spectaculairement du tout-venant des vassaux agglomérés au réseau châtelain. Au tournant des XIIe et XIIIe siècles, la pairie est entrée dans un deuxième âge : la démilitarisation de la seigneurie châtelaine a précipité le déclin de sa fonction guerrière, souvent relayée par une fonction juridictionnelle, plus ou moins développée suivant les cas, dans le cadre de la cour féodale et du tribunal seigneurial ou princier. Son rôle social restait toutefois inchangé.From the Keep to the the Court. The two ages of Castellan Peerage in Northern France, Flanders and Lotharingia (late 11th-13th c.). (1st part) In some fifty major castles (seats of castellanies, of second-rank counties or of principalities) in the North of France and the South of Flanders, and to a lesser extent in Lotharingia, small group of knights – usually around twelve – started to use the title of “castle peers” (pares castri) from the end of the 11th century. Only those who owned specific fiefs, called “peerage fiefs”, which involved well-defined services to the castle, could belong to such colleges of knights. Both the origin and the functions of this so far little known institution are here interpreted anew on the basis of all acknowledged instances in available sources. An introductive chapter offers a survey of the various groups of castle peers, accounting for their geographical distribution and examining clues that establish the beginning of the phenomenon at the turn of the 12th century (first part of the article, published here). Next we try to define the original situation of those peers, using the unwieldy tools offered by late documents that focus more on changes the institution was subject to at the end of the 12th century (second part of the article, to be published in the next issue). The members of the peerage seem to have been the elite among the nobility of the territory dominated by the castle to which they were linked. Several clues indicate that their service was originally of a military nature: the peers were responsible for defending the castle where they would serve for a long yearly period of guard (called estage). It was suggested that the institution appeared in the 11th century at the time when a “deconcentration” of the castellan society was beginning, and that it made it possible for the most distinguished among the milites castri to maintain a priviledged relationship with the castle and its protective structures, while at the same time dramatically standing out among the lower vassals involved in the castle-controlled network. At the turn of the 13th century peerage entered a second stage: as the castellan lordship turned away from a military structure, its warlike function rapidly faded and was often replaced by a jurisdictional function developed in the context of the feudal court or of the overlord's or prince's tribunal. However its social function remained unchanged.
- Érémitisme et solitude dans la première Vie des Pères - Adrian P. TUDOR p. 43-61 Les pères du désert ne forment pas la matière principale de la Vie des Pères. Le texte est résolument contemporain, profondément ancrée dans le XIIIe siècle. L'érémitisme représente un idéal symbolique, la solitude un outil littéraire. Donc, même si les ermites figurent souvent au cœur de la narration, leur rôle dans la vie spirituelle des protagonistes ne reste, pour la plupart, que fonctionnel. L'auteur cherche à prêcher la confession et à souligner l'importance de la charité. Son texte parle d'un monde contemporain peuplé de personnages reconnaissables ; cet auteur « humaniste » cherche à concilier le bonheur dans le siècle et le salut spirituel : pour lui, les personnages les plus importants, les plus heureux, ne sont pas les ermites, anachorètes et reclus mais plutôt ceux qui arrivent à accomplir cette quête à la fois contradictoire et réalisable.Hermits and Solitude in the first Vie des Pères. The desert fathers are not the main subject matter of the Old French Vie des Pères. Notwithstanding its clear links with the patristic tradition, the text is resolutely contemporary, firmly rooted in the thirteenth century. Eremitism represents a symbolic ideal and solitude a literary tool. Even if hermits are often found at the centre of a narrative, their role in the spiritual life of the protagonists, or even as protagonists, is functional. The anonymous author seeks to preach confession and underline the importance of charitable works. His text tells of a contemporary world inhabited by recognisable characters; this “humanist” author seeks to reconcile happiness in the world with spiritual salvation. For him, the most important and content characters are not hermits, anchorites and recluses but rather those people who manage to accomplish what is a contradictory and yet achievable quest.
- Le prince comme ministre de Dieu sur terre. : La définition du prince chez Jean de Salisbury (Policraticus, IV, 1) - Nicolas de Araujo p. 63-74 L'article propose une nouvelle interprétation d'un passage du Policraticus de Jean de Salisbury. Le livre IV du Policraticus (qui décrit le prince et les obligations auxquelles il doit se soumettre) commence par définir le prince en l'opposant radicalement au tyran. Est ergo tiranni et principis haec differentia sola uel maxima quod hic legi obtemperat et eius arbitrio populum regit cuius se credit ministrum; (Pol., IV, 1, 1-3). Cette phrase pose un problème central : dans quelle mesure le prince est-il lié aux lois – à la Loi ? Les traductions modernes interprètent la dernière partie de cette définition selon l'idée que le prince serait serviteur du peuple. L'article montre que la grammaire autorise à lire ce texte différemment, et propose de comprendre que le prince gouverne selon la volonté de son maître, Dieu. L'article émet l'hypothèse que cette définition contient des éléments de l'Épître aux Romains de saint Paul, qui semble être une source importante d'inspiration pour tout le livre IV du Policraticus.The Prince as God's Minister on Earth. Defining the Prince in the work of Jean de Salisbury (Policraticus, IV, 1). The present article proposes a new interprétation of a passage in John of Salisbury's Policraticus. Book IV of the Policraticus (in which the prince and his duties are described) first defines the prince by contrast with the tyrant. Est ergo tiranni et principis haec differentia sola uel maxima quod hic legi obtemperat et eius arbitrio populum regit cuius se credit ministrum (Pol., IV, 1,1-3, éd. K.S.B. KEATS-ROHAN ). The quoted sentence raises a key issue: to what extent is the prince subject to the laws or to (divine) Law? Modern translations read the latter part of the definition as meaning that the prince should serve his people. The article shows that grammar allows a different reading: the prince should rule according to the will of his master, namely God. It posits that the definition includes elements from Paul's Epistle to to the Romans, which comes through as a major source of inspiration throughout Book IV in the Policraticus.
- Trois fuelles d'erbe a pris entre ses piez. Recherches sur la Mort Begondans Garin le Loherain - Jean-Charles Herbin p. 75-110 Après une mise au point rapide sur la manière dont s'organise la matière épique de Garin le Loherain et de Gerbert de Metz, un résumé circonstancié de la première série d'actions guerrières de Garin le Loherain mène le lecteur jusqu'au moment précis de la mort du duc Bégon de Belin, assassiné dans les bois de Lens. En quelques vers, le duc, touché à mort, se met en règle avec ses devoirs de chrétien et, dans la solitude et l'urgence, s'administre une sorte de communion à l'aide de trois brins d'herbe. L'examen précis de ces quelques vers, à travers le foisonnement des variantes fournies par une vingtaine de témoins manuscrits, permet de préciser la nature de ce geste lui-même (qui se répètera lors d'un meurtre ultérieur) et de le confronter aux jugements de théologiens des XIIe et XIIIe siècles. Sont regroupés en annexe les témoignages, pour cet épisode, des trois proses des Loherains, ainsi qu'une vingtaine d'extraits épiques ou romanesques qui font état d'une pratique religieuse d'urgence du même ordre que celle qu'interroge plus particulièrement cet article.Trois fuelles d'erbe a pris entre ses piez. Inquiry into Mort Begon in Garin le Loherain. After a brief survey of how the epic material is structured in Garin le Loherain and in Gerbert de Metz, a detailed summary of the first series of military exploits in Garin le Loherain takes readers to the point when Duke Bégon de Belin is murdered in the woods of Lens. Within a few lines the fatally wounded duke settles his duty as a Christian and in his solitude and the urgency of the moment he somehow partakes of the sacrament of the Eucharist with the help of three blades of grass. A close reading of these few lines and of the several variations to be found in some twenty preserved manuscripts makes it possible to be specific about the nature of this gesture (which is repeated in the context of a later murder) and to compare it with the opinions of theologians in the 12th and 13th centuries. An appendix brings together what can be found about this episode in the three prose texts of the Loherains as well as about twenty epic or romance passages in which a similar emergency religious practice is mentioned.
- La réorientation du paysage canonial en Flandre et le pouvoir des évêques, comtes et nobles (XIe siècle-première moitié du XIIe siècle) - Brigitte Meijns p. 111-134 En 1155, le comté de Flandre comptait 57 communautés de chanoines. 24 d'entre elles hébergeaient des chanoines séculiers supposés suivre la « Règle d'Aix » modérée de 816. Quant aux 33 autres communautés canoniales, elles naquirent dans l'esprit du mouvement de réforme canonial du XIe siècle. Ces chanoines réguliers essayèrent de mettre en pratique la vie apostolique en vivant dans la pauvreté, la communauté et la chasteté complètes. La situation telle qu'elle se présentait en 1155 résulta toutefois d'un remarquable remembrement du paysage canonial. En effet, à partir de la dernière décennie du XIe siècle, une réorganisation radicale s'opéra au sein des nombreux chapitres séculiers. Parmi les 55 chapitres séculiers fondés avant 1155, 31 se reconvertirent vers un mode de vie plus sévère. Dix optèrent pour l'ordre monastique, comme prieuré d'abbayes bénédictines ou comme abbaye indépendante. Les 21 chapitres restants se tournèrent, durant la même période, vers le pendant régulier de l'ordre canonial et adhérèrent – à trois exceptions près – à l'une des congrégations canoniales qui connaissaient alors un grand succès en Flandre : Arrouaise ou Prémontré. Les sources, la plupart d'entre elles étant des chartes et quelques-unes des sources narratives, expliquent peut-être ce fait par l'énorme attrait que suscitèrent les nouvelles idées auprès des diverses couches de la société et par le besoin de restauration des chapitres séculiers existants. Certaines indications font cependant apparaître que le bouleversement radical pourrait être interprété comme une tentative volontaire de la part de l'épiscopat réformateur d'abstraire les églises collégiales de la sphère d'influence des laïcs.The Power of Bishops, Counts and Members of the Nobility, about a new orientation in the canonical structure in Flanders (11th century-first half of the 12th century). By 1155 there were 57 canonical communities in the county of Flanders. 24 of them housed secular canons who were supposed to adhere to the 816 Regula Aquensis while the 33 others had developed in the spirit of the 11th century reform movement. These regular canons tried to live an apostolic life of complete poverty, communality and chastity. The situation in 1155, however, resulted from a remarkable restructuring of the canonical landscape. Indeed from the last decade of the 11th century onward a radical re-organisation was implemented within the many secular chapters. Among the 55 secular chapters founded before 1155 31 converted back to a more austere way of life. Ten opted for the monastic rule as Benedictine priories or as independent abbeys. With only three exceptions the remaining 21 chapters turned to the regular counterpart of the canonical order and adhered to one of the canonical congregations that were thriving in Flanders at the time: Arrouaise or Prémontré. Sources (most of which are charters and some narrative works) may explain this development through the huge appeal that the new ideas radiated among various social layers and through the need to restore existing secular chapters. However, some clues may indicate that this radical change might be interpreted as a deliberate attempt on the part of those bishops that supported the change to substract collegiate churches from the influence of lay people.
Bibliographie
- L'œuvre historique de Pierre Bonnassie (1932-2005) - Michel Zimmermann p. 135-144
- Les archives de Venise. Nouvelles perspectives d'édition - Élisabeth Crouzet-Pavan p. 145-147
- Florilège toscan - Charles M. DE LA RONCIÈRE p. 149-152
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 153-228
Nouvelles de la recherche
- Nouvelles de la recherche - p. 229-230
Nécrologie
- Jean Larmat (1913-2005) - Jean Dufournet p. 247-249