Contenu du sommaire : Modalité et évidentialité en français
Revue | Langue française |
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Numéro | no 173, mars 2012 |
Titre du numéro | Modalité et évidentialité en français |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Présentation : Modalité et évidentialité en français - Cécile Barbet, Louis de Saussure p. 3-12
- Réflexions sur les critères de définition et les problèmes d'identification des marqueurs évidentiels en français - Patrick Dendale, Julie Van Bogaert p. 13-29 Partant de la définition d'Anderson (1986), nous présentons ici les principaux problèmes auxquels on est confronté lorsque l'on accepte les quatre critères de cette définition, nous inspirant d'un article de Boye & Harder (2009) et d'analyses existantes de quelques marqueurs évidentiels français. Nous examinons le critère conceptuel de « source d'information » face à des critères conceptuels composites, qui intègrent la modalité épistémique, et aux divers types de sources d'information. Nous examinons le statut du concept de source d'information à l'intérieur du sémantisme d'une unité langagière, avec le problème de la polysémie des évidentiels et de leurs valeurs pragmatiquement dérivées, le problème de leur statut comme prédication principale ou comme commentaire de prédication, et le problème du statut grammatical ou autre de l'évidentiel. En guise de conclusion, nous plaidons en faveur de critères de définition relatifs au type d'étude qu'on fait sur l'évidentialité.Reflections on the definitional criteria and the problems with identifying evidential markers in French. In this article, we discuss the possible problems one encounters when adhering to Anderson's (1986) four defining criteria for evidentials. The discussion takes an article by Boye & Harder (2009) and previous analyses of French evidential markers as its starting point. We first consider the conceptual criterion of “source of information”, holding it up against larger conceptualizations, that encompass epistemic modality, as well as taking evidential subcategories into account. Next, source of information is examined in the light of the problem of polysemy and pragmatically derived evidential meanings. Thirdly, we look into the issue of primary predications as opposed to specifications of main predications and finally, into the grammatical versus lexical status of evidentials. By way of conclusion, we argue for definitional criteria that are relative to the type of study one seeks to conduct.
- Modalité et évidentialité dans pouvoir et devoir : typologie et discussions - Carl Vetters p. 31-47 Cet article propose une classification des différents effets de sens des verbes modaux pouvoir et devoir. L'hypothèse de départ est que ces verbes ont un sens sous-déterminé leur permettant de prendre un grand nombre d'effets de sens grâce à l'interaction avec le co (n) texte. L'étude propose la distinction de trois niveaux d'analyse : la modalité du faire, la modalité de l'être et le niveau postmodal. À chaque niveau, le rapport entre modalité et évidentialité est commenté. Au niveau de la modalité du faire, pouvoir et devoir ne peuvent pas être des opérateurs évidentiels à cause de leur portée tandis qu'au niveau de la modalité de l'être, modalité épistémique et évidentialité inférentielle sont intrinsèquement liées. Du côté des emplois postmodaux, on observe l'absence de l'emploi évidentiel d'information rapportée de devoir et on suggère que pouvoir a un emploi (ad) miratif.Modality and evidentiality with the French modal verbs ‘pouvoir' and ‘devoir' : typology and discussion. The article proposes a classification of the different uses of the French modal verbs pouvoir and devoir. The author starts from the hypothesis that these verbs have an underdetermined signification which permits them to have many different uses through their interaction with the co (n) text. The paper distinguishes three levels of analysis : agentive modality of doing, non-agentive modality of being and a postmodal level. At each level, the relation between modality and evidentiality is discussed. At the modality of doing level, pouvoir and devoir, cannot be evidential operators because of their scope, while at the modality of being level, inferential evidentiality and epistemic modality are intrinsically related. Concerning the postmodal uses, the paper observes the absence of an evidential use of reported information for devoir and suggests that pouvoir has an (ad) mirative use.
- Devoir et pouvoir, des marqueurs modaux ou évidentiels ? - Cécile Barbet p. 49-63 Plusieurs positions sont représentées dans la littérature concernant le lien entre la modalité telle qu'exprimée par devoir ou pouvoir et l'évidentialité (inférentielle notamment) : traditionnellement, ces verbes sont considérés comme modaux ; on les a également décrits comme « mixtes », i.e. évidentio-modaux ; ou encore évidentiels en ce qui concerne leurs emplois épistémiques ; et, récemment, on a défendu que devoir était un marqueur fondamentalement évidentiel, sans distinction de ses différents emplois. Nous défendons, dans cet article, que devoir et pouvoir sont sémantiquement modaux, une analyse exclusivement en termes d'évidentialité menant à une impasse. Cependant, nous tirons profit des analyses « évidentialisantes » en montrant que la récupération contextuelle par le destinataire des “evidences” est déterminante notamment en ce qui concerne leurs interprétations épistémiques subjectives vs objectives.The French modal verbs ‘devoir' and ‘pouvoir', modals or evidentials ? Several hypotheses have been proposed regarding the link between modality as expressed by the so- called modal verbs devoir or pouvoir in French and evidentiality (mainly inferential evidentiality) : (i) traditionally these verbs are considered modal ; (ii) more recently they have been thought of as “mixed” (evidential-modal) or (iii) basically evidential for what concerns their epistemic uses. Finally devoir has been presented as fundamentally evidential, without distinction of its various readings. It is argued here that an analysis exclusively made in terms of evidentiality is not conclusive and that modal verbs do indeed have modality as their semantic basis. Nevertheless, we draw upon findings from “evidentiality-oriented” studies and point out that the interpretation of devoir and pouvoir, notably for what concerns their subjective vs objective epistemic readings, depends on the contextual retrieval by the hearer of the evidences involved.
- Valeur évidentielle et/ou modale de faut croire, on dirait et paraît - Corinne Rossari p. 65-81 Notre propos est de cerner la façon dont une valeur évidentielle peut se forger en se fondant sur l'analyse des propriétés syntaxiques, sémantiques et discursives de trois expressions (faut croire, on dirait et paraît) dont la composition lexicale combine diverses formes modales. Notre analyse montrera que la valeur évidentielle n'est jamais première, mais issue d'une conjonction de facteurs. Ils ont trait (i) au sens de base des verbes avec lesquels ces expressions sont construites, (ii) à la valeur modale qu'elles intègrent, ainsi que (iii) à la valeur confirmative issue de leur possible emploi dialogique.Evidential and/or modal value of ‘faut croire', ‘on dirait' and ‘paraît'. This article explores how an evidential value emerges from different modal meanings. Our investigation will bear on the use of three French markers (faut croire, on dirait and paraît) located in the sentence final position. We will show that the evidential value results from a complex set of phenomena including : (i) the lexical meaning of the verb, (ii) the modal value or mood associated with the verb's lexical meaning, (iii) the supporting value that comes from their possible dialogical use.
- Le conditionnel épistémique : propriétés et fonctions discursives - Hans Kronning p. 83-97 Dans cet article, nous étudions le conditionnel épistémique, analysé comme un marqueur épistémique mixte exprimant la médiation par emprunt et la modalisation zéro (le refus de prendre en charge le contenu cognitif de l'énoncé), à travers ses propriétés et fonctions discursives manifestées à l'extérieur de son domaine de médiation (séquence qui transmet le contenu cognitif emprunté), ainsi qu'à l'extérieur et à l'intérieur des cadres de discours ouverts par des syntagmes prépositionnels du type Selon N. Nous montrons, d'une part, que l'attitude épistémique du locuteur est variable (dubitative et non dubitative), alors que l'orientation modale de l'énoncé au conditionnel épistémique est invariablement positive (vers le « vrai ») et, d'autre part, que cette forme verbale est exploitée, d'un point de vue rhétorique, textuel et pragmatique, pour établir des gradations ascendantes, servir d'indice d'ouverture de certaines unités textuelles et pour dissimuler l'implication du locuteur dans le procès médiatisé ou dans la description qu'il en donne.The French Epistemic Conditional : Discourse Properties and Functions. In this article, the French epistemic conditional, which is analysed as a bicategorial epistemic marker denoting reportive evidentiality and zero modalisation (the refusal to epistemically endorse the mediated content of the utterance), is studied by considering its discourse properties and functions outside its mediation domain (the sequence conveying the mediated cognitive content), as well as outside and inside discourse frames opened by prepositional phrases of the type Selon N. It is shown that the speaker's epistemic attitude is variable (dubitative and non-dubitative), whereas the modal orientation inherent in the epistemic conditional is invariably positive (toward ‘true'). It is further shown that this verb form is exploited rhetorically, textually and pragmatically to establish ascending gradations, to indicate the opening of certain textual units, and to conceal the speaker's involvement in the mediated situation or in the description he or she gives of it.
- Un sens épistémique pour l'imparfait et le passé simple ? - Walter De Mulder p. 99-113 Dans cet article, nous proposons une définition épistémique du sens schématique de l'imparfait et du passé simple, qui est basée sur les définitions épistémiques avancées par R. Langacker et F. Brisard pour les temps du présent et du passé en anglais. Nous montrons ensuite que ces définitions ne permettent pas d'expliquer tous les emplois de l'imparfait et du passé simple, et qu'il faut accepter que leur sens propre comporte aussi des indications sur leurs valeurs temporelles, aspectuelles et discursives. Cependant, quoique ces temps n'expriment donc pas un sens schématique exclusivement épistémique, leur emploi peut refléter une attitude épistémique particulière du locuteur. Il est montré enfin que l'imparfait connaît au moins un emploi évidentiel.Epistemic meanings for the French imperfect and simple past ? In this article, we propose an epistemic definition of the schematic meaning of the French imperfect (imparfait) and simple past (passé simple), based on R. Langacker's and F. Brisard's analyses of the English simple present and past tenses. It is shown, however, that these definitions cannot explain all uses of these French non complex past tenses and that their schematic meaning must also contain indications concerning the temporal, aspectual and discursive values of the tenses. Although the schematic meaning of these tenses is thus shown not to be essentially epistemic, their use can reflect the epistemic attitude of the speaker. Moreover, it can be shown that the imparfait has at least one evidential use.
- Relations entre temps, aspect, modalité et évidentialité dans le système du français - Patrick Caudal p. 115-129 Le présent article exposera d'abord comment le sens aspectuo-temporel influe sur la construction des jugements modaux avec diverses sortes d'expressions du français (structures conditionnelles, verbes modaux, tiroirs verbaux). Il se penchera ensuite sur les usages dits conjecturaux du futur, de façon à mesurer si et comment il est possible d'étendre à l'évidentialité les observations faites sur les relations temps/aspect – modalité en français.Relations between tense, aspect, modality and evidentiality in the French system. The present paper will first aim at clarifying how aspectuo-temporal meaning can constraint and determine modal judgments originating in different kinds of expressions in French (conditional structures, modal verbs, tenses). So-called conjecture uses of the French futur will then be studied, so as to demonstrate if and how observations made about relations between tense-aspect and modality in French can extend to evidentiality.
- Modalité épistémique, évidentialité et dépendance contextuelle - Louis de Saussure p. 131-143 Cet article défend un point de vue pragmatique sur les effets épistémiques et évidentiels de marqueurs qui font traditionnellement débat à ce sujet, à savoir les verbes modaux et le futur épistémique. Notre approche, qui admet une spécification inférentielle de la signification vériconditionnelle, cherche à échapper à l'idée d'une polysémie de ces marques en leur supposant un contenu minimal en l'espèce et en attribuant leurs effets à l'inférence en contexte plutôt qu'à une prédétermination sémantique. Pour nous, les effets de sens épistémiques et évidentiels constatables empiriquement ne sont donc pas dus à un encodage complexe de valeurs polysémiques ou d'ajustements du fait de colocations et coercitions sémantiques : ces morphèmes donnent lieu à des enrichissements selon des principes pragmatiques généraux destinés à obtenir des sens pertinents en contexte.Epistemic modality, evidentiality and contextual dependency. This paper takes a pragmatic view on epistemic and evidential meanings of modal verbs and epistemic futures, which are traditionally debated in this respect. Our approach allows for a pragmatic construction of the truth conditions and attempts at escaping the problem of polysemic meanings by allowing a minimal semantic content to these items, attributing their various meanings to contextual inference rather than to complex compositional semantic coercions and operators, or to conventional pre-encoding of polysemous meanings in the code. On the contrary, evidential as well as epistemic readings are due, we claim, to general pragmatic inferential principles on the basis of univoqual core meanings.