Contenu du sommaire : La crise du léninisme
Revue | Actes de la recherche en sciences sociales |
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Numéro | vol. 85, no. 1, 1990 |
Titre du numéro | La crise du léninisme |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
La crise du léninisme
- La valeur du travail et sa rétribution en Hongrie - David Stark p. 3-19 La valeur du travail et sa rétribution en Hongrie. A partir d'une recherche ethnographique, reposant sur l'observation participante dans une grande usine de production de caoutchouc en Hongrie, l'auteur a étudié le fonctionnement du système de sous-traitance coopérative interne aux usines, mis en place depuis 1982. Ce nouveau mécanisme de production, destiné à pallier les rigidités de l'entreprise étatique en offrant aux ouvriers librement associés l'usage des outillages en dehors de leur travail normal dans le cadre de contrats spécialement négociés, bouleverse les rapports de production en vigueur dans l'économie bureaucratisée. Apportant une amélioration notable des rendements pour l'usine et de nouveaux revenus pour les participants (issus de l'élite ouvrière), ces nouveaux "collectifs de travail" permettent de valoriser la compétence technique et l'engagement professionnel de chacun des intéressés, tout en engendrant une inégalité d'un nouveau type dans le personnel. Ils suscitent aussi des problèmes et des conflits inédits concernant la gestion d'une entreprise dépourvue d'organisation hiérarchisée ainsi que l'évaluation de la contribution des différents coopérateurs dotés chacun d'aptitudes, d'une formation et d'une disponibilité différentes.The Value of Labour and its Remuneration in Hungary. Through an ethnographie study involving participant observation in a big rubber factory in Hungary, the author studies the operation of the System of cooperative sub-contracting within factories which has been in operation since 1982. This new production mechanism, designed to offset the rigidities of state-owned firms by offering freely associated workers the use of the machinery outside their normal work under specially negotiated contracts, over-turns the relations of production prevailing in the bureaucratized economy. These new "labour collectives" provide signifkant improvement in outputs for the factory and new income for the participants (drawn from the elite of the workforce). They make efficient use of the technical competence and professional commitment of each of those concerned, while giving rise to a new type of inequality among the staff. They also give rise to new kinds of problems and conflicts about the management of a firm that lacks hierarchical organization, as well as to evaluation of the contributions by the different co-operators, each endowed with different capacities, training and degrees of commitment.
- Privatisation en Hongrie - David Stark p. 20-37 Du plan au marché ou du plan au clan ? Les expériences du "socialisme du marché" ayant tourné court, le régime post-communiste en Hongrie s'engage résolument dans un programme de privatisation de l'économie étatisée. Nul n'a pourtant la clé de ce problème redoutable : comment concilier la survie des grandes entreprises devenues inefficaces et sous-équipées avec les exigences du marché libre et des investisseurs qui se présentent Cette étude passe systématiquement en revue les principales options en ce domaine qui font désormais l'objet d'un vaste débat public en Hongrie et ailleurs et portent sur les choix suivants : propriété domestique (par la mobilisation des capitaux et des compétences d'entrepreneurs nationaux) ou investissements étrangers, privatisation spontanée ou rachats sous contrôle étatique; préférence à accorder aux investisseurs institutionnels ou aux entrepreneurs personnes physiques; enfin préférence pour des reprises concentrées à grande échelle (garantissant le maintien de grosses unités de produc- tion) ou ventes morcelées à d'éventuels petits entrepreneurs. Tout porte à croire que la privatisation ne réalise pas automatiquement les conditions habituelles du marché ouvert. L'existence de réseaux d'intérêts liant la haute bureaucratie de l'économie socialise aux nouveaux entrepreneurs (souvent les mêmes personnes) peut conduire du règne de la planification centralisée à celui des clans d'entrepreneurs.From Plan to Market or from Plan to Clan ? After the failure of experiments in "market socialism", the post-Communist regime in Hungary has embarked firmly on a programme of privatization of the state-controlled economy. At present, however, there is no answer to the major question of how to reconcile the survival of the increasingly inefficient and under-equipped large enterprises with the demands of the free market and the investors who are now coming forward? This article systematically reviews the main options in this area, which are the subject of a vast public debate in Hungary and elsewhere and which concern the following choices : domestic ownership (by mobilizing the capital and competence of domestic entrepreneurs) or foreign investment ; spontaneous privatization or buy-outs under state control ; preference for institutional investors or individual entrepreneurs ; and preference for large-scale take-overs (guaranteeing the maintenance of large production units) or piecemeal sales to hypothetical small entrepreneurs. There is reason to think that privatization does not automatically create the usual conditions of an open market. The existence of networks of interests linking the top bureaucracy of the socialized bureaucracy to the new entrepreneurs (often the same people) may lead from the reign of centralized planning to that of clans of entrepreneurs.
- Les intellectuels et la dictature - Mihaï Gheorghiu p. 38-53 Les intellectuels et la dictature. A partir du matériel qu'il a rassemblé en Roumanie de 1987 à 1989 -d'une part rédaction d'un journal ethnographique où sont consignées des observations sur la vie quotidienne et des descriptions et où sont rapportées des anecdotes, des conversations, des rumeurs ; d'autre part entretiens en profondeur avec une trentaine de représentants de l'élite intellectuelle (journalistes, écrivains, universitaires)-, l'auteur a sélectionné trois interviews d'intellectuels roumains appartenant à des générations et des professions différentes. En choisissant de présenter ces trois biographies, il veut montrer d'une façon concrète le fonctionnement d'une dictature saisie ici à travers les effets mêmes qu'elle exerce sur ceux qui la subissent : on voit ainsi comment ces intellectuels, pris dans des rapports avec le pouvoir politique pouvant aller de la compromission à la dissidence, sont contraints à une lutte permanente pour survivre dans cet univers.Intellectuals and dictatorship. From material collected in Romania from 1987 to 1989 -an ethnographic journal made up of observations on daily life and descriptions relating anecdotes, conversations and rumours ; and in-depth interviews with some thirty representative of the intellectual elite (journalists, writers and academies)- the author has selected three interviews with Romanian intellectuals from different generations and professions. In presenting these three biographies, he seeks to show concretely the functioning of a dictatorship, here seen through the effects it produces on those who undergo it. It can be seen how these intellectuals, caught up in relations with the political authorities that can range from self-compromise to dissidence, are forced into permanent struggle for survival in this universe.
- L'érosion de l'image de Lénine - Jutta Scherrer p. 54-69 L'érosion de l'image de Lénine. La destruction des statues et des monuments dédiés à Lénine est toute récente en Union soviétique, contrairement à d'autres pays de l'Est. L'évolution de la mise en question du léninisme et de la personne même de Lénine, qui est liée à la perestroïka, s'est faite en deux étapes. D'abord, dans le contexte de la dénonciation du stalinisme, on évoque un Lénine "humaniste" et démocrate qui, à la fin de sa vie avec la Nouvelle politique économique, voulait fonder un socialisme à visage humain et qui était conscient des dangers résultant de la bureaucratisation de l'appareil du parti. Dans la deuxième étape de la perestroïka, on voit de plus en plus en Lénine le responsable de la création de l'Etat totalitaire par Staline. Si encore récemment Gorbatchev lui-même essayait de légitimer sa propre politique en la présentant comme la suite directe de celle de Lénine, le discours officiel d'aujourd'hui ne se sert plus guère des références au léninisme et à la personne du fondateur de l'Etat soviétique.The Erosion of the Image of Lenin. Destruction of statues and monuments dedicated to Lenin is a quite recent phenomenon in the Soviet Union, in contrast to other East European countries. The questioning of Leninism and the very person of Lenin, which is linked to perestroika, has evolved through two stages. First, in the context of the denunciation of Stalinism, the image was presented of a "humanist", democratic Lenin, who, at the end of his life, with the New Economic Policy, wanted to found a socialism with a human face and was aware of the dangers stemming from bureaucratization of the party apparatus. In the second stage of perestroika, Lenin has been increasingly seen as responsible for Stalin's creation of the totalitarian State. Although, more recently, Gorbachev himself has tried to legitimate his own policy by presenting it as the direct continuation of that of Lenin, current official discourse now makes little reference to Leninism and the founder of the Soviet State.
- L'usage bolchévique de la "classe" - Sheila Fitzpatrick p. 70-80
- Les juifs et le "placement pierre" en Hongrie autour de 1930 - Victor Karady p. 81-93 Les juifs et le "placement pierre" en Hongrie. Cette étude exploite quelques statistiques différentielles selon le culte et la classe sociale concernant les propriétés bâties et l'habitat à Budapest et en Hongrie en 1930. Ces données autorisent une analyse détaillée des stratégies d'usages du logement selon les milieux. Les juifs se distinguent par un sous-investissement relatif dans l'accès à la pro- priété et par le sur-investissement relatif dans la location leur permettant une meilleure adaptation de l'habitat à leurs besoins et à leur solvabilité au cours du cycle de vie, une concentration dans les quartiers modernes du centre-ville, un maintien plus satisfaisant du tissu communautaire, la réduction des rigidités qui limitent l'expression de la mobilité sociale dans le standing de vie et la qualité de l'habitat, enfin un niveau de confort locatif (mesuré par la densité d'occupation, par les équipements individuels et collectifs, etc.) fortement supérieur à la moyenne, à statut social et revenus égaux. Cet usage spécifique de l'habitat dans l'agrégat juif s'inscrit dans une stratégie élaborée de sur-investissement dans des biens capables de promouvoir la mobilité sociale de la lignée.Jews and their Housing Strategies in Hungary. This study makes use of some statistics on concerning te mire of building and housing in Budapest and Hungary in 1930, broken down by religion and social class. This data makes possible a detailed analysis of the strategies for use of housing by different social groups. Jews are characterized by relative under-investment in home ownership and relative over-investment in renting. This enabled them to better adapt their living space to their needs and their finantial resources over their life cycle, to concentrate in the modem parts of the city centre, to hold their community together more successfully, to reduce the rigidities which limit the expression of social mobility in living standards and quality of accommodation, and to achieve a level of comfort in their dwellings (measured by density of occupation, individual and collective facilities, etc.) considerably above the average at equivalent social status and income. This specific use of housing in the Jewish community is part of an elaborate strategy of over-investment in goods capable of promoting the social mobility of the lineage.
- La valeur du travail et sa rétribution en Hongrie - David Stark p. 3-19
- La science, le sexisme et l'Ecole de Chicago - Daniel Breslau p. 94-95
- Résumés - p. 96-101