Contenu du sommaire : Les populations d'Asie orientale

Bien que la démographie japonaise ait suscité des commentaires inquiets ou excessifs chez les observateurs occidentaux, son évolution n'échappe pas à la plupart des processus connus dans le Monde, comme en témoignent cinq aperçus à des périodes différentes. La transition démographique fut relativement précoce, bien entamée dès les années 1920, et le baby-boom de l'après-guerre ne la remit pas en cause. Malgré une amorce de stabilisation dans les années 1970, l'exode rural a repris dans les années 1980 au profit de la Mégalopole, et du grand Tokyo en particulier. Le vieillissement que connaît actuellement la population japonaise n'est pas un problème démographique au sens strict, mais social ou géographique. Répondant à un certain besoin de main-d'oeuvre dans la Mégalopole et à l'attraction de l'eldorado japonais en Asie, l'immigration asiatique se développe au Japon. Malgré les lieux communs, le taux de suicide n'est pas très élevé au Japon, et il concerne d'abord les régions rurales reculées.

De peuplement récent, l'île de Taiwan est un des territoires les plus densément peuplés du monde. Sa croissance démographique maîtrisée, l'ancienne Formose est aujourd'hui un pays jeune qui offre à ses habitants une situation sanitaire des plus satisfaisantes. Le processus de vieillissement entamé avec l'achèvement de la transition démographique ne fait que débuter et le pays dispose de ce fait d'une réserve de main-d'oeuvre considérable, atout majeur de son développement.

Sous l'effet conjugué d'une transformation spectaculaire de l'économie et d'une transition démographique en voie d'achèvement, le marché de l'emploi a amorcé à Taiwan une mutation dont les effets encore largement méconnus commencent pourtant à soulever des problèmes dans tous les domaines. Le plein emploi allant de pair avec l'un des taux de chômage parmi les plus faibles du monde, l'économie taiwanaise doit aujourd'hui faire face à une grave pénurie de main-d'oeuvre, ce qui entraîne une hausse importante des rémunérations et gêne la poursuite de la croissance. En dépit d'un apparent surpeuplement de l'île, le gouvernement se voit contraint à s'engager à contrecoeur dans un programme strictement contrôlé et controversé de recours sélectif à des travailleurs étrangers. La pression économique est cependant telle que se développe également une immigration illégale, en particulier de Chinois du continent, au grand dam des autorités.

Les deux Etats de la péninsule coréenne ont des ressemblances dans leurs évolutions démographiques. Le Nord, où la baisse de la fécondité a été plus tardive et moins forte, est aujourd'hui comme le Sud très avancé dans la deuxième phase de la transition démographique. La Corée du Nord, avec des particularités liées à son organisation politique et économique, a en effet connu un profond changement social. Le passage à une société majoritairement citadine et industrielle a impulsé la transformation démographique.

A la différence de ce qui s'est passé dans d'autres pays du tiers-monde, la croissance de la population chinoise a débuté voici plusieurs siècles, la phase finale de la transition démographique n'intervenant que dans la seconde moitié du XXe siècle. La présente étude cherche à montrer que cette évolution multiséculaire a eu pour résultat l'occupation progressive de l'espace agricole par une paysannerie dense, très sensible aux crises malthusiennes. L'expansion a affecté en priorité les régions périphériques et la transition vers une société industrielle urbanisée est tout juste amorcée.

Cette étude propose, à partir du cas de la province du Shandong, une analyse critique de certains schémas classiques ou idées reçues concernant la géographie de la population chinoise. A l'aide de cartes élaborées notamment à partir du ratio densités rurales/superficie cultivée, il ressort que le Shandong constitue une anomalie de taille par rapport au contraste habituel entre plaines surpeuplées et hauteurs vides tel qu'a pu le définir par exemple P. Gourou. Les notions de saturation de l'espace cultivé et de surpopulation, et plus généralement la problématique néo-malthusienne sont également fortement relativisées. Il est, enfin, montré que le degré de développement local n'est que marginalement déterminé par le niveau de la pression démographique.

Après un long retard à l'urbanisation, du fait d'un contrôle étroit des populations, la libéralisation en Chine a ouvert la porte à de nouveaux flux migratoires. L'exode rural, sous forme de migrations saisonnières vers les villes, succède maintenant à l'exode agricole des paysans travaillant dans les industries rurales des bourgs et villages. Sera-t-il suffisant pour assurer la mutation urbaine que le développement de la Chine rend à terme inévitable ?