Contenu du sommaire : L'innovation dans tous ses états - II
Revue | Quaderni |
---|---|
Numéro | no 91, automne 2016 |
Titre du numéro | L'innovation dans tous ses états - II |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier
- L'innovation dans les sociétés contemporaines. Mises en perspective - Bernard Paulré p. 5-32 Cet article a une double ambition : d'une part proposer une approche nouvelle de l'innovation décentrée par rapport à l'usage dominant au cours du XXe siècle qui privilégiait l'économie industrielle ; d'autre part introduire ce numéro et présenter les articles le composant. Nous caractérisons l'innovation, le mot étant pris dans un sens large, non réservé au domaine technoéconomique, comme une séquence d'actions fondée sur un projet qui débouche, à partir d'un processus non linéaire et en partie indéterminé ex ante, sur un produit ou un agencement nouveau, reproductible, imitable et le plus souvent améliorable. Nous abordons ensuite les dimensions économiques puis sociologiques permettant de mettre en perspective les tendances innovatrices des sociétés contemporaines. Sont ainsi successivement abordés : la crise de 2008, la mondialisation, l'évolution du capitalisme puis l'après-modernité.
This article has two aims : firstly to propose a new approach to innovation off-center relative to the dominant use in the twentieth century which emphasized the industrial economy ; secondly to introduce this issue number and present the articles that compose it. We characterize innovation, the word being used in a broad sense that is not restricted to the technoeconomical domain, as a sequence of actions based on a project which opens, from a non-linear process and in part ex ante undetermined, on a new product or new arrangement, reproducible, imitable and usually improvable. We then address the economic and sociological dimensions to put into perspective the innovative trends of contemporary societies. Are successively addressed : the 2008 crisis, globalization, the evolution of capitalism and post-modernity. - L'innovation, le nouvel imaginaire du changement - Danilo Martuccelli p. 33-45 L'article propose une interprétation historique de l'émergence de l'innovation en tant que nouvel imaginaire du changement dans la période contemporaine. En s'appuyant sur des grandes représentations collectives, il étudie trois moments de ce déploiement. D'abord, il étudie la fonction somme toute limitée de l'innovation technique au cœur de l'idée du Progrès. Ensuite, il aborde la crise de cet imaginaire (notamment dans la politique et l'art) et le progressif surplus d'intérêt qui est accordé à l'innovation comme incarnation des transformations sociales. Enfin, il présente quelques-uns des grands contours de l'innovation en tant que nouvel imaginaire du changement.
This paper develops an historical interpretation of the emergence of innovation as new imaginary of change in contemporary world. Departing from broad collective representations, it analyzes three moments of this process. Firstly, it addresses the limited function of technical innovation at the heart of the idea of Progress. Secondly, it studies the crisis of the imaginary of Progress in particular in politics and art and the increasing interest given to innovation as embodiment of social transformations. Finally, the paper presents and discusses some of the most salient features of innovation as new imaginary of change. - Innovation et Histoire. Une critique philosophique - Thierry Ménissier p. 47-59 Dans cet article, nous entendons développer une analyse philosophique de la notion d'innovation à partir de la caractérisation de ses éléments distinctifs et de sa qualification comme idée historique, en référence aux cadres de l'Histoire et du progrès telle que la modernité les a constitués. De là procède une critique de l'innovation telle qu'elle est employée aujourd'hui en dehors de la sphère technologico-économique pour la qualification de laquelle elle a été conçue. On en déduit certaines conséquences quant au rapport des sociétés contemporaines à l'Histoire, avant d'examiner à quelles conditions il est possible de requalifier ce concept dans une optique politique adaptée à la situation de sociétés à la fois post-progressistes et confrontées à la nécessité de réinventer leur futur.
In this article, we intend to develop a philosophical analysis of the concept of innovation from the characterization of its distinctive elements and its classification as historical idea with reference to the executives of the History and progress as the modernity made. Hence proceeds a critical innovation as it is used today outside the technological-economic sphere for the qualification which it was designed. We deduce some consequences for the relationship of contemporary societies to History before examining under what conditions it is possible to redefine the concept in political terms appropriate to the situation of companies both post-progressive and face the need to reinvent their future. - L'innovation institutionnelle : une entreprise politique à base d'emprunts extérieurs : L'exemple de la diffusion des nouveaux instruments d'intelligence dans les forces de police - Thierry Delpeuch p. 61-78 Du point de vue de l'analyse des politiques publiques, l'innovation institutionnelle revêt deux caractéristiques fondamentales : les emprunts extérieurs jouent un rôle fondamental dans sa construction et, d'autre part, elle constitue une forme d'entreprise politique. Le mouvement contemporain de diffusion de nouveaux instruments d'intelligence dans les organisations policières illustre parfaitement ce fait. Fruit d'une volonté de réforme du modèle professionnel réactif qui prédominait partout avant les années 1980, cette vague internationale de transferts institutionnels a propagé deux catégories de nouveaux instruments d'intelligence, correspondant chacune au projet politique d'instaurer un modèle alternatif de policing, l'un « territorialisé-préventif », l'autre « managérial-répressif ». Véhiculées par des réseaux internationaux d'experts académiques et professionnels, ces innovations ont été source de conflits politiques et de résistance dans les organisations où elles ont été adoptées.
From the perspective of public policy analysis, institutional innovation has two main noteworthy features : it is a particular form of political enterprise (1), in which external borrowing plays a crucial role (2). The contemporary trend toward the international diffusion of new law enforcement intelligence tools illustrates this clearly. This wave of institutional transplants is the result of a political will to reform the dominant policing model that prevailed in Western countries before the 1970s (the reactive professional model). This has led to the dissemination of two different kinds of innovative intelligence tools, both of them embodying a political intention to establish a new model of policing. The first type of tools is in line with a “preventive-territorialised” model and the second one is congruent with a “managerial-repressive” model. These innovations were conveyed by transnational networks of academic and professional experts. They caused political conflicts and resistance to change inside adopting organizations.
- Questioning the common sense of creativity and innovation through Deleuzian thought - Emma Jeanes p. 79-91 Cet article s'appuie sur les travaux de Gilles Deleuze afin de remettre en cause le discours sur la créativité. Il a son origine dans l'attention toujours croissante portée à la recherche de solutions créatives et innovantes pour satisfaire les besoins et les désirs de la société, un récit devenu si omniprésent et un tel lieu commun qu'il risque d'être accepté sans discussion. On approfondit les idées de Deleuze qui indiquent que nous avons besoin de repenser ce que signifie être créatif et inno-vant, et on interroge la territorialisation habituelle de ce discours. On examine les conséquences de cette rhétorique et de cette activité, en les reliant plus particulièrement à la politique et au capitalisme. Bien que Deleuze ne propose pas de réponse simple, sa critique de ce qu'il appelle l'image problématique (mais dogmatique) de la pensée met à mal nos hypothèses et insiste sur la nécessité de considérer la genèse de notre pensée. En soulevant nous-mêmes la question de savoir d'où vient cette pensée, nous comprenons que bon nombre des problèmes que l'on essaye de résoudre et des valeurs en fonction desquelles nous travaillons, nous sont donnés « tout faits », ce qui nous conduit à travailler en fonction de ce que l'on sait et de ce que l'on reconnait. Ce qui inhibe notre véritable potentiel créatif et d'innovation.
This paper draws on the work of Gilles Deleuze to question the discourse of creativity. Its motivation lies in the ever-growing focus on the need for creative and innovative solutions to address the needs and wants of society, a narrative that has become a ubiquitous and taken-for-granted ‘common-sense' such that it risks an unquestioning acceptance of it. The paper explores the ideas of Deleuze to suggest we need to ‘rethink' our understanding of what it means to be creative and innovative and to question the current territorialisation of this discourse. It reflects on the consequences of this rhetoric and activity, particularly relating it to the realm of the political and capitalism especially. Whilst Deleuze doesn't offer any easy answers, his critique of what he calls the problematic (but dogmatic) image of thought poses challenges to our assumptions and stresses the need to consider the genesis of our thinking. By asking ourselves “
from whence does this thought come?
” we learn that many of the problems we seek to answer, and values for which we work are given to us ‘ready made' and limit us to working for what we know and recognise. This inhibits our true creative and innovative potential.
- L'innovation dans les sociétés contemporaines. Mises en perspective - Bernard Paulré p. 5-32
Communication
- L'autorité importée dans Wikipédia : la question de la qualité des sources citées - Gilles Sahut p. 93-105 Cet article analyse la manière dont les contributeurs à Wikipédia ont cherché à renforcer l'autorité de l'encyclopédie par la pratique de la citation de sources. En premier lieu, nous définissons le collectif des contributeurs comme une communauté de pratiques documentaires. Nous analysons ensuite les débats internes sur les règles communautaires relatives à la citation des sources. Celles-ci sont instaurées afin de légitimer le projet encyclopédique. Cependant les exigences sur la qualité des sources citées sont limitées par les interprétations divergentes de la Neutralité de point de vue, la diversité des thématiques traitées et la volonté de maintenir l'ouverture à la participation.
- L'autorité importée dans Wikipédia : la question de la qualité des sources citées - Gilles Sahut p. 93-105
Politique
- Les migrations polonaises en prime time : la série Les Londoniens ou le “self made migrant” - Julie Voldoire p. 107-121
Livres en revue
- Philippe Aldrin, Nicholas Hubé, Caroline Ollivier-Yaniv et Jean-Michel Utard (dir.), "Les Médiations de l'Europe Politique" - Philip Schlesinger p. 123-126
- Soraya Boudia et Nathalie Jas (eds), "Powerless Science? Science and Politics in a Toxic World" - Jean-Noël Jouzel p. 127-129
- Frédéric Forest, "Freud, Lacan : anatomie d'un passage. Le concept de réseau en psychanalyse" - Michel Daccache p. 131-133