Contenu du sommaire : Évoquer la mort
Revue | Questions de communication |
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Numéro | no 20, 2011 |
Titre du numéro | Évoquer la mort |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier. Évoquer la mort
- Les modes de re-présentation de la mort et leurs enjeux dans la construction de l'événement - Marie-Laure Florea, Alain Rabatel p. 7-18
- Du cadavre au martyr. La représentation de la mort des combattants dans la presse iranienne lors de la guerre Iran-Irak (1980-1988) - Agnès Devictor p. 19-48 En temps de guerre, la presse montre très rarement la mort des soldats de son propre camp et, lorsqu'elle le fait, c'est souvent en transgressant les ordres du politique et du militaire. Mais qu'en est-il dans un contexte où la mort en martyr a été l'objet d'une intense valorisation rhétorique de la part des autorités, au point de devenir un élément de la mobilisation nationale ? À partir d'un cas historiquement et géographiquement situé, celui de la représentation des morts de guerre iraniens lors de la guerre Iran-Irak (1980-1988) dans le très officiel quotidien Johmuri-ye eslâmi (République islamique), cette étude vise à montrer comment la presse a été confrontée à ce discours idéologique et les stratégies de communication qu'elle a déployées pour y répondre. Entre logique d'information et logique de propagande, ce quotidien a formulé des tentatives originales pour représenter le martyre sans toutefois montrer la mort, révélant le caractère problématique, pour la presse – même la plus idéologisée – de montrer la mort de ses forces combattantes.During a war, printed medias scarcely show the death of their own side's soldiers. And when they do, it is usually transgressing orders of political or military power. But what happens in a context in which martyrdom is the object of a massive official rhetoric, becoming part of the national mobilization ? Based on a historically and geographically located situation, the representation of death at war of Iranians during the Iran-Iraq war (1980-1988) as represented by the official daily Johmuri-e eslâmi (Islamic Republic), this research shows how the press confronted this ideological discourses and the procedures of communication it deployed to respond to them. Between informative strategy and propaganda strategy, this daily built an original way out to represent martyrdom without showing death. This study demonstrates the difficulties for the press, as ideologically driven it may be, to show the death of its own soldiers.
- Voir/ne pas voir la mort1. Les représentations photographiques des conflits des Grands Lacs dans les médias français (1994-1997) - François Robinet p. 49-78 L'analyse des représentations photographiques de la mort lors de la couverture des conflits des Grands Lacs entre 1994 et 1997 permet d'établir deux constats principaux. D'abord, la mort occupe une place relativement conséquente au regard du nombre de clichés, de la place prise par les photographies et de la diversité des formes de représentation ; cependant, entre euphémisation et exacerbation, sa présence reste très variable, souvent stéréotypée et fondée sur l'iconographie de la douleur. Ensuite, ces représentations constituent un enjeu majeur pour certains acteurs qui tentent d'exercer une influence sur l'utilisation faite de la mort dans les médias ; la couverture photographique donne alors à voir une reconstruction de l'événement qui résulte des interactions complexes entre la communication institutionnelle, la sphère médiatique et les acteurs sur le terrain (belligérants, humanitaires).The analysis of the photographic representations of death in the media coverage of the conflicts of the Great Lakes region between 1994 and 1997 allows to establish two main reports. First of all, death occupies a relatively consequent place towards the number of pictures, the place taken by photos and the diversity of the forms of representation ; however, its presence remains very variable, euphemized or exacerbated, stereotypical and based on the iconography of pain. These representations constitute also a major issue for some actors who try to exercise an influence on the use which is made of death in the media; the photographic coverage then shows us a reconstruction of the event which results from complex correlations between institutional communication, the media sphere and actors on the ground.
- La mort des victimes civiles et des combattants dans les discours d'information des journaux télévisés. Le conflit armé en Colombie - Yeny Serrano p. 79-104 Conscients de l'influence que pouvaient avoir leurs discours d'information dans l'évolution et la recrudescence du conflit armé en Colombie, les journalistes colombiens entreprirent dès les années 90 de diffuser moins d'images violentes à la télévision. Ainsi ont-ils décidé de présenter les images des morts et des blessés uniquement en noir et blanc, puis de ne diffuser ces images que dans les cas où cela s'avérerait « strictement nécessaire ». Ces mesures qui, depuis, ont été modifiées ou abandonnées, visaient à ne pas rendre les téléspectateurs insensibles en diffusant des images violentes de manière récurrente. Deux décennies plus tard, cet article s'interroge sur la place de la mort dans les discours d'information médiatique concernant le conflit armé et sur la manière d'informer de la mort des civils et des combattants. Sur la base d'un corpus télévisuel extrait des quatre journaux télévisés nationaux du pays, entre juin 2006 et juin 2008, il s'agit d'analyser la manière dont l'exhibition ou l'occultation de la mort associée à la confrontation armée en Colombie, ainsi que la manière de la désigner, répond à des enjeux stratégiques des acteurs en conflit qui cherchent à légitimer leur guerre en discréditant l'adversaire à travers les médias de masse.By the 1990s, Colombian journalists decided to distribute less violent images. In fact, they were concerned about the consequences of the news they used to produce, which could help the armed conflict in Colombia to evolve and to become worse. Thus, they agreed to present the images of dead and injured people only in black and white pictures. Then they chose to broadcast these images in case it would be “strictly necessary”. The aim of these measures which since have been modified or abandoned was to protect viewers and to avoid making them insensitive to violence. In fact, by disseminating violent images repeatedly the media feared that people could become accustomed to violence. Nearly two decades later, it would be relevant to analyse which place takes death in the news television broadcasts regarding the armed conflict to consider which differences can be seen in the way people are being informed about the death of civilians and combatants. By analysing a corpus extracted from the broadcastings of the four television national newscasts between June 2006 and June 2008, this paper discusses how the exhibition or hiding of death associated with the armed conflict in Colombia, as well as the designation of death, reveals the strategy of the actors in conflict who seek to legitimize their war by discrediting the opponent using the mass media.
- « Le martyre des innocents » : Mises en scène visuelles et discursives de la mort de masse dans les crises humanitaires (1967-1994) - Valérie Gorin p. 105-134 Le propos se concentre sur les représentations de la mort de guerre dans la presse magazine internationale, à travers quatre conflits armés de la fin du XXe siècle : les génocides biafrais et rwandais, les guerres civiles du Liban et d'ex-Yougoslavie. Ces représentations discursives et visuelles des tués de la guerre révèlent à la fois des différences de traitement selon l'origine ethnique des conflits mais aussi une hiérarchisation des victimes. De plus, que les reportages favorisent des représentations d'une mort brutale et massive, à l'image de massacres emblématiques de ces conflits, ou de l'individualisation de la souffrance des civils, ils en appellent souvent à l'émotionnel et, par-delà, à une intervention de la communauté internationale. Enfin, soulignant l'in-montrable plus que l'indicible, ces représentations cachent à la vue des spectateurs les morts portant atteinte à l'intégrité physique des corps, comme le démembrement et la décomposition. Au-delà des visions macabres, ces manières de dire et de faire voir questionnent aussi nos seuils de sensibilité dans notre rapport à la souffrance des autres, proche ou lointaine.This article focuses on representations of war death in newsmagazines, through four armed conflicts of the end of the 20th century: the Biafran and Rwandan genocides, the civil wars in Lebanon and the Balkans. These visual and discursive representations of the war dead reveal some differences in the framing depending on the ethnic background of those conflicts, but also a hierarchy of the victims. Moreover, whether the reports tend to promote representations of a brutal and massive death, such as in emblematic massacres of those conflicts, or of an invidualization of the civilians suffering, they often appeal to emotions and beyond, to an intervention of the global community. Finally, by emphasizing representations that are more suitable for telling instead of viewing, newsmagazines hide from the spectators' view deaths that damage the physical integrity of the body, such as dismemberment or disintegration. Beyond these macabre visions, these ways of telling and showing also question the limits of our sensibility towards others' pain and our relation to close or distant suffering.
- La mort aux États-Unis dans l'information télévisée française - Denis Guthleben p. 135-154 Avec près de 35 000 reportages diffusés depuis 1995, les États-Unis sont de loin le pays le plus couvert par les émissions françaises d'information télévisée : pendant la même période, le nombre de séquences dédiées à l'ensemble des voisins européens de la France est au moins deux fois moindre. Au sein de ce corpus considérable, une représentation de la mort en Amérique domine largement : celle de la mort violente, étroitement liée aux reportages consacrés à la criminalité outre-Atlantique. Elle prend des formes différentes notamment selon la nature de l'événement – homicide, peine capitale, attentat terroriste – et la capacité de montrer des images. À l'exception du décès de célébrités, rares sont les représentations de la mort qui dérogent à cette règle générale.With more than 35 000 reports since 1995, the United States is, by far, the most covered country on French TV news programs: during the same period, news reports devoted to all France's neighbouring countries are at least two times less. Within this large corpus, a representation of death in America is predominant: violent death, close linked to the news reports about crime in the United States. Dying and death are represented via various dimensions and to varying degrees, particularly according to the nature of the events – murder, capital punishment, terrorist attack – or the capability to show images. With few exceptions like the deaths of celebrities, rare are the representations of death that depart to this general rule.
- Le Monde de l'euthanasie (1998-2010) - Pascal Hintermeyer p. 155-174 Cette contribution concerne la manière dont les questions relatives à la fin de vie sont traitées à partir d'informations sur l'euthanasie. La période analysée porte sur une douzaine d'années à partir de 1998, lorsqu'est adopté en France un premier plan triennal sur la fin de vie. Le corpus est constitué par les articles parus dans Le Monde, quotidien qui s'efforce de traiter avec mesure ce sujet controversé. L'analyse porte sur les procédés discursifs et rhétoriques utilisés comme la révélation, la conjonction significative, la polarisation collective, la confrontation personnifiée et la reconstitution de drames générateurs. Elle se prolonge par une réflexion sur les schèmes d'interprétation mobilisés pour induire une nécessité, une conception du progrès et des connotations axiologiques irradiant à partir de termes polysémiques.The article deals with the questions relative to life-ending and the way they are treated on the basis of information concerning euthanasia since 1998, when the first triennial plan about life-ending was adopted in France. The corpus is composed of the articles published during about twelve years in the French newspaper Le Monde, which tries to give a moderate point of view on this controversial topic. The analysis is focused on the discursive and rhetorical processes used, i.e revelation, significant conjunction, collective polarisation, personified confrontation and reconstitution of generating dramas. It is completed by a reflection on the interpretation schemata employed in order to induce a necessity, a conception of progress and of axiological overtones irradiating from polysemic terms.
- La levée progressive du tabou des responsabilités socio-professionnelles dans les suicides en lien avec le travail à France Télécom (fin août-octobre 2009) - Alain Rabatel p. 175-198 Cet article analyse le tabou du traitement médiatique des suicides au travail, à travers l'étude des évolutions de la couverture médiatique des suicides à France Télécom, à la fin de l'été et au début de l'automne 2009, lorsque les suicides se multiplient et prennent des formes spectaculaires. Cette aggravation contraint les dirigeants (patronat et gouvernement) à s'exprimer publiquement et incite les médias à modifier les scénographies antérieures réduites au face-à-face des sources énonciatives patronales et syndicales. Dès lors, la presse manifeste une volonté délibérée d'inscrire chaque suicide dans une série dramatique (à épisodes) et de passer du récit dramatique et spectaculaire à l'explication et à l'interprétation, à travers les modifications du face-à-face antérieur. Cela entraîne l'exploitation plus systématique de l'hyperstructure et le recours aux témoignages des salariés ou des spécialistes de la santé ou du travail. Ces modifications du traitement médiatique (dans la presse quotidienne nationale, régionale ou hebdomadaire) accompagnent, voire accélèrent, l'émergence d'une responsabilité de l'entreprise dans les suicides, et, au-delà, dans la dégradation des relations sociales au travail.This article analyses the taboo of the media treatment of the suicides at work the media treatment of suicides at France Telecom, through the study of the evolutions of the media coverage of the suicides to France Telecom, at the end of the summer and at the beginning of the autumn, 2009, as the suicides multiply and take spectacular forms. This escalation forces the leaders (employers and government) to express themselves publicly reduced to the encounter of the sources employers' and labour-union enunciates and incites the media to modify the previous scenographies reduced to the encounter of sources employers' and labour-union enunciates. From then on, the press shows a deliberate will to register every suicide in a dramatic series (in episodes) and to go from the dramatic and spectacular narrative to explanation and interpretation, through the modifications of the previous encounter. It entails the more systematic operation of the hyper structure and the recourse to the testimonies of employees or health and work specialists. These modifications of the media treatment (in the national, regional or weekly daily press) accompany, even accelerate, the emergence of a responsibility of the company in the suicides, and, beyond, in the degradation of social relationships at work.
- Media Representations of Death and the Issues Involved in the Construction of the Event - Marie-Laure Florea, Alain Rabatel
Échanges
- « Le jeu de la mort » : des liaisons dangereuses ? - Béatrice Fleury, Jacques Walter p. 199-214 Le 17 mars 2010, 20 h 35, France 2 diffuse une émission intitulée Jusqu'où va la télé ? dont une partie (Zone XTrême) est une transposition télévisuelle de l'expérience engagée par Stanley Milgram, dans les années 60, sur le rapport que des individus entretiennent à une autorité. C'est sur le terrain du débat d'idées entre chercheurs que Questions de communication a souhaité s'engager, cet aspect étant insuffisamment présent dans l'émission et son traitement. Pour cela, Érik Neveu et Brigitte le Grignou ont proposé une première analyse de l'émission dont les résultats ont été discutés par Philippe Breton, Hervé Glevarec et François Jost. Tous tentent de replacer cette expérience dans un cadre épistémologique et sociologique plus large, ce qui les conduit à nuancer les apports scientifiques de l'émission mais aussi de son modèle, l'expérience Milgram.March 17, 2010, 20.35 pm, France 2 broadcast a program entitled Jusqu'où va la télé ? (“How far goes TV?”) part of which “Zone XTrême” is a transposition on TV of the experience brought by Stanley Milgram in the 60's, takling the relationship that individuals have with authority. It is on the ground of a debate of ideas between researchers that Questions de communication wished to engage, this aspect not being sufficiently present in the show and its treatment. In order to do this, Érik Neveu and Brigitte Le Grignou proposed an initial analysis of the TV program. The results have been discussed by Philippe Breton, Hervé Glevarec and François Jost. All are trying to put this experience in a broader epistemological and sociological framework. The results have been discussed by Philippe Breton, which leads them to qualify the scientific contributions of the show but also its model, the Milgram experiment.
- Beaucoup de bruit pour (presque) rien ? À propos de la diffusion et de la réception du « jeu de la mort » - Brigitte le Grignou, Érik Neveu p. 215-238 Il s'agit, à propos du Jeu de la Mort, faux jeu télévisé reproduisant la fameuse expérience de Stanley Milgram et visant à susciter un débat critique sur les phénomènes de soumission à l'autorité, de questionner trois aspects défendus par les producteurs, notamment scientifiques, du programme. On soulignera d'abord le double parti pris (scientifique et militant) des protagonistes : construire une démonstration scientifique du pouvoir quasi démiurgique acquis par la télévision au seuil du XXIe siècle. On interrogera ensuite les fondements théoriques et méthodologiques de l'émission, soit le recours quasi exclusif à une discipline, la psychologie sociale. Enfin, on analysera les effets régressifs (régression épistémologique et politique) de l'indifférence des protagonistes aux apports des sciences sociales, c'est-à-dire aux explications « du social par le social ».This paper is about a television programme called Le jeu de la mort (“The Death Game”) which recreates the famous Milgram experiment, in the setting of a fake TV game. Our contribution aims at dealing with three claims made by the producers and social scientist who framed this show. Firstly we question both their commitment against and their scientific speech about what they describe as the frightening powers of television at the beginning of the 21st century. Secondly we discuss the theoretical and methodological foundations of the programme, i.e. the monomaniac uses of Psychosociology. Thirdly we challenge, the regressive effects of producer's indifference to social sciences, their complete lack of interest in explaining “the social by the social”.
- L'« état agentique » existe-t-il vraiment ? - Philippe Breton p. 239-248 Dans l'expérience de Stanley Milgram comme dans d'autres situations – par exemple des exécutions de masse commise par le régime nazi – ce n'est pas le recours à l'autorité qui pousse les gens à torturer ou à tuer leur prochain. L'« état agentique » est une illusion expérimentale. L'expérience de Stanley Milgram potentialise la croyance solidement chevillée chez la plupart de ses cobayes, comme sujets libres, selon laquelle la réponse à la situation qu'ils rencontrent passe par la punition vindicative à portée éducative.In Stanley Milgram's experiment as in other situations, for example mass killings committed by the Nazi regime, it is not the recourse to authority which urges people to torture or to kill their fellow man. The “agentic state” is an experimental illusion. The experience of Stanley Milgram potentialises the faith solidly dowelled to most of its guinea pigs, as free subjects, according to which the answer to the situation they meet pass by the vindictive punishment with educational impact.
- Jeu de la mort ou jeu avec le feu ? Les leçons d'une prétérition télévisuelle1 - François Jost p. 249-266 Bien qu'il fût l'objet d'un battage médiatique exceptionnel, Le Jeu de la mort a été un échec relatif. Cette contribution en examine les causes, depuis la promotion jusqu'à la réception. D'un bout à l'autre de la chaîne, ce programme vise d'abord à créer de l'émotion chez le téléspectateur et à lui faire peur devant les conséquences possibles du pouvoir de la télévision. En revanche, son examen détaillé empêche de le considérer comme une transposition juste de l'expérience de Stanley Milgram. En particulier, il néglige de prendre en compte la présence du public. Ce dispositif de jeu, épistémologiquement critiquable, est pourtant à la base de jugements de valeur qui touchent très vite ce « point Godwin » où le raisonnement n'a plus aucune prise. La quête du spectaculaire a finalement décrédibilisé le message scientifique. À sa manière, ce documentaire témoigne de la crise d'identité du service public de la télévision française.Although the Game of Death (Le Jeu de la mort) benefited from an exceptional media hype, it was a relative failure. This article examines its causes, since the promotion until the reception. Throughout this communication this program aims at first at creating some emotion at viewers and at frightening them by facing with possible consequences of the power of television. Moreover, the detailed analysis of the documentary prevents from considering it as a right transposition of the Milgram experiment. In particular, it neglects to take into account the presence of the public. This questionable game apparatus is nevertheless on the base of value judgments which trigger very quickly the “Law of Godwin” where reasoning is no longer efficient. This quest of the spectacular finally discredits the scientific message. In its way, this documentary testifies of the identity crisis of the French Public Broadcasting Service.
- Le jeu de la mort comme fallace. Pouvoir de la télévision ou autorité d'un dispositif ? - Hervé Glevarec p. 267-276 « Ainsi, la télévision peut, sans contestation possible, organiser demain la mise à mort d'un individu en guise de divertissement », dit le commentaire de l'émission Le jeu de la mort. En effet, France Télévisions l'a fait. Et rien de spécifique en cela à la télévision. Le dire en le sollicitant soi-même est pervers. Dans leur article, Brigitte Le Grignou et Érik Neveu (2011) insistent sur l'erreur d'objet que constitue l'affirmation d'un pouvoir de la télévision sur les téléspectateurs à participer à un jeu-expérience (La Zone XTrême) qui ne concerne que des participants, et sur le cadre intellectuel un peu étroit de l'interprétation des résultats de l'expérience. Nous pointons ici une seconde erreur d'interprétation : le jeu La Zone XTrême ne dit rien sur le pouvoir de la télévision en particulier mais sur l'autorité d'un dispositif. Il aurait pu être un dispositif d'apprentissage plutôt que de jeu ou être réalisé à l'université sans que cela modifie ses résultats. Sa seule conclusion intellectuelle est de montrer que la télévision est susceptible de fonctionner comme une institution, a fortiori légitime. Son commentaire analysé, Le jeu de la mort apparaît comme le jeu-limite La Zone XTrême lui-même. France Télévisions s'est permis de réaliser une expérience interdite ailleurs en faisant passer le jeu pour un documentaire sur le jeu, ce qui lui a permis de mettre en place le jeu. Et le pouvoir de la télévision se trouve davantage dans le commentaire hégémonique du Jeu de la mort sur les effets de la télévision que dans les résultats de l'expérience La Zone XTrême.“Tomorrow television can undoubtedly organize someone's execution as a form of entertainment”, according to the comment made in the television show Le jeu de la mort. Indeed, France Télévisions did this. But it is not specific to television. In their paper “Beaucoup de bruit pour (presque) rien ?”, Brigitte Le Grignou et Érik Neveu (2011) note the error : it is erroneous to argue about the power of television over viewers in an experiment (i.e. La Zone XTrême) with people participating in a television game. We would like to point out an error of interpretation here: the game La Zone XTrême says nothing about the power of television in particular, but it says a lot about the authority of a device. It could have been a learning device rather than a game or be carried out at the University without any major differences in result. The only conclusion we could argue is that television might be a fortiori a legitimate institution. Upon analysing the comment made in the show, Le jeu de la mort appears to be at the limit of the game La Zone XTrême itself. France Télévisions allowed itself to conduct an experiment, prohibited elsewhere, by raising the game to a documentary on the game, thus allowing producers to set up the game. The power of television is more in the hegemonic comment of « Le jeu de la mort » about the power and effects of television than the outcomes of the experiment La Zone XTrême.
- « Le jeu de la mort » : des liaisons dangereuses ? - Béatrice Fleury, Jacques Walter p. 199-214
Notes de recherche
- La culture sportive est-elle transmissible par les médias ? - Valérie Bonnet p. 277-292 Cette contribution s'intéresse à la médiatisation du sport afin de déterminer dans quelle mesure le commentaire sportif des retransmissions télévisuelles parvient à transcrire/transmettre une culture/un univers sportive (sportif) et à la/le diffuser auprès d'un public vaste et diversifié. C'est la rencontre de deux mondes, souvent présentés comme distincts, celui des médias et celui du sport, que nous nous proposons d'étudier ici afin de déterminer dans quelle mesure le sport entre en corrélation et en disjonction avec le social, englobé dans cet élément de la sphère publique que sont les médias.This paper aim to study the mediatisation of sport and to determinate to what extent television commentaries are able to translate its cultural aspects and to pass it down to a wide audience. The broadcast of the track meet is the occasion of bringing two worlds in contact. Then, the purpose is to analyse how the world of sport converge on or diverge from the social sphere, included in this element of the public arena that are the medias.
- La construction polyphonique des pétitions en ligne. Le cas des appels contre le débat sur l'identité nationale - Robert Boure, Franck Bousquet p. 293-316 À travers l'exemple de trois pétitions électroniques demandant l'arrêt du débat sur l'identité nationale ou la suppression du ministère éponyme à son origine, l'article interroge certaines façons contemporaines d'intervenir dans l'espace public et de mettre en visibilité une cause, une organisation ou des personnalités. L'étude du contexte, des dispositifs sociotechniques et de la construction sociale de ces pétitions en ligne, héritières d'une forme traditionnelle de mobilisation (la pétition « papier »), révèle des objets marqués par une énonciation polyphonique, co-construite par des voix multiples, et bâtis autour d'objectifs parfois très différents.Through the example of three petitions asking for the stop of the debate on national identity or the abolition of the ministry responsible of it, this article examines some contemporary ways to speak in public space and to profile a cause, organization or personalities. The study of the context, the devices and the construction of these online petitions, heiresses of a traditional shape of mobilization, reveals objects marked with a polyphonic statement, co-built by multiple voices, and built around very different objectives.
- Les romans sentimentaux des collections Harlequin : quelle(s) figure(s) de l'amoureux ? Quel(s) modèle(s) de relation(s) amoureuse(s) ? - Béatrice Damian-Gaillard p. 317-336 Marchandises de la culture de masse, les romans sentimentaux appartiennent aux objets déclassés, aux mauvais genres, souvent méprisés par les tenants de la culture savante, dont la culture scientifique. Cet article a pour objectif l'analyse des représentations imaginaires de la ou des masculinité(s), développée(s) dans les romans Harlequin, en lien avec celle(s) de la ou des féminité(s), en s'appuyant notamment sur les travaux issus des gender studies. Sans nier le contexte socio-économique dans lequel ils sont fabriqués, ces produits ne sont pas assimilés à un tout uniformisé et uniformisant, sous prétexte qu'ils sont soumis à une production industrielle en séries, en lien avec une consommation de masse. Il s'agit plutôt, dans l'analyse des scripts culturels, de tenir compte des stratégies marketing de segmentation des publics mises en œuvre par l'instance de production, et réalisées au travers le développement de collections.Goods of the mass culture, the sentimental novels belong to the relegated objects, to the bad kinds, often disdained by the upholders of the learned culture, of which the scientific culture. This article has for objective the analysis of the imaginary representations of one or several manliness, developed in Harlequin novels, in connection with that of one or several femininity(ies), by leaning in particular on the works stemming from gender studies. Without denying the socioeconomic context in which they are made, these products are not integrated in a standardized and standardizing whole, on the pretext that they are subjected to a serial industrial production, in connection with a mass consumption. It is rather a question, in the analysis of the cultural scripts, of taking into account marketing strategies of segmentation of the public operated by the authority of production, and realized through the development of collections.
- Les nouveaux habits de la censure chinoise - Alain Peter p. 337-352 Le séisme du Sichuan en mai 2008 ouvre une nouvelle étape dans la politique du parti communiste chinois à l'égard de l'information. Depuis 1989, sa priorité allait à la suppression des mauvaises nouvelles. Depuis le séisme, poussé par l'évolution de la société et des technologies de communication, il laisse les médias rendre compte des événements soudains et en profite pour vanter son action. Cette situation ouvre des perspectives aux médias et confère davantage d'autonomie aux journalistes, mais elle ne signifie pas que la communication des idées et la presse deviennent libres. L'exemple du Dongfang Zaobao, un journal commercialisé de Shanghai qui attache une grande importance à la photographie d'actualité, montre comment les journalistes ont étendu leur champ d'action à l'occasion du séisme, mais rappelle aussi que le pouvoir réussit à canaliser l'opinion publique.The May 2008 Sichuan earthquake opened a new stage in the Chinese Communist party management of information. Since 1989, it aimed to suppress all bad news. Since the earthquake, driven by social and technological evolutions, it allows the media to cover sudden breaking news and uses it as an opportunity to valorise its policy. This situation opens new perspectives for the media and allows more autonomy to the journalists, but it doesn't mean that communication and the press become free. The example of the Dongfang Zaobao, a Shanghai based newspaper that attaches great importance to the news photography, shows how the journalists extended their autonomy during the earthquake coverage, but also how the Chinese authorities succeed in canalising the public opinion.
- L'étude des médias est-elle soluble dans l'informatique et la physique ? À propos du recours aux digital methods dans l'analyse de l'information en ligne - Franck Rebillard p. 353-376 Les recherches portant sur l'information en ligne sont marquées par une certaine emprise des méthodes quantitatives et statistiques. Elles rejoignent pour partie une autoproclamée nouvelle science des réseaux, appuyée sur la physique et les mathématiques, ainsi que le plaidoyer pour des méthodes d'observation spécifiques (digital methods), tirant profit des capacités de traitement informatique et des matériaux numériques de l'internet. L'examen détaillé de tels travaux permet d'en cerner les apports (exhaustivité du corpus, représentation synthétique des résultats) et les limites (analyses parfois insuffisamment approfondies, catégorisations réductrices pour les besoins d'automatisation). Il fait également apparaître la nécessité de croiser les digital methods avec des méthodes plus classiques en sciences humaines et sociales, afin de saisir les multiples dimensions des phénomènes médiatiques.Quantitative and statistical methods are more and more frequently used in online news research. They globally join both a larger theoretical frame based upon physics and mathematics – the so-called new science of networks – and a claim to create new digital methods. The latter are expected to catch the infinite digital materials available on the Internet ground and to make their automatic processing easier. Some of these works are examined in this article. Digital methods provide unprecedented massive datasets to media studies as well as convenient graphical tools for exploring them. But the counterparts of such advantages must be taken in consideration too : due to computing constraints, the initial categorizations are not always very relevant and they sometimes lead to insufficiently deepened analyses. These limitations call for completing digital methods with more usual methods from humanities and social sciences in order to improve the whole understanding of media phenomena.
- La culture sportive est-elle transmissible par les médias ? - Valérie Bonnet p. 277-292
Notes de lecture
Culture, esthétique
- Hervé Aubron, Génie de Pixar - Tanguy Wuillème p. 381-382
- Christophe Bardin, Claire Lahuerta, Jean-Matthieu Méon, dirs, Dispositifs artistiq - Alexandre Eyries p. 382-384
- Jerome De Groot, Consuming history. Historians - Laurent Di Filippo p. 384-385
- Riera i Arago, Le rêve du navigateur - Tanguy Wuillème p. 386-387
- Yves Jeanneret, Where is Monna Lisa ? et autres lieux de la culture - Jean-François Tétu p. 387-388
- Marc Lits, Le genre policier dans tous ses états. D'Arsène Lupin à Navarro - Jean-François Tétu p. 388-390
- Vincent Lowy, Cinéma et mondialisation. Une esthétique des inégalités - Alexandre Eyries p. 390-392
- Frédéric Martel, Mainstream. Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde - Matthieu Rémy p. 392-394
- Musée Paul Valéry de Sète, Juan Gris. Rimes de la forme et de la couleur - Tanguy Wuillème p. 394-396
- Palais des Beaux Arts de Lille, Portraits de la pensée - Tanguy Wuillème p. 396-397
- Guillaume Soulez, Quand le film nous parle, rhétorique, cinéma et télévision - Barbara Laborde p. 397-399
Histoire, épistémologie
- Éric Chauvier, Anthropologie de l'ordinaire. Une conversion du regard - Laurent Di Filippo p. 399-401
- Tristan Garcia, Nous, animaux et humains. Actualité de Jeremy Bentham - Tanguy Wuillème p. 401-403
- Michel Korpa, Gustave Le Bon. Hier et aujourd'hui - Tanguy Wuillème p. 403-405
- Peter Sloterdijk, Tu dois changer ta vie - Tanguy Wuillème p. 405-408
Médias, journalisme
- Jérôme Bourdon, Du service public à la télé-réalité. Une histoire culturelle des télévisions européennes, 1950-2010 - Guy Lochard p. 408-410
- Elvina Fesneau, Le poste à transistors à la conquête de la France. La radio nomade (1954-1970) - Francis Balle p. 410-411
- Vincent Goulet, Médias et classes populaires. Les usages ordinaires des informations - Brigitte le Grignou p. 411-414
- Daniel Moatti, Le numérique éducatif (1977-2009). 30 ans d'un imaginaire pédagogique officiel - Alexandre Eyries p. 414-416
- Philippe Tétard, Sylvain Villanet, Les voix du sport. La presse sportive régionale à la belle époque (2 tomes) - Michael Palmer p. 416-417
Sociétés
- Günther Anders, L'obsolescence de l'homme. Tome 2. Sur la destruction de la vie à l'époque de la troisième révolution industrielle - Tanguy Wuillème p. 417-420
- Louis Becq de Fouquières, Les jeux des anciens : leur description, leur origine, leurs rapports avec la religion, l'histoire, les arts et les mœurs - Boris Solinski p. 420-422
- Philippe Caumières, Arnaud Tomes, Cornélius Castoriadis. Réinventer la politique - Tanguy Wuillème p. 422-425
- Vincent Dubois, La vie au guichet. Relations administratives et traitement de la misère - Amina Lasfar p. 425-427
- Geoffroy de Lagasnerie, Logique de la création - Tanguy Wuillème p. 427-430
- Olivier Fillieule, Lilian Mathieu, Cécile Péchu, dirs, Dictionnaire des mouvement - Khosro Maleki p. 430-432
- Claude Forest, dir., « Du héros au super héros. Mutations cinématographiques », Théorème, 13. - Vincent Hecquet p. 432-434
- Béatrice Galinon-Mélénec, dir., L'Homme trace. Perspectives anthropologiques des traces contemporaines - Daiana Dula p. 435-437
- François Hulbert, Le pouvoir aux régions. La reconstruction géopolitique du territoire français - Jean Cermakian p. 437-438
- Nicolas Kaciaf, Jean-Baptiste Legavre, dirs, Communication interne et changement - Gino Gramaccia p. 438-440
Nouvelles technologies
- Dominique Cardon, La démocratie internet. Promesses et limites | Joseph M. Reagle, Good Faith Collaboration. The Cultu - Francesca Musiani p. 440-444
- Mia Consalvo, Charles Ess, eds, The Handbook of Internet Studies - Laurent Di Filippo p. 444-446
- Julie Denouël, Fabien Granjon, dirs, Communiquer à l'ère numérique. Regards croisés sur la sociologie des usages - Julien Falgas p. 447-449
- Bernard Guerrien, La théorie des jeux - Boris Solinski p. 449-450
- Edwy Plenel, En défense d'internet et de Wikileaks - Gilles Boenisch p. 450-452
- Marcin Sobieszczanski, Céline Masoni-Lacroix, dirs, Du split-screen au multi-screen. La narration vidéo-filmique spatialement d - Alexandre Eyries p. 452-454
- Hervé Zénouda, Les images et les sons dans les hypermédias artistiques contemporains. De la correspondance à la fusion - Pierre Morelli p. 454-456