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Revue | Gérer et comprendre (Annales des mines) |
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Numéro | no 128, juin 2017 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Réalités méconnues
- Deus ex Machina dans l'« espace régulatoire » du crédit en France, la reconnaissance du crowdlending face au monopole bancaire - Antoine Souchaud p. 3-13 Qualifiée par les uns de « divine surprise » ou par les autres d'« inconséquence dramatique », l'ouverture d'une dérogation au monopole bancaire sur le crédit au bénéfice des plateformes adoptant le nouveau statut d'Intermédiaire en financement participatif (IFP) a constitué un véritable coup de tonnerre demeuré en grande partie inexpliqué.Nous chercherons ici à comprendre ce qui a permis d'aboutir en un temps record à l'apparition d'une brèche réglementaire dans le monopole bancaire. Les principaux résultats de notre recherche sont les suivants :le monopole bancaire sur le crédit était un principe de régulation dont la légitimité, sur le plan intellectuel, était presque unanimement reconnue comme étant extrêmement fragile ;l'association professionnelle des plateformes a présenté sa démarche de coconstruction du secteur comme étant un élément de réponse mis à la disposition des pouvoirs publics dans leur combat contre la crise ;un dirigeant de l'une de ces plateformes s'est révélé être un entrepreneur institutionnel redoutable assumant de son propre chef le rôle de nomothète du nouvel incubateur régulatoire proposé ;les cabinets ministériels et présidentiel se sont investis dans cette problématique d'une manière extrêmement active et singulière ;les partisans naturels du monopole bancaire sont restés, quant à eux, divisés, désarmés et indécis quant à la position à adopter dans la négociation.A deus ex machina in the regulatory framework of credit in France: The recognition of “crowdlending” against the bank monopolySaid by some to be a “divine surprise” but by others a “dramatic lack of consequence”, the exemption from the bank monopoly over credit granted to the platforms that adopt the new status of “intermediary in participatory financing” (IFP) has been a thunderbolt that remains largely unexplained. Why was it possible, in record time, to make a breach in regulations protecting the banking monopoly? This monopoly over lending was a regulatory principle; but intellectually, its legitimacy was almost unanimously considered to be very frail. The trade association grouping the platforms presented its approach to co-constructing this sector as a solution placed at the disposal of public authorities for dealing with the recession. A director of one of these IFP platforms proved to be a tough institutional entrepreneur who took upon himself the role of “legislator” of the proposed regulatory incubator. Cabinets, ministerial and presidential, played an unusual, active role, while the banking monopoly's natural supporters were divided, unarmed and indecisive about the position to adopt during negotiations.
- Deus ex Machina dans l'« espace régulatoire » du crédit en France, la reconnaissance du crowdlending face au monopole bancaire - Antoine Souchaud p. 3-13
L'épreuve des faits
- Une approche contextualiste des pratiques de gestion des compétences par l'informel : une enquête sur quatre PME - Dominique Besson, Audace Olaba p. 14-33 Cet article s'intéresse à la portée des pratiques informelles dans les processus de changement de gestion des compétences dans des PME. Ces pratiques informelles recouvrent des comportements, des habitudes de travail et des modalités d'investissement particulières des salariés de PME qui sont peu compatibles avec une instrumentation formelle de la gestion de compétences (GC) telle que dupliquée des démarches officiellement adoptées dans les grandes entreprises.En matière de gestion des ressources humaines et, en particulier, de gestion des compétences, les petites et moyennes entreprises (PME) présentent une variété de pratiques qui demeurent généralement peu formalisées. En effet, la gestion des compétences mise en place dans les grandes entreprises (GE), qui se caractérise par une forte formalisation, requiert une organisation et une instrumentation complexes. Cette structuration est difficile à adapter à des PME, dans le cadre d'un mangement direct de proximité. De nombreuses observations montrent en effet que les instruments formels de GC issus des GE ont peu d'effet sur les pratiques de gestion propres aux PME. En particulier, ces outils ignorent souvent la spécificité des interrelations informelles spécifiques à l'humain et font abstraction de la dynamique qui se joue mentalement chez les salariés en interaction et qui fait sens pour eux.Notre recherche basée sur une analyse de cas approfondie ayant porté sur quatre entreprises moyennes montre que, dans les PME, les interactions non formalisées/instrumentées entre salariés favorisent une culture forte propice aux compétences collectives. Lorsqu'un salarié apporte ses connaissances à un autre salarié, il enrichit ses propres compétences, il contribue à développer les modalités de gestion informelle de GC sous-tendues par les éléments de contextes interne et externe perçus par les salariés. Cette perspective plaçant l'humain au cœur des processus permet de reconsidérer la perspective instrumentale, aujourd'hui dominante.A contextual approach to the management of skills and qualifications though informal practices: A survey of four medium-sized businessesWhat effects do informal practices have on the management of skills and qualifications in small and medium-sized businesses (SMBs)? Informal practices refer to behaviors, work habits and other forms of wage-earner involvement that do not easily lend themselves to the formalized management of skills and qualifications as adopted in big firms. There is a variety of such informal practices in SMBs. The management of skills and qualifications established in big firms requires complicated forms of organization that, characterized by a high degree of formalization, can hardly be adapted to the “proximity management” in SMBs. The formal tools used by big firms have little to do with SMB managerial practices. In particular, they often overlook the specifically human nature of informal interrelations and disregard the mental dynamics of the interactions among wage-earners that make sense to them. Based on an in-depth analysis of four middle-sized firms, this research shows how wage-earners' informal interactions fostered the development of a workplace “culture” conducive to collective skills and qualifications. When a person places his knowledge at a colleague's disposal, his own skills and qualifications improve ; and he contributes to an informal management of sills and qualifications based on elements from the internal and external context perceived by wage-earners. This perspective for placing human qualities at the center of the process opens the way to a review of the now prevalent instrumental approach.
- Fonction publique : de la lente mort de la notation à l'institutionnalisation de l'entretien professionnel - Paul Crozet p. 34-47 Dans la fonction publique, l'évaluation individuelle peut paraître marginale, tout en étant le thème symptomatique de l'impossible réforme de l'administration : mettre plus de cinquante ans pour faire disparaître la notation alors que le système était dénoncé par beaucoup comme dépourvu d'intérêt ne semble pas augurer d'une grande capacité réformatrice.Le droit évolue et officialise de nouvelles pratiques. La disparition de la notation et son remplacement par un entretien d'évaluation, puis la transformation de celui-ci en entretien professionnel renvoient à un bouleversement bien plus profond qu'un simple changement de terminologie. Cette recherche vise à décoder la signification du passage de l'expérimentation de l'entretien d'évaluation en dehors des règles de la fonction publique à la légitimation de l'entretien professionnel.La difficulté à définir le concept de performance, les querelles nées de l'usage d'indicateurs chiffrés, les oppositions sociales et idéologiques ont conduit à structurer les dispositifs réglementaires et les premières expérimentations autour de la thématique du développement des compétences.The civil service: From the slow extinction of performance ratings to the institutionalization of interviewsIn the French civil service, the evaluation of individuals might be evidence of the impossibility of reforming the public administration. Although the rating system has often been lambasted as worthless, it took fifty years to do away with this practice of assigning, every year, a score or grade to each civil servant. These fifty years do not argue in favor of the capacity for carrying out reforms. Nonetheless, laws have changed; and new practices has been officialized. The extinction of the system of individual ratings and its replacement with “evaluation interviews”, now called “professional interviews”, signals a transformation that amounts to much more than a change of language. How to interpret this switch from an experimentation with evaluation interviews (not foreseen under service statutes) to the legitimation of these interviews? The difficulty of defining “performance”, the quarrels surrounding the use of numerical indicators, social and ideological differences... all these have helped shape regulatory procedures and the first experiments in “developing skills and qualifications”.
- TIC et/ou développement durable : le paradoxe écologique vécu par les utilisateurs - Angélique Rodhain, Florence Rodhain, Bernard Fallery, Jérôme Galy p. 48-61 Dans les médias, les technologies de l'information et de la communication (TIC) sont souvent assimilées à des technologies « vertes ». Pourtant, la littérature révèle que le coût écologique de leur utilisation ne cesse de croître...Face à ce paradoxe, la recherche exploratoire que nous avons menée a porté sur les modes d'utilisation des TIC par des personnes impliquées dans la cause écologique. Il ressort de l'analyse des entretiens que, d'une part, des stratégies sont mises en œuvre pour minimiser les culpabilités dues à un écart entre les attitudes écologiques et un comportement moins écologique en général, et que, d'autre part, l'utilisation des TIC donne lieu à des stratégies de déculpabilisation spécifiques.En effet, en partie dématérialisées et consommables quasi à l'infini, les TIC portent en elles un caractère pour ainsi dire « magique » facilitant une vision idéologique de leur vertu écologique. Étant massivement utilisées aussi bien dans la sphère sociale que dans la sphère privée, elles deviennent porteuses d'éléments d'identité : cela explique-t-il que même des personnes adoptant par ailleurs des comportements en phase avec leur conscience écologique n'envisagent pas d'en réguler leur consommation ?Information and communications technology and/or sustainable development? The ecological paradox experienced by usersThe media often greenwash information and communications technology, even though the latter's environmental costs have never stopped rising. The research reported herein for exploring this paradox has focused on how persons committed to the environmental cause put this new technology to use. According to interviews with them, these persons have implemented strategies for minimizing the guilt sparked by the difference between pro-environmental attitudes and less environment-friendly behaviors – specific strategies are adopted to remove guilt feelings. Information and communications technology is partly dematerialized and can be consumed without limit. It is “magical” – at the wave of a wand an ideological vision is summoned up that presents this technology as being environmentally virtuous. Massively used in the social and private spheres, this technology conveys markers of a sense of identity. Might this explain why even persons who, in other matters, adopt behaviors reflecting their awareness of environmental issues can hardly imagine regulating their consumption of information and communications technology?
- Une approche contextualiste des pratiques de gestion des compétences par l'informel : une enquête sur quatre PME - Dominique Besson, Audace Olaba p. 14-33
En quête de théorie
- La Design Science Research Methodology au service de la recherche en contrôle de gestion : application aux recherches sur les systèmes de coûts - Pierre Mevellec p. 62-78 Cet article est doublement ambitieux : sur la méthode, d'une part, et sur l'objet, d'autre part. La DSRM n'est pas chose nouvelle, mais elle n'a été codifiée que très récemment et reste pour l'instant cantonnée aux sciences de l'ingénieur, plus particulièrement aux sciences de l'information. Nous montrerons qu'elle peut également être utilisée de manière efficiente dans le domaine des sciences de gestion. En l'appliquant aux systèmes de coûts, nous revisiterons un domaine de recherche très actif dans les années 1990-2005, mais qui est aujourd'hui quelque peu délaissé. Ce désintérêt s'explique sans doute pour partie par l'absence d'une méthode d'analyse globale de cet artefact que constitue tout système de coûts. Nous espérons que notre illustration de la méthode précitée utilisée pour déconstruire une « innovation » majeure de ces dernières années permettra d'en élargir le champ d'application aussi bien en matière de recherche que dans les pratiques d'organisations confrontées chaque jour aux difficultés soulevées par le développement de nouvelles « innovations ».Design Science Research Methodology at the service of research in management: Application to cost accounting systemsDesign science research is not a new methodology, even though it has been codified but recently and is, for the time being, still restricted to the engineering sciences in information systems. However it can also be efficiently used in the managerial sciences. By applying it to cost accounting systems, this article reviews a field of research that has been somewhat neglected since the very active period of work done there from 1990 to 2005. This disinterest can probably be set down, at least partly, to the lack of a method for globally analyzing the “artifact”, cost accounting systems. This presentation of applying Design Science Research methodology to deconstruct a major recent “innovation” will hopefully extend its scope of application both in research and in the practices of organizations that, day in, day out, cope with the difficulties arising along with new innovations.
- L'Entreprise Sociale et Solidaire, ou la nécessité de changer de paradigme - Éric Persais p. 79-92 Par opposition au modèle classique, l'économie sociale rassemble des entreprises qui privilégient le service rendu à une collectivité d'acteurs – ceci dans un esprit de solidarité – à l'intérêt individuel et à la quête du profit au bénéfice d'actionnaires. En France, la loi ESS de juillet 2014 a donné une nouvelle légitimité à ces organisations qui bénéficient désormais d'un cadre juridique clair et d'un environnement favorable pour se développer. De façon paradoxale, ces entreprises (dont certaines étaient habituées à vivre grâce, notamment, à des financements publics) font désormais face à une pénurie de ressources tant du côté de l'État que de celui des collectivités locales. Cette évolution du contexte les oblige, sinon à modifier leur vision habituelle basée essentiellement sur la promotion de valeurs sociales et humanistes, tout au moins à mettre en avant leur apport de valeurs à la fois économiques, environnementales et sociales qui justifierait des contreparties financières de la part des pouvoirs publics. Je m'attacherai à démontrer ici la nécessité, pour ces entreprises, de changer de paradigme et de passer d'une logique normative à une approche plus instrumentale de leur vision à l'égard des parties prenantes. Je recourrai pour ce faire au concept de Business Model, qui s'avère particulièrement adapté dans un contexte de concurrence et de raréfaction des ressources financières potentielles pour ces entreprises.The “social and solidarity firm”, or the need to change paradigms
In opposition to the classical economy based on individual interests and the profit-making for shareholders, the social economy refers to firms that give priority to the services rendered out of a spirit of “solidarity”. In France, the ESS Act of July 2014 endowed these “social and solidarity enterprises” with legitimacy and with a clear legal framework and environment favorable to their growth. Some of these firms are used to living on public aid from the central government or local authorities. Paradoxically, they now face a scarcity of funding from these sources. This has forced them, if not to alter their usual focus on social and humanistic values, to at least place emphasis on not only environmental and social but also economic values in order to justify financial support from public authorities. These firms need to change paradigms, to switch from a normative logic to a more instrumental approach to the concept of stakeholders. The concept of a business model turns out to be well adapted given this context of competition and the scarcity of potential funding.
- La Design Science Research Methodology au service de la recherche en contrôle de gestion : application aux recherches sur les systèmes de coûts - Pierre Mevellec p. 62-78
Mosaïque
- Peut-on faire confiance aux économistes pour résoudre le problème du changement climatique ? - Franck Aggeri p. 93-95
- Quand le monde s'est fait nombre - Nicolas Berland p. 96-97
- Des artistes en ville : une réinvention des pratiques d'urbanisme ? - Frédérique Pallez p. 98-100
- Va-t-on devoir payer pour travailler ? - Marie-Pierre Vaslet p. 101-103