Contenu du sommaire : Détachement, corrélation
Revue | Travaux de linguistique |
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Numéro | no 74, 2017 |
Titre du numéro | Détachement, corrélation |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Détachement, corrélation - Franck Neveu, Audrey Roig, Dan Van Raemdonck p. 7-24
- Détachement et corrélation à l'épreuve du français médiéval - Sophie Prévost p. 25-45 Les notions de détachement et de corrélation, qui font débat pour le français moderne, suscitent davantage de questions encore lorsqu'il s'agit du français médiéval. Après avoir souligné les difficultés à manier la notion de détachement pour la langue ancienne, tant du point de vue formel que sémantique, cet article évoque les spécificités, pour la période envisagée, de la relation entre coordination et subordination. En relation avec les notions de coordination et de subordination, et dans une moindre mesure avec celle de détachement, sont ensuite abordées certaines structures corrélatives, dont la forte variation rend difficile l'interprétation du lien entre les deux segments. L'étude s'attache en particulier au rôle de jonction entre propositions qu'assurent certains éléments, et met en évidence l'évolution différenciée de ces structures, vers une intégration syntaxique et sémantique des constituants plus forte pour certaines, vers un relâchement des liens morpho-syntaxiques pour d'autres.The notions of detachment and correlation, which are topics of debate in Modern French, raise even more issues when it comes to Medieval French. After pointing out the difficulties encountered in handling the notion of detachment for this period, both from a formal and a semantic point of view, this paper deals with the specificities of the relationship between coordination and subordination for the Medieval period. In relation with the notions of coordination and subordination, and of detachment to a lesser extent, we then turn to the analysis of certain correlative structures, in which strong variations make it difficult to interpret the link between their segments. The study focuses more specifically on how certain elements take up an interclausal linking function and highlights the differentiated evolution of these structures towards a stronger syntactic and semantic integration of the constituents in some cases, and towards a loosening of the morpho-syntactic links in others.
- Détachement, redondance et iconicité dans les comparatives corrélatives adverbiales - Claude Muller p. 47-60 Les corrélatives adverbiales sont présentées comme des structures dissymétriques dont le prédicat est absent, et dont ne subsistent que les arguments formellement identiques. L'ordre est alors iconique, le premier segment étant une sorte de sujet ou de thème, le second l'objet ou le focus. Les segments sont interdépendants, mais pas subordonnés l'un à l'autre au sens grammatical. Dans le détail, le prédicat caché est une relation implicative avec plus … plus, équative dans les autres cas.French adverbial correlative structures are depicted as asymetrical, dislocated structures, in which the predicate is missing. Only the two arguments remain. Word order is then iconic, the first term being a kind of subject or topic, and the second one being an object or focus. Thus, the segments are interdependent, yet not subordinated to one another. The type of predicate can also differ: with plus … plus, it is an implicative relation, while in the two other constructions it is an equative one.
- Détachement et corrélation : des participes présents à valeur consécutive placés en finale - Nathalie Rossi-Gensane p. 61-80 Cette étude s'intéresse à certains participes présents placés en finale, à valeur consécutive. Après un bref état de l'art, certaines occurrences seront présentées avec un éclairage diaphasique. Puis on s'interrogera sur le réel rôle, dans cette configuration, de l'adverbe ainsi, souvent appréhendé comme un « marqueur » de conséquence. Seront ensuite précisées la ou les fonctions assumées par ces participes présents. Enfin, la valeur consécutive sera associée de manière privilégiée à une non-conformité à ladite « règle de coréférence », de même qu'à une non-agentivité du nom sujet, le passif jouant souvent, à ce double égard, un rôle. Il sera ainsi distingué entre deux grandes sortes de participes présents à valeur consécutive : ceux, comme dans le dernier cas, dotés d'une seule portée sur la relation prédicative première et ceux cumulant cette portée avec une autre portée sur le nom sujet.This article examines certain right-detached present participles expressing consequence. Attention is paid to register variation, the role of the adverb ainsi and the syntactic functions realised by these present participles. It is argued that the semantic value of consequence in such cases is enhanced by those participles that are transgressing the norm according to which non-finite forms should refer to the subject of the main verb. In addition, it is also favoured by non-agentive subjects, hence the importance of the passive construction in both respects. A distinction is thus being made between two main sorts of right-detached present participles expressing consequence: the non-standard ones which exert only a single scope on the relationship between the subject and the main verb, and the standard ones which exert a double scope, i.e. also on the subject noun.
- Aspects morpho-sémantiques de la « corrélation » : les « séquences discursives » à marques paradigmatisantes - Catherine Schnedecker p. 81-108 Notre propos est consacré à un ensemble de marques formelles faisant système et, dans leurs réalisations tant (pro-)nominale qu'adverbiale, susceptibles d'unir des couples ou des séries de propositions : i) d'une part/d'autre part, d'un côté/d'un autre côté, l'un/l'autre ; ii) premièrement/deuxièmement… ; primo/secundo,… ; dans un (premier+second+…) temps, en (premier+ second+…) lieu ; le premier/le second. Leur fonctionnement a donné lieu à des étiquetages variés, énumérés ci-après par ordre d'apparition chronologique : « marqueurs d'intégration linéaire » (Auchlin, 1981), « noyaux attelés par leurs valences » (Blanche Benveniste et al., 1990 : 119), « corrélats anaphoriques » (Schnedecker, 1998), « pseudo-corrélations » (Deulofeu, 2001), « regroupement sans liens de rection » (Blanche-Benveniste, 2010 : 176 et seq.) « parallélismes » (Sabio, 2012 : 89), « corrélations macro-syntaxiques » (Corminboeuf, 2013) qui tendent à montrer une parenté plus ou moins étroite avec la notion de corrélation. Si ces étiquettes situent plus ou moins bien le phénomène par rapport à la notion de corrélation, les approches syntaxiques des phénomènes corrélatifs l'en excluent explicitement et de manière unanime. Partant, nous procédons en quatre temps. Nous rappelons, premièrement, les motifs linguistiques invoqués pour justifier la marginalisation, voire l'exclusion, de ‘nos' marques, du domaine d'application de la notion de corrélation. Cela nous permet, dans un second temps, de faire ressortir un certain nombre de limites de ces approches ‘exclusives', notamment leur incapacité à expliquer la systématicité des appariements, tout affranchis de contraintes ou de règles syntaxiques ou grammaticales qu'ils soient. C'est cette explication que, forte de nombreux travaux antérieurs sur la question, nous proposons, dans un troisième temps, en démontant les rouages morpho-sémantiques sous-jacents, pour terminer sur la question d'une dénomination alternative à celle de « corrélation » apte à rendre compte du phénomène de dépendance discursive instruit par les marqueurs étudiés dans cette contribution.This article deals with two sets of French markers: i) d'une part/d'autre part, d'un côté/d'un autre côté, l'un/l'autre ; ii) premièrement/deuxièmement… ; primo/secundo,… ; dans un (premier + second +…) temps, en (premier + second +…) lieu ; le premier/le second. These markers received various labels in the literature (in chronological order): « marqueurs d'intégration linéaire » (Auchlin, 1981), « noyaux attelés par leurs valences » (Blanche Benveniste et al., 1990 : 119), « corrélats anaphoriques » (Schnedecker, 1998), « pseudo-corrélations » (Deulofeu, 2001), « regroupement sans liens de rection » (Blanche-Benveniste, 2010 : 176 et seq.) « parallélismes » (Sabio, 2012: 89), « corrélations macro-syntaxiques » (Corminboeuf, 2013), which all show a more or less narrow relationship with the concept of correlation. While these labels seem to situate the phenomenon quite well with respect to the concept of correlation, syntactic approaches of correlations exclude them explicitly and in an unanimous way. Therefore, we proceed in four steps. First, we recall the linguistic reasons used to justify the marginalisation or even the exclusion of these markers from the realm of correlation. This allows us then to emphasize some limits of these ‘exclusive' approaches, in particular their incapacity to explain the systematicity of the pairings, in spite of their non syntactic or non grammatical nature. Taking stock of this kind of arguments found in the literature, we propose an analysis that unravels the underlying morphosemantic mechanisms of the phenomenon. To end, we reflect on an alternative terminology.
- Quel statut accorder aux faits de « détachement » dans un modèle syntaxique à deux composantes ? - Fréderic Sabio p. 109-139 Dans cet article, nous proposons de nous interroger sur ce qu'il convient de retenir comme des faits de détachement lorsqu'on s'inscrit dans un modèle syntaxique à deux composantes, fondé sur la distinction entre le plan de la microsyntaxe et celui de la macrosyntaxe. Après avoir rappelé dans les grandes lignes les fondements de cette opposition, nous montrerons que, de notre point de vue, la notion de détachement paraît pouvoir s'appliquer avec une certaine rigueur au domaine de la rection verbale, en permettant de préciser la façon dont un verbe et l'un de ses éléments régis peuvent être réalisés de manière non liée, par l'emploi d'un ordre des mots, d'une prosodie, d'une ponctuation ou de certains morphèmes à effet disjonctif. En revanche il ne paraît pas souhaitable de généraliser le recours à l'analyse par détachement à l'ensemble des configurations d'énoncés qui engagent des relations non rectionnelles. Dans cette perspective, nous défendrons l'idée qu'une conception restreinte du concept de détachement serait utile afin de le rendre plus opératoire.Our paper investigates the notion of detachment, and more specifically focuses on the way in which that notion could be used in a modular syntactic framework which differentiates the microsyntactic and macrosyntactic levels of grammatical structuring. Our study first discusses some aspects of that distinction, and argues that, from our perspective, the concept of detachment is fully valid for describing the domain of strict dependency relations, as a way to point out the way in which a verb and some of the elements governed by the verb can be produced as segmented utterances, through the use of a distinctive word order, intonation, punctuation marks or specific morphemes endowed with some ‘disjunctive' effect. By contrast, the notion of detachment should not be generalised to all the utterances which present structural relations that go beyond dependency relations. It will thus be argued that the concept of detachment would benefit from being viewed in a restrictive perspective, in order to turn it into an operational notion.
- Projection et rétrojection - Gilles Corminboeuf p. 141-155 Notre article porte sur des phénomènes de cohérence au sein d'enchaînements de constructions verbales, du type de l'extrait suivant : les Suisses allemands tu leur demandes s'ils veulent payer plus + ils payent + tu leur demandes s'ils veulent bosser plus ils disent oui (oral, Pfc ; exemple légèrement simplifié). Nous définissons le concept de projection et nous montrons que cette relation constitue une propriété de ces enchaînements où la relation de discours demeure implicite. Ainsi dans l'extrait cité, l'énonciation tu leur demandes s'ils veulent payer plus est grammaticalement autonome, mais elle projette l'apparition d'une suite – notamment parce qu'elle n'est pas validable dans la situation de parole ; elle joue à ce titre un rôle de cadrage temporel-hypothétique pour une énonciation ultérieure. Nous montrons ensuite que ces enchaînements présentent communément, en plus de cette relation de projection, une relation de rétrojection (typiquement établie par les expressions anaphoriques), instituant par là une forme de corrélation pragmatique. En l'absence de connecteur entre deux constructions verbales, les relations symétriques de projection et de rétrojection fonctionnent comme des principes organisationnels, produisant un effet de cohérence discursive.The present article proposes a reflection on coherence phenomena within chains of verbal constructions, such as in: les Suisses allemands tu leur demandes s'ils veulent payer plus + ils payent + tu leur demandes s'ils veulent bosser plus ils disent oui (oral, Pfc; slightly simplified example). We define the concept of projection and show that this relation is a property of these sequences, in which the discourse relation remains implicit. In the example cited above, the utterance tu leur demandes s'ils veulent payer plus is grammatically independent, but anticipates what comes next. This anticipation is possible because the utterance is not validated (= not true) in the speech situation. It plays the role of a temporal-hypothetical frame for the following utterance. Similarly to the projection relationship, we then show that these sequences commonly present a presupposition relationship – establishing a form of pragmatic correlation. When there is no connector between two verbal constructions, the symmetrical relationships of projection and presupposition function as organisational principles, producing a discourse coherence effect.