Contenu du sommaire : La linguistique de l'hébreu et des langues juives
Revue | Histoire, Epistémologie, Langage |
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Numéro | vol.18, n°1, 1996 |
Titre du numéro | La linguistique de l'hébreu et des langues juives |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
La linguistique de l'hébreu et des langues juives. Jean Baumgarten et Sophie Kessler-Mesguich [Dirs.]
Articles
- Avant-Propos - Jean Baumgarten, Sophie Kessler-Mesguich p. 5-10
- De la spécificité des langues juives - Haïm Rabin, Frank Alvarez-Péreyre [Trad.] p. 11-19 L'article passe en revue les conditions historiques et sociologiques qui ont conduit les juifs, parallèlement, à user de langues coterritoriales auxquelles ils ont donné une coloration particulière, et à développer des langues de plein exercice qui ne pouvaient être partagées en dehors des communautés juives. Parmi les conditions évoquées, le statut variable et l'usage de l'hébreu au cours des temps semblent avoir joué un rôle important, de même que, plus tard, le développement des langues nationales et la compétition entre langue littéraire et registres non littéraires, écrits ou parlés.This paper reviews the historical and sociological conditions under which the Jews have been using coterritorial languages to which they have given a more specific pattern while at the same time creating fullfledged languages that could not be shared by others. Among the listed conditions, the varying status and use of the Hebrew language through time seems to have been of importance as were, later, the development of national languages and the competition between literary and non literary languages, either written or oral.
- Description des langues juives et histoire des modèles linguistiques - Frank Alvarez-Péreyre p. 21-39 Cet article se concentre sur les modèles intellectuels evt scientifiques qui ont prévalu ou prévalent en matière de description des langues juives. À cet effet, trois éclairages complémentaires sont adoptés : une discussion de la notion de langue juive ; une rétrospective relative aux études portant sur les principales langues juives ; la présentation de quelques problématiques transversales et du traitement de celles-ci. La notion de langue juive est habituellement appliquée à des objets hétérogènes ; trois perspectives différentes mais complémentaires en constituent la charpente théorique. Des traditions quelque peu différentes ont animé, dans le temps, l'analyse des différentes langues ; un souci certain s'est fait jour récemment pour des préoccupations transversales. Celles-ci s'attachent à des problématiques objectives qui transcendent les seules langues juives mais pour lesquelles ces dernières constituent un laboratoire particulièrement suggestif.The article concentrates upon the intellectual and scientific models that were or still are prevalent when considering the description of the Jewish languages. To this end, three complementary perspectives are adopted : a discussion of the concept of Jewish language ; a retrospective evaluation of the studies devoted to the main Jewish languages ; a presentation of some of issues encountered in the treatment of the different Jewish languages. The expression 'Jewish language' refers to varying material but the concept itself is based upon three different and complementary theoretical perspectives. For a long period, the various Jewish languages were approached according to somewhat different traditions, but a concern for crossward analysis has recently arisen. In general, this new trend puts forward linguistic issues that are shared by many other languages and for which the Jewish languages provide a quite original documentation.
- The Hebrew linguistic tradition of the Middle Ages - Irene E. Zwiep p. 41-61 Les contenus et les méthodes de la grammaire et de la lexicographie juives médiévales ont été fortement inspirés par le modèle arabe. D'abord souvent rédigée dans cette langue, la tradition linguistique de l'hébreu connaît aux Xe et XIe siècles, en Espagne, une période extrêmement fertile, en particulier grâce aux grandes controverses (notamment sur la structure de la racine). Traduite en hébreu, elle se déplace vers la Provence et l'Italie, mais cette extension géographique correspond à une moindre créativité, jusqu'à parvenir à un état figé avec le Mikhlol de David Qimhi (XIIIe siècle). Si quelques travaux lexicographiques prennent en compte l'hébreu post-biblique, de nombreux grammairiens ont tendance à considérer la langue de la Bible comme seule référence, et à écarter ainsi les enseignements apportés par l'hébreu mishnique et par l'arabe.The contents and methods of medieval Jewish linguistics owed much to their Arabic model. In Muslim Spain, in the tenth and eleventh centuries, the Hebrew linguistic tradition went through a highly creative phase, during which its basic notions, e.g. the principle of the triliteral root, were established through a series of great polemics. Grammatical works dating from this period were often written in Arabic. In the thirteenth century, the centre of linguistic study shifted to Provence and Italy, where various works were translated into Hebrew. However, this geographical spread went together with a loss of creativity and a paralysing standstill, which we witness e.g. in David Qimhi's Mikhlol. From the eleventh century onward, several lexicographic studies appeared, some of them dealing with post-biblical Hebrew. Nevertheless, most grammarians considered that only pure biblical Hebrew deserved morphological analysis, and either rejected lexical comparison with Mishnaic usage and the cognate Arabic language, or applied such comparison with the utmost restriction.
- La réflexion linguistique hébraïque dans l'horizon intellectuel de l'Occident médiéval - Cyril Aslanoff p. 63-86 Cet article confronte trois foyers de réflexion grammaticale au Moyen-Âge : le foyer latin, son dérivé provençal et le foyer hébreu implanté dans les pays romans. Après avoir posé la question du statut respectif du latin, de l'hébreu et du provençal en tant que langue décrite et en tant que métalangage, nous étudierons les pertuis de communication et les canaux d'influence qui ont uni la grammaire latine à la grammaire provençale d'une part, à la grammaire hébraïque d'autre part ; les points de contact effectifs ou les points de similitude fortuite entre grammaire provençale et grammaire hébraïque sont mis en évidence à travers l'étude de la façon dont ces deux traditions traitent certains faits de langue non pris en compte par la grammaire latine pour des raisons tenant à la spécificité du latin : il s'agit essentiellement du problème de la fonction du nom dans la phrase dans une langue dénuée de flexion nominale ou en passe de la perdre.This study compares three aspects of medieval linguistic thought : the Latin one, its Provençal evolution, and the Hebrew centre settled in Romance countries. We shall first examine the respective status of Latin, Hebrew, and Provençal as described languages and as metalanguage ; then we shall study the contacts and channels of influence between the Latin and Provençal grammars on one hand, between the Latin and Hebrew grammars on the other hand. Actual meeting points as well as fortuitous similarities between those traditions will be shown by the study of certain linguistic phenomena which had not been discussed by the Latin tradition : we will particularly stress the problem of noun fonction inside the sentence when the language is lacking in noun inflexion.
- L'hébreu chez les hébraïsants chrétiens des XVIe et XVIIe siècles - Sophie Kessler-Mesguich p. 87-108 Cet article retrace l'histoire de la grammaire hébraïque à partir du moment où elle passe du monde juif au monde chrétien. Les modèles théoriques de description ne sont plus alors empruntés à la tradition grammaticale arabe, mais à la tradition gréco- latine. Ce changement de perspective entraîne d'importantes transformations dans le contenu et la méthodologie des grammaires. L'hébreu se trouve par ailleurs dans une situation particulière, langue de la Révélation mais aussi langue d'un groupe religieux ^que l'on se doit de combattre. Cet état de choses, particulièrement sensible au Moyen-Âge, affectera les études hébraïques chrétiennes pendant presque trois siècles. Dans ce processus de transfert de connaissances, la notion de filiation est importante : nous montrons comment l'une des grammaires importantes du XVIIe siècle, celle de Buxtorf, est basée sur des catégories et des définitions empruntées indirectement à Ramus.This paper gives an account of the history of Hebrew grammar from the time when it begins to be studied by Christian Hebraists (early XVIth century). The theoretical models of description are then no longer taken from the Arabic grammatical tradition but from the Latin tradition. The switch leads to important changes in the content and methodology of grammars. Hebrew, besides, is in a unique position, since it is the language of the Revelation as well as the language of a religious group that must be combated. This situation, which is quite prevalent in the Middle Ages, keeps on affecting Hebrew scholarship for almost three centuries. In this process of knowledge transfer the concept of filiation plays an important part. We shall attempt to show how Buxtorf s grammar, one of the most prominent of the XVIIth century, is based on categories and definitions indirectly taken from Ramus' s work.
- « Aryen », « indo-européen », « sémite » dans l'université française (1850-1914) - Gabriel Bergounioux p. 109-126 Cet article traite du développement des études comparatistes sur les langues indo-européennes et sémitiques en France au XIXe siècle en prenant pour départ leur distribution dans les institutions d'enseignement supérieur. Le rôle des savants juifs, croyants, d'origine allemande dans le développement du sémitisme contraste avec celui des savants juifs, agnostiques, nés français, dans l'indo-iranien. En caractérisant rassimilationnisme à partir du modèle romaniste, on montre en quoi cette division du comparatisme correspondait, dans le champ de la linguistique en France, à la transposition d'une tentative de dépassement du racisme et du repli identitaire.This paper deals with the development of comparative studies in France in the second half of the XLXth century, contrasting the Indo-European and Semitic fields and their distribution in various academic institutions. Religious German-born Jewish scholars devoted themselves to Semitic studies while agnostic French-born Jewish scholars developed the Indo-iranian field. Using the Romance paradigm of integration, it can be shown that this division within comparative linguistics was the transposition of an attempt in the French linguistic academia to transcend racialism and traditional Jewish identity.
- Histoire de la grammaire yiddish (XVIe-XXe siècles) - Jean Baumgarten p. 127-149 Le yiddish constitue un exemple original au sein des langues européennes. Une réflexion grammaticale ininterrompue se développe depuis la Renaissance jusqu'à nos jours. Les grammairiens se sont trouvés confrontés à une question théorique centrale : le yiddish étant une langue de fusion, composée d'éléments germaniques et sémitiques, à fjartir de quel modèle linguistique peut-on la décrire ? Jusqu'au XTX^ siècle, c'est surtout a notion de langue mixte ou hybride qui domine. À partir du XXe siècle, sous l'influence de la philologie comparée et de la dialectologie, les premières grammaires générales sont élaborées, notamment en Pologne, en URSS et aux USA. La langue yiddish aux fondements à la fois indo-européens et sémitiques pose des problèmes spécifiques aux sciences du langage.Yiddish constitutes an original example among European languages. A continuous grammatical reflection was developed from the Renaissance up to the present day. The grammarians were confronted with an essential theoretical question : Yiddish being a fusion language, which model could be used to describe it ? Until the XTXth Century, the notion of mixed or hybrid language dominates. Since the begining of the XXth century, the first general grammars have been developed, under the influence of comparative philology and dialectology, particularly in Poland, Russia and the USA. Yiddish, both an Indo-european and Semitic language, poses specific problem for the sciences of language.
- Yisrael Ḥaim of Belgrade and the history of judezmo linguistics - David M. Bunis p. 151-166 Yisrael Haim de Belgrade peut être considéré comme l'un des pionniers de la linguistique du judezmo au XIXe siècle. Il est notamment l'auteur de traductions de textes saints en judezmo, de manuels d'apprentissage et d'une grammaire. Ces ouvrages constituent une précieuse documentation sur la langue moderne, notamment sur certaines caractéristiques dialectales, en même temps qu'ils comportent nombre d'innovations orthographiques ou grammaticales qui marqueront l'histoire de la linguistique du judezmo.Yisrael Haim from Belgrade can be considered as one of the pioneers of Judezmo linguistics in the XlXth century. He wrote, among others books, translations of sacred texts, handbooks for learning Hebrew and German, and a grammar. These books form a precious documentation about the state of the modern language, particularly about dialect features. They also include many orthographical and grammatical innovations which mark a significant stage in the history of Judezmo linguistics.
- La recherche sur les parlers judéo-arabes modernes du Maghreb : état de la question - Moshé Bar-Asher p. 167-177 Cet article commence par énumérer les cinq critères qui permettent de définir comme langue juive une langue parlée par des juifs. Il se concentre ensuite sur les parlers judéo-arabes d'Afrique du nord, qui n'ont fait l'objet d'une recherche approfondie qu'à partir du XXe siècle, quoique ces parlers existent depuis le Moyen-Âge. Après quelques travaux précurseurs, la période qui s'ouvre dans les années soixante est celle de l'expansion. Le nombre des spécialistes augmente, et la recherche se diversifie. De nouveaux domaines comme la composante hébraïque, ou les traductions en arabe parlé des textes juifs traditionnels, font l'objet de travaux éclairants et d'analyses approfondies, dont on ne peut que souhaiter la multiplication.In its first part, this paper lists five criteria that make it possible to define a language spoken by Jews as a « Jewish language ». In the second part, it focuses on the Judeo-Arabic languages spoken in North Africa, and on the research about them. The work of description and analysis only began at the beginning of the XXth century, although such languages appeared in the Middle Ages. After a few precursory works, the period that begins in the sixties is one of fast expansion. The number of scholars increases and the research is both deeper and broader in scope. It is to be hoped that analyses of the kind will become more and more numerous.
- La linguistique des langues juives : éléments bibliographiques - Jean Baumgarten p. 179-188