Contenu du sommaire : Une familière étrangeté : la linguistique russe et soviétique
Revue | Histoire, Epistémologie, Langage |
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Numéro | vol.17, n°2, 1995 |
Titre du numéro | Une familière étrangeté : la linguistique russe et soviétique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Une familière étrangeté : la linguistique russe et soviétique. Patrick Sériot [Dir.]
Articles
- Portrait de N. F. Jacovlev [illustration] - p. 5-5
- Avant-Propos - Patrick Sériot , Natalja Bocadorova p. 7-15
- Émergence de la pensée grammaticale en Russie ancienne et formation de la grammaire du russe normatif - L̓ubomír Ďurovič p. 17-32 La grammaire de la langue normative des Russes a pris naissance à la suite de deux rencontres avec la pensée occidentale. La grammaire du slavon est apparue au tournant du XVIe et du XVIIe siècles dans l'Etat polono-lituanien (Vilna, Lvov), et la grammaire du russe standard contemporain fut formulée au moment de r« européanisation » de la Russie par Pierre le Grand au début du XVIIIe siècle. Les grammaires du slavon (Adelphotes, Zizanij, Smotrickij) ont été écrites pour les confréries orthodoxes ruthenes comme une réponse aux idées de la Renaissance en provenance d'Occident : elles sont une synthèse du développement byzantin (Lascaris) et latin (Donat) de la grammaire de Denys le Thrace. La grammaire du russe contemporain fut probablement esquissée à Gdansk (dans un texte appelé Extranea, datant d'environ 1706- 1707) et finalement formulée au Gymnase académique de Saint Pétersbourg dans les années 1730, le plus explicitement dans les Anfangs-Griinde der russischen Sprache (Sankt Peterburg1, 1731).The grammar of the standard language of the Russians arose from two encounters with Western thought. The grammar of Slavon emerged around 1600 in the Polish-Lithuanian state (Vilna, Lvov), and the grammar of the contemporary standard language was formulated during the « européanisation » of Peter the Great in the early Xyriltn Century. The grammars of Slavon (Adelphotes, Zizanij, Smotrickij) were written for the Ruthenian Orthodox brotherhoods as a response to the Renaissance coming from the West : they are a synthesis of a Byzantine (Lascaris) and a Latin (Donatus) development of the grammar of Dyonisios Thrax. The grammar of the contemporary Russian language was probably sketched in Gdansk (a print called Extranea, approx. 1706-1707) and formulated finally in the Academy Gymnasium in St. Petersburg in the 1730's, most explicitely in Anfangs-Griinde der russischen Sprache (SPb, 1731).
- Grigori Skovoroda et la tradition slave de philosophie du langage (espace de l'être, espace du symbole) - D. Rudenko, V. Prokopenko, J. Breuillard [Trad.] p. 33-51 L'article examine la pensée du philosophe ukrainien Grigori Skovoroda (1722-1794) et son apport à la réflexion slave sur la langue. Il peut sembler, à première vue, que cette pensée ne constitue pas un système cohérent et homogène, et qu'elle inclut des éléments bibliques (l'interprétation de la Bible comme un « troisième monde », monde symbolique), certaines idées modifiées des philosophes de l'antiquité tardive, quelques motifs ésotériques (la « voie » comme symbole philosophique fondamental). On montre au contraire que Skovoroda doit être considéré comme un fondateur, un initiateur (au sens de M. Foucault) de la discursivité slave en matière de philosophie du langage. La tradition slave de philosophie du langage ne forme pas une ligne epistemologique continue et se caractérise par un net pluralisme conceptuel.This paper is about the Ukrainian philosopher Grigori Skovoroda, his thought and his contribution to the Slavic reflection on language. At first sight it seems that his thought is not a coherent and homogeneous system, and that it includes biblical elements (the interpretation of the Bible as a « third world », a symbolical world), some modified ideas of philosophers from late Antiquity, some esoterical patterns (the « way » as a fundamental philosophical symbol). This article illustrates, on the contrary, that Skovoroda must be considered as a founder, an initiator (in M. Foucault's meaning) of Slavic discursivity in the philosophy of language. The Slavic tradition of the philosophy of language does not form a continuous epistemological line, it is characterized by a definite conceptual pluralism.
- Le temps dans les grammaires générales russes - Sylvie Archaimbault, Jean-Marie Fournier p. 53-70 Les grammaires générales connaissent en Russie un puissant développement dans les premières années du XIXe siècle, à la faveur de la réforme de l'instruction adoptée sous Alexandre Premier. Elles organisent la réflexion sur les temps du verbe selon deux grandes directions, la première et la plus représentative vise à la description des faits de la langue russe en tant que langue particulière et se réapproprie la réflexion grammaticale russe antérieure ; la seconde, d'ambition plus universelle, propose un schéma des temps qui se rapproche sur de nombreux points de celui de la Grammaire de Port-Royal.General Grammar Studies developed considerably in Russia in the early years of the XlXth century owing to the educational reforms adopted under Alexander I. Among other things, they dealt with verb tenses in two main ways ; the first and most representative one aimed to describe the Russian language as a distinctive language and harked back to earlier Russian thought ; the second one, which had a universal ambition, proposed a system of tenses which was similar in many respects to the one found in the Port-Royal Grammar.
- L'école linguistique de Kazan (ELK). École en recherche,. Recherches sur une recherche - Pierre Caussat p. 71-93 L'Ecole Linguistique de Kazan fait l'objet d'une reconnaissance générale (avec un fondateur, Baudouin de Courtenay, professeur à Kazan de 1875 à 1883, où il dispensa un enseignement original et forma des disciples parmi lesquels émerge Kruszewski). Or, le « fondateur » a toujours parlé de son « école » de manière très critique et y a mis des guillemets, car pour lui il s'agissait seulement d'un cercle de réflexion critique sur les conditions de possibilité d'une linguistique. C'est pour les disciples qu'il y a école avec des principes et même une doctrine. La situation est tout à fait homologue à celle de l'Ecole de Genève autour de F. de Saussure.The Linguistic School of Kazan is widely recognized : its founder, Baudouin de Courtenay, professor at Kazan University, from 1875 to 1883, delivered original teaching and formed disciples among whom Kruszewski is an outstanding figure. But the so-called « founder » always referred to his « school » in a very critical tone and with quotation marks, because in his opinion it was merely a circle dedicated to critical reflexion and inquiry on the conditions leading to the emergence of a genuine science of linguistics. His disciples were the ones who set up a school with principles and even a doctrine. This situation parallels what occurred with the School of Geneva around F. de Saussure.
- A.A. Potebnja, figure de la linguistique russe du XIXe siècle - Jacqueline Fontaine p. 95-111 Figure universitaire et scientifique, qui excède son pays d'origine, l'Ukraine, connaisseur de plusieurs langues, philologue spécialisé en langues slaves, amateur de pensée philosophique, épris de littérature et de poésie surtout populaires, Potebnja est présente ici dans la complexité séduisante de son personnage. Pour approcher la pensée de ce linguiste de grand rayonnement dans les pays de langues slaves, l'analyse du seul ouvrage qu'il ait rédigé de bout en bout s'imposait, « Pensée et langage ». On aura tenté d'en dégager le fil conducteur dans un développement marqué par l'influence profonde de Humboldt.An academic and scientific figure known well beyond his native Ukraine, a philologist specializing in Slavic languages who knew a number of other languages, an amateur philosopher, as well as a reader of literature and poetry especially interested in popular genres, Potebnja is presented here in all the intriguing complexity of his persona. To deal with the thought of a linguist whose work has such a wide influence in all countries where slavic languages are spoken, a thorough-going analysis of the only work that he composed — Thought and Language — is indispensable. This is an attempt to trace its organizing principles bark to Humboldt's profound influence.
- Pour une histoire de la notion de contenu linguistique - Aleksandr Vladimirovič Bondarko, Sylvie Archaimbault [Trad.] p. 113-124 La pensée linguistique russe est jalonnée par quelques questions fondamentales, par delà les différences de courants et d'écoles. Ainsi en est-il de l'idée d'une extraction du contenu proprement linguistique et de sa relation au contenu de pensée. L'article traite du contenu linguistique comme mode de présentation du contenu de pensée, de l'extraction d'un même contenu extralinguistique grâce à la confrontation d'énoncés synonymiques, de la critique du logicisme que développent les linguistes russes du XIXe siècle.Russian linguistic thought is marked out by a handful of basic issues, if one sets apart the differences due to schools and rival approaches. On such issue is the problem of extracting the linguistic content proper men establishing a relationship between the linguistic content and the thought content. This article deals with the linguistic content as a means of representation of the thought content. It also deals with the extraction of a similar extrahnguistic content thanks to the examination of synonymous utterances, and with the criticism of logicism made by Russian linguists in the nineteenth century.
- La linguistique slavophile - Boris Gasparov, R. Comtet [Trad.] p. 125-145 Dans les années 1869-70 apparut un nouveau courant dans la linguistique et la philosophie du langage en Russie, intimement lié à la philosophie et à l'idéologie Slavophiles. Parmi ses partisans, dont les intérêts allaient de la philosophie du langage aux problèmes de l'enseignement de la langue maternelle à l'école, se trouvaient K.S. Aksakov, V.I. Dahl, N.P. Nekrasov, N.I. Bogorodickij, A.A. Dmitrievskij. Ils insistaient sur les profondes différences qui séparaient le russe de ce qu'ils appelaient les langues « occidentales » en ce qui concerne les schémas de dérivation, le sens des catégories morphologiques et les structures syntaxiques. Ils dénonçaient la pratique consistant à décrire et à enseigner le russe selon des paramètres linguistiques dérivés des manuels de grammaire « latins » et « allemands » ; a la place, ils tentaient d'élaborer un système de catégories totalement nouveau, reposant sur l'étude directe et exempte de préjugés des données de langue empiriques. Ce faisant, ils firent nombre d'observations intéressantes sur le matériau linguistique, qui dépassèrent parfois de beaucoup les idées de la linguistique descriptive de leur époque. Bien plus, certaines idées des linguistes Slavophiles peuvent être vues comme une percée théorique ouvrant la voie à la linguistique du XXe siècle. Au nombre de leur principaux acquis théoriques on peut mentionner la thèse du rôle central du prédicat dans la phrase (opposée à la notion traditionnelle de sujet et de prédicat comme constituants syntaxiques principaux), le fait d'envisager le sujet et l'objet comme des fonctions syntaxiques coreliées et mutuellement transformables, leur approche du sens des catégories grammaticales, en particulier de l'aspect et de sa relation au temps et à la modalité, leur tentative d'élargir la base empirique de la grammaire en prenant en compte des matériaux issus de la langue orale ou non standard.ABSTRACT. In 1869-70 a new trend arose in Russian linguistics and philosophy of language, which was intimately connected with the Slavophile philosophy and ideology. Among its proponents, whose interests ranged from the philosophy of language to problems of teaching native language at school, were K.S. Aksakov, V.I. Dahl, N.P. Nekrasov, N.I. Bogorodickij, A.A. Dmitrievskij. They emphasized dramatic differences between Russian and what they called « Western » languages in derivational patterns, the meaning of morphological categories, and syntactic structures. As a result, they denounced the practice of describing and teaching Russian according to general linguistic parameters derived from « Latin » and « German » grammar textbooks ; instead, they tried to work out a totally new system of categories, based on the direct and unbiased study of the empirical language data. Doing this, they made plenty of interesting observations of the language material which sometimes were strikingly ahead of the ideas of descriptive linguistics of that time; moreover, some ideas of the Slavophile linguists can be seen as true theoretical breakthroughs paving the way for the theoretical linguistics of the XXth Century. Among their mam theoretical achivements can be mentioned the thesis of the central role of the predicate in the sentence (as opposed to the traditional notion of subject and predicate as the principal syntactic constituents), the understanding of subject and object as interrelated and mutually transformable syntactic functions, their approach to the meaning of grammatical categories, in particular, aspect and its relation to tense and modality, attempts to broaden the empirical basis of grammar by bringing in material from oral and substandard strata of language.
- Nikolaj Feofanovič Jakovlev (1892-1974) - Fëdor Dmitrievič Ašnin, Vladimir Mixajlovič Alpatov, P. Sériot [Trad.] p. 147-161 N. F. Jakoylev (1892-1974) est un des plus éminents linguistes soviétiques. Diplômé de l'Université de Moscou en 1916, il développa les traditions de l'école linguistique de Moscou. Il fut l'un des fondateurs de la phonologie structurale, au même titre que N. Trubeckoj et R. Jakobson. Dans les années 20 et 30 Jakovlev fut l'organisateur de l'« édification linguistique » en URSS, et prit part à l'élaboration d'alphabets pour une soixantaine de langues de l'URSS. Dans les années 30 et 40 il publia des grammaires fondamentales de plusieurs langues caucasiennes. Mais nombre de ses travaux subissaient l'influence des idées de Marr. En 1951, après la critique de Marr par Staline, il fut destitué de son poste ; il ne put plus travailler, à cause d'une grave maladie mentale. Certains de ses travaux attendent encore d'être publiés.N. F. Jakoylev (1892-1974) is an outstanding Soviet linguist. He graduated from Moscow university in 1916 and developed the traditions of the Moscow lin- Îuistic school. He was one of the founders of structural phonology equally with N. rubeckoj and R. Jakobson. In the 20' and 30' Jakovlev was the leader of the « language construction » programme in the USSR and took part in the creation of alphabets for about 60 languages of the USSR. In the 30' and 40' he published fundamental grammars of several Caucasian languages. Unfortunately many of his works were under the influence of Marr's ideas. In 1931 after Stalin's criticism of Marr, Jakovlev was dismissed ; he could not work later because of a mental disease. Some of Jakovlev's works are still unpublished.
- La théorie des langues normées selon V. V. Vinogradov - Natalja Bocadorova, P. Sériot [Trad.] p. 163-181 La théorie des langues normées (literaturnye jazyki) n'existe que dans la tradition russe, la linguistique de la période soviétique et dans l'Ecole de Prague. La théorie des langues normées selon Vinogradov est inséparable de la théorie et de l'histoire de la normalisation des langues, c'est à dire de l'histoire des arts de la parole, des grammaires, des dictionnaires et de toute l'activité normalisatrice de la société en ce domaine. Vinogradov décrit les régularités de la formation et du développement des langues normées comme « réalité » historico-culturelle avec ses lois immanentes. D'après lui, l'existence de telles lois prouve que nous avons affaire à un objet particulier, différent de celui d'une théorie générale de la langue et de son histoire.The theory of normative languages {literaturnye jazyki) as a reality of the written and the literary culture exists only in the Russian tradition, Soviet linguistics and the Prague school. This theory, according to Vinogradov, is inseparable from the theory and the history of the normalisation of languages, that is from the history of the arts of speech and of the sciences of language as they appear in grammars, dictionaries and other normalisating activities of society in all the spheres of language. Vinogradov describes the regularities of the formation and of the development of normative languages as a cultural and historical reality having its own laws. For him, the existence of such laws proves that the standard language as an object of science is different from the objects of general linguistics and the history of language.
- L'école phonologique de Léningrad et l'école phonologique de Moscou - Roger Comtet p. 183-209 Le roman des origines de la science phonologique moderne ne se limite pas à une filiation directe entre Baudouin de Courtenay et le trio russe Jakobson-Trubeckoi- Karcevskij du Cercle linguistique de Prague ; il y eut aussi les frères ennemis de l'Ecole phonologique de Leningrad et de son homologue à Moscou qui firent des choix opposés dans leur interprétation du phonème selon Baudouin. Scerba et ses Léningradois l'ont tiré vers son enveloppe matérielle, phonétique, sa « nature », associée à sa perception mentale, alors que les Moscovites en ont fait un signe, dans une perspective structuraliste qui finira par s'imposer sur la scène russe. Nourrie de toutes les recherches formelles et philosophiques qui ont fécondé la Russie du XXe siècle, cette histoire se prolonge dans les différents courants de la phonologie contemporaine.The story of the origin of modern phonological science does not restrict itself to a direct relationship between Baudouin de Courtenay and the Russian trio Jakobson-Trubeckoj-Karcevskij of the Linguistic School of Prague ; there were indeed also the rival brothers of the Phonological School of Leningrad and its Muscovite homologue. Interpreting Baudouin's phoneme, both schools made opposite choices ; Scerba and his disciples considered it from a material, phonetic point of view, associated with mental perception, whereas the Muscovites saw it as a linguistic sign, according to their structuralist vision which was eventually to rule over Russian linguistics. Enriched by all the various formal and philosophical researches that have fertilized XXth century Russia, this story finds its continuation in the different streams of contemporary phonology.
- Linguistica cosmica : La naissance du paradigme cosmique - Sergej Kuznecov, P. Sériot [Trad.] p. 211-234 Le paradigme cosmique, apparu bien avant que le premier spoutnik soit lancé en 1957, comprend une composante astronomique, mythologique, littéraire, mais aussi linguistique. Cet ensemble fut élargi en Russie à une composante politique, la Révolution étant perçue comme un phénomène d'ordre cosmique. Ce paradigme s'est manifesté dans la creation de la première lingua cosmica : la langue AO, créée par V. Gordin en 1920, comme langue de communication internationale, sur des bases strictement aprioristes. En 1927 cette langue fut présentée à l'exposition des voyages interplanétaires comme une langue de communication cosmique. Le fondement idéologique de la langue AO était une branche particulière de l'anarchisme (le plan anarchisme), ses formes matérielles étant liées aux mêmes sources que celles de la poésie futuriste.The cosmic paradigm had appeared long before the first sputnik was launched in 1957. The paradigm comprises astronomical, mythological, literary and linguistic components. In Russia this set was enlarged by the political component, the associative link with the Russian Revolution understood as a cosmic phenomenon. The paradigm realized itself in the creation of a first lingua cosmica : the language AO, created by V. Gordin in 1920, as a language of international communication on a purely aprioristic basis. In 1927 the language was presented at the first exhibition of interplanetary travels as a language of cosmic communication. The ideological foundation of the language was a special branch of anarchism (pananarchism), while the material forms of the language were linked to the same sources as futuristic poetry.
- Changements de paradigmes dans la linguistique soviétique des années 1920-30 - Patrick Sériot p. 235-251 La notion de « paradigme » de Kuhn est difficilement applicable aux théories linguistiques, à plus forte raison à la linguistique soviétique. Entre les années 20 et les années 30 a eu heu le « grand tournant » de 1929 en politique, qu'a suivi de façon indirecte l'évolution des idées dominantes en linguistique. A la notion de « paradigme » on préférera celle de « discours sur la langue ». Le contraste entre deux discours antagonistes sur la langue est radical, mais ces deux discours ont ceci de particulier qu'ils coexistent, admettent des chevauchements et d'incessants changements d'interprétation des termes.Kuhn's concept of « paradigm » is difficult to apply to linguistics, all the more to Soviet linguistics. Between tne 20's and the 30's took place the « Big Turning Point » in politics, which was indirectly followed by the evolution of leading theories in linguistics. The notion of « discourse on language » is preferred here to that of « paradigm ». There is a sharp contrast between two antagonistic discourses on language, but those two discourses are peculiar in that they coexist, overlap and constantly change the meaning of their terms.