Contenu du sommaire : Raisons et imaginaires de la planification

Revue Politique africaine Mir@bel
Numéro no 145, 2017/1
Titre du numéro Raisons et imaginaires de la planification
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Le Dossier : Raisons et imaginaires de la planification

    • Planifier en Afrique - Boris Samuel p. 5-26 accès libre
    • Construire une nation d'agriculteurs : l'« homme économique » et l'attente du développement dans le Malawi postcolonial - Geoffrey Traugh, Raphaël Botiveau p. 27-49 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite de la façon dont les théories de la raison économique ont transformé la planification du développement agricole dans l'Afrique des années 1960. À partir de l'analyse du travail de la Banque mondiale au Malawi, il montre que l'image de l'« agriculteur maximisateur » a permis aux planificateurs de penser le développement dans des économies dites de subsistance, tout en empêchant aux agriculteurs malawites d'imposer à l'État et aux grands projets de développement mis en œuvre après l'indépendance leurs attentes politiques et leurs perspectives en matière de développement.
      Building a Nation of Farmers: Economic Man and Expectations of Development in Postcolonial Malawi
      This article is about how new theories of economic reason transformed agricultural development planning in Africa the 1960s. Exploring the case of the World Bank's work in Malawi, it argues that the figure of “optimizing farmer” made it possible for planners to imagine development in so-called subsistence economies, while at the same time further narrowing the avenues for Malawian farmers to impress their own political expectations of development on the state and schemes that followed in the wake of independence.
    • Entre les plans d'émergence sans vision et des visions sans émergence : la difficile appropriation par l'Afrique de ses trajectoires de développement - Kako Nubukpo, Boris Samuel p. 51-63 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans cet entretien, Kako Nubukpo livre un regard de chercheur et de praticien sur la place des plans dans les sociétés africaines contemporaines. Élaborées hors du continent, les ingénieries du développement sont hors-sol, et les statistiques employées pour orienter les politiques publiques opaques et souvent indisponibles. Les discours sur l'« émergence africaine » servent d'alibi à des régimes qui formulent des programmes irréalistes. Pourtant, à l'heure où de nombreux pays africains disposent de plans quinquennaux, l'élaboration des plans peut ouvrir des espaces dans lesquels les demandes adressées aux États par divers groupes sociaux trouvent à s'exprimer. La planification peut permettre d'élaborer des politiques alternatives. Néanmoins, elle peut aussi être un outil pour des régimes dont la tentation est d'opter pour un développement sans démocratie.
      Between Emergence Plans without Vision and Visions without Emergence: Africa's Difficult Appropriation of its Development PathIn this interview, Kako Nubukpo reflects on the role of planning in African societies from his position as both a researcher and a practitioner of development. Development engineering is produced outside of the continent, and the statistics used to monitor public policies are opaque and often missing. Moreover, many regimes use current discourses on”Africa's emergence” as an alibi to set unrealistic objectives. However, at a time when many African countries have developed five-year plans, the process of their elaboration opens up a space in which various social groups can express their claims to the State. Planning can help elaborate alternative policies. However, it can also serve as a tool for regimes tempted to promote a development without democracy.Kako Nubukpo is Director of economy and digital issues at the International organisation of Francophonie. He is a former Minister of Prospective and Public Policies Evaluation in Togo, and has served at the West African States Central Bank (BCEAO), at the West African Economic and Monetary Union (WAEMU), at the Agricultural Research Centre of International Development (Cirad, France) and at the Centre autonome d'études et de renforcement de capacités pour le développement au Togo (Cadert). He is the author of various books and articles, and is a research associate at Oxford University, Global Economic Governance Programme, Blavatnik School of Government and Oxford University College.
    • Temporalités des systèmes d'alerte précoce et extraversion de l'État éthiopien (2003-2016) - François Enten p. 65-83 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite des dispositifs institutionnels de gestion des crises alimentaires par l'État développementaliste éthiopien, en croisant des résultats ethnographiques avec une perspective historique. En étudiant la confection des chiffres des systèmes d'alerte précoce, il décrit les modalités changeantes de la gestion des crises et de ses enjeux selon les situations historiques et conjoncturelles. Il souligne comment la gestion du temps court enchâssée dans des cadres temporels longs structure les modalités d'extraversion de l'État éthiopien par l'aide internationale.
      Temporalities of the Early Warning Systems and Extraversion of the Ethiopian State (2003-2016)This paper focuses on institutional dynamics of food crises management by the Ethiopian Developmental State. Crossing ethnographic results with a historical perspective, it studies the development of Early Warning Systems (EWS), thereby describing the evolving patterns of crisis management and its challenges, depending on historical and cyclical situations. The paper highlights how emergencies management embedded in long-term processes structures the modalities of extraversion of the Ethiopian State.
    • Les statistiques comme mode de communication politique. Le cas des premiers plans de développement au Kenya - Daniel Speich Chassé, Raphaël Botiveau p. 85-108 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article porte sur l'histoire des statistiques et de la planification du développement. Il montre comment, à travers l'exemple du Kenya, le gouvernement par les nombres est devenu une norme. Les enquêtes statistiques sont comprises ici comme des exemples d'une « société globale » en référence au concept de « situation coloniale » de Georges Balandier. Je propose de voir les statistiques comme un mode de communication entre différents acteurs. Sur la base d'une brève histoire de la planification du développement dans le Kenya colonial tardif et dans les premiers temps de l'indépendance, l'article met en évidence l'usage des statistiques à des fins de communication par les administrateurs coloniaux, les experts des organisations internationales et les politiciens et bureaucrates africains qui prirent les rênes du pouvoir au début des années 1960. Je montre que, lorsque le développement est devenu la raison d'être des organisations internationales et des États nouvellement indépendants dans le Sud global, les débats collectifs sur la définition d'objectifs communs ont perdu en importance face à la prolifération de pratiques de planification chiffrée. Cette dé-politisation a fait de la communication statistique une importante source de pouvoir politique.
      Statistics as a Mode of Political Communication. The Case of Early Kenyan Development Plans
      This paper focuses on the history of statistics and development planning. Kenya is used as an example to follow a world-wide convergence in governmentality in the course of which ruling by numbers became a norm. Statistical surveys are understood as instances of a “société globale” according to Georges Balandier's concept of the “situation coloniale”. I propose understanding statistics as a mode of communication between different stakeholders. Based on a brief history of development planning in the late colonial and early independent Kenyan state, the paper highlights the communicative use of statistics by colonial administrators, the expert staff of international organizations and African politicians and bureaucrats who took over government in the early 1960s. The main argument is that political debates about setting collective aims lost importance with the proliferation of statistically grounded planning practices, when “development” became a raison-d'être of new international organizations and of new states in the global South. This “depoliticization” made statistical communication an important source of political power.
    • Compter pour planifier : dénombrement de la population et « capitalisme d'État » en Côte d'Ivoire (1954-1967) - Louise Barré p. 109-128 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article démontre comment les méthodologies d'estimation statistique de la population ivoirienne ont été affectées par leur lien avec la mesure de la production et du développement économique. Encouragés par les politiques de planification mises en place après la décolonisation, les statisticiens ont transposé dès 1954 le sondage démographique en Côte d'Ivoire, puis comme base d'estimation démographique pour six enquêtes rurales que l'article analyse. Le contexte et la forme de ces enquêtes éclairent sur la prégnance d'une pensée fonctionnaliste et holiste des sociétés étudiées, tandis que les méthodologies redéfinissent les contours de la population nationale et infèrent une organisation sociale patriarcale.
      Counting for Planning: Numbering the People and “State Capitalism” in Côte d'Ivoire (1954-1967)Counting a national population in the era of the post-independence “developmental state” was not just a matter of numbering citizens. Statisticians deemed colonial and postcolonial census biased. Thus development planners sought new demographic methods which would quickly address their need for an account of economic growth and productivity. Scarce resources and strong international incentives brought European experts to use a sampling technic in newly independent Côte d'Ivoire. Its experimental features allowed a degree of efficiency while its methods imprinted a patriarchal grasp of social organisations.
  • Recherches

    • Du fou rire au rire fou : Analyse historico-anthropologique d'une « épidémie de rire » en Tanzanie - Ines Pasqueron de Fommervault p. 129-151 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le rire est un comportement universel communément associé à la joie. Pourtant, selon les sociétés, il n'a pas partout les mêmes significations, comme en témoigne une curieuse « épidémie » de fou rire qui toucha la Tanzanie en 1962. Perçue par les habitants comme une terrible maladie, elle donna lieu à diverses explications, parmi lesquelles prédomina l'hypothèse de l'hystérie collective. Cet article ne veut pas décrédibiliser cette théorie mais tend à proposer une nouvelle approche qui interroge le fou rire comme un acte interindividuel s'inscrivant dans un contexte socio-culturel et symbolique précis. Bien plus qu'un « fait divers », ce phénomène devient pour l'anthropologue un « fait social total » qui permet de décrypter les formes de sociabilité, les normes et les représentations qu'il sous-tend.
      From Giggles Fit to Mass Hysteria: An Historical and Anthropological Analysis of a Tanzanian Laughter EpidemicsLaughing is a universal behavior commonly associated to happiness, but depending to the society this behavior has multiple meanings as illustrated by the case of the laughter epidemics of 1962 in Tanzania. Perceived by locals as a terrible disease, this laughter crisis induced different explanations. The hypothesis of mass hysteria predominated. This article proposes a new approach questioning laughter as an inter-individual practice included in social, cultural and symbolic context.
  • Conjoncture

    • Proto-guerre et négociations. Le Mozambique en crise, 2013-2016 - Éric Morier-Genoud p. 153-175 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le Mozambique traverse une profonde crise depuis avril 2013 ayant donné lieu à des confrontations armées dans le centre du pays entre les forces armées du gouvernement et la Renamo. Le pays est-il en guerre ? Le sujet fait débat dans le pays. Des négociations ont été ouvertes mais traînent depuis trois ans et l'absence de résolution des tensions à l'origine des violences non seulement prolonge la crise, mais nourrit aussi l'idée que le pays se dirige vers une guerre pleine. Guerre et paix, négociations et conflit armé : que se passe-t-il donc au Mozambique ? L'article vise à identifier les origines et la nature du conflit depuis 2013 et à cerner les dynamiques fondamentales de la crise actuelle afin d'ébaucher des scenarii pour l'avenir. Il développe l'idée que le conflit est une « proto-guerre », limitée géographiquement et militairement. Celle-ci oppose le Frelimo et la Renamo dans une « négociation armée », entre eux mais aussi ensemble contre d'autres acteurs. En effet, tels des « ennemis complémentaires », les deux protagonistes luttent aussi pour conserver leur domination conjointe, contrôler en leur sein l'émergence de nouvelles générations de politiciens et restreindre la croissance rapide d'un nouveau parti d'opposition sur la scène politique nationale.
      Proto-War and Negotiations: Mozambique in Crisis (2013-2016)Mozambique has been experiencing a profound political crisis since April 2013, with armed confrontations between the government armed forces and Renamo in the central part of the country. Is the country at war ? The subject is hotly debated in the country. Negotiations have been taking place for three years, but have dragged on. The lack of resolution of the tensions at the origin of the violence has not only prolonged the crisis, but also fed the idea that the country is heading towards a full war. War and peace, negotiations and armed conflict : what is happening in Mozambique ? The article aims to identify the origins and nature of the conflict and to decipher the fundamental dynamics of the current crisis in order to outline scenarios for the future. The text argues that the conflict is a “proto-war”, geographically and militarily limited, which opposes Frelimo and Renamo in an “armed negotiation” between themselves as well as together against other actors. Indeed just like “complementary enemies”, the two protagonists also fight together to retain their dominance, keep control over the emergence of new generations of politicians within their respective parties, and limit the rapid growth of a new party of opposition on the national political scene.
  • Lectures