Contenu du sommaire
Revue | NECTART |
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Numéro | no 5, 2ème semestre 2017 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Édito
- « Dans la vraie vie »… - Éric Fourreau p. 3-5
L'invité
- « Je vis par curiosité. » - Jean-Claude Carrière, Éric Fourreau p. 11-25
Place des artistes
- « C'est au sein même des pratiques que s'opèrent les changements » - Magali Daniaux, Cédric Pigot p. 26-28
- « L'art est une manière de faire des mondes » - Christophe Rulhes p. 29-31
- « L'art, ce choc en retour… » - Moïse Touré p. 31-32
Enjeux culturels
- Les musées nationaux doivent-ils se délocaliser ? - Jean-Michel Tobelem p. 33-43 Deux logiques distinctes semblent être à l'oeuvre en matière de délocalisation de grands établissements culturels nationaux. L'une – à l'instar de la Tate-Liverpool – vise à servir un vaste bassin de population, sur la base d'un projet singulier émanant du musée lui-même, et à répondre à des besoins locaux pour mieux accomplir la mission de l'établissement national. L'autre, issue d'une commande « politique », développe des projets qui ne répondent pas nécessairement à un besoin culturel identifié localement (bien que la dimension de démocratisation culturelle soit soulignée), mais correspondent davantage à une logique d'image, voire de marque, qui s'efforce de renforcer l'attractivité des villes considérées en direction d'un visitorat principalement touristique. Leur implantation est en effet corrélée à l'attente d'un impact économique significatif. Cette seconde logique peut comporter des facteurs de risque portant sur les aspects suivants : adhésion de la population, élargissement des publics, attractivité touristique, impact économique.D'autres paradigmes que ceux à l'oeuvre dans les projets du centre Pompidou-Metz ou du Louvre-Lens pourraient être mobilisés pour mettre davantage les musées nationaux au service des territoires : enrichissement des collections des musées existants ; partenariats scientifiques avec les conservateurs en région ; itinérance d'expositions temporaires dans plusieurs établissements ; voire création de concepts muséographiques inédits.
- Pourquoi les collectionneurs d'art sont-ils oubliés par les pouvoirs publics ? - Dominique Sagot-Duvauroux p. 44-52 La majorité des collectionneurs français s'impliquent dans la vie artistique, bien au-delà des achats qu'ils réalisent : prêts d'ateliers, production d'oeuvres, accompagnement durable de galeries, ouverture d'espaces d'exposition, prêts ou dons aux institutions. Ces engagements impulsent une économie artistique sur l'ensemble du territoire, avec de nombreux projets, productions, résidences, commandes, expositions. En cette période de rigueur budgétaire, les collectivités publiques ne doivent-elles pas dès lors imaginer des politiques artistiques qui s'appuient davantage sur l'expertise et les initiatives des collectionneurs d'art contemporain ?
- À quoi servent les Fonds régionaux d'art contemporain ? - Michel Berthod p. 54-57 La double vocation des Frac est oxymorique : entre collection publique et fonds de soutien à l'art contemporain, il faut choisir. À vouloir qu'ils soient les deux à la fois, on les condamne à n'être ni l'une ni l'autre.Les confirmer dans la nature de collection publique inaliénable, c'est choisir tout simplement d'en faire des musées d'art contemporain. Il semble plus opportun d'en faire de véritables instruments du soutien au marché de l'art contemporain, et donc à la création : leur donner la possibilité de vendre les oeuvres des artistes qu'ils ont contribué à faire connaître, pour ainsi augmenter les moyens dédiés à l'émergence de nouveaux artistes en attente de reconnaissance.
- La culture scientifique et technique est-elle en train de se faire une place au panthéon de la culture ? - Laurent Chicoineau p. 58-65 Partout en France, l'intérêt pour les activités de partage des savoirs est en pleine croissance, tant du côté de celles et ceux qui réalisent cette médiation que des publics. Comment expliquer cette appétence pour les savoirs, qui peut sembler contradictoire avec le développement en parallèle des « faits alternatifs » ? Au-delà de la reconnaissance institutionnelle, traduite par la publication de la première « stratégie nationale de culture scientifique, technique et industrielle », on observe plusieurs tendances profondes qui pourraient expliquer l'élargissement des publics et des pratiques. D'abord, il y a les mises en récit à plusieurs voix du monde contemporain entre artistes et scientifiques ; ensuite, les pratiques des sciences participatives qui interrogent et démocratisent la construction des savoirs ; enfin, les dynamiques portées par les cultures numériques, tant dans l'évolution des espaces culturels en tiers-lieux qu'avec les réseaux sociaux et les nouveaux formats d'expression.
- Les régions, laboratoires de nouvelles politiques culturelles ? - Emmanuel Négrier p. 66-76 Les régions ont été confortées par la récente réforme territoriale dans la place qu'elles tiennent dans l'action publique. Trois pistes leur sont proposées, autour des droits culturels, des compétences et des modes de gouvernance. Les politiques culturelles régionales se distinguent de celles des autres niveaux d'action publique, et notamment par leur degré, leur intensité, le rôle qu'y jouent les agences, les pratiques de concertation, le rapport à l'État. Sur tous ces points, les choses évoluent de façon différente selon les régions, avec un impact variable des fusions entre anciennes régions et des alternances politiques. Au final, les régions se retrouvent face à plusieurs alternatives : politique transversale ou sectorielle ; démocratisation culturelle ou droits culturels ; politique de filière ou de territoire…
- Les « projets situés », ou les métamorphoses de l'action culturelle - Christophe Blandin-Estournet p. 78-86 La décentralisation et la déconcentration ont modifié en profondeur l'intervention publique de ces trente dernières années. Dans le même temps, la co-construction et le participatif ont envahi le langage et les pratiques du milieu culturel, parmi bien d'autres. Certaines de ces « expressions artistiques innovantes » interrogent la relation à l'art et à la culture au-delà des codes et rites de socialisation communément admis.Plus qu'un effet de mode, c'est une évolution en profondeur qui est en train de se jouer dans la conduite des démarches culturelles, avec les projets situés qui se développent sur tous les territoires. Ils permettent de dépasser des antagonismes qui encombrent le débat sur la démocratisation culturelle : dedans vs dehors, participatif ou non, gratuit vs payant, répartition par genres artistiques, populaire vs savant…
- Les musées nationaux doivent-ils se délocaliser ? - Jean-Michel Tobelem p. 33-43
Transformations artistiques
- Le prêt d'objets : chant du cygne ou renouveau des bibliothèques publiques ? - Nicolas Beudon p. 87-97 Aux États-Unis, mais également en France, de plus en plus de bibliothèques publiques prêtent des objets qui semblent très éloignés de leur mission culturelle : outils, cannes à pêche, machines à coudre, instruments de musique… Il est tentant d'interpréter ce phénomène comme le dernier recours d'une institution agonisante : à l'heure du numérique, alors que de plus en plus de ressources et d'informations sont accessibles directement en ligne, la « re-matérialisation » peut être une issue pour les bibliothèques. Si l'on en reste à ce constat, cependant, on passe à côté de l'essentiel. En effet, le prêt d'objets correspond également à des tendances de fond de notre société : lutte contre le gaspillage et l'obsolescence, dépassement d'une économie basée sur la possession, volonté de mettre en place de nouveaux systèmes de partage et d'échange. Et si les bibliothèques n'étaient pas des institutions ringardes qui cherchent à survivre à tout prix mais constituaient au contraire l'avant-garde d'une nouvelle économie du partage ?
- Les artistes en première ligne du réveil africain - Claudine Dussollier p. 98-107 Si la créativité des artistes africains est souvent célébrée dans des revues spécialisées, sur le terrain les moyens ne suivent pas. Ni les moyens propres à chaque pays, ni ceux engendrés par les dynamiques du marché de l'art. Pour tracer un parcours, nombreux sont ceux qui ne rencontrent aucun appui à travers une école, une institution, une organisation professionnelle.Pourtant, des mouvements renouvellent le champ des esthétiques et modifient activement les rapports des artistes à leur société. Agissant dans le réel – prise en charge de l'éducation artistique des jeunes, projets conciliant les questions de production, d'environnement, d'écologie et des nouvelles technologies –, ils fabriquent de nouveaux archipels transfrontaliers, interconnectant l'Est et l'Ouest, le Nord et le Sud du continent : écritures théâtrales, développement de la danse contemporaine, émergence de nouveaux collectifs à la croisée des arts plastiques et de l'urbain, de la scénographie et du numérique.Compte tenu de la porosité entre engagement politique et parcours artistique, l'implication dans les mouvements de citoyens et la participation au travail de la pensée sont autant de facettes des nombreux activistes issus du rap, du théâtre, de la musique et de la danse. Les artistes africains sont en première ligne dans le combat pour la renaissance du continent.
- La marionnette, un art contemporain ? : (ou comment en finir avec les idées reçues) - Julie Sermon p. 108-116 Les marionnettes jouissent d'un a priori sympathique : elles renvoient tout un chacun à ses joies, souvenirs et jeux d'enfance. Cela a néanmoins un revers : couper la grande majorité des spectateurs adultes de l'extraordinaire vitalité, inventivité et diversité qui caractérise les spectacles de marionnettes contemporains. Après avoir rappelé quels ont été les grands jalons de la reconnaissance institutionnelle des arts de la marionnette depuis les années 1980, cet article se propose de revenir sur les principaux renouvellements et inventions qui ont marqué les formes et les pratiques marionnettiques actuelles.
- Le prêt d'objets : chant du cygne ou renouveau des bibliothèques publiques ? - Nicolas Beudon p. 87-97
Révolution technologique
- Le robot : ceci n'est pas un humain ! - Serge Tisseron p. 117-125 La révolution robotique porte de grands espoirs et des problèmes non moins importants. Nous risquons d'oublier que ces machines sont dirigées par des algorithmes, et connectées en permanence à leurs fabricants. Un autre risque est que certains d'entre nous finissent par croire qu'elles ont « pour de vrai » les émotions qu'elles simuleront à la perfection. Enfin, de la même manière que nos téléphones mobiles nous ont rendus moins tolérants à l'attente, il y a un risque que ces machines nous rendent moins tolérants au caractère imprévisible de l'humain. Mais face à chacun de ces risques, des remèdes existent. Ils sont à la fois législatifs, technologiques et éducatifs.
- Les youtubeurs : les nouveaux influenceurs ! - Divina Frau-Meigs p. 126-136 Le phénomène des youtubeurs est représentatif de la transformation numérique et offre une excellente entrée en matière pour en comprendre les rouages, les opportunités et les risques pour la culture, notamment avec l'exemple des booktubeurs. Il illustre les deux versants de l'économie numérique, qui incorpore les biens relationnels (gratuits et non rivaux) et les biens expérientiels (qui obéissent à la logique de l'usage plus qu'à celle de l'achat).Les youtubeurs apparaissent alors comme des influenceurs par leurs compétences d'« infomédiaires », d'experts dans la gestion de ce type de biens, des influenceurs capables d'inverser la chaîne de valeur de la culture, moins par la prescription que par la médiation et la participation. Cela se manifeste par leur capacité à toucher les « milléniaux » et à bâtir avec eux des communautés de pratique et d'interprétation tout en s'adaptant à une forme de réception nouvelle, celle de la prise à témoin. Ils participent d'une démocratisation de la culture, notamment dans le cas des booktubeurs qui pointent des changements dans les modes de lecture, sans qu'il y ait coupure – mais plutôt suture – entre le papier et le numérique. Ils participent du renouveau de la critique littéraire et peuvent s'inscrire dans des stratégies de partenariat avec les éditeurs visant à toucher un public pour qui les livres sont avant tout une industrie créative, en lien avec d'autres formes narratives longues et sérielles, en prise avec la convergence transmédia.
- Blockchain my heart - Sophian Fanen p. 138-149 Le streaming modifie l'écoute de la musique mais bouleverse aussi de fond en comble son économie. Celleci est largement basée sur l'identification automatisée des oeuvres grâce aux métadonnées, un sujet complexe qui nourrit notamment l'opposition actuelle entre la filière musicale et YouTube. Aujourd'hui, les labels et les auteurs utilisent par défaut la norme d'Apple pour l'organisation de ces données qui permettent la répartition des rémunérations.Mais une nouvelle solution agite depuis quelque temps le petit monde de la musique : la blockchain. Il s'agit d'une base de données en ligne partagée par l'ensemble de ses utilisateurs. Elle est impossible à falsifier par l'un d'entre eux, puisque tous les autres en possèdent une copie au même moment. En outre, elle conserve l'historique de l'intégralité des actions qu'elle a autorisées, qui sont inscrites sur des « blocs » validés formant peu à peu une chaîne.Pour certains, principalement les acteurs indépendants de la musique, la blockchain relance l'espoir d'une émancipation de l'artiste face à un système verrouillé par l'industrie. Mais, en prônant une transparence totale et une mécanisation des rapports économiques, elle pourrait au final enfermer ses acteurs dans un système qu'ils ne contrôlent plus.
- Le robot : ceci n'est pas un humain ! - Serge Tisseron p. 117-125