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Revue | Sociologie du travail |
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Numéro | vol. 59, no 3, juillet-septembre 2017 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- Construire l'État par son milieu. Les transformations du mandat des cadres intermédiaires de l'administration - Olivier Quéré Cet article analyse le travail de production d'une strate dans la hiérarchie administrative, celle de la catégorie dite « A' », située entre les hauts et les petits fonctionnaires. À partir du cas de la formation des attachés dans les Instituts régionaux d'administration (IRA), nous analysons la construction du mandat de ces cadres intermédiaires tel qu'il se trouve projeté sur eux par les hauts fonctionnaires. L'étude de la constitution du programme institutionnel des IRA dans les années 1960 montre que les cadres intermédiaires sont d'abord conçus comme le personnel de renfort de la haute fonction publique. Mais les arrangements cognitifs qui s'ensuivent, en particulier dans les années 2000, donnent à voir l'ambiguïté de leur position et de leur rôle : les enseignements en management interviennent comme une façon de se départir de ce mandat, et de valoriser la figure du « cadre généraliste » contre celle du « technicien ». La variation des échelles dans l'analyse de la formation des attachés permet ainsi de montrer les tensions liées à la division du travail dans la hiérarchie de l'État.This article analyses the social production of one echelon within the French administrative hierarchy, the so-called “A'category”, which consists of middle-ranking civil servants situated at the layer between the higher and lower officials. Studying the training of French “attachés” in the Regional Administration Institutes (IRA), it sheds light on the construction of the role of these mid-level bureaucrats, which is projected on the future “attachés” by senior civil servants. A study of the formation of the IRA in the 1960s shows that middle-ranking officials are seen as facilitators and assistants to the upper echelons of the civil service. However, the cognitive transitions that have followed, in particular in the 2000s, show the ambiguity of their position and of their role: training in management has offered a way to escape from their initial function, and has enhanced the status of the figure of the “generalist” in contrast to the “technician”. The variation in the scales of analysis of the training of attachés reveals the tensions in the division of labour within the state hierarchy.
- Sociologie de la réflexivité dans la relation d'assistance. Le cas de l'urgence sociale - Édouard Gardella Dans les travaux sociologiques problématisant la pauvreté comme une relation d'assistance, il est courant d'analyser les aidants et/ou les aidés. Il est plus rare d'observer leur interdépendance, en considérant de manière systématique les pratiques par lesquelles chacun tient compte des effets de son action sur l'autre — autrement dit, en considérant leur (plus ou moins grande) réflexivité au cours de la relation d'aide. La perspective philosophique du care invitant à problématiser la réception de l'aide, une sociologie de la réflexivité conduit à observer dans quelle mesure les aidants ajustent l'aide au gré de ses réceptions par les aidés. Cet ajustement varie selon la légitimité et le temps accordés à cette réception par les dispositifs d'assistance. Le cas de l'urgence sociale, destinée aux personnes sans abri définies comme des victimes en détresse, est à ce titre intéressant, en ce que l'ajustement de l'aide y est a priori très faible : les sans-abri sont considérés comme peu lucides sur leur état et comme devant être secourus de façon ponctuelle. Pour décrire les formes diverses de réflexivité observables dans les pratiques d'aide aux sans-abri à Paris entre 2005 et 2015, nous combinons méthode idéale-typique et démarche ethnographique pour éclairer des pratiques d'ajustement inattendues dans une relation d'urgence. Cet article caractérise plus généralement le temps de l'aide comme une épreuve de synchronisation entre production et réception de l'aide.In sociological works dealing with the issue of poverty as a relationship of assistance, it is common to analyse the caregivers and/or the care-recipients. It is much more unusual to explore how these actors experience their interdependence, by systematically considering how their practice reflects the effects they have on each other, i.e. by examining the degree of reflectiveness on either side of the care relationship. From the philosophical perspective of care, which prompts consideration of how assistance is received, a reflective care-giver adjusts the help provided to the recipient's experience of care. This adjustment varies according to the legitimacy of the case and the time allocated by the welfare systems to this experience. The case of acute social need, addressed to homeless people identified as victims in distress, is relevant from this analytical perspective. Indeed, the asymmetry in this welfare relationship is in principle very great. To describe the multiple practices of care in Paris between 2005 and 2015, we combine the ideal-type method and the ethnographic approach to highlight unexpected practices of symmetrisation in the care relationship in acute situations. More broadly, this article analyses the period of support as a test of synchronisation between care-givers and care-recipients.
- Des technologies controversées et de leurs alternatives. Le cas des pesticides agricoles en France - Alexis Aulagnier, Frédéric Goulet Dans cet article nous analysons les débats qui se tiennent au sein d'un plan d'action publique visant à identifier des leviers pour réduire la consommation de pesticides dans l'agriculture française. Nous montrons que la définition d'alternatives à cette technologie controversée est le théâtre de mises en concurrence entre différentes solutions candidates. Alors qu'une approche portée par les agronomes en faveur d'une transformation systémique des pratiques agricoles s'impose dans un premier temps, nous analysons les ressorts de l'irruption et du succès d'une approche concurrente, portée notamment par l'industrie des intrants agricoles et fondée sur la mise au point de produits de substitution aux pesticides. Dans le prolongement des travaux abordant la construction des problèmes publics, l'attention portée à la définition des solutions proposées en réponse à ces problèmes invite à s'interroger sur les temporalités dissonantes auxquelles sont soumis les décideurs publics et les acteurs technoscientifiques, et aux difficultés de ces derniers à faire face aux injonctions d'opérationnalisation de leurs travaux.In this article, we analyse the debates taking place within a public policy designed to reduce the consumption of pesticides in French agriculture. We show that the quest for alternatives to this controversial technology is the arena of competition between different potential solutions. Although initially dominated by an approach backed by agronomists in favour of a deep and systemic change in French farming, we show the emergence of a competing solution, backed in particular by the agrochemical industry and focusing on the development of substitute technologies to replace pesticides. In line with academic works that examine the construction of public problems, our focus on the solutions proposed to address these problems raises the question of the disparate timeframes that govern the actions of policymakers and scientists, and the difficulties faced by the latter in dealing with the pressures to make their research relevant.
- « Ça sent bizarre, ici ». La sécurité dans les laboratoires de nano-médecine (France, États-Unis) - Céline Borelle, Jérôme Pélisse Les questions de santé et de sécurité au travail constituent des enjeux grandissants dans les médias et pour l'action publique. Pourtant, elles sont peu abordées dans le domaine de la recherche scientifique, ou plutôt elles sont scrutées au regard des effets des innovations technologiques pour les consommateurs et le public plutôt qu'au niveau du quotidien des chercheurs. Cet article, fondé sur une observation ethnographique dans deux laboratoires de nano-médecine, l'un en France et l'autre aux États-Unis, propose d'analyser la gestion quotidienne de la sécurité au sein de ces lieux de production du savoir scientifique. Partant des risques encore en partie incertains liés à la fabrication de nanoparticules, il montre d'abord comment les pratiques de sécurité, structurées de manière centrale autour de la perception du danger et de savoirs tacites, sont intimement intriquées avec les pratiques scientifiques qui visent à produire des savoirs. De fait, l'importance du bricolage s'accommode difficilement avec une dynamique commune de bureaucratisation de la gestion des risques. L'article montre ensuite comment les pratiques de sécurité en laboratoire s'insèrent dans les hiérarchies professionnelles et structurent l'élaboration des compétences qui organisent la division du travail et l'activité quotidienne des chercheurs, des étudiants aux directeurs de laboratoires.Workplace health and safety is an increasingly important issue in both the media and public policies. Yet it receives little attention in scientific research, or to be more specific, it is in terms of the effects of technological innovations on consumers and the general public rather than in the everyday lives of scientists. Drawing on an ethnographic study of two nano-medicine laboratories, one in France and one in the United States, this article analyses day-to-day safety management in these places of scientific knowledge production. Starting with the still partially uncertain risks involved in the synthesis of nanoparticles, this article first shows how safety practices, mainly structured around the perception of risk and tacit knowledge, are deeply intertwined with scientific practices that aim to produce knowledge. In fact, the importance of tinkering in science is ill suited to the general dynamic of bureaucratisation in risk management. The article goes on to show how laboratory safety practices fit into professional hierarchies and structure the development of the skills that organise the division of labour and the daily activities of researchers, from students to principal investigators.
- Construire l'État par son milieu. Les transformations du mandat des cadres intermédiaires de l'administration - Olivier Quéré
Comptes rendus
- Isabelle Delpla, La justice des gens. Enquête dans la Bosnie des nouvelles après-guerres - Sandrine Lefranc
- Hyacinthe Ravet, L'orchestre au travail. Interactions, négociations, coopérations - Edwige Rémy
- Anne Monjaret et Catherine Pugeault (dir.), Le sexe de l'enquête. Approches sociologiques et anthropologiques - Pauline Seiller
- Milena Doytcheva, Politiques de la diversité. Sociologie des discriminations et des politiques antidiscriminatoires au travail - Hélène Demilly
- Marie-Aline Bloch et Léonie Hénaut, Coordination et parcours. La dynamique du monde sanitaire, social et médico-social - Lucile Hervouet
- Cristina Nizzoli, C'est du propre ! Syndicalisme et travailleurs du « bas de l'échelle » (Marseille et Bologne) - Annalisa Tonarelli
- Maurizio Gribaudi, Paris ville ouvrière. Une histoire occultée, 1789-1848 - Pierre Gilbert
- Sophie Dubuisson-Quellier (dir.), Gouverner les conduites - Jean-Baptiste Comby
- Mariana Heredia, À quoi sert un économiste. Enquête sur les nouvelles technologies de gouvernement - Daniel Benamouzig
- Isabelle Hillenkamp et Jean-Michel Servet (dir.), Le Marché autrement. Marchés réels et Marché fantasmé - Jeanne Lazarus
- Jérôme Aust, Bâtir l'université. Gouverner les implantations universitaires à Lyon (1958-2004) - Éric Verdier
- Nicolas Charles, Enseignement supérieur et justice sociale. Sociologie des expériences étudiantes en Europe - Aurélien Casta
- Stéphane Lembré, Histoire de l'enseignement technique - Aziz Jellab
- Marianne Blanchard, Les écoles supérieures de commerce. Sociohistoire d'une entreprise éducative en France - Gilles Lazuech
- David Grazian, American Zoo: A Sociological Safari - Jérôme Michalon
- Jérôme Michalon, Panser avec les animaux. Sociologie du soin par le contact animalier - Sébastien Mouret