Contenu du sommaire : Corps sexué, corps genré : une géopolitique
Revue | L'Homme et la société |
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Numéro | no 203-204, octobre 2017 |
Titre du numéro | Corps sexué, corps genré : une géopolitique |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Renouveau politique ?! - Michel Kail p. 9-14
In Memoriam
- Pour Miguel - Sophie Wahnich p. 17-20
- Georges Balandier : une figure majeure de l'intelligibilité du politique - Bernard Hours p. 21-23
Corps sexué, corps genré : une géopolitique
- Introduction. Querelles transnationales sur l'oppression et le sexe - Pierre Bras p. 27-32
- Genesis of Psychoanalysis and Feminism/Genèse de Psychanalyse et féminisme - Juliet Mitchell, Catherine Nesci p. 33-38 Juliet Mitchell décrit la genèse de son livre de 1974, Psychanalyse et féminisme. Elle rappelle sa relation avec le mouvement parisien « Psychanalyse et Politique », mais insiste sur le fait qu'elle avait déjà écrit son livre avant de les rencontrer. Elle explique que contrairement à PsychéPo, elle a adopté le travail de Lacan pour entrer dans la vision patriarcale qu'exposaient les théories de Freud. Mitchell dit que sa motivation pour explorer la psychanalyse, c'était sa fascination pour la position anti-freudienne enragée des premières féministes américaines de la fin des années 1960. Elle a découvert que pour saisir quelque chose de l'oppression des femmes, Freud, glosé par Lacan, était bien plus révolutionnaire que les penseurs radicaux plus tardifs. Mitchell explique qu'elle a trouvé dans le travail de Freud ce qu'elle cherchait : une façon de penser la question de l'oppression des femmes.Juliet Mitchell describes the genesis of her 1974 book, Psychoanalysis and Feminism. She recalls her relationship with Paris-based movement “Psychanalyse et Politique”, but insists that she had already written her book when they met. She explains that opposite to PsychéPo, she embraced Lacan's work as a way into the patriarchalism exposed by Freud's theories. Her motivation to explore psychoanalysis was her fascination with the rabid anti-Freud stance of the first American feminists in the second half of the nineteen sixties. Mitchell found that for grasping something of the oppression of women, Freud, glossed by Lacan, was far more revolutionary than later radical thinkers. Mitchell explains that she found in Freud's works what she was looking for – some way we could think about the question of the oppression of women.
- Débattre de la différence des sexes, de la politique et de l'inconscient (texte suivi des observations de Jacqueline Rose) - Juliet Mitchell, Pierre Bras p. 39-70 Juliet Mitchell répond à la lecture que Judith Butler fait de son livre Psychanalyse et féminisme. Dans sa réponse, elle commence par clarifier les termes de la discussion, montrant que l'intérêt de Butler pour l'hétéronormativité diffère de l'intérêt de Mitchell pour l'oppression des femmes. Cela les a conduites à utiliser des termes – plus particulièrement la formule « différence des sexes » –, de manières divergentes, et cela a entraîné confusion et incompréhension. Butler prétend que Mitchell identifie la différence des sexes avec le masculin et le féminin ; Mitchell soutient que ce n'est pas du tout sa perspective. Elle observe que le fait biologique d'être femme et la féminité psychique ne correspondent jamais pleinement. Ayant clarifié la signification et l'importance de parler de la « différence des sexes », Mitchell poursuit son dialogue avec Butler autour de quatre problèmes fondamentaux : la transmission intergénérationnelle de la culture et de l'oppression, la signification et le caractère variable de l'interdit inconscient, la relation entre l'inconscient et le désir, et comment formuler le devoir politique de lutter contre l'oppression des femmes. Observations de Jacqueline Rose Dans sa réponse à la lecture que fait Judith Butler du livre de Juliet Mitchell, Psychanalyse et féminisme, Jacqueline Rose montre que le fait d'avoir un corps donne forme à la construction discursive sur le sexe à travers l'importance du fantasme. Il ne s'agit pas de dire que le fait d'avoir un corps dicte quelles significations une personne donnera à sa vie, mais que la création d'une distinction entre les hommes et les femmes évoquera toujours mais de façon fortuite l'anatomie. Nous ne pouvons donc pas uniquement nous occuper des limites discursives du sexe, mais on doit aussi examiner la variété des fantasmes qui peuvent être produits par l'importance universelle des différences anatomiques pour l'inconscient. S'appuyant sur ses propres recherches pour comprendre la controverse entre Butler et Mitchell, Rose compare la transmission de l'oppression des femmes à la transmission d'un héritage ethnique, remarquant qu'il est dépendant des contingences de la pratique culturelle et des façons contingentes mais plus durables dans lesquelles cet héritage est soutenu par le fantasme.Juliet Mitchell responds to Judith Butler's reading on Mitchell's Psychoanalysis and Feminism. Her reply begins by clarifying the terms of discussion, showing that Butler's interest in heteronormativity differs from Mitchell's own interest in the oppression of women. This has led them to use terms, most significantly “sexual difference,” in diverging ways, and this has caused confusion. Butler alleges that Mitchell identifies sexual difference with masculine and feminine; Mitchell argues that this is not her perspective at all. Mitchell observes that biological femaleness and psychic femininity never fully match up. Having clarified the meaning and significance of the invocation of “sexual difference,” Mitchell goes on to engage dialogue with Butler on four fundamental issues: the intergenerational transmission of culture and oppression, the meaning and variability of unconscious prohibition, the relationship between the unconscious and desire, and how to formulate the political task of contesting the oppression of women. Discussion Paper In her reply to Judith Butler's reading of Juliet Mitchell's Psychoanalysis and Feminism, Jacqueline Rose argues that embodiment shapes the discursive construction of sex through the significance of fantasy. This is not to suggest that embodiment legislates what meanings a person will assign to their life, but that the formation of a distinction between men and women will always but contingently invoke anatomy. We cannot therefore solely attend to the discursive limits of “sex,” but must also examine the variety of fantasies that can be produced by the universal significance of anatomical differences for the human unconscious. Drawing on her own work in making sense of Butler-Mitchell controversy, Rose compares the transmission of the oppression of women to the transmission of an ethnic heritage, noting that it is dependent upon the contingencies of cultural performance and the contingent but more enduring ways in which this heritage is sustained by fantasy.
- Juliet Mitchell répond à Judith Butler. Nietzschéisme, anti-naturalisme, matérialisme - Michel Kail p. 71-84 Juliet Mitchell et Judith Butler se distinguent par leur objet d'analyse respectif : si la première s'intéresse à l'oppression des femmes, la deuxième s'emploie à dénoncer et surmonter la discrimination qui frappe les homosexuel∙le∙s. Ce choix de l'objet d'analyse donne le ton de l'argumentation : alors que Juliet Mitchell propose une analyse matérialiste et insiste sur la spécificité de la lutte des femmes, Judith Butler développe une argumentation de type culturaliste et se satisfait de la multiplication des différences. Pour mieux saisir l'enjeu de ce débat, il m'a semblé intéressant de faire intervenir les arguments développés par Monique Wittig.The main reason why Juliet Mitchell and Judith Butler are in opposition is their very different subject of study: the oppress of women for Juliet Mitchell, the discrimination against the homosexual people for Judith Butler. This first choice determines the viewpoint of the argumentation: the materialist perspective for Mitchell who insists on the specific situation of women and their fight, an culturalist one for Butler who only is concerned for the increasing in the number of differences. To make clear the stake of this opposition, I refer to the so relevant analysis of Monique Wittig.
- Égalité des relations intimes et Soi(s) transparent(s) : reconnaissance juridique du mariage transgenre à Hong Kong - Howard Chiang, Pierre Bras, Michel Kail p. 85-112 En mai 2013, le Tribunal d'appel de Hong Kong a décidé d'autoriser les transsexuel∙le∙s à se marier selon leur genre acquis par réattribution plutôt que selon leur sexe de naissance. Ce jugement qui a fait date, W v the Registrar of marriages, a été considéré par beaucoup comme un événement déterminant pour le mouvement en faveur des droits LGBT dans les communautés sinophones. En examinant minutieusement à la fois les déclarations majoritaires et dissidentes, une analyse critique des paramètres du principe queer dans cette décision montre que l'encadrement libéral des droits au mariage des transgenres engendre ce que j'appelle « les résidus polis de l'hétéronormativité », rendant possible l'avancée de la cause queer en perpétuant certaines formes implicites d'oppression de genre et d'oppression sexuelle. Plus encore, ces résidus – cachés en étant intégrés dans une perspective plus large de progrès politique – dépendent d'une rhétorique de citationalité impériale qui font des superpuissances globales, spécialement la Grande-Bretagne et la Chine, des cadres normatifs de l'autorisation légale.In May 2013, the Court of Final Appeal in Hong Kong ruled in favour of granting transgender individuals the right to marry in their post-transition gender rather than their biological sex at birth. This landmark judgment, W v Registar of Marriages, has been considered by many as an important milestone in the LGBT rights movement in Sinophone communities. In scrutinising both the majority and dissenting statements, a critical analysis of the parameters of queerness in this ruling shows that the liberal framing of transgender marriage rights engenders what I call ‘the polite residuals of heteronormativity', which figures the advancement of queer interest by perpetuating certain implicit forms of gender and sexual oppression. Moreover, theses residuals – concealed within a broader outlook of political progressiveness – were conditional upon a rhetoric of imperial citationality that renders giant global superpowers, especially Britain and China, as the normative frames of legal autorisation.
- Fragmenter le corps, fragmenter les droits - Assumpta Sabuco i Cantó, Salvador Juan p. 113-138 Cet article analyse la fragmentation croissante du corps dans deux domaines : l'esthétique et la maternité. Dans les deux cas, les nouvelles technologies corporelles favorisent des représentations légitimées par le désir individuel et par la forte conviction de leur réalisation. Les procédures de cet enchantement symbolique substituent des corps imaginaires aux corps réels, à partir desquels se centrent et redéfinissent les droits humains. Le nombre croissant d'industries qui opèrent comme par magie introduisent de nouvelles formes de domination. À l'efficacité de ces technologies récentes du genre s'ajoute la transition entre des soins externes et des soins propres allant jusqu'à briser le concept moderne de citoyenneté. Ainsi se redéfinissent des priorités politiques polarisées concernant le corps (droit à la beauté versus droit à la santé, droit du fœtus versus de la mère, droit à la paternité versus maternité de substitution). Les conflits juridiques et les résistances sont décrits comme conséquences directes de ces réductions dans la matérialité corporelle.This article analyzes the increasing fragmentation of the body in two domains: aesthetics and maternity. In both, the new corporeal technologies are fomenting representations legitimized in the individual desire and in the firm belief of its realization. The procedures of this symbolic enchantment replace the real bodies by imaginary bodies, from where to center and redefine human rights. The increasing number of industries that operate magically introduce new forms of domination. To the effectiveness of these recent gender technologies is added the transition from care to self-care, to break the modern concept of citizenship. In this way, priorities are reconcentrated around bodies in ideologically opposed policies (right to beauty vs health, the right of the fetus vs. the mother, the right to paternity vs. surrogacy). Legal conflicts and resistance are outlined as relevant consequences of these reductions in body materiality.
Hors-dossier
- Être visible, devenir invisible et la capacité de voir. L'émigration rom comme événement politique - Petr Kouba, Jan Bierhanzl p. 139-162
Notes critiques
- Geneviève Fraisse à contre-courant - Isabel Morant, Mariana Saad p. 163-188
- Françoise d'Eaubonne, à l'origine de la pensée écoféministe - Caroline Goldblum p. 189-202
- « Le thème est l'authenticité ». Une analyse de Carla Lonzi à travers le processus d'écriture de Vai pure. Dialogo con Pietro Consagra - Linda Bertelli, Marta Equi Pierazzini, Elena Modotto p. 203-232
- Corps et mémoire - Marie Baudry p. 233-248
- Lire Vernon Subutex 1, 2 et 3 de Virginie Despentes : Compte rendu, compte tenu d'un état d'urgence - p. 249-260
- Disparaître pour servir : les nounous ont-elles un corps ? - Alizée Delpierre p. 261-270
- Le terrorisme antiavortement aux États-Unis : Un état des lieux de la désunion sur le corps reproducteur à l'ère de Donald J. Trump - Catherine Nesci p. 271-286
- Heidegger : la question juive - Richard Wolin, Stéphane Domeracki p. 287-314
Comptes rendus
- Comptes rendus - p. 315-326
- Revue des revues - Salvador Juan p. 377-384