Contenu du sommaire : Modèles économiques, usages et pluralisme de l'information en ligne

Le crowdfunding se distingue d'autres modes de financement en ligne en raison du rôle des communautés qui se construisent autour des projets. Rares sont les études qui s'intéressent à l'impact de ces dynamiques participatives sur la qualité des projets finaux produits à l'issue des campagnes. Pour pallier ces lacunes, notre papier s'appuie sur une étude de 40 médias en ligne et de 1200 articles publiés par ces titres, issus des deux principales plateformes de crowdfunding en France (KissKissBanBank et Ulule). Nous montrons que les campagnes de crowdfunding journalistique peuvent avoir un impact ambivalent sur les projets produits ‒ un effet négatif sur la diversité de l'information et un impact positif sur la richesse, la profondeur et la lisibilité de l'information publiée.

Cet article propose d'étudier les logiques qui président au fonctionnement économique, technique et éditorial des services de modération de contenu à travers une recherche originale combinant deux volets : une enquête par entretiens et observation menée entre février et mars 2016 auprès d'un des trois principaux fournisseurs de services de modération aux médias français et une analyse semi-automatisée et comparative d'un échantillon de messages publiés et non publiés par trois sites d'information, portant sur les attentats de novembre 2015 à Paris. Notre travail confronte ainsi la pratique de la modération, encastrée dans un cadre socioéconomique plus large et travaillée par un faisceau de contraintes de natures juridique, technique et industrielle, à la qualité et au pluralisme d'informations qu'elle produit et met à disposition de l'espace public numérique.

En offrant à ses usagers la possibilité de partager librement des contenus d'actualité depuis leur fil d'actualité ou depuis les sites d'information, Twitter contribue à reconfigurer l'équilibre des contenus offerts. Via notre étude sur le partage des articles journalistiques français, nous sommes capables de caractériser de manière globale une tendance majeure de cette reconfiguration : l'offre d'information perd son pluralisme originaire pour se concentrer sur un nombre très restreint de médias. Le passage à travers Twitter permet aux médias qui ont une plus forte réputation et identité de prendre une place majeure dans la structure des partages. Néanmoins, cet effet n'est pas dû exclusivement à la productivité du média (nombre d'articles mis en ligne) et à son stock d'audience acquise (nombre de visites quotidiennes sur son site). Dès lors, pour mieux comprendre tous les facteurs explicatifs de ce phénomène, nous proposons d'analyser les logiques relationnelles des partages sur le réseau socionumérique.

L'article propose une monographie du Groupe Figaro qui, depuis son rachat par Dassault, a pour stratégie de renforcer la marque issue du quotidien papier tout en développant son audience en ligne grâce à de nouvelles thématiques éditoriales. Cette monographie met en lumière les enjeux auxquels sont confrontés les groupes de presse qui cherchent à repenser leurs modèles d'affaires sur Internet, le cas du Groupe Figaro étant emblématique, notamment depuis le rachat de CCM Benchmark. Si l'évolution du modèle d'affaires du groupe lui permet encore de financer une rédaction conséquente, elle s'opère en revanche dans un contexte qui rend plus difficile le maintien du pluralisme en ligne.

Depuis la fin des années 1990, les journalistes web des entreprises de presse ont progressivement intégré les web metrics dans le cadre de leurs missions quotidiennes. Cet article revient sur les mécanismes qui ont conduit depuis 1996 les journalistes de la rédaction en ligne du quotidien belge L'Écho à s'emparer de ces nombres, en observant comment les modèles de revenus privilégiés par l'entreprise pour ses activités en ligne ont pu avoir une influence sur ce processus. En mettant d'abord au jour les modes de négociation des acteurs impliqués dans le processus de « configuration de l'audience », cette étude de cas montre que le passage d'un modèle de revenus basé sur la publicité vers un modèle centré sur l'abonnement va conduire les journalistes web à s'approprier différemment les métriques et à modifier la nature des contenus publiés sur le site.

Apparaissant au milieu des années 1890 dans les travaux de certains physiciens, redéfinissant complètement la nature de l'électricité, l'électron devient l'emblème d'une science dite « moderne », se séparant d'approches désormais qualifiées de « classiques ». Pour une part, les personnages et les collectifs portant ces dernières en France rassemblaient des anciens élèves des écoles d'ingénieurs. Cet article voudrait examiner leurs réactions à la critique intellectuelle et politique que leur adressèrent les partisans de l'électron. Loin de le rejeter, ils le réinterprétèrent pour l'incorporer à leur propre univers symbolique et institutionnel centré sur les théories mathématiques et les instruments de mesure. Ces attitudes prenaient sens dans le paysage plus général de l'électrotechnique telle que les ingénieurs d'État la réorganisaient dans ses savoirs et ses équipements. Mobilisant des imaginaires rationalisateurs, le déploiement des réseaux électriques promettait un futur socialement pacifié et économiquement stabilisé grâce au contrôle exercé par des élites techniciennes garantes du bien commun. Une nouvelle version de l'ancien projet technocratique et industrialiste fut finalement envisagée pour l'électricité. Ni radicale ni conservatrice, mais plutôt progressiste et continuiste, elle marginalisa la portée subversive de l'électron, confinant ses bouleversements éventuels à un avenir lointain et improbable.

En quoi les outils collaboratifs transforment-ils l'organisation du travail ? L'article se fonde sur l'analyse d'une « plateforme de compétences » introduite dans le service de recherche & innovation d'une grande entreprise pour favoriser l'entraide entre les salariés et les mettre en contact pour travailler collectivement. L'analyse montre que ce dispositif semble finalement peu articulé aux modes de coordination existants, mais n'en propose pas non plus d'alternative claire. Cette imprécision génère en retour un certain embarras de la part des utilisateurs, perplexes quant à la manière de se saisir de l'outil, peu enclins à exposer leurs compétences comme leurs besoins d'aide sur la plateforme. Plus encore, l'idée de nouer des liens sans engagement ni encadrement organisationnel suscite une certaine méfiance. Partant de ce constat, l'article montre l'incomplétude de ces outils prônant de nouvelles formes de régulations, de coordination et de confiance dans les organisations sans créer les conditions de leur réalisation.