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On considère généralement que c'est dans la cité tardo-médiévale que serait né le souci du Bien Commun, et que c'est là qu'un esprit civique aurait émergé, dans une forme spécifiquement pré-moderne, jusqu'à constituer une sorte de religion civique. Mais ces théories rebattues se vérifient-elles en pratique ? Le lien qui unissait les bourgeois à la communauté urbaine était-il vraiment aussi étroit que cela ? L'« esprit civique » n'est-il pas plutôt le produit de l'imagination des historiens au tournant du XXe siècle, et constamment répété depuis ? Ces questions sont au cœur du présent article.

À la fin du Moyen Âge, l'exaltation de l'identité urbaine fut avant tout l'apanage du clergé séculier des cathédrales et collégiales. L'étude s'intéresse au rôle joué par les couvents franciscains dans ce processus, particulièrement dans le contexte des réformes observantes, qui étaient hostiles aux donations pieuses. L'un des moyens importants fut le culte de la Passion et corrélativement les fondations de Saint-Sépulcre et des premiers chemins de croix sur le territoire de la cité. Deux études de cas, Romans et Görlitz, sont analysées afin de comparer les modalités de sacralisation de l'espace et de contrôle des conseils de ville sur la vie religieuse, contrôle qui était plus étroit en Allemagne qu'en France.

En partant du concept de « domination fondée sur le consensus », l'article s'interroge sur le rôle que jouaient les pratiques religieuses des élites bourgeoises pour faire accepter leur domination et la fabrication d'un consensus dans la ville. Au centre de cette analyse se trouvent les grandes fondations des membres du conseil aux églises et couvents, fondations par lesquelles ils affichaient leur piété et leur souci du salut de la cité. Les pratiques de fondation des conseillers étaient essentielles pour la conservation des structures de pouvoir communales, dans la mesure où cette forme de représentation fondait autant qu'elle confirmait les distinctions sur lesquelles reposait l'ordre social dans la cité. Dans cette perspective, la mise en avant du conseil comme porteur légitime de la domination bourgeoise se présente comme un jeu d'intégration et de distinction.

Les fondations pieuses du Moyen Âge étaient des institutions d'une grande complexité ; leurs dimensions, leurs motivations et leurs effets sont l'objet d'intenses discussions chez les spécialistes. Leurs analyses insistent le plus souvent sur les aspects religieux, en particulier la place des fondations dans l'économie du salut, sur les stratégies sociales des fondateurs, ainsi que sur les aspects économiques comme la mainmorte. Ces travaux empiriques sont inspirés par une discussion théorique qui interprète la transformation de biens matériels en d'autres formes de capital. Mais les recherches sur les fondations ont moins attiré l'attention sur le fait que les fondations n'étaient pas seulement des pratiques sociales, mais qu'elles étaient également reprises dans les médias historiographiques. La dynamique propre qui y est parfois possible est ici analysée avec l'exemple d'un livre de famille de l'élite urbaine de Nuremberg, le Grand livre des Tucher (vers 1590). Comme cette œuvre fut réalisée après la Réforme, les motivations religieuses qui animaient les fondateurs n'y sont pas mises en avant ; dans cette famille désormais luthérienne, les fondations sont présentées comme monuments, ou héritage, du lignage. L'article propose d'interpréter ce texte comme une forme de religion civique.

Les études consacrées au rôle des institutions urbaines dans la vie religieuse des citadins insistent surtout sur ses manifestations collectives, comme les processions ou les messes commémorant des grands moments de l'histoire de la ville. Cet article propose au contraire de se pencher sur les pratiques individuelles de piété des habitants de Ratisbonne aux XIVe et XVe siècles. On constate alors que le Conseil de ville protégeait les fondations pieuses de ses bourgeois, mais aussi qu'il s'efforçait de les limiter, enfin qu'il savait les orienter au profit des institutions ecclésiastiques dont il était proche. Et, de fait, les donations des bourgeois à la cité prouvent que le Conseil avait réussi à imposer une identité religieuse commune à la ville, dont il se présentait comme le pivot.

La fondation de la Fuggerei, un lotissement pour pauvres à Augsbourg, par Jakob Fugger en 1 5 1 4, était une réaction au discours ambiant sur le Bien Commun et les personnes qui étaient censées le mettre à mal : d'un côté les riches marchands et leurs compagnies de commerce, de l'autre ces « mendiants forts » (starke Bettler), qu'on soupçonnait de demander la charité alors qu'ils auraient été tout à fait capables de travailler. C'est pourquoi Fugger n'acceptait dans sa fondation que des pauvres exerçant un travail, et donc honorables, les seuls à pouvoir légitimement solliciter de l'aide, par opposition aux mendiants. Mais la Fuggerei ne donnait pas seulement un toit à ces indigents, elle remplissait également une fonction de contrôle social. Ainsi, son architecture comme la disposition spatiale de ses rues et bâtiments rendaient impossible tout comportement déshonorant, tel que la boisson, le jeu ou la luxure. De cette manière, elle représentait pauvres et marchands honorables agissant de concert en parfaite harmonie avec les valeurs politiques fondatrices de la société urbaine.

Cet article étudie les opérations de résorption de bidonvilles menées à Saint-Denis, en banlieue nord de Paris, de la fin des années 1960 au début des années 1970. Ces opérations d'urbanisme ont donné lieu à un important programme de construction de logements sociaux et ont rendu nécessaire le relogement de nombreuses familles d'immigrants installées dans ces bidonvilles. À ce titre, leur étude permet d'interroger un moment décisif de redéfinition de la place des « immigrés » dans une ville ouvrière historiquement peuplée par migrations successives. Cet article rend compte des importantes difficultés pratiques qui furent rencontrées. Il analyse les prises de position de la municipalité communiste en cherchant à les replacer dans le contexte de profondes évolutions sociales et politiques, ainsi que les interactions complexes entretenues avec les différents acteurs institutionnels impliqués dans cette politique urbaine.