Contenu du sommaire : Villes en crise au Moyen Âge

Le but de l'introduction du présent dossier est triple : proposer un bilan historiographique en histoire économique et financière centré sur la fin du Moyen Âge et le début de la période moderne ; dégager par là-même les principales problématiques et directions de recherche en la matière ; et enfin présenter les résultats les plus importants des articles constituant le dossier. De tout ceci, il apparaît qu'une véritable cohérence unit les derniers siècles de la période médiévale aux Temps modernes, caractérisés par une véritable « économie d'Ancien Régime » (Jean-Yves Grenier), qui ne fonctionne pas de façon indépendante des pouvoirs politiques. Ces derniers, quelles que soient les zones géographiques étudiées, interviennent diversement sur les finances et l'économie, et la portée de ces interventions se mesure à l'aune de l'unité ou des fractures qui parcourent le corps social.

La Prusse traversa, dans la première moitié du XVe siècle, une série de crises économiques et politiques qui s'alimentèrent réciproquement. À une dépression agraire et à un ralentissement commercial s'ajoutèrent les conséquences des guerres menées par les Teutoniques et les tensions croissantes entre le souverain et la société prussienne. Pour faire face aux pénuries et assurer la subsistance des populations urbaines, les autorités des grandes villes prussiennes prirent un ensemble de mesures visant à réguler le marché et, dans les cas les plus graves, à aider les citadins les plus touchés. Ces municipalités hanséatiques tentèrent également de se concerter et d'apporter des réponses collectives aux problèmes rencontrés. En étendant leurs compétences, en accroissant leurs revenus et en bénéficiant des difficultés des Teutoniques, les communes prussiennes profitèrent de cette période critique pour renforcer leur pouvoir.

Grenade face á la crise financière castillane (1504-1508) L'étude se situe pendant la profonde crise économique, politique, sociale et démographique qui se déclencha en Castille à la mort d'Isabelle la Catholique. Prenant comme observatoire privilégié Grenade, une des villes les plus importantes de la Couronne de Castille (étant donné qu'elle procurait des ressources élevées à la monarchie) et qui possédait toute une série de particularités et de spécificités qui la rendaient pour le moins spéciale, nous tenterons de réaliser une première approche du grand déséquilibre fiscal et financier que provoqua la dite crise. La question successorale qui se posa au début du XVIe siècle affecta pleinement les finances royales par les troubles qu'elle provoqua dans l'ensemble de la Couronne de Castille. Grenade, non seulement ne fut pas une exception, mais la crise la frappa violemment car dans la région confluait une série d'éléments qui la rendaient particulièrement vulnérable. Elle dépendait presque entièrement des finances royales pour sa survie, la population mixte qui y vivait (chrétiens et musulmans) la plaçait dans une situation d'équilibre très précaire, ses principales structures (administratives, institutionnelles, financières, etc.) n'étaient pas encore achevées et le nombre de judéo-conversos qui maniaient le négoce fiscal grenadin étaient élevé ; autant de facteurs qui plaçaient la ville dans une situation de faiblesse particulière face à la crise. L'action du Saint Office, particulièrement féroce à Grenade durant cette période, la famine, la cherté et la peste qui touchaient tout le territoire castillan, l'instabilité politique qui régnait alors en Castille, l'absence d'un pouvoir fort et respecté et la multiplicité des ordres qu'aussi bien le parti de Ferdinand que celui de Philippe émettaient simultanément, provoquèrent dans la ville de sérieuses difficultés financières. Ce travail essaie d'approfondir de quelle façon furent paralysés les mécanismes de perception et de recouvrement, comment la saisie de rentes par le Comte de Tendilla affecta les structures grenadines, quels éléments occasionnèrent la désarticulation du système fiscal grenadin et quelles furent les conséquences de cette crise.

Le clerc d'Anvers et chroniqueur brabançon, Jan van Boendale (1290-1351) décrit le règne du duc Jean II (1294-1312) comme marqué par trois fractures surprenantes et déplorables : – le monopole politique des élites urbaines lignagères est menacé par le Commun ; – des usurpateurs s'emparent de l'identité de trois nobles combattants, décédés à la bataille de Courtrai, ils paradent dans la région de Tournai dans les Pays-Bas ; – une troupe de misérables improvise une croisade dépourvue de toute légitimité et, traversant le Brabant, s'en prennent aux communautés juives de la principauté. Derrière la crise funeste des valeurs établies qu'en déduit le chroniqueur, apparaissent les failles d'une société tout entière. Celle-ci témoigne de son épuisement fiscal, des manœuvres politiques et commerciales des grands marchands, défendant fermement leur domination sur les villes, enfin de l'insoutenable vulnérabilité de la masse des travailleurs subalternes des ateliers urbains. Les villes du Brabant entament leur longue marche vers la remise en cause de leur système de gouvernement.

L'historiographie des années 1970-1980 s'est beaucoup intéressée à « la crise de la fin du Moyen Âge » et l'a envisagée comme une crise systémique qui frappait tous les secteurs de la vie humaine et aboutissait même à une crise de la civilisation. Mais à trop vouloir donner une unité dépressive aux XIVe et XVe siècles, ce courant a négligé d'observer les différences de rythme de cette crise selon les années, les lieux et les secteurs, de même que les effets d'aubaine qu'elle peut aussi porter en elle. Envisager la crise à l'échelle locale permet de cerner les rythmes discordants entre crise générale et crise locale. Le cas parisien est un observatoire privilégié puisque son statut de capitale place la ville au cœur de la crise politico-économique de la fin du Moyen Âge, tandis que d'abondantes sources foncières permettent de suivre assez précisément les prix de l'immobilier qui paraît être un bon indicateur de la réalité de la crise. Cela permet de montrer que la crise générale frappe la capitale de manière différente selon les époques et peut même parfois lui profiter, en particulier au XIVe siècle.

Confronté aux défis massifs de la croissance de la mobilité liée au phénomène de métropolisation, en 1910, la Ville de Paris remettait légalement en jeu le système d'exploitation de ses réseaux de surface de transports en commun. Alors que la révolution du métro était en cours, la compagnie titulaire de l'ancien contrat pour les omnibus fut sommée de moderniser son matériel et d'adopter la traction automobile. Dans la ville qui venait d'inventer l'ensemble des usages de l'automobilisme, ce choix fait par les pouvoirs publics relayés par les entreprises privées permit des conquêtes modales qui demeurèrent valables près d'un siècle. Cet article, au travers d'une monographie exemplaire, explore les conditions concrètes qui ont permis politiquement à l'automobilisme de s'imposer dans les sociétés occidentales.

Cet article introduit les principaux questionnements qui ont été abordés lors d'une journée d'étude organisée le 6 décembre 2011 par le Centre de recherches Espaces Sociétés Cultures, sur le thème « enseignement supérieur, recherche et collectivités locales ». Il s'agit ici de mettre en perspective la manière dont la recherche urbaine a traité le processus de territorialisation des universités depuis une trentaine d'années. Le développement sans précédent des implantations universitaires dans les années 1960-1970 puis dans les années 1990 constitue de facto les universités en question urbaine. Cette question se décline sous l'angle de l'aménagement des centres ou des périphéries urbaines mais aussi sous l'angle politique des rapports avec les collectivités politiques concernées. Les transformations institutionnelles récentes (politique des PRES, développement des intercommunalités) font émerger la figure de l'université partenaire ou productrice de territoire.

Cet article présente les premiers résultats d'une recherche consacrée à l'étude des parcours de musiciens étrangers présents dans la ville de Rome qui figure parmi les principales capitales musicales européennes. La méthodologie adoptée vise à documenter l'expérience des musiciens ayant décidé de se rendre à Rome à un moment donné de leur carrière. L'exploitation systématique des Stati delle Anime (États des âmes) a permis l'identification d'une cohorte de musiciens d'origine étrangère exerçant à Rome au milieu du XVIIIe siècle. En croisant les informations contenues dans divers documents d'archives (registres de sépulture, registres de mariage, archives d'institutions musicales, actes notariés...), il a été possible d'éclairer le parcours social et professionnel de quelques-uns de ces musiciens dans le tissu urbain romain.